Lrtvintoti X) S fc 3 EL
3«scuc* .A é>Î)4"
Digitized by the Internet Archive
in 2016
https://archive.org/details/adhramoutetlescoOOberg
LE HADHRAMOUT
«
ET LES
COLONIES ARABES
DANS
L’ARCHIPEL INDIEN
L. W. C. VAN DEN 13 Eli G
OUVRAGE PUBLIÉ PAR ORDRE DU GOUVERNEMENT
BATAVIA
IMPRIMERIE DU GOUVERNEMENT
1886
• LE HADHRAMOUT
ET LES
COLONIES ARABES
DANS
L’ARCHIPEL INDIEN.
LE HADHRAMOUT
ET LES
DANS
L’AllCHIPEL INDIEN •
PAR
v/
L. W. C. VAN DEN BERG
OUVRAGE PUBLIÉ PAR ORDRE DU GOUVERNEMENT
BATAVIA
IMPRIMERIE DU GOUVERNEMENT
J
Il y a environ deux ans et demi, S. E. le Gouverneur-Général
des Indes orientales hollandaises m’a chargé de lui faire un rapport
sur les Arabes établis dans l’Archipel indien. L’ouvrage qu’on va lire
contient les résultats scientifiques des recherches faites en conséquence
de cet ordre. Ces résultats m’ont paru assez intéressants pour 'être
publiés dans une langue plus répandue que le hollandais.
Batavia, 1 novembre 1886.
L. W. C. VAN DEN BERG.
TABLE DES MATIÈRES.
PAGE
Introduction I
PREMIÈRE PARTIE.
La patrie des Arabes établis dans l’Archipel indien.
Chapitre I. Géographie du Hadliramout 9
§ 1. Aperçu général 9
§ 2. Voyages en Hadliramout 17
Chapitre II. Population et gouvernement en Hadliramout 32
Chapitre 111. Origine et division actuelle des habitants du Hadliramout 48
Chapitre IV. Vie publique et privée en Hadliramout G2
§ 1. Aspect des villes et des maisons G2
g 2. Nourriture G7
g 3. Domestiques et esclaves 69
g 4. Valeur de l’argent 71
g 5. Commerce, industrie, agriculture, chasse, etc 73
g G. Culte 82
g 7. Sciences et arts 8G
g 8. Les Sayyid 93
g 9. Position sociale des femmes 9G
g 10. Costume 98
DEUXIÈME PARTIE.
Les Arabes dans l’Archipel indien.
Chapitre 1. Origine et état actuel des colonies arabes 104
Chapitre IL Caractère des immigrants arabes 123
Chapitre III. Moyens de subsistance 134
VIII
page
Chapitre IV. Culte et instruction 159
Chapitre V. Opinions et aspirations politiques , 173
Chapitre VI. Différence entre les Arabes dans l'Archipel indien et ceux en Hadhramout. 18-1
Chapitre VII. Influence sur la population indigène 192
§ 1. Influence politique., 192
§ 2. Influence économique, sociale et religieuse 204
Chapitre Mil. Métis arabes 213
TROISIÈME PARTIE.
L’arabe parlé en Hadhramout et dans l’Archipel indien.
Chapitre I. Caractère général 231
Chapitre 11. Observations grammaticales et lexicologiques 238
Chapitre III. Lettres écrites par des Arabes du Hadhramout 202
Corrections 291
ANNEXES. x
Carte du Hadhramout.
Planche: I. Vue dans la ville d’al-Ghorfah.
» IL Maisons en Hadhramout.
III. Châteaux en Hadhramout.
» VI. Réservoir et mosquée en Hadhramout.
V. Costumes d’hommes en Hadhramout-.
» VI. Costumes de femmes en Hadhramout.
» VIL Costumes d’Arabes dans l’Archipel indien.
Arbre généalogique des Arabes qui ont introduit l'Islamisme dans l*île de Java.
INTRODUCTION.
Les Arabes ( ’Arabî plur. ’Arab ) (* *) actuellement établis dans
l’Archipel indien, sont à peu près tous originaires du Hadhramout.
C’est une exception de rencontrer parmi eux des gens venus de
Mascate, des bords du Golfe persique, du Yémen, du Hidjaz (2), de
l’Egypte ou de la côte septentrionale de l’Afrique. Les Arabes en
nombre restreint, qui de tous ces pays arrivent dans l’Archipel indien,
n’y fixent que rarement leur domicile, et s’ils viennent à le faire, ils
ne tardent pas à s’absorber dans la foule des Arabes du Hadhramout.
La plupart sont des vagabonds, tout au plus des aventuriers qui,
dans peu de temps, disparaissent comme ils sont venus (3).
Parmi ces oiseaux de passage ceux de la Mecque méritent une
mention spéciale. Ils sont relativement les plus nombreux ; chaque
année il en arrive à Singapour environ une trentaine, qui de là se
rendent par préférence dans l’intérieur de la presqu’île de Malacca et
les états indigènes, vassaux du Gouvernement hollandais. Or, dans les
parties de l’Archipel indien placées sous l’administration directe des
autorités hollandaises, on refuse l’admission à tout étranger n’ayant
pas de moyens de subsistance ou une profession reconnue, condition
à laquelle ils ne peuvent guère satisfaire. A quelques exceptions près,
(*) Dans le cours de cel ouvrage je donnerai le pluriel des mots arabes, au cas que
celui-ci offre une particularité du dialecte parlé en Hadhramout ou dans l'Archipel indien.
(*) 11 parait qu’en Hadhramout ou appelle le Hidjàz ordinairement „Châm", c’est-à-dire
,,la Syrie”.
(*) 11 y a deux années, on a même vu arriver à Singapour et à Batavia quelques
vagabonds arabes des environs de Jérusalem. Ils professaient la religion catholique.
i
l
2
ils appartiennent à la partie la moins respectable de la société de la
Mecque, et leur arrivée n’a d’autre but que de demander la charité
sous une forme ou une autre, à moins qu’elle n’ait rapport au
pèlerinage. Souvent les deux buts se combinent.
Quelques-uns parmi eux portent des décorations ou des médailles
militaires de la Sublime Porte: % ceux-ci font les choses en grands
seigneurs. Sous prétexte d’uue mission quasi-officielle pour faire une
quête au profit des pieuses fondations à la Mecque ou à Médine, ils
tâchent de s’insinuer chez les princes ou les chefs indigènes. Si
ceux-ci désirent aller en pèlerinage, ou qu’ils veuillent s’en acquitter
par procuration, c’est à un d’eux qu’ils s’adressent ordinairement
pour • s’en servir comme guide et interprète, ou pour le charger du
pèlerinage médité, naturellement moyennant une récompense. Cependant,
il va sans dire que la plupart des Arabes venus de la Mecque n’ont
pas une clientèle aussi distinguée; mais ils n’en font pas moins de
bonnes affaires. Car les indigènes qui désirent se rendre à la Mecque,
font généralement le voyage par troupes de 50 à 400 individus sous
la conduite d’un agent de pèlerins, qu’ils appellent leur Chaikh (’).
Celui-ci se charge de leur transport et de leur logement; il leur
donne les instructions nécessaires relativement aux cérémonies du
pèlerinage, et n’oublie jamais de dépouiller ses clients par tous les
moyens possible, mais toujours sous quelque prétexte religieux ou
légal. Pour se faire admettre dans les parties de l’Archipel indien
placées sous l’administration directe des autorités hollandaises, les
agents de pèlerins se disent souvent marchands forains; ils apportent
une petite pacotille consistant en drogues, essence de roses, pierres
fausses, chapelets, amulettes, eau de la fontaine sacrée de Zam-Zam
et autres objets de piété. Leur commerce cependant n’est presque
(’) Souvent le Chaikh lui-même reste à la Mecque, mais envoie dans l'Archipel indien
son badal ou fondé de pouvoir.
I
5
jamais de nature à légitimer en soi le voyage coûteux qu’ils font, et,
en tout cas, aucun d’entre eux ne s’établit dans l’Archipel indien
comme négociant en gros.
Les agents de pèlerins, quoique nés à la Mecque, sont du reste
rarement des Arabes d’origine ('). Il paraît que, depuis des siècles, la
population de cette ville s’est tellement mêlée à des pèlerins étrangers,
qu’on y rencontre relativement peu de personnes qui puissent être
considérées comme appartenant encore à la race arabe. Il n’y a que
quelques familles aristocratiques, qui ont su conserver leur caractère
national (2). Il s’entend que l’idiome, parlé à la Mecque, s’est
ressenti de cette invasion d’éléments étrangers, et plusieurs Arabes
du Hadhramout m’ont assuré que l’idiome des Bédouins d’alentour
avait beaucoup plus de ressemblance avec le leur, que la langue
parlée par le bas-peuple à la Mecque elle-même.
Il résulte de ce qui précède que, dans l’ouvrage qu’on va lire, je
puis me borner presque exclusivement aux Arabes originaires du
Hadhramout, les autres n’ayant exercé jusqu’ici aucune influence
ethnologique ou linguistique sur le caractère des colonies arabes dans
l’Archipel indien. Ce n’est qu’au point de vue politique qu’ils méritent
quelque attention; mais cela n’empêche pas que ce ne soit toujours le
Hadhramout et ses habitants qu’on doit avoir en vue, quand on parle
en général des Arabes dans l’Archipel indien et de leur patrie. Or il
arrive que le Hadhramout est une des parties les moins connues de
l’Arabie. Aucun voyageur européen n’a encore parcouru le pays en
(* *) Quelquefois même la Mecque n'est pas leur ville natale; ils y ont fixé seulement
leur domicile.
(*) Dans toutes les années que j'ai résidé à Batavia, je ne me rappelle y avoir vu
arriver qu'un seul personnage distingué de la Mecque. C'était un membre de la famille des
Banou Chaibah qui, en 1878, venait dans l’Archipel indien pour des raisons de famille.
Une de ses femmes était la fille d’un chef indigène de l’ile de Sumatra, qui avait habité la
Mecque. On sait que les Banou Chaibah appartiennent à la tribu de Qoraich, et qu'ils
sont les garde-clefs héréditaires de la Kalwh ou sanctuaire.
son entier; d’une exploration scientifique, il n’en a jamais été question,
et de l’idiome qu’on y parle, aucun arabisant ne s’en est occupé
jusqu’ici. Exception laite du littoral, on peut dire en outre que uos
cartes du Hadhramout ne méritent aucune confiance.
Sans avoir la prétention que mon livre ira combler entièrement
cette lacune dans la science, on verra néanmoins dans les pages qui
vont suivre, que, sans quitter l’Archipel indien, j’ai pu me renseigner
sur le Hadhramout d’une manière assez précise. Je crois pouvoir
me fier à mes renseignements, vu que je ne les tiens pas d’un seul,
v
mais d’un grand nombre d’Arabes qui, pour la plupart, répondaient
à mes questions sans avoir pu se consulter entre eux. Il en résultait
que les réponses de l’un fournissaient en même temps un moyen de
contrôle de celles des autres. De cette façon, tout ce qu’on m’a
raconté a été soumis à une critique aussi sévère que possible.
Cependant, n’ayant pas visité le Hadhramout, ce que je vais écrire
sur ce pays n’est, en tout cas, qu’une information de seconde main.
Relata refera. 11 n’y a que les chapitres relatifs aux Arabes dans
l’Archipel indien, qui contiennent les résultats de mes observations
personnelles.
Je ferai précéder la description des colonies arabes dans l’Archipel
indien, de celle du Hadhramout et de ses habitants, attendu qu’il
est beaucoup plus aisé de se rendre compte des particularités qui
distinguent les Arabes «à l’étranger, quand on connaît l’état des choses
dans leur patrie.”
Je viens de signaler l’insuffisance de nos notions sur le Hadhramout.
Pour faire ressortir tout l’intérêt de mes recherches, je veux
ajouter que, hormis quelques renseignements trouvés dans les
v
géographes arabes du moyen-âge (*), nous ne savons de l’intérieur
(*) Un aperçu de ces renseignements est donné dans l’ouvrage de Ritter : Erdkunde, Tome XI,
et par M. de Gocje dans la Revue coloniale internationale, Tome 11 (1886), p. 101 et s.
5
l
du pays et de ses habitants que ce que nous en disent Niebuhr,
Wellsted, Fresnel et de Wrede. Niebuhr, pendant son séjour dans
le Yémen, en 1763, a rencontré quelques Arabes du Hadhramout,
et a publié, dans sa Description de l’Arabie (‘), les récits qu’ils
lui ont laits. L’officier de la marine anglaise Wellsted visita, en
1835 et les années suivantes, les côtes du Hadhramout, et a pu
noter les noms des principales villes de l’intérieur (2). De même
Fresnel, lors de son séjour à Djuddah, s’est informé de l’état des
choses dans le Hadhramout (3), mais d’une manière très-superficielle.
Enfin de Wrede, en 1845, a visité la vallée de Dou’an et les vallées
adjacentes; mais il n’a pu pousser son voyage au-delà de Hawrah.
Son journal n’a été publié qu’en 1875 par M. le Baron de
Maltzan (4).
On sait que les opinions des géographes étaient d’abord fort
partagées sur la valeur de ce journal. Quelques-uns, et parmi eux
le célèbre Alexandre de Humboldt, prenaient de Wrede tout bonnement
pour un imposteur, qui n’avait jamais mis le pied dans le pays
dont il donnait la description. D’autres savants sont d’une opinion
toul-à-fait contraire et pleins d’éloges pour l’intrépide voyageur,
dont le mérite a été si injustement méconnu. Quant à moi, je puis
affirmer que de Wrede a réellement visité le Hadhramout, car j’ai
parlé à un Arabe ayant été témoin de la mésaventure qui le força
de retourner (5). D’un autre côté, je crois qu’il n’a pas écrit son (*)
(*) Pag. 269 — 280 de l’édition hollandaise.
(J) V. ses deux monographies: Travels in Arabia, et Travels to the City of the Caliphs.
(3) Journal asiatique. Troisième Série, Tome V (1838), pag. 509 et 510.
O Adolph von Wrede’s Reise in Hadhramaut, Beled Beny ’Yssà und Beled el-Hadschar,
herausgegeben von H. Freiherrn von Maltzan.
(5) M. ’Abd Allah bin Ahmad bin Sunkar, actuellement domicilié à Tegal. Il est
natif de Hainin, et arriva dans l'Archipel indien en 1845. Il m’a raconté avoir visité la
vallée de Dou'an, quelque temps avant de quitter le Hadhramout, et il se rappelait encore
fort bien avoir vu, dans une des villes, un étranger, portant le nom de ’Abd Houd, poursuivi
par la populace, jusqu’à ce que le chef de la ville le fit arrêter. Cet homme, me dit-il,
6
journal pendant son voyage; niais je tiens pour sur qu’il l’a fait,
étant rentré chez lui, et d’après ses réminiscences. Le journal en
question contient en elfet plusieurs détails exacts; mais on ne peut
nier que de Wrede ne commette des erreurs guère possibles de la
part de quelqu’un ayant pris des notes sur les lieux mêmes.
Je ne crois pas à propos de signaler, dans le cours de mon
ouvrage, les points de différence entre les résultats de mes recherches
et ce que de Wrede ou d’autres Européens nous apprennent sur le
Hadhramout. C’est ce que je dois laisser au lecteur. Si je voudrais
entrer dans une polémique, mon livre ne répondrait plus au luit que
je me suis proposé. La seule chose que je puisse affirmer, c’est que
les points de différence dont je viens de parler, ont été de ma part
l’objet d’un examen scrupuleux.
Pour terminer la liste de ce qui a été publié sur le Hadhramout,
il me reste à mentionner une notice insérée dans le journal arabe
al-Djawâïb (*) du 18 Rabi’ al-Awwal 1299 (8 Février 1882), et qui
semble avoir échappé à rattention des géographes en Europe. Plusieurs
Arabes m’ont affirmé qu’un officier européen, probablement anglais,
«
a visité Saioun il y a quelques années, chargé d’une mission auprès
du Sultan de cette ville. Ils me racontaient même l’avoir vu se
promener dans les rues avec le Sultan; quoi qu’il en soit, un récit
de ce voyage n’a, que je sache, paru nulle part.
J’ai recueilli le plus grand nombre de mes renseignements sur le
Hadhramout à Batavia, où j’avais chaque jour l’occasion de parler à
des Arabes ayant quitté leur patrie depuis peu de temps. Pour les
renseignements qui dépassaient les notions du vulgaire, je dois beaucoup
était fou, et avait causé l'émeute par ses manières et ses actes étranges. Le nom de
’Abd Houd que de Wrede avait adopté afin de se faire passer pour Musulman, n’est
porté par personne en Hadhramout. Par conséquent, il est presque impossible que mon
interlocuteur parlât d'un autre que de lui.
(’) Paraissant alors à Constantinople, mais supprimé depuis par la Sublime Porte.
7
à M. Mohammad hin Hasan Bàbahîr, actuellement chef de la colonie
arabe à Batavia. Sans son zèle éclairé, ma tâche aurait été beaucoup
plus difficile; il m’a toujours averti de l’arrivée d’individus qui
pouvaient m’être utiles; en outre son influence a déterminé plusieurs
de ses compatriotes à me fournir les renseignements dont j’avais
besoin. Ces renseignements, recueillis à Batavia, ont été complétés
et contrôlés dans un voyage que j’ai fait dans le but de visiter
les principales colonies arabes de l’Archipel indien; les statistiques
m’ont été fournies par les autorités locales, et enfin j’ai trouvé dans
les archives du Gouvernement, à Batavia, plusieurs rapports des plus
intéressants concernant le rôle politique que les Arabes ont joué dans
cette partie du monde.
Quant à la carte du Hadhramout, elle a été dressée de la manière
suivante. Un croquis composé par M. le Sayyid ’Ulhmàn bin ’Abd
Allah bin Yahyâ (1), savant arabe, dont je parlerai encore plusieurs
fois dans le cours de mon ouvrage, a été mon point de départ.
Ce croquis cependant ne m’a servi que pour obtenir une idée
superficielle de l’intérieur du pays, pour les noms géographiques,
etc. Le Sayyid l’avait composé sans se rendre compte des distances
entre les localités respectives. J’ai dû par conséquent corriger, ou
plutôt refondre son travail, pour ce qui concerne la côte, d’après
la carte maritime publiée par l’Amirauté anglaise, et, pour ce qui
concerne l’intérieur, d’après les informations que j’ai prises auprès
d’un grand nombre d’Arabes originaires de différentes parties du
Hadhramout. C’étaient surtout les habitants de la campagne qui
paraissaient avoir une connaissance topographique des plus remarquables.
Partout où j’en ai rencontré qui avaient quitté leur patrie depuis
peu, je leur ai fait faire le récit de leurs voyages. C’est ainsi que (*)
(*) Le croquis du Sayyid a été réproduit par M. de Goeje dans sa notice sur le
Hadhramout, mentionnée plus haut p. 4 note 1.
8
j’ai pu parcourir, dans ma pensée, le Hadhramout dans toutes les
directions. Ce sont les renseignements pris de la sorte, que je vais
donner dans le Chapitre I § 2 de la première partie de mon
ouvrage. Ces renseignements m’ont en outre mis en état d’apporter
quelques corrections à la carte maritime anglaise, surtout pour ce
qui concerne l’orthographe des noms arabes.
En dernier lieu, les planches relatives aux maisons etc. du Hadhramout,
ont été composées d’après des croquis et d’autres données que m’ont
fournis M. M. Bâbahîr et hin Yahyâ. Avant d’être publiées elles
ont été soumises à l’approbation et à la correction de plusieurs autres
Arabes qui, tous, ont déclaré qu’elles donnaient une idée exacte de ce
qu’elles doivent représenter.
PREMIERE PARTIE.
LA PATRIE DES ARABES ÉTABLIS DANS L’ARCHIPEL INDIEN.
CHAPITRE I.
GÉOGRAPHIE DU HADHRAMOUT (*).
§ l.
APERÇU GÉNÉRAL.
Sur nos cartes on donne le nom de Hadhramout à tout le littoral
de l’Arabie méridionale, de ’Aden jusqu’au cap Ràs al-Hadd. Chez les
Arabes modernes, au moins chez ceux que j’ai eu l’occasion de
rencontrer dans l’Archipèl indien, le nom de Hadhramout n’est pas
en usage dans cette acception. Ce qu’ils entendent par le Hadhramout,
ne forme qu’une petite partie de l’Arabie méridionale, c’est-à-dire la
côte entre les villages de pêcheurs ’Ain Bâma’bad et Saihout, avec le
pays montagneux situé en arrière. Le long de la côte on ne trouve
que des collines ; bientôt cependant s’élève une haute chaîne de
montagnes (2), ou, pour mieux dire, un immense plateau surmonté
de quelques pics, dont le plus haut est le mont al-’Archah. Ce
plateau passé, on descend dans une grande vallée ( wâdî plur. widyân )
(*) On écrit ordinairement ..Hadhramaut”, mais j’ai toujours entendu les Arabes prononcer
,, Hadhramout". Pour les noms géographiques j'ai adopté le même système de transcription
que pour les autres mots arabes. Voyez plus bas, Troisième Partie, Chapitre II.
(J) Quant on veut parler d une chaîne de montagnes, on se sert du mot djibâl, plur. de
djabal. Ce dernier mot signifie ..montagne" en général. Une ,, haute montagne" s’appelle
’aqabah, une ..colline” ou une ..petite montagne" se dit hasirah. Djaul signifie le ,, sommet
plat d’une montagne”, et qârnh une ..colline au pied ou sur le versant d une haute montagne".
10
ou plutôt dans un enchaînement de vallées; ensuite on se trouve
devant une nouvelle chaîne de montagnes de la même nature que la
première. Cette dernière chaîne home le grand désert de l’Arabie
centrale. Les deux chaînes de montagnes sont principalement en
pierre calcaire (!), et offrent un aspect des plus arides. Par-ci
par-là seulement on rencontre des pâturages ( mar’âh ) et de petits
»
bois d’aloès (çibr) ou d’arbres à épines. De ces derniers, on m’a
nommé spécialement deux espèces, le salant et le ’iç. On m’a également
signalé une espèce d’arbre, dont le bois ressemblerait à de l’acajou.
On l’appela mucht.
Les montagnes sont riches en grottes ( ghâr ), quelques-unes d’une
étendue considérable, et dont la plus connue est celle qui est appelée
Bir Borhout. Nous en parlerons plus loin. Le long de la côte, on
trouve plusieurs sources d’eau chaude, mais dans l’intérieur du pays
il n’y en a point.
’Ain Bâma’bad n’appartient déjà plus au Hadhramout proprement
dit. C’est un village de la tribu de ’Abd al-Wàhid. Au nord du pays
occupé par cette tribu, on a une contrée montagneuse, appelée Hadjar.
Elle est très-peu peuplée, et ne fait pas non plus partie du Hadhramout.
De même Saihout est le premier village de la Mahrah. Le pays de
la tribu de ’Abd al-Wàhid a été décrit par M. de Maltzan (2). Le
même savant a donné quelques renseignements sur les habitants de
la Mahrab et sur leur idiome (3). Je puis donc me borner à relever
ici, que les habitants de la Mahrab, tout en appartenant à la race
sémitique, ne sont pas des Arabes proprement dits. Ce ne sont pas * (*)
(') On m'assure qu'on y voil aussi beaucoup de silex.
(*) Reise nack Südarabien, pag. 220 et s.
(3) Préface au journal de de Wrede p. 29 et s. et le Zeitschrift der Deutschen
Morgenlândischen Gcsellschaft, Tome XXV (1871), p. 196 et s. V. aussi les communications
de Fresncl dans le Journal asiatique, Troisième Série, Tome V et VI (1838), p. 511
et s. et 529 et s.
11
davantage des Musulmans orthodoxes. Ajoutez que leur idiome diffère
notablement de l’Arabe, non-seulement au point de vue lexicologique,
mais encore au point de vue grammatical.
Les deux ports de quelque importance sur la côte du Hadhramout
sont ach-Chihr et al-Mokallâ. L’im et l’autre ont été visités par des
Européens à plusieurs reprises, et la description qu’on en lit dans
l’ouvrage de Ritter (*), semble assez exacte, même de nos jours.
Seulement, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, al-Mokallâ
n’a plus, sous aucun rapport, la prépondérance sur ach-Chihr aujourd’hui.
Au contraire le commerce, surtout celui avec Bombay et les autres
ports de l’Inde anglaise, surpasse à ach-Chihr beaucoup celui d’al-Mokallâ.
Cette dernière ville ne forme plus un état séparé actuellement: elle
est devenue une dépendance d’ach-Cbihr. Enfin il n’existe plus de
marché public et régulier d’esclaves, ni à al-Mokallâ, ni à ach-Chihr,
mais la traite clandestine n’en subsiste pas moins. Outre ach-Chihr
et al-Mokallâ, il me reste à mentionner, au littoral, comme localités
connues: Boroum, al-Ghail ou Gliail Bàwazir, al-Hâmî, ad-Dîs,
ach-Chirmah et Qoçai’ar. D’al-Mokallâ et d’ach-Cbihr, un piéton peut
à marches forcées traverser, en trois ou quatre jours, la chaîne de
montagnes séparant le littoral de la grande vallée dans l’intérieur.
Ordinairement toutefois le voyage de la côte jusqu’à l’intérieur dure
de huit à dix jours, les chameaux ou les ânes, dont on se sert comme
monture, ne pouvant passer par tous les sentiers étroits et escarpés
qu’on peut utiliser en allant à pied. Il faut donc faire quelquefois
des détours assez considérables, et de plus, s’arrêter souvent, par la
nécessité où l’on est d’aller chercher du fourrage et de l’eau pour
ses bêtes à une certaine distance de l’endroit qu’on a choisi pour
son gîte.
(’) Erdkunde, Tome XI, p. 625 et s. et 635 et s.
12
Dans les montagnes il n’y a point de villes de quelque importance.
On n’y trouve que des tribus de Bédouins, dont j’expliquerai plus tard
le genre de vie. La crête des montagnes est assez rapprochée de
la mer et, par conséquent, le versant méridional très-escarpé; le
versant septentrional (*) est de beaucoup moins rapide. Après avoir
traversé la chaîne de montagnes, on descend dans une grande vallée,
dont la direction est d’abord est, ensuite sud-est, et qui a son
embouchure sur la mer à Saihout. La ville la plus occidentale de
cette vallée est Chabwah, située dans une contrée presque entièrement
couverte des sables mouvants du désert. Les habitants s’occupent
surtout à l’exploitation des salines d’alentour. De Chabwah jusqu’à
la montagne isolée appelée al-Qàïmah, le pays est très-peu peuplé,
et pour la plus grande partie couvert de sable. Ce n’est qu’à de
grandes intervalles, qu’on rencontre des pâturages ou des plantations
de dattiers. Quand on fait le voyage de Chabwah au mont al-Qàïmah,
on passe, à gauche, les vallées de Djàhiah et de Sour, et à droite, les
vallées d’Irmah, de Duhr et de Rakhîah. 11 n’y a que la vallée de
Djâbiah qui est assez bien cultivée, tandis qu’on trouve dans la vallée
de Rakhîah une ville de quelque importance appelée Sahwah ; elle est
située au fond de la vallée. Au sud des vallées d’Irmah et de Duhr
on entre dans le pays de la tribu des ’Awâliq (2). Quand on continue
le voyage dans la direction de l’est, le pays s’anime un peu. D’abord
ce sont les villes de Qa’outhah et de Hainin, situées, l’une vis-à-vis
(’) En Hadhramoul on appelle le nord iièdjd, le sud bahr, l’est chèrq et l'ouest
q iblah. „AUer vers le nord, le sud, l’est ou l’ouest” est exprimé par la deuxième forme
des verbes nadjad, bahar, charaq et qabal. Proprement dit qiblah , c'est-à-dire la direction
vers la Mecque, devrait signifier le nord-ouest, et aussi ai-je rencontré des gens qui
observaient la différence entre qiblah et gharb ou maghrib ; mais, pour la grande majorité,
la direction vers la Mecque et l'ouest sont des notions indentiques ; au lieu que les mots
Gharb ou Maghrib signifient l'Afrique septentrionale. Les mots chaînât et djanoub pour
,,nord” et „sud" sont compris seulement par les savants.
(l) Ce pays a été décrit par M. de Maltzan, dans son ouvrage cité: Reise nach
Siidarabien p. 239 et s.
13
do l’autre, chacune sur un versant opposé de la vallée. A Hainin on
a, au nord, l’embouchure d’une vallée, portant le même nom. A
Qa’outhah on voit, au sud, dans la chaîne de montagnes, une large
ouverture où débouchent trois vallées, portant les noms de ’Amd, de
Dou’an et d’al-’Ain, dont surtout la deuxième est très-peuplée. Elle
contient plusieurs villes assez importantes, dont les principales sont,
du sud au nord: al-Khoraibah, Bithah et Qaidoun. La vallée de
Dou’an est formée par la rencontre de deux vallées : Dou’an al-Aiman
(„la droite”) et Dou’an al-Aisar („la gauche”) ( ‘). La partie septentrionale
de la vallée de Dou’an s’appelle la vallée. d’al-Hadjarain, d’après un
pic s’élevant au milieu de la vallée, et sur lequel est bâtie la ville
d’al-Hadjarain. Dans la vallée d’al-Hadjarain on a encore une ville
importante appelée Hawrah. Après avoir reçu les vallées de ’Amd, de
Dou’an et d’al-’Ain, la vallée principale prend le nom de vallée de Kasr.
On y trouve Chibâm, une des villes les plus anciennes et, actuellement
encore, une des plus importantes du pays. Passé Chibâm, la vallée s’appelle
„la vallée de bin Ràchid” „la vallée d’al-Ahqâf”, ou bien „la Vallée”
(al-Wâdî) tout court. Souvent aussi on lui donne, par opposition à la vallée
de üou’an, le nom de Hadhramout, dans un sens plus restreint encore.
Les principales villes à l’est de Chibâm sont: al-Ghorfah, Saioun
(actuellement la ville la plus importante), Târibah, al-Ghoraf, as-Sowairî,
Terîm (Pancienne capitale, mais aujourd’hui surpassée par Saioun),
’înât et al-Qasm. De Hawrah jusqu’à cette dernière Aille, la vallée
n’est qu’une série de champs en culture, de plantations de dattiers, de
jardins et de villages. A droite et à gauche, on voit les embouchures
d’autres vallons ; mais , passé al-Qasm , la culture devient de
plus en plus rare et la population moins dense, jusqu’à ce qu’on
(') Les mots ..droite" et ..gauche" doivent être pris, dans l'idiome du Hadhramout,
dans ce sens qu'on remonte la vallée, et non qu’on la descend, comme le font les
géographes européens, quand ils parlent p. e. de la rive droite ou gauche d'un fleuve.
14
arrive à Qabr Hoiul , endroit dont nous allons parler tout à
l’heure.
La grande vallée, de même que les autres vallées qui en sont
comme les affluents, sont traversées par des lits de rivière ( masîlah )
presque toujours à sec. Dans les rares cas où il tombe de la pluie,
ils se remplissent de l’eau découlant des montagnes arides, et deviennent
pour quelques heures de véritables torrents (sait). Un peu en aval
d’al-Khoun, le lit commence à être le plus souvent rempli d’eau;
mais même à l’embouchure, près de Saihout, on ne peut l’appeler
une rivière navigable.
Qabr Houd est, selon les habitants du Hadhramout, le tombeau
de leur souche, le prophète Houd. C’est le sanctuaire le plus en
renom du pays, et peut-être même de toute l’Arabie méridionale. Ce
n’est pas une ville, ni même un village: rien qu’une mosquée construite
près du tombeau (’) du saint homme. Chaque année, le 11 du
mois de Cha’bân, on s’y rend de toutes parts en pèlerinage (. ziârah ).
Ce jour-là il y a en même temps un grand marché, et les différends
entre les tribus s’y vident à l’amiable, comme sur un terrain neutre,
a moins qu’on n’en défère la décision à des arbitres. Quelque temps
avant le mois de Cha’bân, les tribus d’alentour raccommodent tant soit
peu le marché et les édifices; mais aussitôt les pèlerins et les marchands
partis, tout tombe de nouveau en décadence juisqu’à l’année suivante.
Un de mes amis arabes qui a visité l’endroit à une autre époque,
trouva même la mosquée abandonnée et dans un très-mauvais état.
En amont de Qabr Houd, on a l’embouchure de la vallée de
Borhout, au fond de laquelle est située une grande solfatare, appelée
Bîr Borhout, et comme déjà dans l’antiquité (2). Je n’ai jamais * (*)
(l) Le tombeau lui-même n'est autre chose qu’un monceau de pierres long de + 70
et large de ± 7 mètres.
(*) V. la note de M. de Maltzan au journal de de Wrede p. 2S2.
15
rencontré d’Arabe ayant visité l’endroit en personne, mais plusieurs
ont prétendu le connaître par ouï-dire. D’après eux, la solfatare serait
située au fond de la vallée de Borhout, dans une grotte, sur le versant
de la montagne. L’entrée de la grotte aurait environ dix mètres de
haut et autant de large, mais l’intérieur en serait beaucoup plus
spacieux. La solfatare elle-même consisterait en un grand nombre de
trous pleins de soufre brûlant. Les vapeurs du soufre empêcheraient
de pénétrer très-avant dans la grotte. Les parois et le sol en seraient
entièrement couverts de soufre, et il y régnerait une profonde obscurité.
De Qabr Houd jusqu’à Saihout la vallée est de nouveau très-peu
peuplée; il n’y a point de villes ni même de grands villages. On
appelle cette partie du pays Ardb al-Manâhîl, d’après la tribu qui
l’occupe. Saihout est, comme nous venons de voir, un village appartenant
déjà au pays de Mahrah.
Quoique de la côte vers l’intérieur du Hadhramout, la route naturelle
dût partir de Saihout et monter la vallée, le commerce, de même
que les voyageurs, choisissent généralement celle par al-Mokallà ou par
ach-Chihr. Le poisson salé est le seul article importé en Hadhramout
par la route de Saihout.
Pour terminer cet aperçu géographique, il me reste à dire quelques
mots sur la partie du Hadhramout située au nord de la grande
vallée. Dans cette partie il n’y a non plus de villes ni de villages de
quelque importance, et les habitants sont exclusivement des Bédouins.
En commençant de l’ouest, on a d’abord dans les montagnes un
grand plateau, habité par la tribu de Çai’ar. Ensuite, en se dirigeant
vers l’est, on a un plateau beaucoup plus grand encore, appelé le
Nèdjd. On le distingue en Nèdjd Al Kathîr et Nèdjd al-’Awâmir,
tVaprès les tribus que l’on y trouve (*). La partie orientale du Nèdjd
(*) V. sur toutes ces tribus le Chapitre lit.
16
porte aussi le nom spécial de Djibâ. Quant au pays au nord du
plateau de Çai’ar et du Nèdjd, c’est le grand désert central de
l’Arabie méridionale. Ce désert, aucun Arabe que j’ai rencontré, ne
l’a vu, ni n’en connaît autre chose que le nom. Il en est de même
des vallées de sable mouvant, appelées par de Wrede „Babr Sâfi”,
ou Mer de Sable. D’après ce qu’on m’a raconté, il n’y aurait pas de
communication au nord entre le Hadhramout et le pays des Wahhâbî,
ni au nord-est entre le Hadhramout et Mascate. Seulement, on savait
que des Bédouins du Nèdjd se rendaient parfois dans cette dernière
ville et que ce voyage durait environ une quinzaine. 11 n’y a routes,
ni même chemins indiqués, et il n’existe aucun trafic par terre dans
cette direction.
Le climat du Hadhramout est très-sec. Dans l’intérieur, la saison
des pluies dure du commencement d’octobre jusqu’à la fin de février;
et encore, dans ces cinq mois il pleut tout au plus quatre fois. Même
il n’est pas rare d’avoir une année entière, sans qu’il tombe une
goutte de pluie. Les pluies sont presque toujours accompagnées
d’orages formidables, et durent environ cinq ou six heures. Le littoral,
bien qu’ayant encore un climat très-sec, est plus favorisé par les
pluies. En été, il fait excessivement chaud en Hadhramout — beaucoup
plus chaud qu’à Batavia — surtout dans les endroits sans culture,
où le soleil échauffe connue une braise le sol pierreux et les rochers
nus. Dans le désert, la chaleur estivale doit être telle qu’on ne
peut voyager durant le jour. En hiver, le climat est au contraire
très-froid. Lorsque le vent du nord souille, le froid est d’une intensité
à gercer les mains et le visage, et à couvrir d’une légère couche de
glace l’eau restée dans quelque réservoir durant la nuit. La température
s’élève dans la journée, mais jamais assez pour qu’on puisse se passer
de vêtements chauds. En hiver, les feuilles des arbres se dessèchent.
Sur les hautes montagnes, il gèle, tant l’été que l’hiver.
17
En général, le climat du Hadhramout, quoique offrant des transitions
marquées de chaud et de froid, n’est pas malsain, et l’air y est
très-pur.
§ 2.
VOYAGES EN H ADHRAMOUT.
Pour les voyages qui vont suivre, je me suis adressé, de préférence,
à des personnes ayant parcouru le pays à pied; parce que, de
cette façon, on peut mieux se rendre d’un endroit à un autre
en ligne directe. Les ânes, et à plus forte raison les chameaux, ne
peuvent utiliser les petits sentiers et doivent, par conséquent, faire
quelquefois de grands détours. J’ai pu conclure qu’un Arabe du
Hadhramout fait* dans la plaine, sur un terrain ordinaire, eu
moyenne 6 kilomètres par heure. A première vue, ce chiffre pourrait
paraître exagéré; c’est pourquoi je tiens à constater qu’il est le résultat
de mes observations personnelles dans l’Archipel indien. Naturellement,
ou ne verra pas en Hadhramout de Qâdhî ou autre bourgeois notable
marcher si vite. Ceux-ci devant faire un voyage, montent un âne
ou un chameau. L’âne marche aussi vite (pie le piéton; mais le
chameau de charge ne fait pas plus de 4 kilomètres par heure. Une
journée de marche ( marhalah ) dure de 6 à 11 heures du matin et
de 1 à 4 ou à 5 heures de l’après-midi, soit de 8 à 9 heures.
Il en résulte qu’une caravane (qâfilah) de chameaux chargés,
parcourt, dans une journée, une distance variant entre 52 et
36 kilomètres, et un piéton ( sayyâr ), non entravé par des chameaux,
une distance variant entre 48 et 54 kilomètres par jour, toujours
s’il s’agit d’un chemin continuant, à peu près, dans la même
direction et d’un terrain n’offrant pas des difficultés extraordinaires.
Quant au messager ( mokillib ), sa marche ne se borne pas à ces
heures du jour: dans des conditions ordinaires, il fait à pied des
18
journées «le 80 à 96 kilomètres. Ces dernières distances, je les
ai tenues d’abord pour une blague; mais, elles m’ont été confirmées
par un si grand nombre de personnes dignes de foi, et j’ai vu, dans
l’Archipel indien , des Arabes du Hadhramout faire des marches
tellement forcées, qu’il ne me reste qu’à en accepter l’exactitude.
C’est d’après ces données que j’ai constaté les distances dans les
voyages qui vont suivre. Il est, je crois, superflu d’ajouter que je
ne me suis pas borné à interroger un seul individu, et que les
distances que je vais donner, sont les moyennes d’un grand nombre
de dépositions relatives au temps employé pour se rendre d’un
endroit à un autre. Il en est de même des directions, qui n’étant
pas constatées au moyen de la boussole, sont nécessairement
approximatives. Enfin il résulte de ce qui précède, que la journée de
marche, en Hadhramout, peut représenter des distances fort inégales;
c’est pourquoi je ne l’ai jamais prise connue unité, à moins d’y
ajouter une détermination ultérieure.
I. Voyages d’ach-Chihr à Saioun et à Terîm.
A.
D’ach-Chihr à Michrâf
8
kilomètres
N.
de Michrâf à Tabàlah
12
»
N.
» Tabâlah à ’Arf
58
»
N.
» ’Arf à Haqab et à Haqlali
12
))
N.
» Haqab à Haqlah
4
»
0.
» » au pied ( *) du mont al-’Archah. . . .
8
)»
N. N. 0.
» Haqlah » » » » » ....
8
»
N. N. E.
du pied du mont al-’Archah jusqu’à la gorge
de ’Aboul
20
»
N.
(*) „Le pied" du mont, ne doit pas être pris dans toute son étendue, mais comme
un certain point d'ou commence le chemin conduisant au sommet. Celte observation ,
je la fais une fois pour toutes, parce que, dans la suite, je rais me servir encore souvent
du mot ,,pied" dans la même acception.
\
19
du pied du mont al-’Arcliah au pied du mont
al-Fiqrah 22 kilomètres O.
du pied du mont al-’Archah au pied du mont
Tamhah 20 » E. S. E.
de la gorge de ’Aboul à Maqad al-’Abid 50 » N.
» Maqad al-’Abîd à al-’tç 00 » N. N. E.
» d’al-’tç à Ghail bin Yoraain (Q 15 » N. 0.
D’ach-Chihr jusqu’au pied du mont al-’Archah le chemin va toujours
montant, mais la pente n’en est pas rapide. Celle du mont al-’Archah
cependant, le plus haut du Hadhramout, est presque à pic. La gorge
de ’Aboul passée, on monte de nouveau un peu, jusqu’à Maqad
al-’Abîd; de là, on descend dans l’étroite vallée de Hazâzah que
l’on suit jusque près d’al-îç, village situé au pied du plateau de
Ghail bin Yomain. Après avoir traversé ce plateau, on descend dans
la vallée de Qawdah.
De Ghail bin Yomain à la vallée de ’Adim... 23 kilomètres N. O,
du point de jonction des vallées de ’Adim et
de Qawdah jusqu’à al-Ghoraf 24 » N.
d’al-Ghoraf à Târibah 11 » 0. N. 0.
» à as-Sowairî 5 » N.
de Târibah à Saioun 20 » 0.
d’as-Sowairî à Terîm, par al-Falouqah ou par Haid Qâsim, Y. les
voyages IP et VIII.
Le vovage dont je viens de mentionner les détails, a été pris comme
base pour déterminer la distance entre la grande vallée et la côte,
étant le seul où, par la nature du terrain parcouru, j’ai pu constater
les distances et les directions de station à station. Quant aux autres
voyages entre la côte et l’intérieur, il m’a été impossible d’en faire
(') Situé sur le plateau (lu même nom.
20
autant. Par conséquent, j’ai pu seulement en faire usage pour contrôler
approximativement la situation respective des localités dans l’intérieur.
Ces localités, je leur ai donné leur place sur la carte, en combinant le
voyage dont nous venons de nous occuper, avec d’autres, faits dans la
plaine, terrain admettant plus de précision dans les distances qu’un
chemin à travers les montagnes, avec ses zigzags et ses détours inévitables.
K.
D’acli-Chihr à Tabâlah. V. plus haut le voyage IA.
de Tabâlah au pied du mont al-Fiqrah 80 kilomètres N. N. O.
du pied du mont al-Fiqrah à Bathî 48 » N. N. 0.
de Bathî à Baidat al-Ma’ârah 15 » N.
Bathî et Baidat al-Ma’ârah sont situés sur le chemin entre les
monts ’Alul Allah Gharib et al-Glmz (V. voyage IXB . De Raidat
al-Ma’ârah, un piéton peut atteindre le plateau de Hurô en deux
journées de marche. La place assignée à ce plateau, sur la foi des
voyages IA et VIII, est à 90 kilomètres N. E. de Raidat al-Ma’ârah;
par conséquent, le piéton a fait 45 kilomètres par jour, en ligne
directe, au lieu qu’il aurait pu faire dans la plaine de 48 à
54 kilomètres par jour. Eu tenant compte de la différence, dans
un terrain montagneux, même sur un plateau, entre la distance
parcourue et celle en ligne droite, on doit avouer que la perte
moyenne de 6 kilomètres par jour n’a rien qui puisse rendre suspecte
l’exactitude de mes données primitives.
II. V ovages de Saioun â Chabwah et à Qabr Houd par la grande
vallée.
A.
De Saioun à Chibâm 26 kilomètres 0.
» Chibâm à Hainin 59 »
51 »
Hainin â Sour
» â Qa’outhah
15
0.
0.
s. s. 0.
21
de Sour aux monts ath-Thukmain 23 kilomètres 0.
des monts ath-Thukmain à ’Akaibân (*) 15 » 0.
de ’Akaibân à Rakhân 20 » 0.
» Rakhân à la vallée de Djâbiah 12 » 0.
» la vallée de Djâbiah à Huçn al-’Abar 38 » 0.
» Huçn al-’Abar à Chabwah 86 » S. S. 0.
En se dirigeant de Huçn al-’Abar vers l’ouest, on traverse, en huit
jours de marches forcées, une plaine sablonneuse, entièrement déserte,
où, de temps en temps seulement, la pluie fait pousser quelques
rares herbes. Ce désert traversé, on arrive à une haute chaîne de
montagnes, connue sous le nom de Djibâl al-Qiblah.
De Chabwah, un piéton peut se rendre, dans la direction de S. S. 0.,
en 3 jours à Niçâb. La distance est, par conséquent, de 144 à
162 kilomètres. Quand on adopte ce dernier chiffre, Niçâb doit être
situé, à peu près exactement, à l’endroit où M. de Maltzan a placé cette
ville sur la carte à la fin de son ouvrage cité plus haut (2). Comme
on l’a vu dans le voyage IA, le point de départ de mes recherches
géographiques a été ach-Chihr, au lieu que celui des recherches de
M. de Maltzaq a été ’Aden. Il me semble que la coïncidence du
résultat auquel nous sommes parvenus pour ce qui regarde Niçâb,
est une preuve que, l’un et l’autre, nous avons été assez bien
renseignés par nos interlocuteurs arabes.
Saioun et Qa’outhah sont situés sur le versant de la chaîne de
montagnes méridionale, Chibâm à 3 kilomètres de la chaîne de
montagnes méridionale et à 10 kilomètres de la chaîne de montagnes
septentrionale; Hainin, Sour, ’Akaibân, Rakhân et Huçn al-’Abar sur
le versant, ou tout près de la chaîne de montagnes septentrionale.
(') Ou ’Akbân. Je ne suis pas sur si ’Akaibân et ’Akbân sont deux noms pour le même
endroit, ou bien si ce sont deux endroits différents situés l’un près de l’autre,
p) V. p. 10 u. 2.
22
1t.
De Saioun à Maryamah (')
4
kilomètres
E.
» Maryamah à Tàribah
16
»
E.
» Târibah à Haid Qàsiin
8
»
E. N. E.
» Haid Qàsim à Terim
18
»
N. N. E. (2)
» Terim à al-Michtah
20
»
E. S. E.
» » » ar-Ramlah
»
S.
d’al-Michtah à ’Jnàt
4
E. S. E.
de ’înât à Qasm
20
»
S. E.
» Qasm à al-Khoun
6
))
S. E.
d’al-Khoun à ’lcm
20
»
S. E.
de ’lcm à Fughmah
25
))
S. E.
» Fughmah à Qabr Houd
16
»
S. S. E.
Târibah, ’înât et Qabr Houd sont
situés sur
le versant
de la chaîne
de montagnes méridionale; Terim, Qasm, ’lçm. et Fughmah sur celui
de la chaîne de montagnes septentrionale. De Terim à al-Falouqah,
situé sur le versant opposé, la distance est de 8 kilomètres, et celle
entre ’înât et le village opposé d’al-Qarvah est de 4 kilomètres. A Qabr
Houd, la largeur de la vallée est de 5 kilomètres, et à Saioun de 7.
Le village vis-à-vis de Saioun s’appelle Madoudah. Târibah est situé à
l’embouchure du vallon du même nom. 11 est long de 8 kilomètres. La
vallée de Borhout tombe dans la grande vallée à 25 kilomètres en amont
de Qabr Houd. Elle a une largeur moyenne de 1 et une longueur de
30 kilomètres jusqu’à Bîr Borhout. La direction jusqu’à cet endroit est
S. S. 0. Un vallon très-étroit tombe aussi dans la grande vallée à ’inât.
Cette ville en emplit l’embouchure entière. Le lit de la rivière dans
la grande vallée, il m’a été impossible de le retracer partout avec la
(l) Ville Irès-ancienne, appelée autrefois Djoban.
(J) C'est-à-dire, quand on suit la vallée. Quoique ceci soit le chemin ordinaire, il fait
un grand détour. V. plus bas, voyage VI.
23
même exactitude que les distances. Cependant, la direction générale
se montre d’elle-même par la situation des montagnes et des vallées.
III. Voyage de Qabr Houd à Saihout.
Je n’ai pas réussi à trouver d’Arabe ayant l'ait ce voyage en
personne; mais j’ai parlé à plusieurs qui avaient été à Qabr Houd
ou à Saihout. Ils m’ont assuré avoir entendu, à ces endroits, qu’un
messager parcourt la distance entre Qabr Houd et Saihout en 2 jours
et demi et qu’une caravane lait le même trajet en 6 jours et demi
environ. La place que, sur la foi des voyages IA et II, j’ai assignée
sur la carie à Qabr Houd, est, à travers la vallée, à 200 kilomètres
de celle où Saihout doit être situé selon la carte maritime anglaise.
Cette distance de 200 kilomètres donne pour le messager 80. et
pour la caravane presque 31 kilomètres par jour, c’est-à-dire, à peu
près exactement ce que j’ai adopté, au commencement du présent
paragraphe, pour la Journée de marche ordinaire d’un messager ou
d’une caravane.
IV. La vallée de Dou’an et les vallées adjacentes.
De Chibâm à al-Qatn 34 kilomètres 0. S. 0.
d’al-Qatn à al-’Adjlânîah 20 » 0. S. 0.
d’al-’Adjlânîah à Qa’outhah 10 » 0. S. 0.
» à Hainin 11 » N. 0.
» à Mokhainîq 6 » S. 0.
de Mokhainîq à Qa’outhah 7 » 0.
Qa’outhah et Mokhainîq sont situés, l’un vis-à-vis de l’autre, dans
l’entrée de la vallée de Dou’an, dont la partie septentrionale est plus
connue sous le nom de vallée d’al-Hadjarain, comme nous venons de
le voir dans le paragraphe précédent.
De Mokhainîq à Hawrah 9 kilomètres S.
» Hawrah à Sidbali 5 » S.
» Sidbah à Qa’ouHiah 14 » N. N. 0.
24
(le Sidbali à al-Machhad (*) 15 kilomètres S.
d’al-Machhad à al-Hadjarain 8 » S.
d’al-Hadjarain à ’Arsamah 22 » S.
de 'Arsamah à Qaidoun 6 » S. 0.
« Qaidoun à Bithali 18 » S.
» Bithah à al-Khoraibah 22 » S.
d’al-Khoraibah à ar-Robât 3 » N. E.
d’ar-Robât à al-Qarrain 14 » N.
(l’al-Qarrain à Hodoun 17 » N.
de llodoun à Qaidoun 8 » N. N. 0.
i> ’Arsamali à Doufab 7 » S. E.
» Doulali à Houfab 10 » S. E.
De Houfab à ’Arsamah, la vallée s’appelle Dou’an al-Aisar („la
gauche”) et d’ar-Robât à ’Arsamab, Dou’an al-Aiman („la droite”).
L’une a une largeur moyenne de 1 kilomètre, l’autre de 2, et,
après leur jonction, la largeur moyenne est de 3 kilomètres. Al-Hadjarain
est situé sur un rocher du même nom, s’élevant au milieu de la vallée;
la distance entre ce rocher et les montagnes à droite et à gauche
n’est qu’un kilomètre au plus. A rembouchure, la vallée d’al-’Ain
est large de 8 kilomètres. Plus liant elle s’élargit encore un
peu. La distance entre Sidbali et Ghourb, situé au fond, est de
54 kilométrés.
De Qa’outbah à al-Qârah 3 kilomètres S.
d’al-Qârah à ’Andal 11 » S.
de ’Andal à Lahroum 4 « S.
» Lahroum à al-Horaidhah (2) 6 » S. S. E.
d’al-Horaidhah à al-Hadjarain 20 » S. E. (3)
(0 Situé au pied du mont al-Ghaiwâr.
(2) Silué au pied du mont Djahlàn.
(3) C'esl-à-dire quand on suit le chemin par la vallée; mais celui-ci fait un grand •
détour, parce qu'il faut tourner le mont Ghumdân al-Wadjîdah.
25
La largeur des vallées de ’Amd, de Dou’an et d’al-’Ain réunis est,
à Lahroum, de 12 kilomètres.
De Laluoum à Djidfarah 30 kilomètres S. S. 0.
» Djidfarah à ’Anq 4 » S.
» ’Anq à ’Amd , . . . 8 » S.
» ’Amd à al-Khirbah : . . . 18 » S. S. 0.
d’al-Khirbah à Robàt Bàkawbal 7 » S.
de Robât Bàkawbal à Hâlat Bâçolaib 6 » S.
»
» Hâlat Bâçolaib à al-Khamîlah (*) . 5 » S.
d’al-Khamilah à Raidat ad-Dayyin (2) 38 » S.
de ’Amd à Chu’bah 14 » S.
» Chu’bah à ar-Radhhain (3) 6 » S. S. E.
A son entrée, la vallée de ’Amd est d’une largeur moyenne de
5 kilomètres; au milieu, elle atteint à peine 5 et, à la fin, tout au
plus 2 kilomètres.
V. Voyage de Qa’outhah à la vallée d’Irmah.
De Qa’outhah à Rahtàn 15 kilomètres 0. N. 0.
K
Rahtân au
mont al-Qàïmah
8
N. 0.
du
mont Qàïmah à Sour
11
N. 0.
de
Sour à la \
allée de Rakhiah
52 »
. S. S. 0.
n
la vallée de
Rakhîah à la vallée de Dulir.
50 ‘
0. S. 0.
»
i) )) »
» » Huçn al-’Abar. . . .
100
» 0. N. U.
»
_ » »
Dulir aux monts ath-Thukmain
60
. N. N. E.
»
» » ))
» à la vallée d’Irmah ....
40
> 0.
»
» » »
Rakhiah à Tahayyah
56
N. E.
»
Tahayyah à
Qa’outhah
24
N. E.(4)
(*) Point extrême de la vallée de 'Amd al-Aiman (,,la droite").
(2) Situé sur le plateau du même nom.
(3) Point extrême de la vallée de ’Amd al-Aisar („la gauche ").
(1) Par le chemin ordinaire dans la vallée. Par les sentiers, à travers les montagnes, la
distance en ligne droite est seulement de 16 kilomètres.
26
La vallée de Rakhiah jusqu’à Sahwah est longue de 75 kilomètres S.
» • » Duhr est longue de 50 kilomètres S. et puis S. E.
» » d’Irmah » , » » 56 » » » » S. 0.
Ces trois vallées sont très-étroites: la largeur moyenne est tout au
plus de 5 kilomètres.
VI. Voyage dans la chaîne de montagnes septentrionale.
La vallée de Sour, à l’embouchure, a une largeur de 4 kilomètres.
Quand on la monte, la direction est N. 0.
De Sour à Raidat \1 Çai’ar (*)....; 75 kilomètres N. 0.
La vallée de Hainin a la même direction et la même largeur, avec
une longueur de 50 kilomètres. Elle décrit une courhe.
Les montagnes, au nord, entre Hainin et Huçn al-’Ahar, portent le
nom général de Djihâl al-Abtar.
Un peu au nord-ouest de Ghibâm, on a dans les montagnes une
grande vallée, ou plutôt une jonction de plusieurs vallons connus
sous le nom de Vallons de Sarr. La direction de ces vallons, à compter
de l'embouchure, semble être N. 0. A environ 15 kilomètres de
l’embouchure est situé Qabr Çâlih, le tombeau du prophète Çâlih. La
vallée suivante s’appelle la vallée d’an-Na’âm. Elle a la même direction,
sans être aussi grande. D’ailleurs, elle a la même embouchure que la
vallée d’al-Djo’aimah, large, au commencement, de 6, avec une longueur
de 65 kilomètres. La direction est nord avec une courbe vers l’est.
Du point de jonction des vallées d’an-Na’âm et
d’al-Djo’aimah jusqu’ à al-Djifl 16 kilomètres S.
d’al-Djifl à Chibâm 7 » N. 0.
Au nord de Terim on a une montagne appelée al-Wotî. C’est de
là que descendent dans la grande vallée: la vallée de ’Aidîd longue
de 40, et la vallée d’al-Ghabrâ longue de 50 kilomètres.
0 Situé sur le plateau du meme nom.
27
Ces deux vallées ont leurs embouchures respectives à droite et à
gauche de Terîm. Elles ont une largeur moyenne de 2 kilomètres, et
la distance entre les embouchures est, tout au plus, de 3 kilomètres.
La direction de la première, à partir du mont al-Wotî, est S. S. E.;
la seconde décrit une courbe dans la même direction. En entrant dans
la vallée de ’Aidîd, on a, à droite, «à 3 kilomètres de Terîm, sur le
versant de la montagne, le tombeau sacré du saint qui est la souche
de la famille de ’Aidîd (1).
Du mont al-Wotî descendent encore la vallée de Thibbi, tombant
dans la grande vallée, un peu en aval de la ville portant ce nom, et
la vallée de Madar, tombant dans la grande vallée près de Baur.
De Maryamah à Cha’b Ahmad 3 kilomètres E.
» Cha’b Ahmad à Baur » N.
» Baur à Çalilah 2 » 0.
» » » la vallée de Madar 5 » N. E.
» Terîm à Thibbi 3 » S. 0.
» Thibbi à Huçn Motahhar (2) 3 -> S. 0.
» Huçn Motahhar à Haid Qâsim 1 » S. (3)
La vallée d’al-Khoun a son embouchure tout près de la ville du
même nom. Elle est très-étroite; on m’a parlé d’un demi kilomètre,
comme largeur moyenne. La direction est vers le nord; et on en
évalue la longueur à plus de 73 kilomètres. Le pays, au nord du
plateau de Çai’ar et de toutes les vallées nommées dans le présent
voyage, s’appelle le Nèdjd. C’est là que finit le Hadhramout. La partie
orientale du Nèdjd, c’est-à-dire celle entre le mont al-Wotî et le point
extrême de la vallée d’al-Khoun, est connue spécialement sous le nom de
Djibâ Le Nèdjd est le commencement du grand désert de l’Arabie centrale. * (*)
(‘) V. plus bas Chapitre 111.
(*) Situé, non dans la vallée, mais sur la montagne.
(3j Les distances de Terîm à Haid Qâsim, données ici, sont en ligne droite, par les
sentiers de montagne.
28
VII. Voyage dans les vallées de Chahouh, de bin ’Ali et de
Manwab.
La largeur de la première vallée est de 3, celle de la seconde de
4 kilomètres dans le commencement, et d’une moyenne de 7 kilomètres
dans l’intérieur. La troisième est large de 3 kilomètres à l’embouchure,
et d’environ 6 dans l’intérieur.
De Saioun à Huçn ’Arqoub (* *) 9 kilomètres S.
» » au pied du mont Djithmah. . .
. . . . . 5
0
S. E.
» » à Terîs
4
U
0.
» Terîs à al-Ghorfah
3
»
0.
d’al-Ghorfah à al-Djill
11
»
0. S. 0.
d’al-Djill à Hucn al-Qâ’ (2)
70
»
S.
» » al-Hazm
6
»
N. 0.
d’al-Hazm à Chibâm
5
Q
N.
de Chibâm à Khala’ Ràchid
4
t)
E. S. E.
»> Khala’ Ràchid à al-Djill
»
S. S. E.
» » >» » al-Hâwî
1
))
N.
» » » » Dsi Achali
i1/.
»
N. E.
d’al-Hazm à Khamour
8
»
0.
de Khamour à Khachâmir
9
»
0.
» Khachâmir à al-Qatn
16
»
0.
d’al-Qatn à la vallée de Manwab
10
D
S. 0.
La vallée de Manwab a une longueur de 43 kilomètres.
VIII. Voyage dans la vallée de ’Adim et ses affluents.
A al-Ghoraf l’embouchure est de 8 kilomètres. Dans l’intérieur de
la vallée la largeur est très-inégale, différant entre 1 et 5 kilomètres.
La jonction avec le lit de la grande vallée se fait à Haid Qâsim sur
le chemin de Târibah à Terîm.
(*) Situé au pied du mont al-Djildah.
(*) Situé au pied du mont aç-Çowaigliarali.
29
Do Haiti Qàsim à as-Sowairî
d’as-Sowairî à al-Falouqah (* *).... _
d’al-Ghoraf à Huçn bin Tliawbân
de Huçn bin Tbawbân â Tamrân
» Tamrân à Sâh
» Sâh au pied du mont al-Ghuz:
» Sâh â Saioun (3)
du pied du mont al-Gbuz au pied du mont Hasîoun
de Huçn bin Tbawbân au plateau de Hurô (4)
IX. Voyages d’al-Mokallâ dans l’intérieur.
A.
D’al-Mokallâ à al-Baqrain
d’al-Baqrain à al-Harchiât
d’al-Harcbîât à al-Baçrah
d’al-Baçrab à Ghafît .'....
» » at-Tubm
de Ghafît au pied du mont ’Abd Allâh
Gharib
de Ghafît au pied du mont Howairah
du pied du moût Howairah à celui du mont
’Abd Allâh Gharib
de Ghafît à Ghail Bâwazir. .
» Ghail Bâwazîr à aç-Çida’
d’aç-Çida’ à Zaghfah
de Zaghfah à ach-Chihr
5 kilomètres
S. E.
7
N. E.
52 »
S.
14
S. S. 0.
45 »
S. 0.0
45 »
S. S. 0.
60
N.
16
0. S. 0.
19
S. E.
\
5
kilomètres
N.
5
»
N. E.
12
»
N.N.O.
16
»
N.
10
»
E. N. E.
45
»
N.
40
»
N. 0.
55
»
E. N.E
16
»
N.N.E.
24
»
S. E.
16
»
S. E.
12
»
E. S. E.
/
(*) Situé au pied du mont al-Monaihàz.
(’) C'est-à-dire en suivant la vallée ; mais celle-ci est excessivement tortueuse sur ce
trajet.
(’) C'est-à-dire en ligne droite, à travers les montagnes.
(*) Ce plateau est situé à côté du plateau de Ghail bin Yomain, dont il forme, pour
ainsi dire, la partie S. 0.
30
It.
Je n’ai pas des données suffisants pour constater, de station à
station, le nombre approximatif des kilomètres entre le pied du mont
’Abd Allah Gharîb et celui du mont al-Ghuz. Seulement, on m’assure
que cette distance est parcourue par un piéton ordinaire en trois
jours, et que la direction générale du chemin est N. Sur la carte,
la distance en ligne droite, du pied du mont ’Abd Allah Gharîb
jusqu’au pied du mont al-Ghuz (V. les voyages IA et VIII), est de
120 kilomètres N., ce qui donne 40 kilomètres par jour. D’après ce
que nous avons établi au commencement du présent paragraphe, le
piéton aurait fait, dans la plaine, de 48 à 54 kilomètres par jour.
Il en résulte qu’il a eu par jour une perte moyenne de 8 à
14 kilomètres, à cause des détours et des zigzags des montagnes (').
C.
Il m’a été également impossible de constater, de station à station, ie
nombre approximatif des kilomètres entre le point extrême de la vallée
de Dou’an et le pied du mont Howairah. On a dû se borner à m’assurer
que la distance entre ar-Robàt et le pied du mont Howairah est
parcourue par un messager en deux jours, qu’un piéton ordinaire le
fait en 27 heures et que la direction générale est S. E. La distance
entre la place que j’ai dû assigner, sur la carte, au pied du mont
Howairah (V. le présent voyage sub A), et celle où j’ai dù mettre
ar-Robât (Voyages IA, II et IV), s’élève à 155 kilomètres. Par conséquent,
le messager a parcouru 67 kilomètres et demi par jour, et le piéton
5 kilomètres par heure. Supposé qu’ils eussent marché dans la plaine,
le premier aurait fait, au moins, 80 kilomètres par jour, et le second,
6 kilomètres par heure, ce qui donne pour le premier une perte de (*)
(*) L’ascension du mont ’Abd Allah Gharîb, à elle seule, sullit probablement pour
expliquer la différence. Si par exemple, le jour de cette ascension, le voyageur n'a pas
parcouru une distance réelle de plus de 12 kilomètres, il reste pour chacun des autres
jours exactement 5-i kilomètres.
31
12 kilomètres et demi par jour, et pour le second, d’un kilomètre
par heure, c’est-à-dire de 8 à 9 kilomètres par jour, à cause de la
nature montagneuse du terrain (* *).
Pour conclure, je dois au lecteur une dernière preuve de l’exactitude —
toujours dans un sens approximatif — des distances et des directions,
sur la foi desquelles j’ai dressé ma carte. M. le Sayyid ’Uthmân
bin ’Abd Allah bin Yahvâ m’a assuré que le plus long jour de
l’année dure, dans l’extrême nord du Hadhramout, 13 heures et
4 minutes. Ceci doit correspondre à une latitude septentrionale de
17° 46' 31", 5, laquelle est, à peu près, la latitude exacte, où, sur
ma carte, commence le Nèdjd. Attendu que le Sayyid n’a aucune
idée du calcul par lequel on trouve la latitude, étant donné le plus
long jour (2), et que par surabondance, il n’a connu ni les détails,
ni les combinaisons de mes recherches, je crois que la coïncidence de
ses 13 heures et 4 minutes avec le résultat où je suis parvenu par
un tout autre chemin, ne peut guère laisser de doute sur l’exactitude
approximative de ce résultat.
(*) V. la note précédente. Ce que j'ai dit de l'ascension du mont 'Abd Allah Gharib
peut s'appliquer aussi mulalis mutundis à l'ascension du mont Howairah.
(*) La preuve en est que, sur sa propre carte, publiée par M. de Goeje (V. plus haut
p. 7 n. \), il donne pour la limite méridionale du Nèdjd une latitude d'environ 19°.
CHAPITRE II.
POPULATION ET GOUVERNEMENT EN HADHRAMOUT.
La population du Hadhramout (‘) est composée de quatre parties
distinctes :
1°. Les Sayyid.
2°. Les tribus.
3°. Les bourgeois.
4°. Les esclaves.
Les Sayyid sont les descendants d’al-Hosain, petit-fils de Mahomet.
Ils portent le titre de Habib (plur. Habaib ) et leurs filles celui de
Hobâbah. Le mot Sayyid (plur. Sâdah, fém. Charîfah ) ne s’emploie
que dans un sens attributif et non comme titre. Ainsi l’on dit p. e. :
„ Habib Ahmad”, mais non: „Ahmad est Habib alors il faudrait
dire: „Ahmad est Sayyid”.' De même on dit p. e. : ,, Soyez le bienvenu,
Habib”) mais la phrase: „J’ai eu la visite, non de trois Arabes
ordinaires, mais de trois Habib”, serait fautive; il faudrait dire: „de
trois Sayyid”. Quant aux Charîf (plur. Achrâf), c’est-à-dire les
descendants d’al-Hasan, l’autre petit-fils de Mahomet, on n’en trouve
en Hadhramout que quelques familles très-peu nombreuses, dont
deux, celle d’al-Hasnî et celle de Bârakwân ou Bâr-Rakwân (2), ont
des représentants dans l’Archipel indien. Cependant, ces familles ne
portent pas le titre de Charîf) on les qualifie comme si c’étaient
des Sayyid (3). (*)
(*) Un habitant du Hadhramout s'appelle en Arabe Hadhrami (plur. Tladhârim).
(“) La famille d’al-Hasnî est originaire du Maroc. L'origine de la famille Bârakwân est
incertaine. ,
(3) Le mot charîf est souvent employé, en Hadhramout, comme adjectif dans le sens de
„noble”. Dans ce sens on l'ajoute au titre de Sayyid: as-Sayyid ach-charîf „le noble
Sayyid". Ceci, toutefois, n'a rien à faire avec l'emploi du mot charîf comme litre.
Les Sayyid sont très-nombreux en Hadliramoul; ils forment une
noblesse ecclésiastique très-respectée, et ont, par conséquent, une
grande influence morale sur le reste de la population. Ils sont divisés
en familles ( qabîlah ), dont plusieurs ont un chef héréditaire, portant
le titre de Munçib (’). Ces Munçib ont leur résidence dans le lieu
où la famille est le plus largement représentée, ou bien à l’endroit
d’où elle lire son origine. Ainsi la famille de bin Yahjâ a son
Munçib à al-Gboraf; la famille d’al-Muhdhâr, à al-Khoraibab ; la famille
d’al-Haddâd, à al-Hàvvî; la famille de ’Aqil bin Sâlim, à al-Qaryah; la
famille d’al-Djufrî, à Dsi Açbah; la famille d’al-Habchî, à Khala’ Kâchid,
et la famille de bin Isma’îl, à Tàribab. La famille d’al-’Aidrous a
cinq Munçib, qui résident respectivement à al-Hazm, Baur, Çalilah,
Thibbî et ar-Ramlah; la famille du Chaihh Abou Bakr en a deux,
résidant, l’un et l’autre, à ’înât, et celle d’al-’Attâs également deux,
résidant respectivement à al-Machhad et à al-Horaidhah. Tous ces
Munçib sont reconnus chefs spirituels par les tribus d’alentour; on
pourrait, en outre, les considérer comme seigneurs des localités où
ils demeurent. Seulement, pour bien comprendre la position des Munçib,
il importe de savoir que les Sayyid ne portent pas d’armes, et que
leurs Munçib n’ont, par conséquent, aucun moyen de contrainte, si
l’on refuse d’obéir à leurs ordres. De même que les Sayyid en général
ne conservent leur influence sur le reste de la population que par
le respect qu’ils inspirent à cause de leur origine, de même l’autorité
des Munçib sur les membres de leur famille et sur les tribus dont
ils sont les chefs spirituels, est purement morale. Il en résulte qu’elle
laisse quelquefois beaucoup à désirer. Ce n’est qu’à al-IIazm et à
Baur que les Munçib de la famille d’al-’Aidrous paraissent avoir
une autorité un peu plus réelle. Quant aux Munçib de la famille du
(‘) Le titre de Naqîb (Cf. Enger: Maverdii Constilutiones Politicae, p. 164 et s.) n'est
pas en usage en Hadhramout pour les chefs des familles de Sayyid.
Chaikh Alton Bakr, ils occupent, à cet égard, une position exceptionnelle,
cette famille étant la seule des Sayyid, qui porte des armes. Elle est
divisée en deux branches, celle de Hosain et celle de Hàmid. Le
Munçib de la branche de Hosain règne sur ’înât, tandis que celui
de la branche de Hàmid est le chef reconnu de la tribu bédouine des
Manâlhl. Du reste, tous les Sayyid appartenant à une même famille,
ne demeurent pas auprès de leur Munçib. On les trouve dispersés
dans plusieurs localités, dont le nombre est d’autant plus grand que
la famille est plus nombreuse.
Les tribus ( qabilah plur. qabâïl) sont la partie la plus intéressante
de la population du Hadhramout; elles y forment en réalité la classe
dominante, et tous les hommes adultes qui y appartiennent, portent
des armes. Elles sont ordinairement divisées en familles (fakhUah
plur. fakhâil) séparées, à leur tour, en branches ( djamaah ). Les
personnes appartenant aux tribus s’appellent qabîlî (plur. qabâïl );
si l’on veut indiquer la tribu ou la famille entières, ou met devant
le nom les mots Banou „fils”, Âl ,, peuple” ou Bail „maison”, ou
bien on met le nom au pluriel. Ainsi l’on parle des Banou
Thannah, des Al Katliîr, de Bail Kindah, des ’Awâmir (plur. de
’Amirî), etc. Il va sans dire que le nombre des personnes appartenant
à chaque tribu ou à chaque famille est très-différent ; il y a des
familles de oO, comme aussi de 200 hommes adultes; il y a même
des tribus entières ne dépassant pas en nombre telle famille d’une
autre tribu.
A la tête d’une tribu se trouve un chef appelé Moqaddam ; à la
tête d’une famille ou d’une branche, un autre appelé Aboti. Ces chefs
sont les seigneurs du pays. Ils demeurent dans des châteaux fortifiés,
où ils entretiennent une petite garnison, recrutée des membres les
plus proches de leur famille et de leurs esclaves. De là, ils dominent
les villes ou les villages situés dans la proximité. Ainsi, \e Moqaddam
de la tribu de Yâfi’ est le seigneur d’ach-Chihr ; celui de la tribu de
’Amoud, le seigneur de Bithali ; celui des tribus de Kathir, des
’Awâmir, de Djâbir et de Bâdjarai, le seigneur de Saioun; celui de
la tribu de Nabd, le seigneur de Qa’outhah, et celui de la tribu de
Tamim, le seigneur de Qasm. De même les Abou sont les seigneurs
des villes de moindre importance ou des villages situés près de leurs
châteaux. Plusieurs de ces villes et de ces villages n’ont presque
d’autres habitants que les membres de la famille dont Y Abou est le
chef; au moins, ceux-ci y forment-ils la majorité de la population.
La plupart des Abou ne valent guère mieux que des chefs de brigands
( harâmt plur. harâmîah ); tout au plus on pourrait les comparer aux
petits seigneurs féodaux du moyen-âge en Europe. Les Moqaddarn
des grandes tribus ont une position sociale un peu plus élevée; ce
qui n’empêche pas que la nature de leur autorité ne soit la même.
Le Moqaddarn d’une tribu composée de plusieurs familles est en
même temps Y Abou de sa propre famille, ordinairement la plus
ancienne et la plus puissante de la tribu. En d’autres termes, Y Abou
de la famille ayant l’hégémonie de la tribu est Moqaddarn de la
tribu entière.
L’autorité des chefs sur leur tribu ou leur famille laisse en général
beaucoup à désirer. Tout dépend de la personnalité, de la bravoure,
de la richesse et des relations du chef. Les membres de sa tribu ou
de sa famille ne sont pas ses sujets; il n’est que le premier parmi
ses pairs. On lui obéit en tant qu’on y trouve son intérêt, ou qu’on le
croit le plus fort. Le chef, de son côté, comprend trop bien qu’il ne
peut rien sans le concours des membres de sa tribu ou de sa famille,
pour qu’il s’avise de les indisposer par des ordres dont il ne sait
pas d’avance qu’ils auront un bon accueil. En tout cas, il doit
abandonner l’idée de lever des impôts des membres de sa tribu ou de
sa famille, et même celle de s’opposer à leurs brigandages. Il faut les
considérer plutôt comme les associés de leur chef. Ils le suivent
dans la guerre, le reconnaissent pour leur supérieur en temps de
paix, et lui prêtent secours, s’il s’agit de faire respecter son autorité
par les bourgeois; mais l’obéissance ne va jamais au delà. Plusieurs
membres de tribu, sans être Abou ou Moqaddam, ont leurs châteaux,
ni plus ni moins que leurs chefs. Le reste demeure, soit dans les
villes ou les villages autour du château du chef, soit dans des maisons
construites sur le terrain adjacent à ce château, et pour ainsi dire
sous sa protection.
Le plus puissant chef du Hadhramout est le Moqaddam de la
tribu de Yâfi’, lequel réside à ach-Chihr. Il s’appelle ’Awadh bin
’Omar al-Qa’aitî, et est Djama’dâr ou colonel dans la légion arabe
du prince de Haiderabàd dans l’Inde anglaise. Même en Hadhramout,
on lui donne de préférence ce dernier titre. Outre ach-Chihr, il possède
encore les villes d’al-Mokallâ, de Ghail Bâwazîr, d’al-Hadjarain, de
Hawrah, d’al-Qatn et de Chibâm, dont la première formait, jusqu’en
1881, une principauté indépendante sous la famille de Kasâd. Le
chef de cette dernière famille ne portait pas le titre A* Abou, mais
celui de Naqîb. Le dernier chef qui régnait sur al-Mokallà s’appelait
’Omar bin Çallâh al-Kasàdi. Son père avait engagé la ville au seigneur
d’ach-Cfaihr pour une dette contractée envers celui-ci; le payement
n’ayant pas eu lieu au terme convenu, la ville fut prise à main armée.
Le NaqU> et tous les membres de la famille de Kasâd prirent la fuite
à ’Aden, d’où ils émigrèrent plus tard à Zanzibar (1). Les villes
d’al-Hadjarain, de Hawrah, d’al-Qatn et de Chibâm sont gouvernées,
au nom du Djama’dâr, par son frère, portant le titre de Lieutenant
(Wahîl).
Dans l’intérieur du pays le seigneur le plus puissant est celui de
(’) Un récit de ces événements se lit, entre autres, dans le journal arabe al-Djawàîb
(cité plus haut p. 6) du li Çalar 129!) (27 Décembre 1881).
Saioun, dont l’autorité est, en outre, reconnue à Terim, à al-Ghoraf et
à Terîs. Lui aussi a nommé son frère son Lieutenant ( Wakil ) pour
une partie de son territoire, c’est-à-dire pour Terim et les environs.
Il descend des anciens rois du Hadhramout, et porte, avec tous les
agnats de sa famille, le titre de Sultan (*). Cependant, quand on parle
du ..Sultan de Saioun” tout court, on n’a en vue que lui seul. Une
branche de la famille du Sultan en question, celle de ’isâ Umbadr,
a régné autrefois à Cliibâm. Elle a été expulsée de cette ville par la
tribu de Yâfi’ et forme, depuis lors, à Saioun la garde spéciale du
Sultan. Le Sultan actuel s’appelle Mançour bin Gbàlib al-Kalbiri.
Comme une particularité de son gouvernement, il me reste à mentionner,
qu’à l’exception de ses soldats et des gens attachés à sa personne, il
a défendu aux membres de ses tribus de fixer leur domicile à Saioun
ou à Terim, et même d’y entrer, à moins qu’ils ne déposent aux
portes leurs fusils ou leur lances. Eu général il semble enclin à
protéger les bourgeois.
A la mort d’im chef de tribu ou de famille , les personnes
notables (2) de la tribu ou de la famille et les Sayyid les plus
influents de la localité s’assemblent pour élire son successeur. Cette
élection cependant est limitée: le plus proche agnal du défunt a
un certain droit à la succession, pourvu qu’il soit capable de se
charger des fonctions de chef. On ne décide, à vrai dire, que de
sa capacité.
On appelle, en Hadhramout, Bédouins ( Badoul plur. Badou ) (3) les
tribus ou les familles n’ayant pas des demeures fixes, et qui, quoique
restant ordinairement dans une même contrée, changent souvent de
séjour pour chercher d’autres pâturages pour leurs troupeaux. Ils
(*) Il parait que chez quelques tribus, p. e. celle de Nahd, le mot Sultan est en
outre en usage comme simple prénom.
I* 1) Appelées ahl al-liill wal-'aqd.
(3) Le plur. Bidwân est peu usité.
58
n’ont point de villes, tout au plus de petits villages consistant en
cabanes d’argile (’). Quelques-uns n’ont même d’autres habitations
que des grottes dans les montagnes et vivent à peu près comme
des sauvages. Les contrées qu’ils occupent sont en général impropres
à une agriculture régulière. Les Bédouins appartiennent, en partie, à
des tribus dont quelques familles ont des demeures fixes. Ainsi, les
familles de Bédouins qui occupent les montagnes au nord de la vallée
de bin Râchid, appartiennent aux tribus de Kathîr et des ’Àwâmir;
par contre, dans les montagnes au nord d’al-Mokallâ et d’ach-Chihr
on a, par exemple, les tribus des Homoum, des ’Akâbirah, etc. se
composant exclusivement de Bédouins.
Les chefs des Bédouins n’ont pas de châteaux, et leur autorité dans
la tribu ou la famille est encore plus insignifiante que celle des chefs
dont la tribu ou la famille ont des demeures fixes. 11 en est de même
de l’autorité des chefs de tribu sur les lamilles bédouines appartenant
à leurs tribus respectives. On ne peut compter sur l’assistance de
ces demi-barbares, que lorsque il s’agit de faire la guerre ou de piller.
Les chefs en Hadhramout reconnaissent nominalement la suprématie
de la Sublime Porte. Ils prétendent en être „les protégés”. Cependant,
il n’y a jamais eu d’incorporation du pays dans l’empire ottoman,
et jamais la Sublime Porte ne s’est avisé de lever des impôts en
Hadhramout, d’y envoyer des fonctionnaires ou des troupes, ni d’y
excercer quelque autre acte de souveraineté. Le cas échéant, elle
rencontrerait une résistance des plus opiniâtres. Jamais cette puissance
n’a même demandé le secours des chefs du Hadhramout dans les
guerres intérieures et extérieures qu’elle a eues à soutenir; mais on
m’a cité un exemple que son arbitrage a été invoqué pour vider
une querelle entre deux chefs. (*)
(*) Un village en général s'appelle qaryah, mais un village de Bédouins, situé sur le
sommet d'un rocher ou d'une montagne, porte le nom spécial de raidah.
39
Les bourgeois sont les habitants libres des villes et des villages;
ils n’appartiennent à aucune tribu, ne sont pas non plus Sayijùl et
ne portent pas d’armes. C’est sur eux que retombe toute l’autorité
des seigneurs. On les divise en:
1°. marchands (qarwî plur. qarâr) ;
2°. ceux qui exercent une profession manuelle (ahl aç-çanâï ) ;
5°. laboureurs (dja’îl plur. djalah) ;
4°. domestiques (, khaddâm plur. ahhdâm).
Les marchands, les différentes professions manuelles et les laboureurs
forment des corps de métier, ayant chacun ses statuts ( qânoun ) qui datent,
à ce qu’on dit, du temps de l’ancien roi du Hadhramout, Badr Abou
Towairaq (1). Ces statuts, en partie rédigés par écrit, constituent une
loi complémentaire, à côté de la charïah ou loi musulmane. La
profession passe ordinairement de père en fils ; toutefois, la loi permet
d’en choisir une autre, et c’est même un acte louable de n’en exercer
aucune pour se vouer exclusivement à la culture de l’esprit, quand
on s’y sent des dispositions. Cependant ceci n’a lieu que par exception.
Chaque corps de métier a son chef, élu pour la vie et portant le
titre d 'Abou. Il représente le corps de métier et termine les disputes
survenues entre les membres, en tant qu’elles ont rapport aux
statuts ou aux coutumes locales ( ’âdah ou ’urf). S’il s’agit de
disputes sur la loi musulmane, la décision en appartient au Qâdhî.
Ainsi, la faillite d’un marchand est prononcée par le Qâdhî et non
par Y Abou. L’élection d’un chef de métier doit être confirmée par le
seigneur de la ville ou du village.
Quant aux domestiques, ils n’ont aucune organisation politique:
ils suivent la condition de leurs maîtres et sont considérés comme
faisant partie des corps de métier de ceux-ci. Il en est de même
f1) V. le chapitre suivant.
40
des esclaves ( ’abd plur. ’abîd féni. djâriah). Ce que la condition
des uns et des autres offre de particulier sera expliqué dans le
Chapitre IV § 5.
Les bourgeois forment en Hadhramout, comme en Europe au
moyen-âge, la gent taillable à merci. Le seigneur d’une ville ou
d’un village, ayant besoin d’argent, le demande simplement à ses
bourgeois, sans se préoccuper de la répartition. Si la somme n’est
pas payée dans le délai fixé par lui, il ordonne à quelques-uns
de ses gens de guerre d’aller la chercher dans les maisons des plus
riches habitants. On enlonce alors au besoin les portes, et l’on prend
ce que l’on considère comme une valeur suffisante pour l’impôt, plus
une juste rémunération pour la peine qu’on a dù prendre. Le seul
frein à la cupidité des seigneurs, c’est leur intérêt, c’est-à-dire
la crainte de voir les habitants émigrer. En outre, il faut mettre en
ligne de compte le respect pour l’opinion des Sayyid, dont l’influence
morale pèse même sur des personnes ne faisant pas beaucoup de
cas de la religion. Les seigneurs d’ach-Chihr et de Saioun sont les
seuls qui osent cotiser les Sayyid-, partout ailleurs, on a l’habitude
de les exempter des impôts.
Avant d'en finir avec les différentes parties de la population du
Hadhramout, il me reste à faire mention d’une espèce de noblesse
particulière, portant le titre de Chaikh (plur. Machaikh, féin.
Chaikhah ) (1). Ce titre est porté, comme une distinction personnelle,
par tous ceux qui se vouent à la science; mais en outre, il y a
deux tribus et quelques familles bourgeoises, qui y ont droit comme
titre héréditaire. Les tribus en question sont celles de Baraik et de
’Amoud. La dernière le porte parce qu’elle descend d’un des savants
O L’emploi du rnot Chaikli pour „chef” est inconnu en Hadhramout. Par contre, ce
mot est encore en usage comme simple prénom, et il en est de meme du féminin
Chaikhah. Comparez ce qui a été dit plus haut p. 37 n. t au sujet du mot Sultan.
41
les plus vénérés du Hadhramout, Ahmad bin ’îsâ, surnommé ’Amoud
ad-dîn. L’origine du titre dans la tribu de Baraik m’est inconnue.
Les familles bourgeoises portant le titre de Chailch sont celles de
Bâfadhl (’), de Bâhomaid, de Bâradjâ, de Bâharmî, de Bàwazir, de
Bâcho’aib, de Bâmozâhim, de Bà’abâd, de bin Khatib et des Zabdah (2).
Les familles de Bâhomaid et de Bâradjâ descendent d ’Ançâr (plur. de
Nâçir ), c’est-à-dire d’habitants de Médine qui, les premiers, ont épousé
la cause de l’Islamisme; la famille de Bâfadhl descend d’un célèbre
juriste et théologien; l’origine des autres semble incertaine. Cette
noblesse cependant est purement honorifique; elle ne donne aucune
prérogative, et les individus qui y appartiennent ne se distinguent en
rien des autres membres de tribu, ni des autres bourgeois. Ce serait
surtout une grave erreur de supposer que ce sont des tribus ou des
familles de savants; s’il y a des savants parmi eux, c’est quelque
chose de purement accidentel. Il reste à ajouter que deux des familles
en question, celle de Bâwazîr et celle de Bâmozâhim, ont des Munçib
ou chefs, comme les familles des Sayyid, mentionnées plus haut (3).
Celui de la famille de Bâwazîr réside à al-Bàtinah (4), et celui de la
famille de Bâwozâhim à Boroum. L’un et l’autre sont reconnus comme
chefs de leurs résidences par les tribus d’alentour.
Le chiffre total de la population du Hadhramout est très-incertain.
D’après la notice dans le journal al-Djawâïb, cité plus haut (5),
Terîm compterait environ 25.000 habitants et Saioun 80.000. Des
autres localités, la même notice nomme Chibâm avec 6000 habitants,
’inat avec 5000 et al-Ghorfah avec 5000. Mes informations
cependant donnent des chiffres beaucoup plus petits. La population
P) Une branche de cette famille est celle de bin Qàdhi.
(2) Pluriel d'az-Zabidi.
O V. p. 33.
(4) Petit village dans la vallée d'al-'Airj.
O v. p. fi.
42
de Saioun semble ne pas excéder 15.000 habitants, tandis que celle
de Terim est évaluée à 10.000, celle de Cliibàm à 2000, celle d’al-Ghorfah
à 1500 et celle de ’lnat à 1000 habitants. M. Bàbahir, qui, par la nature
de ses fonctions, a nécessairement quelque aptitude à évaluer la
population d’une ville ou d’une contrée, prétend que toute la population
du Hadhramout ne peut dépasser 150.000 âmes. 11 spécifie son
évaluation de la manière suivante.
De Chabwah à Cliibàm y compris les vallées d’Irmah,
de Duhr et de Raklhab V. . 20.000
Les vallées de ’Arnd, de Dou’an et d’al-’Ain 25.000
De Chibâm à Terîm * 50.000
De Terim à Saihout 6.000
Au nord de la grande vallée jusqu’au désert 15.000
Au sud de la grande vallée jusqu’à la mer 16.000
ach-Chihr et environs 12.000
al-Mokallâ et environs ’ 6.000
Total 150.000
Quand on se rappelle que la plus grande partie du pays est
impropre à l’agriculture, ce chiffre me paraît constituer déjà une
population assez dense. En tout cas, c’est un chiffre plus probable
que les données fournies par le journal al-Djawàïb, selon lesquelles
rien que les quinze principales localités dans la grande vallée
compteraient ensemble 126.000 habitants.
Anciennement Terîm était la ville la plus considérable du Hadhramout,
non-seulement par le nombre de ses habitants, mais encore par son
commerce, son industrie et sa culture intellectuelle. De nos jours
cependant, Terîm est surpassé par Saioun sous tous les rapports.
Plusieurs maisons y sont inhabitées, et des rues entières y ont un
aspect désert. On y voit un grand nombre de mosquées qui ne sont
plus visitées et tombent en ruine. La décadence de Terim daterait
45
d’environ un demi-siècle et aurait été causée par les guerres continuelles
entre les tribus dans les environs.
J’ai mentionné plus haut que l’influence des Sayyid est un frein
puissant contre l’oppression des bourgeois par leurs seigneurs (*).
Ajoutons que c’est encore grâce à cette influence, que l’on a en
Hadhramout une magistrature assez indépendante. Or il s’entend que
les Sayyid ont le plus grand intérêt à ce que la loi musulmane
reste en honneur, parce que celle-ci et la religion ne font qu’une, et
que la décadence de cette dernière entraînerait inévitablement la
perte du respect superstitieux que le peuple a pour eux comme
descendants de la fdle du Prophète. Dans les villes de quelque
importance, on trouve des Qâdhi ayant leurs suppléants dans la
campagne. Les Qâdhi sont nommés par les seigneurs, qui toutefois
ont l’habitude de consulter préalablement les Sayyid et les savants
en renom avant de fixer leur choix. Les suppléants sont nommés
par les Qâdhi eux-mêmes.
Les Qâdhi ont la juridiction civile et criminelle. Ils prennent
comme base de leurs décisions les oeuvres des juristes du rite de
Châfi’î, que l’on reconnaît aussi dans l’Archipel indien comme autorités
en matière de droit, c’est-à-dire, en premier lieu, le Minhâdj at-Tàlibin
de Nawawî et les deux commentaires sur cet ouvrage, la Tuhfat
al-Muhtâdj et la Nihàjat al-Muhtâdj. Les jugements ( façilah ) doivent
être rédigés par écrit et munis de la signature ( çahîh ) et du sceau
(muhr) du Qâdhi qui les a rendus; mais ils ne peuvent être mis
en exécution sans l’autorisation du seigneur. Ce n’est que par
grande exception que, dans le but d’entraver l’administrâtion de la
justice, celui-ci fait usage du pouvoir de refuser l’autorisation. S’il
avait affaire à un Qâdhi influent, p. e. un Sayyid vénéré, un tel
(') V. page 40.
44
acte pourrait lui coûter sa position de chef. Quant aux suppléants
des Qâdhi, leur office se borne aux mariages et aux autres actes
relatifs aux droits de famille. On les appelle par conséquent Qâdhi
al-oqoud. Ce caractère des fonctions des juges suppléants s’explique
par le fait que les membres de tribu, c’est-à-dire la grande
majorité des habitants de la campagne, ont rarement recours au
juge pour ce qui regarde leurs autres affaires. Les différends entre
des personnes appartenant à une même famille sont vidés par YAbou,
à moins que la partie lésée ne se fasse justice de son autorité privée.
Les différends entre des personnes qui n’appartiennent pas à la même
famille, ou entre des familles entières, sont vidés par le Moqaddam.
Celui-ci ne parvenant pas à mettre les partis d’accord, la justice se
fait selon le droit du plus fort, et s’il y a du sang versé, on voit
ordinairement naître une vendetta de longue durée. On m’a cité des
exemples de vendetta de vingt et de trente années pour des raisons
vraiment puériles. Si la vendetta commence entre deux familles de la
même tribu, elle reste limitée aux familles intéressées; mais supposé
que la vendetta soit née entre des familles appartenant à des tribus
différentes, elle entraînerait les tribus entières et prendrait presque
les proportions d’une guerre. Ainsi, un différend entre un membre de
la famille de Tàlib et un membre de celle d’al-Fàs reste nécessairement
limité à ces deux familles; mais un différend entre un membre
de la famille de Tàlib et un membre de celle de ’lbdàt peut
causer une vendetta entre toutes les familles appartenant à la tribu
de ’Omar bin Kathîr, d’un côté, et celles qui appartiennent à la tribu
de ’Amir bin Kathîr de l’autre. Puis, un différend entre un membre
de la famille de Tàlib et un membre de la famille de Khamis peut
amener une vendetta entre les tribus entières de Kathîr et des
’Awàmir, tandis qu’enfin un différend entre un membre de la famille
de Tàlib et un membre de la famille de Robâk peut occasionner
une guerre entre tous les descendants de Chanfarî al-Hamdânî
et ceux de Yâfi’ bin Himyar. Pour l’explication de ces exemples,
je renvoie le lecteur au tableau des tribus dans le chapitre
suivant.
Dans quelques tribus, le chef reste même étranger à la décision
des différends. On y a déféré cette besogne a un juge spécial, ayant
le titre de Hakam, prononçant, non d’après la loi musulmane, mais
d’après le droit coutumier. Or parmi les tribus, ou a non-seulement
des coutumes servant de complément à la loi musulmane, comme
c’est le cas parmi les bourgeois (*); mais il existe parmi elles
encore quelques coutumes en opposition formelle avec celle-ci. Il va
sans dire que le Qâdhî ni son suppléant ne peuvent accepter ces
coutumes comme fondant des droits. Ainsi, c’est une coutume
reconnue que les femmes sont exclues de l’héritage des immeubles
appelés mitliwâ (2), et des armes du défunt. Ces biens doivent
échoir aux agnats, et c’est à eux seulement qu’on peut les
aliéner entre-vifs. Comme la principale richesse des tribus consiste
précisément dans des immeubles de cette nature et des armes
précieuses, les héritières et leurs descendants mâles n’obtiennent à
peu près rien. En outre les membres d’une tribu ne peuvent acheter
des immeubles situés dans le territoire d’une autre tribu, ou même dans
le territoire d’une autre famille de leur propre tribu. Une troisième
coutume remarquable, c’est le droit qu’a le cousin paternel d’exiger
que sa cousine paternelle lui soit donnée en mariage, à moins que
celle-ci ne soit devenue l’épouse d’un autre. Il paraît que ces
coutumes sont assez nombreuses. Cependant un examen profond
et une description détaillée de celles-ci dépasseraient les limites de
cet ouvrage, pour ne pas parler de la nécessité de se rendre
(*) V. plus haut p. 39.
(2) On appelle milhteâ les immeubles qui doivent rester dans la famille.
46
dans le pays même, si l’on voudrait taire des recherches spéciales
sur ce sujet. Je n’ai eu d’autre intention que de citer quelques
exemples, pour faire ressortir le caractère des coutumes en question.
Quant aux Bédouins, il n’existe pas parmi eux une administration
de la justice méritant ce nom. Ils ont quelques coutumes qu’ils ne
respectent pas plus d’ailleurs que l’autorité de leurs chefs; l’intérêt
ou la conscience de leur faiblesse est leur seul guide.
J’ai déjà dit que le poids des impôts tombe presque exclusivement
sur les bourgeois. Ajoutons que l’impôt personnel s’appelle dafah et
atteint quelquefois 30% à 40% du revenu. Eu outre on a dans les
villes des droits d’entrée ( midjbâ ) d’un montant très-variable, mais
toujours excessif. Enfin ou peut considérer comme impôts: la siârah
ou obligation de payer une rétribution pour sa personne et ses
biens quand on traverse le territoire d’une tribu, le ribâ ’ ou payement
pour la sécurité de ses fonds ruraux et la chirâhah ou dîme. De
toutes ces obligations nous allons parler plus amplement dans le
Chapitre IV § 5.
L’armée des chefs ne consiste généralement qu’en membres de
leurs tribus ou de leurs familles, qui savent tous le maniement des
armes. Ceux-ci, en grande partie, ne sortent jamais de leurs maisons,
sans être armés de pied en cap. Il en est de même de leurs esclaves.
Cependant, outre ces bandes irrégulières, quelques-uns des chefs ont
encore une espèce de garde un peu plus disciplinée et un petit corps
d’esclaves armés. Ainsi le Djama’dâr d’ach-Chihr a une armée tant
soit peu régulière d’environ 5000 hommes, dont 1500 esclaves. Cette
armée est en garnison dans les différentes villes qui reconnaissent
son autorité. Ses troupes régulières libres appartiennent toutes à
sa tribu, de même que ses troupes irrégulières; seulement celles-là
sont logées et nourries à ses frais, et reçoivent une petite solde.
Le Sultan de Saioun a environ 1000 esclaves armés; mais, hors
47
la garde dont j’ai fait mention (*), il n’a pas des troupes régulières
libres.
Les armes en Hadhramout sont de longs fusils (bindouq) à mèche (2),
des lances ( rumh ), des sabres (nèmchah), des poignards ( djèrnbîah )
et des pistolets ( toubandjah ). Les revolvers à six ou à quatre coups
{abou sittah ou abou arbaah) commencent, de nos jours, à avoir une
certaine popularité (3). Les murs d’ach-Chihr sont munis de canons
de place, tandis que le Sultan de Saioun possède deux ou trois petites
pièces de campagne. Celui-ci a pris à son service quelques artilleurs
ayant servi dans l’armée turque. Il n’y a pas de cavalerie en
Hadhramout. On se bat toujours à pied. Le Sultan de Saioun et le
Djama'dâr d’ach-Chihr ont, chacun, pour leurs troupes une enseigne
de guerre ( bairaq ). Il en est de même des Munçib des familles
d’al-’Aidrous et du Chaikh Abou Bakr (4). Les autres chefs en
Hadhramout ne paraissent pas en avoir.
Une administration proprement dite n’existe pas. Les seigneurs
des villes et des villages ne se soucient point de ce qui est considéré
en Europe comme le devoir d’un gouvernement. L’instruction, la
police et les travaux publics sont laissés à l’initiative privée, d’où
il résulte que les deux derniers font presque absolument défaut.
L’instruction seule est florissante, surtout parmi les Sayyid et les
bourgeois. J’en parlerai plus amplement dans le Chapitre IV § 7.
(*) V. plus haut p. 37.
(J) Ce n’est que dans les derniers temps que les fusils à percussion et les fusils se
chargeant par la culasse commencent à être introduits en Hadhramout. En tout cas ils y
sont encore extrêmement rares et ne sont pas trop du goût des membres de tribu, qui
prétendent pouvoir tirer tout aussi loin avec leurs fusils à mèche. On me parle d'un tir
à une distance d’un kilomètre comme d'une chose très-ordinaire.
(3) L’arc (munlâb), comme arme de guerre, est déjà hors d'usage depuis des temps
immémoriaux. 11 est actuellement devenu un jouet d’enfants.
(4) V. plus haut p. 33 et s.
CHAPITRE III.
ORIGINE ET DIVISION ACTUELLE DES HABITANTS
DU HADHRAMOUT.
Exception faite des Sayrjid, qui, comme descendants de ’Alî, gendre
du Prophète, appartiennent à la race d’Isma’il fils d’ Abraham, de
quelques familles bourgeoises et des esclaves, tous les habitants du
Hadhramout prétendent descendre de YaTub bin Qahtân biuHoud(1).
Us appartiennent, par conséquent, à la race de l’Arabie méridionale
et s’appellent ’Arab ’Aribah ou „vrais Arabes”, en opposition avec
les ’Arab Mota’arribah ou descendants d’Isma’îl, c’est-à-dire la race
de l’Arabie septentrionale. Par suite du peu de contact que le
Hadhramout a eu avec l’étranger, les habitants de ce pays sont sans
doute une race très-pure. C’est ce qui saute aux yeux dès le premier
abord, quand on se trouve dans une colonie arabe de l’Archipel indien.
On y voit, à chaque pas, des types remarquablement prononcés (2).
Quant à la généalogie entre Ya’rub et les souches des tribus ou
des familles actuelles, le souvenir en est entièrement effacé. Seulement
on connaît encore un individu légendaire appelé Hadhramout (3);
mais on n’a point sur lui des idées précises. Tout ce qu’on
raconte de lui, porte l’empreinte d’être forgé dans les temps
modernes pour expliquer son nom par les deux mots arabes
hadhar et maut. 11 paraît que chez les tribus et chez les bourgeois
les arbres généalogiques écrits sont très-rares; mais ceci n’empêche
pas que les uns et les autres ne fassent beaucoup de cas de leur
descendance. Outre son prénom ( ism ), chacun porte le nom de son
(* *) Sur le tombeau de Houd V. plus haut p. 14.
(2) Comparez la description de M. de Maitzan op. cit. p. 23 et s. La vivacité des
habitants du Hadhramout ne m'a pas frappé moins que cet auteur.
(*) V. M. Wüstenfeld: Genealogische Tabellen, Table N°. 5.
49
père et celui (le sa famille ou de sa tribu (■ nasab ), par exemple,
Mohammad bin Ahmad (') al-Haddâd, quoique, dans la vie journalière,
on n’indique ordinairement les personnes que par leur prénom, tout
au plus par leur prénom et le nom de leur père. La plupart des
Arabes du Hadhramout connaissent leurs ascendants jusqu’à au moins
cinq ou six générations. Les esclaves affranchis adoptent le nom
de la tribu ou de la famille de leur maître, mais sans y ajouter
les titres héréditaires de Sayyid ou de Chaikh (2). Du reste,
comme nous le verrons dans le chapitre suivant, les esclaves ne
peuvent avoir eu que très-peu d’influence sur la pureté de la race
du Hadhramout.
Les bourgeois sont divisés en familles, de même que les Sayyid et
les membres des tribus. Nous avons nommé quelques-unes de ces
familles dans le chapitre précédent (3), où nous avons vu que
spécialement deux d’entre elles, celles de Bâhomaid et de Bâradjâ,
prétendent être originaires de Médine. Par conséquent ces familles
n’appartiennent point au sang de Ya’rub, pas plus que les descendants
des personnes qui se sont établies en Hadhramout avec le Sayyid
Ahmad bin ’tsâ dont nous allons parler plus amplement tout à
l’heure. Ces personnes étaient originaires de la Mésopotamie, et leurs
descendants forment actuellement 80 familles, dont je vais citer ici
seulement celles de Bâbahîr, Bâsalâmab, Bâhachwân, Bâziâcl, Bâcharâlnl
et bin ’Uthmân, comme les plus connues dans l’Archipel indien. (*)
(*) Il parait que dans quelques localités on retranche le mot bin. Ou dit ..Mohammad
Ahmad" pour ..Mohammad bin Ahmad". Comparez SpiUa Bey : Grammatik des Arahischen
Vulgâr-Dialectes von Aegypten p. 256. Dans la vallée de Dou’an, on dit ordinairement
..Mohammad bà Ahmad", au lieu de ,, Mohammad bin Ahinad”.
(2) Quant aux Arabes non-originaires du Hadhramout, s’ils s’établissent dans l'Archipel
indien, et qu’ils n'aient pas de nom de famille, ils s'en font un du nom de leur pays ou de
leur ville natale. Ainsi l’on trouve dans l’Archipel indien les noms de famille: al-Baghdâdi,
al-Miçri, al-Maghribî, al-Maskatî, etc. Pour ce dernier nom, remarquons en passant, qu’on
dit et écrit en Hadhramout ..Maskat" et non ..Masqat".
(3) V. plus haut p. 41.
4
30
Les familles bourgeoises du Hadhramout sont quelquefois très-nombreuses
et pourraient former de véritables tribus, si elles avaient des chefs et
qu’elles portassent des armes. A défaut de ces deux conditions, elles
n’exercent aucune influence politique et, de plus, elles sont dispersées
dans les villes ou les villages, sous la domination de seigneurs
différents. Une des familles les plus nombreuses dans la vallée de
Kasr et les vallées adjacentes, et dont on trouve aussi plusieurs
représentants dans l’Archipel indien, est celle de bin Sunkar, ou
comme on la nomme en arabe, au pluriel, as-Sanàkirah. Les familles
des Sayyid, habitant également des localités différentes, offrent un
intérêt beaucoup plus grand, non-seulement par leur influence politique
et leur organisation, mais encore parce que leur descendance est des
mieux constatées. Dans ces familles on a presque toujours des arbres
généalogiques; les membres, même ceux établis dans l’Archipel indien
et y occupant une position sociale un peu élevée, ont soin de faire
noter par leur Munçib en Hadhramout les naissances et les décès
qui ont eu lieu dans leur maison. C’est surtout la famille du Chailih
Abou Bakr qui semble tenir beaucoup à sa généalogie et à celle des
Sayyid en général. Du moins m’a-t-on montré dans les maisons de
plusieurs membres de cette famille des arbres généalogiques, copiés de
l’original se trouvant en Hadhramout, et continués avec le plus grand soin.
La souche des Sayyid du Hadhramout est un certain Alunad bin
’îsà surnommé al-Mohàdjir (*), qui, d’après la tradition, s’est établi
dans le pays il y a environ 10 siècles. Il était originaire de Bassora,
et amenait avec lui les aïeux des 80 familles dont je viens de parler.
Je ne crois pas qu’il soit assez intéressant de raconter les légendes
sur les causes de cette immigration, d’autant moins que ces légendes
me paraissent toutes d’origine moderne.
(*) Ne pas confondre cet Ahmad bin ‘Isa avec Abmad bin ’lsâ surnommé ’Amoud
ad-din. V. plus haut p. 41.
La généalogie du Sayyid Alimad est comme suit: bin ’îsâ bin
Mohammad an-Naqîb bin ’Alî al-’Oraidhî bin Dja’far aç-Çâdiq bin
Mohammad al-Bàqir bin ’Ali Zain al-’Abidin bin al-Hosain (r. Pour
se distinguer des autres Sayyid, ceux du Hadliramout s’appellent les
descendants de ’Aloui (2), petit-fils d’Ahmad bin ’tsâ. Sept générations
après Alimad bin ’îsâ, l’arbre généalogique des Sayyid se bifurque
avec les deux fils de Mohammad surnommé Çàhih ar-Robât. Après
cette première division, on voit dans l’arbre* généalogique les Sayyid
se diviser de plus en plus en familles séparées. Je vais donner
les noms de ces familles, en tant qu’elles existent encore de nos
jours, et que leur descendance est généralement reconnue pour
authentique.
U as-Saqqàf.
Al bin Qitbân.
» Bà’aqîl.
» al-Mosàwa.
» al-’Aidrous.
» al-Baitî (4).
» Mocbiyyikh.
» Isma’îl.
» Taha.
» Maknoun (5).
» ac-Çâfî.
» bin Barâhim.
» Bâ’omar.
» Bàchomailab.
» al-Monawwar.
» Tawîl.
» bin Ghihâb ad-dîn (3).
» ’Aqîl bin Sâlim.
» al-Hâdî.
» al-’Attàs.
» al-Machbour.
» acb-Chaikb Abou Bakr
» az-Zâbir.
» al-Haddâr.
» aç-Çolaibiah.
» Abou Fotaim.
(*) Comparez celte généalogie avec celle donnée par M. Wûstenfeld, op. cil. Table
(2) al-’Alouîyîn.
(s) Ordinairement appelée par abréviation Al bin Chiliâb.
(*) Il y a deux familles différentes qui portent ce nom.
(s) Il y a deux familles différentes portant ce nom.
(6) Cette famille est divisée en deux branches, les Al Hosain et les Al Hârnid.
I
82
\l Mawlà ad-Dawîlah.
Al Motahhar.
*
» Moqaibil.
» Mudhir.
» Mawlâ Khailah.
» Marzak.
» ltin Saltil (1).
» Modaihidj.
» biu Yahyâ (2).
» Abou Nomai.
» Bâ’aboud (*).
» Fad’aq.
» al-Hindouàn.
» Khird.
» al-Mahdjoub.
» Bâbaraik.
» ’Abd al-Malik.
» al-Khonaimân.
» Hàchitn (4).
» Bàhosain.
» Somait.
» Bà’alî.
» an-Nadhir.
» al-Hout.
» Tâhir.
» al-Ghaithah.
» Hosain al-Qârali.
» al-Hàniil.
» al-Haddàd.
» al-Bâr.
» Bâfaqîli.
» al-Kâf.
» Bàfat'adj.
» Bàraqbali ou Bârqabah.
» Bàçut'rah.
» al-DjtilVî (7).
» al-Hodailî.
» al-Bïdh.
» ’Aidïd.
» Bilfaqih.
» Djonaid (5).
» al-Qadrî.
» ach-Cltilli.
» as-Seri.
» Baroum.
» Bàhâroun.
» al-Moniffir.
» al-Haluliî.
» Hàmid (6).
» acli-Châtirî.
(') Il y a deux familles différentes portant ce nom.
(2) Une branche de cette famille s'appelle Al biu ’Aqil biu Yabyâ.
(3) Il y a trois familles dilférenles portant ce nom.
(*) Il y a deux familles différentes portant ce nom.
(5) 11 y a deux familles différentes portant ce nom.
(*) Ne pas confondre avec les Al Hàmid mentionnés p. 51 n. G.
Ç'j Une branche de celte famille s'appelle Al al-Babr.
r
VI acb-Chanbal.
» Bâch-Chaibàn.
VI Djamal al-Lail.
» al-Muhdhàr.
Parmi ces familles, il y en a quelques-unes qui, à riieurc qu’il est,
n’existent plus en Hadhramout; mais cela ne veut pas dire qu’elles
soient éteintes. Ainsi, la famille de ’Abd al-Malik existe encore dans
l’Inde anglaise sous le nom de Al ’Athamat Khân. De même celle
de Bàch-Chailtàn existe dans l’île de Java et celle d’al-Qadri à
Pontianak. Les noms de famille des Sayyid sont ceux de leurs
familles respectives elles-mêmes, naturellement sans y ajouter le mot
Al, p. e. : Mohammad bin Al.imad as-Saqqàf, M. bin A. Bâ’aqîl, etc.
Il n’y a que les membres de la famille du Chaikh Abou Bakr qui
ajoutent le mot bin pour former leur nom de famille et s’appellent
p. e.: Mohammad bin Alimad bin ach-Chaikh Abou Bakr.
Les tribus du Hadhramout sont, en commençant par l’occident:
I. Les descendants de Baraik (al-Baraiki) (*), divisés en deux familles:
1°. VI bin Baraik (bin Baraik).
2°. an-Nabàhîn (bin Nabhàn).
C’est une tribu de Bédouins dans les environs de Chabwah (2).
Cependant une partie de la famille de bin Baraik s’est établie à
ach-Chihr.
IL VI ’Amr (al-’Amrî), Bédouins dans les vallées d’Irmah et
de Duhr.
(’) Les noms placés entre parenthèses sont les noms de famille. Si rien n’a été ajouté à
un nom de tribu ou de famille, on ne l'emploie pas comme nom de famille personnel.
Les noms des tribus et des familles sont combinés, de sorte que les noms des membres
des tribus sont quelquefois assez longs. Le plus souvent cependant on porte, soit l'un,
soit l’autre, et ceci est toujours le cas dans la conversation journalière. L'usage seul peut
apprendre de quel nom il faut se servir alors. Seulement, si l'on exprime les deux noms,
il faut faire précéder le nom de famille à celui de la tribu, p. e. : Mohammad bin Ahmad
bin Nabhàn al-Baraikî. Sur la tribu de Baraik v. plus haut p. 40 et 41.
(2) Je mentionne seulement les localités où les différentes tribus sont le plus largement
représentées. Plusieurs de celles-ci ont aussi des membres établis autre part, sur le territoire
d'autres tribus. C’est surtout le cas des tribus dans la vallée de Dou’an et dans les autres
parties du Hadhramout, à l'ouest et au nord-ouest de cette vallée.
III. Bait Kindali ou les descendants de Aswad al-Kindî. Ce sont
des Bédouins, divisés en deux tribus:
1°. \1 Çai’ar (bin Çai’ar) demeurant sur le plateau du même nom
et dans les montagnes d’alentour.
2°. \1 Mahfouth (bin Mabfoutb). Cette tribu a occupé autrefois la
ville d’al-Hadjarain ; mais actuellement elle s’est dispersée dans
les montagnes voisines.
IV. \1 al-Karab (bin al-Karab), tribu bédouine dans les environs
de Rakbân et plus à l’ouest.
V. an-Nahd (an-Nahdi). Cette tribu demeure dans la partie inférieure
de la vallée de Rakhiah et dans la grande vallée jusqu’à Qa’outhah
et Hainin. Elle compte les familles suivantes:
1°. al-Hukmàn (al-Hukmânî).
2°. VI Rawdhàn (ar-Rawdbàni).
5°. » Monîf (bin Monîf).
4°. » Tbàbit (bin Thâbit):
'6°. » Chahbal ou ach-Chahàbilab (acb-Cbabbali).
6”. » Hatrach (bin Hatracb).
7°. » Howail (bin Howail).
8°. » Kolaib (bin Kolaib).
9°. » Bal’alà (Bal’alâ).
10°. Plusieurs familles bédouines dans les montagnes.
Le chef de la famille des Hukmàn est également chef de la tribu
entière; il a sa résidence à Qa’outbah.
VI. VI bin Ballaith (al-Ballaitbî).
VII. VI Ilaidarah (bin Haidarab).
Ces deux tribus bédouines occultent ensemble la partie supérieure
de la vallée de Rakhiah.
VIII. al-Dja’dah (al-Djo’aidi), tribu se composant des familles:
1°. VI bin Cbamlàn (bin Chamlân).
55
2°. Vl bin Murdah (biu Murdah).
5°. » bin Hailàbi (bin Hailàbî).
4°. » bin Homaid (bin Homaid).
5°. ■> bin Çoqair (bin Çoqair).
6°. » Tàhir bin Ràdjib (bin Tàhir bin Ràdjih).
7°. » al-Ma’di (bin al-Ma’di).
8°. > Halâbî (bin Halâbi).
Cette tribu occupe la vallée de ’Anul et se compose presque
entièrement de Bédouins. Le chef de la famille de bin Chamlàn est
en même temps chef de la tribu.
IX. Vl ’Amoud (al-’Amoudi) ou Banou ’isà.(‘), dans la vallée de
Dou’an et sur le plateau de Raidat ad-Dayyin. Elle se compose des
familles :
1°. VI Motahhar (bin Motahliar).
2°. » Mohammad bin Sa’id (bin Mohammad bin Sa’id).
5°. » Ahmad bin Mohammad (bin Ahmad bin Mohammad).
4°. al-Baghâbirah (al-Baghbarî).
5°. VI Çaklou’ (aç-Çaklou’î).
6°. -> acb-Cbaikh ’Omar al-Monàçib (bin acb-Chaikh ’Omar al-Monàçib).
7°. » Bàtouk (bin Touk).
8°. » Bàdâhiah (bin Dàhîali).
9°. » Bà’abd al-Qàdir (bin ’Abd al-Qàdir).
10J. » Bààhmad (bin Ahmad).
11°. » at-Tayyàr (at-Tayyàri).
12°. » Bàrobaid (ar-Robaidi).
13°. » al-Faqîh (bin al-Faqib).
14°. » Bàdjomâb (al-Djomâhî).
15°. » Bàçamad (bin Çamad).
(‘) V. plus haut p. 40 et 41,
56
16°. al-Kushân (Bàl-Aksah).
17°. aç-Çuq’àn (Bàl-Açqa’j.
18°. \1 Bàtawil (bin Tawil).
19°. ■> Bàçaqr (bin Çaqr).
20°. » Abou Bakr (bin Abou Bakr).
21°. » Bàmousâ (bin Mousâ).
22°. » Bàyâsin (al-Yàsinî of bin Yàsiu).
Le chef (le la famille de Motahhar est en même temps chef de la
tribu entière; il réside à Bithali.
X. ads-Dsayâbiuah (ads-Dsaibàni).
XI. Al bin Sa’d (as-Sa’di).
Les tribus X et XI habitent la vallée d’al-’Ain et les montagnes
environnantes. Ces tribus ne se composent que de Bédouins.
XII. \1 Yàfi’ (al-Yàfi’î) ou les descendants de YàO’ bin Himyar.
Cette tribu occupe, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent,
tout le littoral et, dans l’intérieur, les villes d’al-lladjarain , de
%
Ilawrah, d’al-Qatn et de Chibàm. Elle est subdivisée en:
A. Al Tliobai (atb-Thobavyi), comprenant les familles:
1°. Banou Bakr (al-Bakri).
2°. Al Moçilli (bin Moçillî).
5°. » ach-Charaf (ach-Cbarfi).
4°. » Bal’afif (bin Bal’afif).
5°. » Sial (as-Saili).
6°. » Kasàd (al-Kasâdi).
7°. ach-Cbanàthirab (ach-Chanthouri).
8°. al-Djahàwichah (al-Djal.nvacbi).
B. Al Lab’ous (al-Bn’si), comprenant les familles:
1°. \1 Gharàmah (bin Gharâmah).
2°. az-Zaghâlidah (az-Zaghladi).
3°. U Homàm (bin Homàm).
57
4°. Al Mattàch (bin Mattàch).
C. \1 al-Moustah (al-Mousti), comprenant les familles:
1°. al-Qa’tah (al-Qa’aifi).
2°. Al Robàk (ar-Robàki).
3°. » ’Ali al-Hàdjdj (bin ’Ali al-Hàdjdj).
4°. » al-Hadd (al-Haddi).
5°. al-Djabâwirah (al-Djahwari).
6°. Al Yazîd (al-Yazidi).
7°. » ’Ali Djâbir (bin ’Ali Djàbir).
8°. >» Batàt (al-Batàtî).
La famille de Kasâd a émigré il y a quelques années en Afrique (*),
tandis que celle des Chanàthirah demeure séparée des autres, dans
la vallée d’al-Hazàzah et les montagnes environnantes. C’est une
famille bédouine. Le chef de la famille des Qa’tah est chef de toute
la tribu de Yâfi’ (2).
XIII. Les descendants de Saibàn, grande tribu bédouine subdivisée
en plusieurs tribus, dont on m’a nommé comme les principales :
1°. Al Saibàn (as-Saibàni), demeurant au nord et au nord-ouest du
mont Howairah.
2°. al-’Akàbirah (al-’Akbari), au sud et au sud-ouest de la même
montagne.
5°. al-’Awâbithah (al-’A\vbathânî), au sud-est de la vallée de Dou’an.
4°. Al Bahsan (al-Bahsanî), dans la vallée de Djirbah et les montagnes
environnantes.
XIV. al-Homoum (al-Homoumî), tribu bédouine dans les montagnes
au nord d’ach-Chihr. Elle consiste en plusieurs familles, dont on
m’a nommé comme les principales :
1°. Bait ’Ali (al-’Aliyî).
(‘) V. plus haut p. 56.
(2) V. ibid.
58
2°. Bail al-Qirzàt (al-Qirzi).
3°. » al-Ma’àrah (al-Ma’àri .
4°. al-Djouhîyin (al-Djouhî .
XV. ach-Ghanàfirah ach-Chanfari) ou les descendants de Chanfari
al-Hamdànî. Cette nombreuse tribu est subdivisée en trois autres:
*
A. \1 Kathir (]) (al-Kathirî) entre Chibàni et Saioun et dans les
montagnes au nord. Cette tribu est de nouveau subdivisée en cinq autres:
a. \1 ’Omar bin Kathir, comprenant les familles:
1°.
\1
Tàlib (bin Tàlib).
2°.
))
al-’ As (al-’ A s).
3°.
))
al-Fàs (Bàl-Fàs).
4°.
»
bin Tanfirah ou at-Tanàlirah (bin Tanfirah).
5°.
1)
Kobayyil (bin Kohayyil).
6°.
»
Barqi (al-Barqî).
7°.
»
Mahri (bin Mahri).
8°.
J)
’Awn bin ’Abd Allah (bin ’Awn bin ’Abd Allait).
9°.
»
’Omar Umbadr (bin ’Omar Umbadr).
10°.
»)
bin Camîl (bin Çamil).
11°.
»
ach-Chain (bin ach-Chain).
12°.
)>
al-Wi’l (Bàl-Wi’l).
13°.
»
Badr bin ’Abd Allait (bin Badr bin ’Abd Allah).
Al ’
Arnir bin Kathir (2), comprenant les familles:
1°.
Al
’lbdàt (bin ’ibdât).
2°.
»
’Abd al-’Aziz (bin ’Abd al-’Aziz).
3°. » Mohammad bin ’Omar (bin Mohammad bin 'Omar).
4°. » Musfir (bin Musfir).
5°. » Ma’touf of al-Ma’àtîf (bin Ma’touf).
(') C'est-à-dire les descendants de Kathir bin Badr bin Mohammad bin Chanfari
al-Hamdàni.
(J) Ne pas confondre avec les ’Awàmir que je vais mentionner sub J!,
39
6°. il Iv luld ah (ltiu Kuddah).
o. al-Fakbàïds. Ainsi l’on appelle les familles:
1°. il ’Awn (al-’Owainî).
2°. » Sa’îd (bin Sa’id).
3°. » al-Hàdjirî (al-Hâdjirî).
4°. » Sanad (bin Sauad).
o°. » Hadhil (bin Hadhil).
6°. » Ludhrâf (bin Ludhrâf).
7°. » Saif (bin Saif).
cl. Plusieurs familles bédouines dans les montagnes au nord.
c. \1 ’Abd al-Wadoud (bin ’Abd al-Wadoud), tribu bédouine, demeurant
sur la côte dans les environs de Qocai’ar. Cette tribu, entièrement
séparée des autres descendants de Chanfari par les tribus de
Yàfi’ et (les Homoum, possédait anciennement aussi la ville de
Qocai’ar; mais elle en a été expulsée, il y a quelques ans, par
celle de Yâfi’.
II. al-’Awâmir (*) (al-’Amiri), occupant la grande vallée entre
Saioun et Terim et les montagnes au nord. Celle tribu se compose
des familles:
1°. Vl ’Abd al-Bàqî (bin ’Abd al-Bàqî).
2°. » Khamis (bin Khamis).
3°. » Kalilah (bin Kalilah).
4°. » Matrif (bin Matrif).
5°. » Qannàç (bin Qanuàç).
6°. » Yokhiyyir (bin Yokhiyyir).
7°. » Baràhim (bin Barâhim).
8°. » Saif (bin Saif).
9°. Plusieurs familles bédouines dans les montagnes au nord.
(*) C’est-à-dire les descendants de ’Àmir bin Mohammad bin Chanfari al-Hamdàni.
60
C\ \1 Djâbir (*) (al-Djàbirî), tribu bédouine dans les montagnes
au sud de Saioun et dans les vallées de bin ’ AIL et de ’Adim.
Le chef de tous les descendants de Chanfari al-Hamdànî c’est le
Sultan de Saioun. Il descend de ’Abd Allah bin Dja’far bin ’Abd
Allah bin Badr bin Mohammad bin Chanfari al-Hamdànî, selon la
légende, le premier prince du Hadhramout. Un descendant de celui-ci,
Badr Abou Towairaq (l), avait deux fds, ’îsà et ’Abd Allah. Les
descendants du dernier forment la famille des Sultans actuels. Dans
le chapitre précédent, il a été question de ceux du premier, appelés
\1 ’isà Umbadr (3).
/
XVI. VI Bàdjarai (Bâdjarai), tribu demeurant au nord-est de
Saioun, enclavée par les tribus de Kathir et des ’Awâmir. Elle n’est
pas du sang de Chanfari, mais n’en a pas moins, par une convention
solennelle, reconnu le Sultan de Saioun pour son chef.
XVII. Banou Thannah (ath-Thanni). Cette tribu est divisée en trois
autres:
o. \1 Tamim (at-Tamîmi), dans la grande vallée entre al-Falouqah et
Qabr Houd. Cette tribu comprend les familles:
1°.
Al Yamâni (bin Yamâni).
2°.
» Mohammad bin Mohammad).
3°.
» Zaidàn (bin Zaidàn).
4°.
al-Qaràmçah (bin Qarmouç).
3°.
Vl Chamlàn (bin Chamlàn).
6°.
» Qaçir (bin Qaçîr) (4).
7°.
» Chaibân (bin Chaibân) (5).
8°.
» Silinih (bin Silmih) 6 .
(*) C'est-à-dire les descendants de Djàbir bin Mohammad bin Chanfari al-Hamdàni.
(*) On prétend qu'il s'est écoulé, depuis son règne, à peu près 9 siècles.
H V. p. 37.
(*) Cette famille est subdivisée en quatre branches.
(*) . » » . » cinq »
(®) • • • • » quatre »
61
9°. » Mirsâf (bin Mirsâf).
10°. » ’Abd ach-Chaikh (bin ’Abd ach-Chaikh).
11°. » ’Uthmân (bin ’Uthmân).
Le chef de la famille de Yamâni est également chef de toute
la tribu de Tamîm. Il réside à Qasm.
b. al-Manâbîl (al-Minhâlî), tribu bédouine dans la grande vallée entre
Qabr Moud et Saihout de même que dans les montagnes à l’est
et à l’ouest. Elle reconnaît pour son chef un des Munçib de la
famille du Chaikh Abou Bakr, à ’lnât (*).
c. Al as-Simâh (as-Simâhî), tribu bédouine dans les montagnes au
nord de la vallée de ’lnât.
(*) V. plus haut p. 33 et 34.
CHAPITRE IV.
VIE PUBLIQUE ET PRIVÉE EN HADHRAMOUT.
S 1.
ASPECT DES VILLES ET DES MAISONS.
L’aspect des villes en Hadhramout n’est pas désagréable. Elles sont
en général bien aérées et propres. Les mes, il est vrai, ne sont
pas pavées; mais à cause du climat sec et de la nature pierreuse
du sol, cela n’a aucun inconvénient sérieux. Le long ou au milieu
des rues, on a ordinairement des ruisseaux ( midjrâ ) pour l’eau des
maisons. Les matières et immondices solides sont portées tous les
jours hors des villes ou villages et, s’il y en a en quantité suffisante,
vendues comme engrais. La plupart des villes de quelque importance
ont des remparts (daur) et des portes ( suddah ). Ces dernières, toujours
gardées, se ferment la nuit. Les remparts de quelques villes, par
exemple ceux d’ach-Chibr, sont munis de bastions (qal'ah) et, en
outre, chaque ville est flanquée par des tours (/mil plur. nlnvâl
ou par des châteaux (huçn plur. lioçoun), dont les garnisons se
composent d’esclaves armés on de quelques membres de la tribu
dominante.
Ce qui doit frapper, en premier lieu, l’étranger visitant le
Hadhramout, c’est la forme des maisons (dâr plur. diâr ) et des
châteaux. Je vais tâcher d’en donner une description. Parmi les
matériaux il faut nommer en premier lieu des briques (madar),
composées d’argile (Un) humide, mêlée avec de la paille (film); on
[tresse ce mélange dans un moule, après quoi on le fait sécher au
soleil. Dans l’île de Java, les briques de celte nature ne résisteraient
même pas aux pluies d’une seule mousson ; mais il paraît qu’en
Hadhramout, elles résistent parfaitement aux influences du climat.
t>r>
Les pierres de taille sont d’un usage restreint. Au lieu de ciment
ou de chaux, on se sert d’argile humide pour cimenter les briques.
Au littoral les murs extérieurs sont enduits de gypse ( djiçç );
ailleurs on se contente de blanchir à la chaux ( nourah ) le sommet
de la maison.
Les maisons sont ordinairement construites sur un soubassement
de pierres de taille et ont, outre le rez-de-chaussée, de deux à
quatre étages. La porte d’entrée se trouve au milieu; elle est ornée
d’arabesques ( naqch ) ou de doux ( mismâr ) en fer ou en cuivre poli.
Elle porte un marteau (hilqah) de fer, avec lequel on annonce sa
venue, quand on désire être admis dans la maison. La porte donne
sur un corridor ( dhaiqah ), à droite et à gauche duquel sont situés
les celliers ( (lirait ) pour les marchandises, les denrées alimentaires,
le bois à brûler, etc. Derrière la maison, on a une cour ( chumsali ),
autour de laquelle on voit la cuisine ( matbakh ) et les autres communs,
ne consistant ordinairement qu’en abris. Dans les grandes maisons,
on trouve encore quelquefois un puits (bîr), mais ordinairement, du
moins dans les villes, on se procure l’eau nécessaire dans les puits
publics, se trouvant dans tous les quartiers. Dans le mur autour de
la cour, on trouve souvent une porte de derrière pour les animaux
domestiques.
Pour construire le premier étage, on place dans chaque chambre
des piliers carrés de pierre ( bakrah ), servant à soutenir les grosses
poutres ( qâsim ) horizontales, sur lesquelles reposent des solives
( c/oboul ). Celles-ci sont couvertes d’une espèce de treillis en bois,
enduit d’une épaisse couche d’argile mêlée avec de la c)iaux. Le
mélange, devenu dur, donne un plancher d’une solidité extrême. De
la même manière on construit le plancher du second étage, avec
cette différence que les poutres ne sont plus soutenues par des
piliers en pierre, mais par des piliers en bois (salon). Les étages
64
devenant de moins en moins larges, on trouve à chaque étage, à
droite et à gauche, une terrasse ( raim ) entourée de petits murs,
comme celle formant le toit de l’étage supérieur. L’escalier ( roqâd )
est construit ordinairement de briques, et les corridors sont pavés du
même mélange d’argile et de chaux que les planchers des appartements.
Rarement les maisons ont des balcons fermés ( djanâh ), comme on en
voit dans la plupart des autres pays musulmans. Les chambres
( mahdharah ) se trouvent en haut. Tandis qu’au rez-de-chaussée on
n’a sur la rue que de petites ouvertures fermées de barres de fer,
à une hauteur d’environ deux mètres et demi, on aime à avoir dans
les chambres un grand nombre de fenêtres ( khalfah plur. khilâf).
Celles-ci se ferment avec des volets ( lihidj ). Les vitres sont inconnues,
de même que les cheminées. S’il fait froid, on place dans la chambre
un grand brasier ( kânoun ) de bois allumé (* *), et l’on s’assied autour
pour se chauffer. Le bois ne donne pas beaucoup de fumée; mais ce
qu’il y eu a, doit sortir par la fenêtre. Les portes et les fenêtres
sont fermées en dedans avec des verrous en bois ( qâloudah ) ou en
fer (qufl) (2). Les portes ( bâb ) donnant accès aux chambres ont des
verrous moins lourds que la porte d’entrée ( suddah ). Celle-ci est
munie d’une corde aboutissant au premier étage; de sorte que, à
l’arrivée d’un visiteur, on peut lui ouvrir sans descendre. Devant les
grandes maisons on a souvent une cour, entourée d’un mur. Ce mur,
haut de deux mètres au moins, s’appelle hadjwah ; la porte dans
ce mur s’appelle suddah barrânîah.
Les châteaux (huçn), construits de la même façon, mais en général
sur une échelle plus large que les maisons bourgeoises, sont fortifiés,
aux quatre coins, par des tours munies de meurtrières, comme les
(*) Le charbon ( çakhr ) est seulement en usage chez les forgerons, etc., mais non dans
les ménages.
(*) Pour ouvrir la qâloudah on se sert d'une espèce de clef en bois appelée iqlid. La
serrure du qu/l s'ouvre par une clef en fer portant le nom de miflâh.
t>5
châteaux en Europe au moyen-âge. Ces tours sont ou rondes ( ma* courait
plur. ma’âçîr), ou carrées (nonbah plur. vowab) (1). En outre, on a
devant plusieurs châteaux un perron élevé et fortifié ( moqaddamah ),
et tous ont sur le toit une guérite (ghulb) ( 2) carrée, portant souvent
deux cornes de bouc sauvage (wi’l) en guise d’ornement. Les châteaux
se distinguent encore en ceci des grandes maisons bourgeoises, qu’ils
n’ont ordinairement qu’une seule terrasse, au lieu que celles-ci
en ont, comme nous venons de le voir, le plus souvent à chaque
étage. Les tours défensives (kout) isolées sont de petits édifices
d’un ou de deux étages,- munis de meurtrières. On n’y demeure
point comme dans les châteaux; ce sont plutôt des corps de garde
fortifiés.
Quant aux maisons des classes inférieures, attendu qu’elles sont
plus petites et surtout moins hautes, l’architecture caractéristique
du pays s’y montre moins. On voit des spécimens de maisons de
bourgeois moins favorisés par la fortune sur la Planche N°. 1, à
droite. Elles ne se distinguent pas des demeures de la même catégorie
d’individus dans les autres villes de l’Orient. Les demeures des Bédouins
sont, comme nous l’avons déjà vu, des grottes ou des cabanes d’argile.
Il n’est donc pas question chez eux d’architecture. Les tentes si
caractéristiques des Bédouins dans d’autres parties de l’Arabie ne
sont pas en usage en Hadhramout.
Le mobilier des maisons, même chez les personnes riches, est
très-simple. On s’assied sur le plancher. Sous les fenêtres se voient
quelques coussins (djawdarî, mikhaddah), et sur le plancher, des tapis
(qatîfah) ou des nattes ( haçir ). Une petite table très-basse ( vnaidah )
ou une espèce particulière de natte ronde (lifâl) est placée au milieu
1
(*) Un château à tours carrées s’appelle liuçn monawwab.
(’) Une guérite semblable se voit souvent aussi sur les maisons bourgeoises. Alors on
l'appelle monaitharah ; elle n’a jamais de cornes de bouc.
5
6G
de la chambre, quand on va manger. Le long des parois (si Ira h),
blanchis à la chaux (*), se trouvent des collres en bois (çahdouq), importés
de l’Inde anglaise, et des armoires (khazânah) également en bois, les
uns et les autres pour garder les livres, les ustensiles de ménage (2),
les habits ou l’argent. Pour garder les menus objets, on a une
espèce de paniers ronds et pointus appelés dînl/ah. On a des lampes
(sirâdj), mais d’une construction des plus primitives. Actuellement
on brûle presque partout du pétrole (gaz-)] mais il y a une quinzaine
d’années on devait se contenter de l’huile de sésame. Par-ci, par-là,
se voit une glace (i mantharah ). Les membres de tribu aiment à
orner les parois de leurs chambres en y accrochant des armes
et d’autres pièces d’équipement. Dans les celliers se trouvent des
hottes (marwadh) et de grands pots ( zir ) en terre cuite ; on y
conserve des dattes, de la farine et d’autres denrées alimentaires.
Dans les chambres de bain (bail at-tahârah ) l’eau se trouve dans des
vases de terre d’une forme spéciale, appelés khasbah. On la puise
avec un petit vase à anse (maghrafah ou mighrâf) et se la verse
sur le corps. En Orient, le bain ne consiste ordinairement qu’en
cela ; on ne s’y plonge pas dans une cuve remplie d’eau, comme cela
se fait en Europe. Pour les ablutions partielles, on a une espèce
d’auge de petite dimension, appliquée au mur et appelée mizyâb. Du
reste, en Hadbramout, les hommes ne prennent ordinairement pas leur
bain chez eux, mais dans les piscines (djâbiah) auprès des mosquées (3).
(*) Quelquefois on trace une raie rouge en haut sur les parois, parallèle au plancher.
(*) Les principaux ustensiles de ménage sont des jattes (ibrîq) de terre cuite, des
marmites ( burmah ) de terre cuite ou de pierre, des chaudrons (qidr ou linbâlah d'après la
grandeur) de cuivre, des assiettes (çuhn) de cuivre, des terrines (ghâfaqi), des tasses (fidjân),
des écuelles (lâsah) à anse, des gobelets (daim) de cuivre ou de terre cuite, des bouteilles
( gharchah ou qârourah d'après qu'elles sont en verre transparent ou noir) et des rôtissoires
( mihmâs ) de terre cuite pour préparer le café. Un service à café s'appelle dirah. Le mot
wa'à signifie en général tout objet servant à y mettre quelque chose, tandis qu'on emploie
pour , , vaisselle" le mot ordinaire aniah plur. awânî.
(3) On n'a pas en Hadhramont des bains publics (hammam) qui soient en même temps
des lieux de divertissement.
t>7
Une chambre de bain se trouve à chaque, étage <le la maison. L’eau
découle par un tuyau (mur’âdh) traversant le mur extérieur. Il
reste encore à ajouter que toutes les chambres de bain sont l’une
au dessus de l’autre, et que les tuyaux sont toujours du côté
de la maison, lequel ne donne pas sur le chemin public. Vu la
saleté régnant dans les quartiers arabes de l’Archipel indien, nous
serions portés à croire que la propreté en Hadhramout doit laisser
beaucoup à désirer. Cependant on m’a assuré, à plusieurs reprises,
qu il n en est lien, et que surtout 1 intérieur des maisons bourgeoises
est d’une grande propreté. Dans les demeures des pauvres seuls, se
voit, là comme ailleurs, beaucoup de malpropreté; il en est de même
chez les Bédouins.
§ 2.
NOURRITURE.
En Hadhramout on prend trois repas par jour: le déjeuner (cabâh
ou fotour), immédiatement après qu’on s’est levé et qu’on a fait sa
toilette et sa prière du matin, le dîner (ghadâ ou dhohâ ) entre
11 heures et midi, mais en tout cas avant la prière de midi, et
le souper ( ’achâ ) après avoir terminé la prière dite de la nuit,
c’est-à-dire à 7 heures et demie environ. Le pain {khubz) de froment
ou de millet, les dattes sèches (i tenir ) et la viande de menu bétail
(lahm al-ghanam ) forment la nourriture principale. La viande sert
souvent à faire une espèce de potage ( maraq ). Le riz ( ruzz ) n’étant
point cultivé en Hadhramout, on en fait seulement usage comme
nourriture secondaire. Il n’y a que les indigents qui mangent de la
volaille et du boeuf. Quant aux vaches ( baqr ), on ne les entretient
que pour le lait, de même que les poules ( didjâdj ) pour les oeufs.
Il n’y a que les Bédouins chez qui le gibier est une nourriture
générale; tandis que les habitants du littoral mangent beaucoup de
68
poisson ( samak ) (* *). Dans l’intérieur on ne mange naturellement que
du poisson sec et salé. Comme assaisonnements on a le beurre
bouilli et préparé ( samin ) (2), le miel (’asl), l’huile (salît), le sel
\
(milh), le poivre (fil fil), les oignons (baçal), les ails (thoum), le
piment ( bisbâs ), les clous de girofle (qrunful), la canelle (qirfah),
le sucre (sukkar), le gingembre (zandjabU), le cumin (kammoun),
etc. Ou mange encore plusieurs sortes de légumes ( khadhârî ), et
parmi les fruits (fâkihah), les raisins ( ’inab ), les ligues (tin), les
grenades (roman), le fruit du lotus ( nabq ), les citrons (lîm) et le
• tamarin (hawmar). Les habitants du littoral mangent aussi les noix
de coco (nârdjtl) et le bétel (tumbul). On mange avec une cuiller
(maVaqah), avec un couteau ( stkkîn ) (3), et au reste avec les doigts.
L’usage de fourchettes est inconnu. La boisson ordinaire au repas,
c’est l’eau (mâ) ou bien le lait ( laban ) de vache ou de chèvre.
Les Bédouins boivent aussi le lait des chamelles, mais plutôt comme
Itoisson fortifiante que pour se désaltérer. Quant au babeurre (roubah)
et au lait caillé (raib), on les boit beaucoup.
Une boisson qui mérite une mention particulière, c’est le café
(qahwah) (4). En Hadhramout ou n’a pas des lieux publics (miqhâyah),
où l’on débite cette boisson On boit le café chez soi, entre les repas,
surtout quand on reçoit la visite de quelqu’un. Il est d’usage constant
que toute personne allant rendre visite porte sur soi quelques fèves
de café, enveloppées dans le turban ou dans le râdî (6). La société
réunie, l’hôte fait recueillir les fèves et en fait préparer la boisson.
Avant de porter la tasse à ses lèvres, on ne manque jamais de
(') Surtout la chair de requin ( lahham ).
(*) Le beurre frais s’appelle zubdah ; l'emploi en est restreint.
(J) Un couteau de boucher s’appelle chafrah.
(‘) Le café, dans l'écorce, s’appelle djafal; les fèves portent le nom de bunn; le café
broyé s'appelle haqib.
(s) Espèce de plaid écossais. Je parlerai de cette pièce d’habillement plusieurs fois
dans le cours du présent chapitre.
69
commémorer le nom du Chaikh ’Alî bin ’Omar ach-Châdsilî. C’est
un saint dont le tombeau se voit encore à Mokhâ; on raconte que
c’est lui qui, le premier, a découvert les qualités stimulantes du
café. Celui-ci ne se cultive pas en Hadhramout; il est importé du
Yémen. La façon de le préparer et de le boire est comme partout
v
ailleurs en Orient.
§ 5.
DOMESTIQUES ET ESCLAVES.
Dans les maisons, même des personnel riches, on n’a que très-peu
de domestiques. Le ménage est fait par la femme et les filles,
qui, au besoin, invoquent le secours de leurs voisines, des membres
de leurs familles ou de leurs amies. Ceux qui sont assez riches,
se font servir par des esclaves. Les domestiques libres sont
employés presque exclusivement dans d’atelier ou au champ de leur
maître.
Quant aux esclaves, leur sort est assez supportable en Hadhramout,
comme au reste dans la plupart des pays musulmans. La loi prescrit
de les traiter plutôt en membres de la maison que comme objets
dont on est propriétaire. En Hadhramout, ils suivent la profession
de leurs maîtres; ceux des membres de tribu portent des armes
et cultivent les champs (x); ceux des bourgeois s’appliquent à des
occupations bourgeoises.
Les esclaves, en Hadhramout, quoique généralement des Somàli ou
des Nubiens d’origine, sont, pour la plupart, nés dans le pays, et même
dans la maison où ils servent. Ils restent presque toujours dans la
même famille, eux et leurs enfants, et ne changent de maître que
par suite du décès de celui-ci. Alors ils sont partagés entre les (*)
(*) V. p. 46 pour les esclaves devenus soldats et formant l'armée des chefs.
70
héritiers, à moins que ceux-ci ne restent ensemble et ne préfèrent
garder la succession en commun. Une importation régulière d’esclaves
n’existe pas; quand on en veut acheter, il faut attendre une occasion.
On prétend qu’à ach-Chihr seul on peut toujours en acheter, mais le
grand centre de la traite en Arabie paraît être à Djuddah. Au moins
m’a-t-on assuré que les marchands d’esclaves à ach-Chihr les font
venir de Djuddah.
Les esclaves en Hadhramout sont tous musulmans; s’il en arrive
un qui soit chrétien ou payen, on le force à embrasser l’Islamisme.
Us se marient entre eux, et de préférence entre esclaves du même
maître; le couple appartenant à des maîtres différents, il est d’usage
que le maître de la femme achète le mari. Les mariages entre
personnes libres et esclaves sont extrêmement rares. C’est une coutume
particulière en Hadhramout que les esclaves ne portent presque jamais
les prénoms ordinaires des Arabes, mais des noms spéciaux, p. e.
Faradj, Mabrouk, Murdjân, ’Obaid, Josur, Aman, Naçib, Sa’d Allah,
Sàlimîn (*), etc. De même les esclaves-femmes s’appellent Rahmah,
Za’farân, etc. Les esclaves n’ont pas de noms de famille, mais très-souvent
un surnom (laqab), p. e. al-fawîl „le long”, a l-qaçir „le petit”, etc.
L’affranchissement est un acte relativement rare en Hadhramout.
L’affranchissement contractuel ( kilâbah ), qui dans la loi musulmane
occupe une si grande place, y est entièrement hors d’usage. De même,
il arrive rarement que des esclaves-femmes obtiennent la liberté par
le fait d’avoir partagé le lit de leur maître et de lui avoir donné
un enfant. Les descendants d’affranchis appartiennent généralement
à la classe des domestiques; dans les derniers temps les esclaves
affranchis préfèrent quitter le pays pour aller chercher fortune à
l’étranger. Il y en a plusieurs dans l’Archipel indien.
(') Ce nom est aussi porté, quoique très-rarement, par des personnes libres.
71
§ 4.
VALEUR DE L’ARGENT.
L’argent a, en Hadhramout, une très liante valeur, ou ce qui revient
à la même chose, tout y est d’un bon marché incroyable. Sur la
Planche N°. 1, à gauche, se trouve une grande maison appartenant
à un Arabe de Batavia, M. le Sayyiil Mohammad bin Ahmad
al-Haddâd; elle contient dix chambres et n’a coûté que 6000 fl.
de construction. A Batavia, on ne pourrait en construire une telle
pour moins de 100000 fl.
Un célibataire en Hadhramout vit très-bien de 100 fl. par an, et
250 fl. par an constitue le maximum qu’un tel individu puisse
dépenser, à moins de jeter l’argent par les fenêtres. Un Arabe que
j’ai rencontré, m’a dit avoir vécu dans sa jeunesse, comme étudiant à
al-Khoraibah, de 50 fl. par an; mais il ajoutait que ceci était le
minimum pour un homme appartenant aux classes civilisées. Un autre
Arabe dont la famille, domestiques et esclaves inclus, comptait sept
adultes et quatre enfants, m’a dit avoir mené, en dépensant 900 fl.
par au, un train de maison comme il faut, au moins pour le
Hadhramout. Dans ces sommes le loyer n’est pas compris; mais
attendu qu’en Hadhramout chacun, pour ainsi dire, habite sa propre
maison, le loyer n’entre pas en ligne de compte. 11 n’y a que les
rares personnes résidant temporairement dans une localité et ne jouissant
pas de l’hospitalité d’un membre de leur famille ou d’un ami, qui
demandent à louer une maison. Il en résulte qu’il est tout aussi
difficile de louer une maison à quelqu’un que d’en prendre à louage.
La construction d’une maison s’y fait donc uniquement pour des
besoins personnels, jamais pour rendre un capital productif. Dans ce
but, on n’achète que des champs ou des plantations de dattiers.
Les seuls objets qui soient chers en Hadhramout, ce sont les
72
chevaux et les armes. Un cheval un peu présentable coûte, au moins,
500 fl. si c’est un étalon, et le double si c’est une jument. Pour un
bon fusil à mèche on doit payer 500 fl., et il y en a qui valent
2500 fl.; mais il faut ajouter que ces fusils sont incrustés d’or ou
d’argent, de même que les armes blanches. Les armes précieuses passent
ordinairement de père en fils et se vendent rarement.
Exception faite de celle du Djama’dâr d’ach-Chihr, on peut dire qu’il
n’y a pas de grandes fortunes en Hadhramout; mais, par contre, on
n’y connaît pas non plus le paupérisme. Tout individu pouvant
travailler gagne assez pour vivre, et celui qui ne le peut pas, à
cause de vieillesse ou de défauts corporels, est entretenu par les
membres de sa famille ou de sa tribu. Si quelque bourgeois ferait
des économies un peu considérables, le seigneur de la ville se chargerait
bientôt du soin de les lui prendre. Aussi, quoique M. de Maltzan
exagère, selon qui 100 thalers prussiens (± 180 fl.) constitueraient
déjà une fortune (*), il n’en est pas moins vrai qu’en Hadhramout
on ne trouve même pas des bourgeois ayant un capital qu’en Europe
on appellerait médiocre. Il n’y a que les Sayyid et les membres de
tribu qui puissent jouir avec quelque sécurité de leur fortune, et
encore ces fortunes sont, pour la plupart, acquises à l’étranger.
Celle du Djama’dâr d’ach-Chihr est évaluée à plusieurs millions;
mais elle se trouve, pour la plus grande partie, dans l’Inde anglaise.
Celle du Sultan de Saioun doit être de quelques centaines de mille
florins; elle consiste entièrement en immeubles, situés dans le pays
même. Excepté ces deux chefs, on ne trouve que quelques individus
possédant près de 100000 fl. et nul dont la fortune dépasse cette
limite. Il va sans dire que parmi les Bédouins l’argent est encore
plus rare. Aussi n’en ont-ils guère besoin.
(*) 0]>. cit. p. 48.
75
§ 5.
COMMERCE, INDUSTRIE, AGRICULTURE, CHASSE, ETC.
Pour les bourgeois les moyens de subsistance sont en général le
commerce et l’industrie; pour les Sayyid et les tribus à demeures
fixes, l’agriculture, et pour les Bédouins, la chasse et l’élevage de
bestiaux.
Le commerce n’est de quelque importance qu’à ach-Chifir. En tant
qu’il se fait par mer, on se sert aussi bien de vaisseaux de construction
européenne (■ markab ) que de vaisseaux de construction arabe (sâ’iah) (* *).
Il embrasse la côte orientale de l’Afrique, la Mer Rouge, le Golfe
persique, l’Inde anglaise et la côte méridionale de l’Arabie, surtout
les ports de Mascate, de Thafâr et de ’Aden. Le commerce par
caravanes se fait avec l’intérieur du Hadhramout et avec tout le littoral
de l’Arabie méridionale, jusqu’aux pays du Yémen à l’ouest et de
’Oman à l’est. Ach-Chihr est le plus grand et, depuis la chute
d’al-Mokallâ (2), le seul port important de la côte entière. Al-Mokallâ
est en décadence, et les autres localités, comme Boroum, Qocai’ar et
Saihout, ne sont que des villages de pêcheurs. De l’intérieur, on
apporte à ach-Chihr: du fromeut, du miel, des dattes et des étoffes
teintes en indigo; les deux derniers articles forment la principale
branche d’exportation par mer. Comme article d’exportation de moindre
importance, mais très-particulier, il faut mentionner les tcailles et les
nageoires de poisson. L’usage de ce dernier article m’est inconnu:
seulement on m’a assuré qu’il est exporté vers l’Inde anglaise et la Chine.
(*) Les plus gros vaisseaux de construction arabe s'appellent baghlah-, puis on a la
ghandjah, puis le dâw et enfin le sanbouq ou chaloupe; c’est la plus petite espèce. Ces
vaisseaux ont tous la même forme connue. La baghlah est quelquefois de 400 tonnes,
quoique la mesure ordinaire en soit de 200 tonnes. Le gouvernail s’appelle sukkân, l’ancre
barouçi, les voiles chirà’, et les rames midjdàf.
(*) V. plus haut p. 36.
74
Les articles apportés à ach-Chihr par nier sont : du froment, du
beurre préparé (samin), des noix de coco, du café, du sucre, du riz,
du coton, des cotonnades et des indiennes, de la poterie, du fer en
barres et travaillé, de l’huile de sésame, du pétrole, des chèvres et de
la quincaillerie. On trouve à ach-Cbihr plusieurs marchands étrangers,
surtout de l’Inde anglaise; mais dans l’intérieur, tout le commerce
est dans les mains des Arabes. Son peu d’importance, dans l’intérieur,
saute aux yeux par l’exemple suivant: le premier marchand de la
ville la plus florissante, Saioun, fait ses affaires avec un capital de
tout au plus 15000 fl., et son bénéfice ne surpasse guère 10%. Aussi
les marchands dans l’intérieur font-ils tous le commerce de détail ( *).
Dans les localités les plus populeuses il y a marché tous les vendredis,
la prière hebdomadaire terminée. A Saioun, le marché se tient sur
la place, devant la grande mosquée. Il est le plus important du pays,
et on y afflue de toutes parts.
Une institution particulière, relative au commerce en Hadhramout,
est celle des courtiers (dallai). Toute tribu et même plusieurs familles
ont dans les principales localités leur courtier attitré, ayant le droit
exclusif de vendre les produits du sol qu’ils apportent au marché. Ces
courtiers sont, en même temps, une espèce d’hôteliers pour leur
clientèle (2). Us forment une classe à part de la population des
villes, sous des chefs ( Abou ) à eux; leur métier est héréditaire dans
quelques familles (3) et parait avoir une très-mauvaise réputation.
Du moins, le nom populaire qu’on leur donne est kilâb as-souq,
c’est-à-dire „les chiens du marché”.
(*) Une boutique s'appelle sur le littoral dukkûn, mais dans l'intérieur makhzan. Un
magasin non-destiné à la vente en détail s'appelle bakhkhâr.
(l) Les étrangers n'ayant pas de courtiers et ne connaissant personne dont ils puissent
attendre l’hospitalité, ont l’habitude de descendre à la mosquée.
(3) De ces familles, je mentionne spécialement celle de Wàkid à Saioun, parce qu'elle
a aussi des représentants dans l'Archipel indien.
/ -
Les marchands qui font des affaires de quelque peu d’importance,
ont l’habitude de noter leurs transactions dans des livres (nathîr).
Ces livres de commerce toutefois sont d’une ordonnance des plus
primitives. Chaque individu avec lequel on fait des affaires, a son
nom inscrit en tête de deux feuilles, sur l’une 'desquelles il est noté
comme débiteur, sur l’autre comme créditeur. De temps en temps
les comptes se règlent; si la solde n’est pas payée de suite, un
nouveau compte commence sur une nouvelle feuille. Aucun marchand
arabe n’a l’idée de dresser un bilan ou de régler ses livres à la fin
de l’année. Les annotations dans les livres de commerce, confirmées
par un serment, font foi dans les différends entre marchands, si ces
différends doivent être vidés par leur chef ( Abou ) selon les coutumes
locales (*).
Avant d’en finir avec le commerce, je tiens à parler encore de
deux choses ayant avec ce sujet des rapports intimes, c’est-à-dire
des moyens de transport et des poids, mesures et monnaies.
Des routes tracées et entretenues, il n’v en a point en Hadhramout.
On suit le cours des rivières ou les sentiers naturels. D en résulte
que le transport par chariot y est impossible, et qu’on est borné au
transport par chameau ou par âne. Quand on veut se rendre sur
le territoire d’une tribu, il faut prendre un des membres de la
tribu comme conducteur, et celui-ci se porte garant des personnes
et des biens confiés à sa garde. A défaut de conducteur, on est
certain d’être dévalisé en route, s’il était possible, plusieurs fois par
jour. Le conducteur s’appelle sayyir et l’action de conduire siârah.
On peut aussi confier au sayyir le transport de ses biens ou de
son argent sans se mettre en voyage en personne, et l’on prétend
qu’il n’y a pas d’exemple,, en Hadhramout, d’abus de confiance en
(*) V. plus haut p. 39.
76
pareil cas. De même il n’arrive jamais que la tribu du sayyir pille
quelqu’un voyageant sous la protection de celui-ci. Dans le cas qu’il
faudrait traverser le territoire de plusieurs tribus, le sayyir pris en
premier lieu n’en reste pas moins le conducteur jusqu’à la fin du
voyage; mais, arrivé à la frontière, il doit demander à son tour le
droit de passage à la tribu suivante. Moyennant une somme modique,
quelquefois n’excédant pas 0,10 fl. pour chaque chameau dont se
compose la caravane, on le lui accorde, et on lui remet comme
marque de sauf-conduit quelque arme ou autre objet appartenant
à la tribu dont il va traverser le territoire. Cet objet doit être
rendu le voyage terminé. Il s’entend que ce procédé n’est point
praticable , si l’on a affaire à des tribus se faisant la guerre.
Alors on doit changer de conducteur en entrant sur le nouveau
territoire.
Le transport est relativement à bon marché en Hadhramout. Par
exemple un chameau d’ach-Chihr ou d’al-Mokallà à Saioun ne coûte
que o fl. dans la bonne saison. En été, lorsque le fourrage est
rare, le prix s’élève, mais jamais au-dessus de 10 fl. En sus, il faut
payer un demi-florin environ pour la siârah. Le louage de bêtes de
somme est un gagne-pain spécialement en vogue parmi les Bédouins.
Au bord des routes les plus fréquentées, on a par-ci, par-là, des
réservoirs d’eau potable, appelés siqâyah (!), construits par des âmes
charitables au profit des passants. Ainsi, on n’a pas besoin d’emporter
de l’eau en voyage.
Les poids (2) en Hadhramout sont:
qaflah — ± 2 * */2 grammes.
(*) Quoique le mot sabil ait la même signification dans quelques parties de l’Orient
(V. Dozy: Supplément s. v.), il ne signifie en Hadhramout jamais autre chose que „chemin”
dans un sens figuré.
(*) Comparez les études de M. H. Sauvaire dans le Journal asiatique, Huitième Série
Tomes II, III, IV et V (1883—1885).
77
ouqîah =10
qaflah.
ratl = 12
ouqîah (*).
raf’ah =12
ratl.
farâsilah = 2
raf’ah.
bahâr = .12 ’/2
farâsilah.
II
-S
bahâr.
Les mesures de longueur sont :
chibr — ± 16 centimètres.
dsirâ’ = 3 chibr.
sâqit = 5 dsirâ’.
farsakh = 80 sâqit.
En outre, on compte les distances par pas (khafwah) et par journées
de marche ( marhalah ) (2).
Les mesures de capacité sont:
chatr = + Va litre.
mnçrâ ou mudd (3) = 2 chatr.
rabâ’î = 1 lj2 mudd.
ça - 4
qahâwil (4) = 2
Les monnaies sont:
ru6o’ khumsîah (cuivre) =
khumsiah (cuivre) =
haraf (argent) =
ouqiah (argent) =
qarch (argent) =
rabâ’î.
çâ\
± 0.003 fl. '
± 0.02 fl.
8 khumsiah.
2 haraf.
7 1/2 ouqîah.
(*) A ach-Chihr et à al-Mokallâ =16 ouqîah.
(’) V. plus haut p. 17.
(‘) Le mot mudd ne s’emploie pas au singulier; on dit alors muçrâ. A ach-Chihr et
à al-Mokallâ le muçrâ s’appelle qurç.
(‘) A ach-Chihr et à al-Mokallâ, cette mesure n’est pas en usage. Par contre on en a
une autre, appelée mikyâl — 8 ^jurç. V. la note précédente,
78
En outre, on a encore une monnaie de compte appelée buqchah et
valant ‘/s khumsiah ; tandis qu’une monnaie spéciale d’ach-Chihr est
le dîwânî, en cuivre, valant ‘/6 khumsiah. Des monnaies en or, on
n’en a point.
Pour le qarch on emploie dans tout le Hadliramout la pièce de
5 francs. Elle est devenue la monnaie du pays. En outre la pièce
de 10 cents des Indes hollandaises y est très en vogue. Elle vaut
4*/,' hliumsiah. Les rixdales hollandaises ou les dollars espagnols ne
sont acceptés que par quelques-uns des principaux marchands dans
les villes, et encore contre un agio considérable. On n’a pu m’expliquer
la cause de la popularité de la pièce de 5 francs.
La grande industrie n’existe pas en Hadliramout. Non seulement
il ne s’y trouve pas d’usines, mais même pas des ateliers de quelque
importance. Les artisans ont tout au plus un ou deux aides, esclaves
ou domestiques. L’industrie textile, quoique exclusivement exercée à
domicile, est encore actuellement très-importante; mais dans les dernières
années, elle commence à diminuer à cause de l’importation des
cotonnades européennes à bon marché. Anciennement Terîm en était
le centre, et plusieurs personnes m’ont raconté qu’ils se rappelaient
encore le temps que l’on trouvait dans presque chaque maison un
rouet (dilâb) et un métier de tisserand ( milnvâk ). Comme industries
complémentaires on a la préparation de l’indigo (ml) et la teinture
des tissages.
Outre les tisserands (liavcik), il y a, en Hadliramout, des forgerons
(liaddâd), des charpentiers ( nadjdjâr ), des orfèvres ( çâïgh ), des maçons
(bannâ t),'des potiers (bâni), des tailleurs (khayyâf) et des bouchers
(mochirrik). Les autres industries ne semblent pas s’exercer à titre
de profession. Chacun pourvoit, en personne, aux besoins de sa maison
à cet égard. Il reste encore à mentionner, comme industries spéciales
des habitants du littoral, la construction de navires, la navigation,
79
la pêche et la salaison du poisson. Les pêcheurs ( bahhâr ) et les
marins ( bahrl ) y forment des corps de métier très-importants.
Dans les villes, le nombre des agriculteurs (Jiarrâlh) de profession
est restreint. La plupart des champs et des plantations d’alentour
appartiennent ci des bourgeois ayant d’autres professions et faisant
cultiver leur propriété par des esclaves, des laboureurs à gages ou
des domestiques. Si un bourgeois a quelque lopin de terre situé à une
distance un peu considérable de la ville, il le place sous la protection
d’un membre de la tribu voisine, eu payant à celui-ci ordinairement
de 7.50 à 10 fl. par an. On appelle ce payement riba : c’est une
espèce de siârah pour les propriétés rurales. Les propriétés rurales
des bourgeois sont, en outre, en grande partie grevées de dîmes
(i charâhah ), en faveur de membres de tribu. Ces dîmes, à l’origine yi0,
dépassent quelquefois la moitié de la récolte. Le décimateur ( chârih )
reçoit en outre 5% de la valeur de la propriété en cas de transfert,
et il a même le droit de s’opposer à toute aliénation. Seulement,
dès qu’il a consenti que la propriété soit vendue à un autre membre
de sa tribu, il est obligé de céder son droit à celui-ci à un prix
raisonnable, les dîmes constituant une charge incompatible avec la
dignité du nouvel acquéreur. Excepté ce cas, elles ne sont pas
rachetables contre le gré du décimateur. Le Sultan de Saioun a
persuadé ses tribus à accepter le rachat des dîmes dues par les
propriétés situées autour de cette ville. Le prix de rachat a été de
400000 fl.
La majeure partie des terres cultivables en Hadhramout est dans
les mains des Sayyid ou des membres de tribu. Les uns et
les autres considèrent le commerce et l’industrie comme des
occupations au-dessous de leur dignité. Pour autant qu’ils jouissent
de quelque aisance, ils ne cultivent pas leurs champs ou leurs
plantations en peçsonne. C’est l’ouvrage de leurs esclaves ou de leurs
80
domestiques, à moins qu’ils n’engagent des laboureurs dans les villes
ou les villages.
Pour l’agriculture, on se sert, non de l’année lunaire des musulmans,
mais de l’année solaire, qu’on divise en quatre saisons: l’ hiver (chitâ),
le printemps ( rabî ’), l’été ( çaif ) et l’automne (, kharf ). Le commencement
et la fin de ces saisons se déterminent d’après les étoiles.
Les principaux produits agricoles sont: le froment (burr), deux
espèces de millet ( dsorah et dukhn), l’indigo (nîl), le tabac ( toumbaq ),
le sésame (djildjil) et les dattes (ternir). Au littoral on a des plantations
de cocotiers (nârdjîl). La récolte du coton (’utb), cultivé par-ci, -par-là,
n’est pas assez abondante pour la consommation. Pour le fourrage
des animaux domestiques on cultive une espèce de luzerne, appelée
qadlib. Les arbres fruitiers, autres que les dattiers et les cocotiers,
ne sont cultivés qu’en nombre relativement restreint et pour la
consommation locale. Par contre, il y a plusieurs personnes possédant
des plantations régulières A’ithl ou de ’ilb, deux espèces d’arbres dont
le bois est d’un usage fréquent. Celui de la première sert à la fabrication
d’ustensiles, celui de la seconde à la construction des maisons. L’arbre
appelé râk (*), sans être cultivé, est aussi d’un usage fréquent: le
bois en se ri. à fabriquer des cure-dents ( siwâk ). Le tabac le plus en
renom est celui qu’on appelle al-Homoumî (2); on le cultive surtout
dans les environs de Ghail Bâwazîr. Il est très-recherché, même à
l’étranger. On ne fume pas de cigares, mais des pipes ( houqah ,
ghalioun). Les Sayyid ne fument que rarement, ayant contre l’usage
du tabac des scrupules moraux et légaux.
L’irrigation est presque entièrement artificielle. Ni les pluies rares
et irrégulières, ni les ruisseaux toujours à sec, à moins qu’ils ne
deviennent pour quelques heures des torrents, ne sont en général
(*) Abréviation du mot arâk.
(’) V. plus haut p. 57.
81
propres à être utilisés pour l’agriculture. Les sources sont assez
rares, et se trouvent le plus souvent dans les montagnes ou sur les
plateaux (* *). Par conséquent, l’irrigation artificielle s’opère à peu près
partout au moyen de puits (bir) creusés. Ou en tire l’eau à l’aide
d’un seau ( dalou ), mis eu mouvement par des vaches ( baqr ), attachées
à une corde {habl) qui passe par une poulie (! ’adjlah ), soutenue par
trois appuis ( lachrou’ah plur. tachârY ) de hois. L’eau obtenue de
cette façon est recueillie dans un grand baquet ( qharb j en hois,
d’où on l’épand sur le sol au moyen de conduits ( ’atim ), de bassins
transportables ( marachch ) ou de petits puisoirs ( rachbah ). Il y a
deux années, quelques Arabes de Batavia ont formé une société,
*
dans le but de faire creuser en Hadhramout des puits artésiens.
La société a engagé une partie du personnel javanais attaché au
service des puits artésiens dans les possessions hollandaises de
l’Archipel indien; mais jusqu’ici les résultats obtenus ne sont guère
satisfaisants.
L’élevage de bestiaux est la principale occupation des Bédouins.
Nous avons déjà vu qu’on a, en Hadhramout, des chameaux (ba’îr) (2)
et des ânes ( himâr ) (3) pour le transport des personnes et des
marchandises, et du menu bétail ( ghanam ) (4), pour l’abatage et le
lait. Les vaches ne sont tenues que pour le lait et l’irrigation; tandis
que les taureaux ( thaur ) sont exclusivement utilisés devant la charrue
(mihrâth) (5).
(*) Outre le nom ordinaire 'ain ou rnïyân, on emploie pour ..source" souvent le mot
ghail ; un aqueduc s’appelle sâqiah.
(*) Ba'ir plur. bi’rân est le nom général. Dans les montagnes du littoral le pluriel
est baïar. Une chamelle s'appelle nâqali plur. nouq, un chameau léger, malîah plur.
matâyâ .
(a) Himâr a le plur. hamir. Une ânesse s'appelle, à l'est de Chibâm, làn, et à l'ouest
de cette ville, illân.
(*) Du menu bétail on trouve la race caprine (maz) et la race ovine ( dhân ).
(5) Outre la charrue on emploie, pour remuer le sol, une espèce de besoebe appelée
mizhâh. L'homme qui dirige la charrue s’appelle baqqâr.
ü
Les chevaux (* *), très-rares en Hadhramout, sont des animaux de
luxe. On fait beaucoup de cas de l’apiculture. Les abeilles ( noub )
fournissent un miel (’asl) et une cire (chaîna’) excellents.
Enfin la chasse est encore une industrie très en vogue parmi les
Bédouins, comme au reste parmi presque tous les membres de tribu.
Les animaux sauvages les plus largement représentés, dont la chair
est permise aux musulmans, sont : le lièvre (arnab), la gazelle ( thabi ),
le bouc sauvage (wi’l), la gerboise ( yarbou ’), l’hyène ( dhaba ’), le
hérisson (qanfoud) et une espèce de grand lézard (dhabb). Des animaux
sauvages dont la chair ne peut légalement être mangée, se trouveraient
en Hadhramout la panthère (fahd), le tigre (nimr) (2), le loup (ds'ib)
et le singe (rubbâh). A la chasse, on se sert, outre de ses armes, de
chiens (kèlb) dressés. Je me suis laissé raconter que quelques-uns de
ceux-ci ont même un dressage vraiment admirable, et qu’on réussit
à leur faire porter à telle personne une lettre qu’on leur attache
au cou (3).
§ 6.
CULTE.
Le culte est l’objet principal de la sollicitude des habitants du
Hadhramout, du moins des Sai/i/id et des bourgeois. Les grands
centres de réunion sont les mosquées et les écoles qui forment les
dépendances de celles-là. Il paraît que cette disposition d’esprit existe
(l) Le mol pour , .cheval" en général est khail plur. khoyoul. Un étalon s'appelle hosân
et une jument fars.
(*) On m’a parlé aussi de lions (asad) ; mais je crois plutôt qu'on désigne par ce mot
le tigre royal, et que nimr signifie le tigre tacheté.
(3) Des insectes et autres petits animaux nuisibles on a en Hadhramout: des mouches
( dsobâb plur. dsubbûn), des escarbots ( balkliair ), des guêpes ( dsibr ), des araignées ( nnkabnul ),
des scorpions ( ’aqrab ), des fourmis {dsai), des cancrelas (çifçâf), des lézards (dhiffah), des
souris ( djirds plur. djirdsân ) et des couleuvres ( hanach J. Des moustiques (l/âs), il y en a
peu, et il en est de même des oiseaux ((air). Les grands oiseaux de proie semblent faire
absolument défaut.
83
depuis longtemps. Du moins Niebuhr raconte qu’un Arabe du Hadhramout
lui nommait sa patrie comme „le pays de la science et du culte” (')
par excellence. Les mosquées se distinguent des autres bâtiments,
outre par leur ordonnance, par le fait que leurs murailles extérieures
sont ordinairement blanchies à la chaux.
Une mosquée pour la prière publique du vendredi se trouve dans
toute localité de quelque importance. Celle de Saioun peut contenir
6000 personnes, et chaque vendredi elle est entièrement remplie.
Quelquefois même des fidèles doivent se contenter d’une place hors
de l’édifice (2). Outre cette mosquée on en trouve à Saioun une soixantaine
d’autres, plus petites, pour les prières journalières; à Terîm il y en
a plus de 300, mais, comme nous l’avons vu (3), la plupart ne sont
plus en usage, à cause de la décadence de cette ville. Les femmes
ne font jamais leurs dévotions dans les mosquées, sans omettre pour
cela de les accomplir aussi scrupuleusement que les hommes, mais à
domicile. Quoique les cimetières ( turbah ) soient ordinairement hors
de l’enceinte des villes, il y en a pourtant quelques-unes autour des
mosquées.
Dans la prière publique du vendredi, on prie pour le Sultan de
Turquie; après lui pour le chef de la localité. J’ai déjà mentionné (4)
qu’en Hadhramout le rite est celui de Châfi’î; ajoutons que ce rite
y règne à l’exclusion de tout autre. Il n’y a pas de chrétiens, ni
de juifs, et probablement, encore de nos jours, on n’admettrait
point d’infidèle, même temporairement, dans le pays, à moins de
circonstances exceptionnelles. Il ne s’y trouve pas non plus des
(1) Op. cit. p. 271.
(2) Il faut se rappeler que le vendredi est à Saioun le jour de marché, et que, par
conséquent, les fidèles assistant à la prière sont en grande partie des habitants de la
banlieue. Autrement le nombre de 6000 hommes adultes serait en contradiction évidente
avec le chiffre de la population de la ville (V. plus haut p. 42).
(* *) V. plus haut p. 42.
(*) . V. plus haut p. 43.
84
musulmans hérétiques ou hétérodoxes, comme les Chî’î, les Wahhâbî
ou les Zâïdî (1).
Parmi les membres de tribu il y en a plusieurs qui n’observent
pas rigoureusement leurs obligations relatives à la prière. Quoique
musulmans fidèles, il semble qu’ils le considèrent comme peu mâle
de se vouer entièrement à la religion. Parmi les Bédouins c’est
même l’exception que quelqu’un s’acquitte régulièrement des prières
prescrites par la loi. En outre, on m’a assuré que, le cas échéant,
ces derniers ne font aucun scrupule de manger des aliments
défendus.
Quant aux autres devoirs de la religion mahométane, il en est du
jeûne comme de la prière, c’est-à-dire on l’observe scrupuleusement
dans les villes, un peu moins scrupuleusement parmi les tribus à
demeures fixes, et très-peu parmi les Bédouins. Par contre, les
prélèvements se payent régulièrement par tout le monde, même par
les Bédouins, qui, d’après ce que l’on prétend, suivraient toutefois, à
cet égard, des coutumes en désaccord avec les prescriptions de la loi.
Le pèlerinage ( hadjdj ) vers la Mecque est le devoir religieux le
moins rigoureusement observé en Hadhramoul, même par les Sayyid.
On donne une très-large explication au précepte légal dispensant du
pèlerinage tout individu n’ayant pas les moyens nécessaires pour le
voyage et pour l’entretien de sa famille pendant son absence. La
route des pèlerins, par terre, passe par Chalnvah et le Yémen; mais
la plupart préfèrent celle par mer. Ils s’embarquent à ach-Chibr ou
à al-Mokallâ pour ’Aden, ou directement pour Djuddah.
Par contre, on fait beaucoup de cas des pèlerinages ( ziârah ) vers
les tombeaux vénérés, situés en Hadhramout même. Outre celui du
prophète Houd, dont il a été question plus haut (2), il faut mentionner
(* *) Secte hérétique existant encore, à ce qu'il paraît, au Yémen.
(*) V. p. U.
8o
comme tombeaux jouissant d’une grande vénération: celui du prophète
Çàlih, dans la vallée de Sarr; celui de la souche des Sayyid du
Hadhramout, Alunad hin ’lsâ, surnommé al-Mohâdjir (*), et celui
d’un certain Sayyid Alunad hin Mohammad al-Habchi, l’un et autre
à Clia’h Alunad; celui de la souche de la tribu de ’Amoud, Ahmad
bin ’lsà, surnommé ’Amoud ad-din (2) à Qaidoun ; celui du saint
’Aidîd près de la ville du même nom; celui du saint Bâdjalhabân
près de Thibbî; celui du saint al-’Aidrous à ach-Chibr, etc. Toutefois,
aucun de ces tombeaux n’a la même importance que Qabr Houd.
On n’a pas de derviches en Hadhramout. En outre, les excentricités
en matière de religion, connues sous le nom de tariqah et formant
l’occupation spéciale des différents ordres de derviches, n’y ont jamais
pu prendre pied. L’Islamisme y a un caractère trop mâle, ou à vrai
dire trop arabe (3), pour admettre des déviations de cette nature,
dues au mysticisme maladif de Persans et de Turcs. Les Sayyid avec
qui j’ai abordé ce chapitre, ne cachaient pas leurs mépris pour les
chefs actuels des derviches hurleurs et danseurs , qu’on voit à
Constantinople, au Caire et à la Mecque. Ils les traitaient d’imposteurs
qui enseignent des cérémonies, peut-être louables à l’origine, mais
ayant, de nos jours, perdu toute raison d’être. Eu égard à la
popularité du mysticisme mahométan parmi les indigènes dans
l’Archipel indien, je l’ai cru d’une haute importance de faire ressortir
l’aversion qu’il inspire aux Arabes du Hadhramout. Toutefois ceci
n’empêche pas qu’on ne soit assez superstitieux en Hadhramout.
On y croit généralement aux forces occultes, aux amulettes ( ’azimah ),
à la sorcellerie ( sihr ), etc.
(*) V. p. 50.
H V. p. 4t.
(’) Comparez les observations judicieuses sur le caractère arabe, dans l' Histoire des
Musulmans d'Espagne de Dozy, Tome I, p. 12 et s.
86
§ 7.
SCIENCES ET ARTS.
Parmi les Bédouins relativement peu de personnes savent lire ou
écrire. Parmi les autres membres des tribus, la majorité a appris
l’un et l’autre ; tandis que parmi les Sayyid et les bourgeois aisés
c’est une exception de rencontrer un illettré. Quant aux éléments de
l’arithmétique, on les apprend à peu près exclusivement par la
pratique; mais pour la lecture et l’écriture il y a un grand nombre
d’écoles primaires ( ’ulmah plur. ’olam ), où l’on peut voir affluer
chaque matin les enfants du voisinage, leur planche à écrire ( lauh ),
enduite de chaux, sous le bras. Le livre de lecture, même pour les
moins avancés, c’est toujours le Coran; mais il faut ajouter que les
enfants fréquentant l’école ont ordinairement déjà appris l’alphabet
de leurs parents.
Ceci pour les hommes; quant aux temmes, on peut dire que la
majorité en est illettrée, même parmi les filles de Sayyid. Bien
qu’il y ait des écoles spéciales pour les filles, elles n’apprennent en
général que la récitation, par coeur, des formules de la prière et
les autres pratiques de la religion. Cependant, il y a plusieurs
exceptions, et l’on m’a assuré, entre autres, qu’à Saioun se trouve
même actuellement une femme très-savante.
De l’école primaire (’ulmah), on passe à l’école secondaire (madras).
On y apprend la grammaire arabe et les éléments du droit et de la
théologie. Pour la grammaire, on se sert des livres bien connus
intitulés Alfîah et Adjroumîah; les élèves les plus avancés procèdent,
en outre, aux commentaires sur le dernier ouvrage, portant les titres
d’al-Motammimah, d’al-Fawàkih al-Djanniah et de Cbarkh al-Kafrâwî,
commentaires également bien connus des arabisants. Il sera donc
suffisant d’en mentionner les seuls titres. Il n’en est pas de même
87
des livres de théologie et de droit, lesquels, quoique très-répandus
dans l’Archipel indien, n’ont pas encore, que je sache, attiré l’attention
de beaucoup de savants en Europe.
Ces livres sont:
1°. ar-Risàlah par Ahmad bin Zaiu al-Habchi ( *). Ce livre a été publié
à Batavia en 1875, au moyen de la lithographie, avec une traduction
interlinéaire en malais. 11 ne contient que 24 pages, et traite
successivement de la connaissance de Dieu, de la pureté légale, de la
prière, du jeûne, des prélèvements (2>, du pèlerinage et de la morale.
2°. Safînat an-Nadjâh par Sâlim bin ’Abd Allah bin Somair, savant
dont je parlerai encore dans le cours de cet ouvrage (3). C’est
un livre un peu plus volumineux que l’ouvrage précédent. Il
contient les prescriptions légales relatives à la pureté légale, à
la prière, aux prélèvements, au jeune et au pèlerinage.
5°. as-Zobad par Ahmad bin Ruslân (4). C’est un poème didactique
d’environ 1100 versets sur différents points de droit, de théologie
et de morale.
4°. Mukhtaçar Bàfadhl, appelé aussi al-Mukhtaçar al-Ivabir, par ’Abd
Allah bin ’Abd ar-Rahmàn Bàfadhl (5). Le contenu en est comme
celui du N°. 2.
(*) Les premiers mots du livre, après le Bismillàh, sont : LsJ I ali
(*) Ordinairement, dans les livres arabes de cette nature, les prélèvements précèdent le
jeune; mais ici l’ordre est renversé.
(3) V. Deuxième Partie, Chapitre IV. Les premiers mots de la Safinah sont: aii)
(‘) Les premiers mots du livre, après le Bismillàh, sont: ddüJ
JHsJ)
(s) Les premiers mots du livre, après le Bismillàh, sont: 1 ail X^sJ!
çll Du m®me auteur il existe encore un livre, intitulé
al-Mukhtaçar al-Latif, traitant des ventes et des achats, mais peu usité. Les deux ouvrages
de Bâfahdl ont été imprimés au Caire et commentariés par plusieurs savants.
88
Le madras ne forme qu’un cours introductif; mais la plupart des
élèves ne vont pas plus loin. Ceux, toutefois, qui se sentent de
la vocation pour la science, vont suivre les cours des savants
renommés établis dans les principales localités. Ces cours constituent,
en Hadhramout, l’enseignement supérieur. Les savants expliquent les
ouvrages les plus célèbres de grammaire, de droit et de théologie.
Pour la grammaire, ce sont les commentaires nombreux et volumineux
sur l’Alfîah et l’Adjroumîah ; pour ce qui regarde le droit, ce sont
le Minhâdj at-Talibîn d’an-Nawawî et le Taqrîb ou Fatb al-Qarîb
d’al-Ghazzî, avec leurs commentaires, et enfin quant à la théologie,
ce sont les commentaires sur le Coran d’al-Baghawî et des deux
Djalâl ad-Dîn, le recueil de traditions d’al-Bokhârî, l’Ihyâ ’Oloum
ad-din d’al-Ghazzâli et le ’Umdat al-’Aqâïd d’an-Nasafî, tous avec leurs
commentaires.
Le centre de l’instruction supérieure, c’était anciennement Terim;
mais de nos jours, Saioun l’a dépassé. Ce qu’on pourrait nommer
l’académie de Saioun, est une annexe de la grande mosquée. L’édifice
*
porte le nom de Robât , et contient non-seulement les salles de
conférence pour les professeurs, mais, en outre, les étudiants sans
ressources y trouvent logement. Il y en a une centaine de ces
derniers; taudis que plus de 300 étudiants demeurent en ville. On y
afflue de l’Arabie entière, voire même de la Mecque et de Médine.
La fondation, assez riche, au moins pour le Hadhramout, reçoit des
subventions considérables de l’Archipel indien. Le nombre des personnes
reconnues pour savants, s’élève à Saioun à plus de 100, pour la
plupart des Sai/yid. Les savants pauvres vivent de la fondation où
ils sont attachés, ou bien des cadeaux que leur font leurs disciples
reconnaissants. Aucun savant arabe toutefois, quelque pauvre qu’il
soit, ne fixera de somme que ses disciples doivent payer d’avance,
à titre d’inscription.
89
On commence ordinairement sa carrière scientifique par être répétiteur
auprès d’un savant en renom. 11 faut alors assister aux conférences
de celui-ci et expliquer, le soir, aux étudiants d’intelligence bornée
les paroles de sagesse recueillies, le matin, de la bouche du maître.
Une telle répétition s’appelle motâla’ah. Ce n’est qu’après un stage
de plusieurs années, qu’un répétiteur ose se présenter au public
comme professeur. Nous avons déjà vu plus haut (*) que les savants
reconnus portent tous, en Hadhramout, le litre de Chaikh.
La grammaire, le droit et la théologie sont les seules branches de
la connaissance humaine cultivées sérieusement en Hadhramout. Il
est vrai que cette culture est très-intense. Dans les villes, tout individu
qui se respecte, est tant soit peu théologien ou juriste, ce qui fait que
les controverses y sont à l’ordre du jour. Par contre, les sciences où le
génie arabe a brillé au moyen-âge, la géographie, l’astronomie, les
mathématiques et la médecine, sont toutes négligées au plus haut
point. Il est vrai que, pour ce qui regarde l’astronomie, plusieurs
personnes l’étudient encore d’après les livres arabes existants, et
que les habitants de la campagne ont, en général, quelques notions
d’astronomie pratique, par tradition et par suite de leur genre de
vie; mais personne n’y pense à faire de l’astronomie le but de sa vie,
ni ne cherche à enrichir cette science par de nouvelles découvertes.
Il en résulte qu’en parlant astronomie ou cosmographie avec des
Arabes du Hadhramout, on se trouve replacé en plein moyen-âge. La
terre reste pour eux au point central de l’univers; le soleil, la lune
et les cinq planètes ont chacun leur sphère, etc. Inutile de vouloir
les instruire sur ce sujet; tout en appréciant les progrès intellectuels
et matériels des Européens, ils ont l’idée fixe que, pour ce qui regarde
le ciel, ils sont mieux renseignés que nous.
H v. p. 40.
90
/
Des médecins ( tabïb ) de profession, il n’v en a point, et la
science même est descendue au niveau d’un empirisme de bas étage.
S’il s’agit d’une maladie résistant aux drogues et aux décoctions
ordinaires (*), on a recours à une panacée étrange, c’est-à-dire qu’on
touche le corps du patient, à l’aide d’un fer rouge (kayyah), à
l’endroit où l'on suppose que la maladie réside. Au cas que l’on ignore
absolument le siège de celle-ci, on applique le fer rouge à différents
endroits, spécialement au crâne et aux principales articulations. On
prétend que le procédé en question produit souvent des guérisons
vraiment surprenantes. L’application de ventouses ( mihdjim ) est aussi
d’un usage fréquent.
On a relativement peu de maladies en Hadhramout, ce qui, au
reste, est fort naturel, vu la vie simple et régulière, l’atmosphère
pure et sèche des montagnes et l’abstention totale de porc, de
spiritueux, d’opium, etc. Le choléra y est inconnu, et il en est de
même des fièvres paludéennes. La petite vérole ( qaûb ), bien que
visitant quelquefois le pays, ne devient jamais épidémique. La phtisie
(sill) seule parait faire beaucoup de ravages, ce qui n’est nullement
étonnant vu la nature du climat. Des cas de lèpre ( djidsâm ) m’ont
été rapportés, surtout de la vallée de Dou’an. Le lépreux est
rigoureusement exclu de la société. On construit pour lui une petite
cabane, de préférence sur la pointe proéminente d’un rocher, loin
des habitations; on lui tend, chaque jour, les aliments et l’eau
nécessaires sur une très-longue perche, l’abandonnant, au reste, à
son sort. On craint la contagion, et l’on sait que la maladie est
incurable. En cas de blessure on étanche le sang autant que possible;
en cas de fracture on applique des éclisses ( djabirah ). L’emploi de
lunettes ( mirâyah ), pour conserver ou corriger la vue, parait s’introduire
(*) Médicament, en général, se dit doua.
91
de plus eu plus dans les dernières années, au moins parmi les Sayyid
et les bourgeois.
Les belles-lettres aussi sont fort négligées. Les Maqâmât d’al-Harîrî,
les Mille et une Nuits, quelques recueils de légendes relatives aux
prophètes avant Mahomet, l’histoire des héros du premier temps de
l’Islamisme, l’anthologie d’al-Abchihi, appelée al-Mustatraf, et les vers
de Motanahbi forment, à peu près, la seule nourriture littéraire de
l’esprit. Encore, les gens sérieux voient-ils d’un mauvais oeil la
lecture de ces oeuvres censées frivoles. Parmi les tribus et surtout
parmi les Bédouins, on lait beaucoup de cas de l’improvisation;
mais les vers, jamais rédigés par écrit, sont bien vite oubliés.
Le sujet en est du reste excessivement monotone: éloges sur leurs
amis, leurs femmes ou leurs fiancées, ou satires sur leurs ennemis
publics ou privés. La poésie urbaine est exclusivement didactique et
11e consiste, proprement dit, qu’en Dîwân ou traités rimés sur des
matières de grammaire, de théologie ou de droit.
Lés arts plastiques ne sont pas cultivés du tout. L’Islamisme les
proscrit formellement, à l’exception de l’architecture. Comme instruments
de musique licites, on a la flûte ( mizmâr ) pour les militaires f1), et le
tambour de basque (târ) pour accompagner les litanies en l’honneur
de la naissance de Mahomet. Ces litanies, appelées dsikr mawloud, 11e
se chantent pas exclusivement à la fête de la naissance du Prophète,
mais encore dans toutes les occasions solennelles.
La danse (zaf'îri) est regardée comme permise; mais les hommes
sérieux, au moins parmi les Sayyid et les bourgeois, ont l’habitude de
s’en abstenir (2). L’orchestre est composé d’une guitare ( qanbous ) (3)
(') C’est à dire les esclaves composant les petites armées régulières (V. plus haut p. 46).
(2) Ceci ne regarde nullemen' leurs femmes, ni leurs filles.
(3) Le qanbous s'appelle en Egypte et à la Mecque ’oud. En Hadhramout c'est un
instrument spécialement en usage parmi les tribus. Parmi les Sayyid, et les bourgeois
l'instrument passe pour peu convenable,
92
ou d’un tambour oblong ( hâdjir ) en bois et de quatre petits tambours
(, marwâs ). Les derniers se tiennent dans la main gauche, et on les
bat de la main droite; au lieu que le hâdjir ou tambour oblong est
placé par terre devant le musicien, qui le bat des deux mains, chacune
d’un côté différent. La danse s’exécute par deux personnes; elle a
beaucoup de ressemblance à la polka; seulement on ne se prend
pas par le corps, ni ne tourne à deux; chacun danse pour soi. En
tournant, les deux danseurs s’approchent et s’éloignent alternativement
de l’orchestre, tout en restant à la même distance l’un de l’autre.
Lorsque les deux premiers danseurs en ont assez , deux autres
viennent les remplacer, et ainsi de suite. Les hommes et les femmes
ne dansent jamais de compagnie. Parmi les Bédouins, il existe encore
un autre genre de danse. Cette danse s’appelle raqç\ elle est exécutée
par des hommes et des femmes, placés dans un cercle, et la mesure
en est indiquée par des battements de mains. Bien que cette danse
soit regardée comme une récréation très-impie, les Bédouins ne l’en
aiment pas moins. Je ne l’ai jamais vu exécuter; mais plusieurs fois
j’ai été témoin de la danse décrite en premier lieu. Elle excitait
fortement les danseurs , surtout les membres de tribu , lesquels
reprirent, pendant la fête, leur allure primitive de brigands. Il y
avait parmi eux des gens, qui, en dansant, commençaient à faire des
cabrioles assez étranges. Il semble que le râdi ou plaid (*) soit de
rigueur à la danse; du moins tous les danseurs mettaient leur
mouchoir sur l’épaule gauche, et l’on me disait qu’il devait représenter
cette pièce d’habillement. Des femmes, je n’en ai jamais vues danser,
parce que, comme nous le verrons plus tard, il n’y a pas des femmes
arabes dans l’Archipel indien, et que les femmes et les fdles des
Arabes établis dans ce pays, ne savent que les danses indigènes. Les
(*) V. plus bas § 10.
95
gens de l’orchestre accompagnaient leur musique d’un chant assez
monotone. Ce sont des pièces de poésie érotique et, à ma grande
surprise, en partie même des vers d’une tendance édifiante. Je n’ai
jamais pu m’en procurer une copie assez exacte pour me permettre
d’en publier quelques échantillons. Les aimées, si connues dans les
autres pays orientaux, n’existent pas en Hadhramout (*).
§ 8.
LES SAYYID.
Dans le cours de cet ouvrage, j’ai déjà plusieurs fois parlé des
Sayyid. Je tiens à ajouter encore quelques mots sur cette classe
particulière des habitants du Hadhramout, surtout concernant leur
position sociale. Nous avons vu qu’ils ne s’occupent ni de commerce,
ni d’industrie et que, la famille du Chaikh Abou Bakr exceptée, ils
ne portent pas d’armes. Ils ne cultivent pas non plus leurs terres en
personne, quoique la surveillance des laboureurs ne soit pas au-dessous
de leur dignité, comme le serait celle d’un établissement de commerce
ou d’industrie. Leur influence, pour être purement morale, n’en est
pas mftins très-grande, même sur les tribus, où l’on fait peu de cas
de la religion.
Les Sayyid sont en Hadhramout, pour ainsi dire, les représentants
de la religion et du droit. Ils dominent l’opinion publique à cet égard,
et on leur témoigne un respect frisant la vénération. Un Sayyid,
entrant quelque part où il y a du monde, se met, de plein droit, à
la place d’honneur. Toutes les personnes présentes se lèvent pour lui
baiser la main, même celles qui lui sont supérieures par l’âge ou
l’érudition. Pour leurs filles, tout mariage avec un individu d’une
(') Quant au jeu, on ne connaît que trois espèces de jeux de dames, appelés respectivement
thabat, libân et akl biakl. Le jeu d’échecs n'est pas en usage ; il en est de même de tous
les jeux de hasard.
94
autre extraction est qualifié de mésalliance par la loi, et quoique la
loi elle-même n’aille pas si loin, les moeurs, en Hadhramout, opposent
contre des mésalliances de cette nature une barrière infranchissable.
Le plus puissant chef de tribu n’obtiendrait pas pour femme la fille
du dernier des Sayyid (1).
Plusieurs Sayyid sont considérés comme des saints ( walî ), même
pendant leur vie; d’autres ont la réputation d’appartenir à la catégorie
des illuminés ( ahl al-kèehf). Cette dernière qualité se manifeste par
la faculté de deviner les pensées d’autrui et ce qui est arrivé hors
de sa présence. Le plus grand illuminé du Hadhramout est actuellement
un certain Sayyid Mufisin bin Sâlim bin ach-Chaikh Abou Bakr,
résidant à ’înât. On prétend que ses prières sont toujours exaucées
et nombre d’Arabes, même dans l’Archipel indien, lui font des
cadeaux, dans l’espoir d’ohtenir, de la sorte, la bénédiction divine
sur leurs entreprises.
Eu général les Sayyid et leurs familles se distinguent par l’observation
rigoureuse des devoirs de la religion et appartiennent, plus ou moins,
à la classe lettrée. La plupart des membres de la famille du Chaikh
Abou Bakr cependant font prévaloir les intérêts terrestres sur ceux
du ciel. On dit que cette famille a adopté trop facilement le genre
de vie des tribus, et qu’elle est sur la pente de s’assimiler à son
entourage. Cette famille n’en compte pas moins plusieurs illuminés.
La famille d’al-’Aidrous est spécialement riche en personnes réputées
saintes et ayant fait des miracles, soit pendant leur vie, soit après
leur mort. Le saint al-’Aidrous, enterré à ach-Cbibr (2), aurait
fait jaillir, .d’un coup de sa lance, une source près du mont
al-’Archah. On trouve des saints de la même famille enterrés dans
(*) On sait que selon la loi musulmane l'homme ne peut faire une mésalliance; par
conséquent un Sayyid peut épouser toute femme qu’il désire.
(*) V. plus haut p. 85.
95
plusieurs autres localités, dont je ne mentionne que ’Aden et
Batavia, comme les tombeaux les plus en renom pour y faire
des voeux. Je parlerai plus loin du saint al-’Aidrous, enterré à
Batavia (*).
D’autres familles de Sayyid ont fourni- un grand nombre de savants
éminents. Ainsi, le savant actuellement le plus en renom de Terîm
est de la famille d’al-Machhour. A Saioun, il y a plusieurs illustres
savants appartenant à la lamille d’as-Saqqâf, et le Mufti précédent
du rite de ChAfi’i à la Mecque était un al-Habchî. Son fils (2) aurait
pu lui succéder, s’il n’avait pas préféré rester en Hadhramout
comme chef de l’académie de Saioun. Il estimait que la pureté de
l’Islamisme laissait beaucoup moins à désirer dans sa patrie que
dans la ville sainte.
Les Sayyid du Hadhramout considèrent leur noblesse comme mieux
constatée que celle de tous les autres descendants de la fille du
Prophète. D’après eux, même la liguée des Charîf de la Mecque ne
serait pas indiscutable. L’examen critique de cette prétention nous
mènerait trop loin et serait probablement impossible. Ce qui est
certain toutefois, c’est qu’on a pu me citer, dans l’Archipel indien,
plusieurs exemples de Charîf ou de Sayyid venus d’autre part, qui
auraient fait de vains elforts pour obtenir la main de la fille d’un
Sayyid venu du Hadhramout, ou ce qui est plus fort encore, de
la fille d’un métis appartenant à une des familles des Sayyid du
Hadhramout. C’est donc une prétention réellement existante, lors
même qu’elle ne serait pas soutenable devant l’histoire.
Quoique l’influence des Sayyid en Hadhramout,' prise en son entier,
forme un élément favorable à la culture de l’esprit et au maintien
(*) Deuxième Partie, Chapitre IV.
(l) Sayyid 'Ali bin Mohammad al-Habchi. On m'a dit qu'un Diwân de sa main a été-
impritaë à Singapour, mais je n’en ai jamais vu un exemplaire.
96
du droit, elle a aussi son mauvais côté. Pour ne pas parler de
l’orgueil et de l’infatuation insupportables, qui sont le partage de
ceux qui se voient, dès leur première enfance, entourés d’un respect
superstitieux, on peut faire, à ce sujet, des observations d’un intérêt
plus général. Les Sayyid en Hadhramout forment un élément conservateur
à outrance. Ils s’opposent à toute innovation, qu’elle soit matérielle ou
intellectuelle, et spécialement ce qui vient d’Europe leur est suspect
au plus haut degré. Je sais, entre autres, qu’uu Arabe distingué de
Batavia, étant en Hadhramout, sollicitait le Sultan de Saioun de
créer une école pour les sciences mathématiques et physiques, et
que la crainte de l’opposition des Sayyid a fait abandonner ce projet.
§ 9.
POSITION SOCIALE DES FEMMES.
Un sujet intimement lié au degré de civilisation d’un pays, c’est
la position qu’y occupent les femmes ( hurmah plur. harim). Il paraît
qu’en Hadhramout les femmes ont un sort beaucoup supérieur à
celui qui leur est réservé dans la plupart des autres pays musulmans.
En premier lieu, les répudiations (talâq) sont très-rares, et l’on n’y
a jamais recours, à moins d’une raison valable. Celui qui ferait usage
de son droit de répudier sa femme sans raison valable, s’attirerait
le mépris du public, et ne trouverait certainement plus d’autre épouse
appartenant à la même classe sociale que lui. En second lieu, la
polygamie ne semble pas avoir pris racine dans les moeurs; par
conséquent on n’y a pas de harems comme dans les Echelles du Levant,
avec les eunuques et tous les autres accessoires. La femme demeure
dans la même partie de la maison que le mari ; seulement elle reste
dans sa chambre en cas de visite d’étrangers.
Supposé que le mari usât de son droit de prendre une seconde
épouse, la première quitterait la maison conjugale à l’instant même
97
el se réfugierait auprès de ses parents. De celle façon, elle forcerait
son mari à la répudier. Parmi les Bédouins la polygamie est
absolument hors d’usage. Enfin, nous avons déjà vu que le concubinage
avec des esclaves se présente rarement. Il n’y a qu’une seule catégorie
d’individus chez qui la polygamie est ci l’ordre du jour: ce sont
les hommes mariés qui quittent le Hadhramout pour aller chercher
fortune à l’étranger. Les femmes refusent constamment de suivre
leurs maris hors de leur pays, et quoique ce refus soit, d’après la
loi, une cause de dissolution du mariage, ceux-ci n’en continuent pas
moins à entretenir leur femme restée en Hadhramout. Seulement,
ils en prennent une autre dans leur nouveau domicile. Le n’est que
quand ils sont établis définitivement à l’étranger, qu’ils se dégagent
ordinairement des liens de leur premier mariage. Si, toutefois, il y
a des enfants issus du premier mariage, on répugne à la dissolution,
à moins de refus de la part de la femme de rester l’épouse d’un
mari absent.
Quoique, dans les quinze dernières années, les moyens de communication,
entre l’Archipel indien el le Hadhramout, soient devenus de plus en
plus faciles el à bon marché, l’aversion des femmes de ce pays pour
suivre leurs maris, n’en diminue pas pour cela. Je crois que c’est
quelque chose dans les moeurs. Cette aversion va même si loin qu’une
fille, née dans l’Archipel indien d’un père arabe et d’une mère indigène
•
ou métisse, ne soi t plus du Hadhramout après y avoir été amenée.
Le don nuptial ( mahr ) a pris, en Hadhramout, un caractère
particulier. D’après la position sociale de la famille de la fiancée, le
montant en a été tarifié par la coutume entre 20 fl. et 2.50 fl.
A côté du don nuptial, prescrit par la loi, il y a le cadeau de
noces ( cljahâz ), dont le montant varie selon les qualités personnelles
de la fiancée, et constitue une donation irrévocable et sans réserve.
Ceci, comme on sait, n’est point le cas du don nuptial.
7
98
§ 10.
COSTUME.
En Hadhramout les pauvres s’habillent comme les riches, les chefs
comme leurs sujets. Les armes ou les parures précieuses, la valeur
des étoffes et leur degré de détérioration sont les seuls indices de la
position sociale. Dans le costume des hommes cependant, il y a une
grande différence entre les Sayyid et les bourgeois d’un côté, et les
tribus de l’autre. Les Sayyid seuls de la famille du Chai/, h Ahou
Bakr (*) s’habillent comme les tribus.
Les Sayyid et les bourgeois portent une espèce de pagne ( foulah ),
descendant jusqu’aux chevilles des pieds et attaché au milieu du
corps par une ceinture en cuir (sablait). Là-dessus on porte une
redingote (djubbah), également descendant jusqu’aux chevilles des
pieds et fermée, de haut en bas, par trois boutons ( qals ).
La tête est rasée et couverte d’un turban, consistant dans un
morceau d’étoffe (’amâmah) roulé autour d’un bonnet (kouflah) raide.
Sous le bonnet raide faisant partie du turban, on porte ordinairement
encore un léger bonnet ( koufîah ) de coton. En négligé, ou quand
ou est occupé de quelque travail manuel, on ne porte que ce
dernier couvre-chef, et c’est une nonchalance extrême d’avoir la
tête nue. Les gens les plus pauvres même portent toujours la
kouflah, quand ils ne sont pas chez eux. Quelquefois l’un des
bouts du turban descend sur l’omoplate. Aux pieds on porte des
sandales ( na’âl ) à semelles minces, mais non des lias, et quand on
sort, on a toujours sur l’épaule une espèce de plaid (râdï), long
d’environ deux mètres et demi et large d’environ 75 centimètres.
Les membres de tribu portent la foulah et la sabfah, mais non la
(') V. plus haut p. 94.
99
djubbah. Ordinairement toutefois leur foulah ne descend pas si bas
que celle des Satyyid et des bourgeois; elle se porte aussi d’une
autre manière et est, de préférence, d’une étoffe teinte en losanges
(i chaidsar ). La djubbah est remplacée chez eux par une jaquette
( mafriah ) courte ou par une camisole ( çodairîah ), l’une et l’autre
boutonnées. La sabtah ne se porte pas sous la mafriah ni sous la
çodairiah, mais sur l’une ou l’autre. On y attache un poignard
( djèmbîah ) (*), une poudrière ( ’iddah ), un sac ( maqrabah ) contenant
des balles ( riçâç ) et un sachet ( ’mahfathah ) contenant un briquet
avec un morceau de silex. Sur l’épaule gauche, les membres de
tribu portent une bandoulière ( mandjèd ), où est attachée une petite
boite (madskhar) pour la poudre fine (2). Sur l’omoplate gauche
se porte un sabre droit ( mèmchah ) (3), et sur l’omoplate droite,
un petit bouclier rond ( dirqah ). En outre, le râdî ou plaid ne
manque jamais.
Quant à la coiffure, les membres de tribu ne portent pas de
/coufîah et ne se rasent pas la tête, mais la couvrent d’un morceau
d’étoffe ( dismâl ) ayant beaucoup de ressemblance avec le turban des
bourgeois, les longs cheveux tombant sur le dos. Autour du dismâl
on noue une mèche ( fatîlah ) de réserve. Une autre coiffure en
usage chez les membres de tribu, surtout chez les chefs, c’est la
çomâdah, consistant dans un morceau d’étoffe orné de frange (dsi bal)
et roulé autour de la tête, mais d’une autre façon que le dismâl ;
les bout frangés en dépendent sur les épaules (4). Une paire de
(’) La djèmbîah est un peu courbée et à deux tranchants. La lame a une longueur
d'environ 20 centimètres pt, à la poignée, une largeur d'environ 5 centimètres.
(J) La poudre ordinaire s’appelle bâroud, mais la poudre fine pour l'amorce a le nom
de dsakhirah.
(3) Le sabre a une longueur d'environ 00 centimètres sans la poignée. Il n'est tranchant
que d'un côté. On le porte dans un fourreau de cuir.
p) La çomâdah paraît être aussi une coiffure des Bédouins du Hidjâz et des Charîf à
la Mecque.
100
sandales ( na’âl ) et un long fusil à mèche, ou bien une lance, complètent
le costume, qui ne manque pas de pittoresque. La plupart des membres
pauvres des tribus mettent rarement leurs sandales; cependant ils
les ont toujours sur eux, les portant liées ensemble et attachées
au fusil ou à la lance.
Les Bédouins portent le même costume que les autres membres
de tribu. Seulement, étant plus pauvres, ils ont des armes et autres
pièces d’équipement moins précieux el des vêtements d’étoffes moins
belles. En outre, ils ne portent que par grande exception la çodaiiiah,
la mafrîah el des sandales. Leur corps, à partir de la ceinture, reste
ordinairement nu, et leur fout ah, toujours d’une étoffe noire, ne
descend jamais au-dessous des genoux.
Pour peu qu’ils jouissent de quelque aisance, les hommes de toutes
les catégories portent un anneau ( khâtim ) d’argent, orné d’une pierre
de cornaline (’aqïq), et enfin c’est un usage général de se raser la
moustache ( chârib ).
Le costume des femmes est partout à peu près le même; la seule
différence, en ceci, entre la fille du dernier îles Bédouins et celle du
plus opulent des Saijyid, consiste dans le prix de ses habits ou dans
ses parures. Les femmes portent une ample robe ( thauh ) à manches
( liumm ), larges aux épaules, mais rétrécies aux poignets. Le cou de
la robe est coupé en carré. Au reste, la robe n’a pas d’ouverture; on
la met en y faisant passer la tête. Elle descend par devant jusque un
peu au-dessus des chevilles des pieds; mais par derrière, elle traîne
un peu par terre. Une ceinture en or ou en argent ( hizâm ), ou en
étoffe (’usrah), sert à ajuster la robe au milieu du corps. Ordinairement,
les femmes portent encore une robe de dessous, un peu jdus courte
que celle de dessus et exactement de la même forme. En sortant,
elles mettent un pantalon (, sirwâl ) très-ample, se rétrécissant aux
chevilles des pieds. Cependant chez les Bédouins les femmes ne s’en
101
servent jamais, mais leurs robes son I un peu plus longues par
devant.
Pour la chaussure; les femmes en Haclhramout ne portent point de
sandales, mais des bottines ( khuff' ) rouges ou jaunes. Des bas, elles
n’en portent pas plus que les hommes; tandis que chez les Bédouins
les femmes vont nu-pieds. La coilfure des femmes consiste dans des
tresses ( ’uqdah plur. ’oqad) minces. Ces tresses, au nombre de 50
à 60, sont assez courtes, ne dépassant que très-peu les épaules. Les
femmes mariées, tout en portant des tresses, coupent une partie de
leurs cheveux de devant et les font ensuite descendre sur le front,
à peu près comme c’est actuellement la mode parmi les dames
européennes. Ces cheveux coupés s’appellent quççah. Quand elles
sortent, les femmes comme il faut se couvrent la tête d’un mouchoir
ou d’une résille, qui passent sous le menton et s’appellent chibkah ;
on y attache un voile (ghachwah), et l’on enveloppe tout le corps
d’un manteau très-ample, appelé qarrûç (x). Les femmes des classes
inférieures de la société ont la tête couverte d’un mouchoir, appelé
nuqbah, mais ne portent pas de voile. Chez les Bédouins seuls les
femmes portent la nuqbah de manière à se cacher, au moins, le front
et la bouche. Les jeunes filfes non nubiles portent partout le visage
à découvert.
Les vêtements des femmes sont quelquefois brodés d’or ou d’argent,
surtout aux bords. Elles portent autour du cou, soit des perles (loul)
ou des coraux (murdjân) enfilés, soit de minces chaînes (marriah),
ces dernières, de préférence, en grand nombre. Elles ont, dans chaque
oreille, un grand nombre de boucles (qurt): quinze ou même plus;
pour chaque boucle l’oreille doit être perforée. La mode en Hadhramout
(') A distinguer du qamîç porté par les hommes dans l’Archipel indien. (V. Deuxième
Partie, Chapitre VI).
102
exige encore pour les femmes des anneaux (* *) aux doigts et des
bracelets aux bras, tous en or ou en argent. Ces bracelets s’appellent
h ibs, chomailât, kamâkim ou ’odhâd, d’après la partie du bras où
ils sont attachés. Les femmes très-riches portent aussi une espèce
de diadème (qo’ouqa’). On m’a assuré que les diamants ne servent
pas de parure.
En hiver, on porte les mêmes vêtements qu’en été; seulement on
en porte un plus grand nombre et de préférence d’une couleur foncée;
au lieu qu’en été on aime des vêtements blancs ou de couleurs vives.
Les étoffes sont le coton Çutb) et la soie ( Ijarîr ) (2); la laine (çouf)
et le drap ( djaukh ) sont seulement en usage chez les personnes
qui ont passé une partie de leur vie à l’étranger. Les laboureurs
portent, en hiver, une jaquette de peau de mouton, les poils en
dehors. Parmi les accessoires du costume il faut mentionner encore
l’usage de se teindre le corps en jaune, à l’aide d’une plante
appelée wars. Pour les yeux on se sert du kuhl, au lieu que la
hinnâ est la teinture spéciale des mains. Il n’y a que les Bédouins,
chez lesquels les hommes s’abstiennent de ces cosmétiques; quant
aux autres habitants du Hadhramout, ils en font usage, les hommes
aussi bien que les femmes. Les parfumeries y sont recherchées,
spécialement l’essence de rose (’tVr), importée du Levant, et l’encens
(dokhoun). Ce dernier est brûlé ordinairement dans un encensoir
(. madkhanah ) en terre cuite. L’emploi de parasols en toile, importés
d’Europe, semble avoir pris un grand développement dans les dernières
années, tant parmi les hommes que parmi les femmes appartenant
aux classes supérieures de la société. On appelle un parasol ihillah
ou mathillah. S’il fait chaud, les deux sexes font aussi un fréquent
(*) L’anneau porté par les femmes n’a pas de pierre.
(*) Les hommes ne portent que des étoffes de soie mêlée de coton, la soie pure leur
étant défendue par la loi musulmane.
103
usage d’éventails (marwahah), non seulement à la maison, mais encore
dans la mosquée. Ces éventails cependant ont une autre forme que
ceux en usage en Europe. Enfin, il me reste a mentionner comme
objet d’usage fréquent, surtout eu voyage, une espèce de sac de
cuir, appelé djirâb, où l’on met ses provisions, ses ustensiles, etc.
L’argent qu’on a sur soi trouve une place dans les poches (kîs)
de l’habit.
N
DEUXIÈME PARTIE.
LES ARABES DANS L'ARCHIPEL INDIEN.
CHAPITRE I.
ORIGINE ET ÉTAT ACTUEL DES. COLONIES ARABES.
Le but de mon ouvrage n’est point d’entrer dans des recherches historiques
au sujet des rapports ayant existé au moyen-âge entre l’Arabie et l’Archipel
indien. D'autres s’en sont déjà occupés, et je ne pourrais que répéter les
résultats de leurs savantes études (*). Certes, il existait déjà, au moyen-âge,
un commerce assez vif entre l’Arabie méridionale, notamment Mascate et
le Golfe persique d’un côté et l’Archipel indien de l’autre; certes, ce sont des
navigateurs et des marchands arabes qui ont introduit l’Islamisme, d’abord
dans le pays d’Atjeh ( 2 ), puis à Palembang, et, au 15ième siècle, dans l’ile de
Java; mais nulle part on ne rencontre de vestiges que ces navigateurs ou ces
marchands aient fondé des colonies comme on en voit à l’heure qu’il est.
Même dans les temps plus modernes, je 11e crois pas qu’on puisse
parler de colonies arabes avant le commencement du 19ième siècle. Bien
que, avant cette époque, plusieurs Arabes se soient établis dans les
(*) V. Renaud: Relalions des voyages faits par les Arabes et les Persans dans l'Inde et
à la Chine, et: Introduction à la géographie d'Abou 1-Fedâ; A. deKremer: Culturgeschichte
des Orients, Tome 11, p. 273 et s.; J. Pijnappel: Over de kennis die de Arabieren vôôr de
komst der Portugeezen van den Indischen Archipel bezaten (Sur la connaissance de l'Archipel
indien chez les Arabes avant l'arrivée des Portugais) dans les „Bijdragen voor de taal-,
land- en volkenkunde van Nederlandsch-Indié", publiés par l'Institut royal de Linguistique,
de Géographie et d’Ethnologie à la Haye, 3e Série, Tome VIT, p. 135 et s.; Stuwe-
tfandelszüge der Araber; Van der Lith et Dévie: Le Livre des Merveilles de l'Inde.
(*) P. •). Veth: Alchin en zijnc betrekkingen tôt Nederland (Atjeh et scs rapports
avec les Pays Bas) page GO et s.
105
principaux ports «le l’Archipel indien, cl, que quelques-uns parmi eux
aient même exercé une influence marquée sur les destinées politiques
des Indigènes (*), autre chose est la fondation de colonies. Si des colonies
arabes, comme on en voit de. nos jours, avaient existé, elles eussent
été mentionnées, soit dans les divers récits des voyageurs européens,
soit dans les descriptions de l’Archipel indien, soit enfin dans les archives
du Gouvernement. Cette conclusion est d’autant plus fondée, qu’on
rencontre, à tout moment, des indices que d’importantes colonies chinoises
ont existé depuis des siècles dans plusieurs parties de l’Archipel indien.
Avant 1859, on n’a pas des données précises sur le mombre des
Arabes dans les possessions hollandaises. Dans les statistiques officielles
ils se trouvaient confondus avec les Bengalais et autres étrangers
mahométans. Depuis l’an 1870, la navigation à vapeur entre l’extrême
Orient et l’Arabie ayant pris un développement énorme, l’immigration
du Hadhramout s’en trouve facilitée. Il en résulte que de cette année
date une époque entièrement nouvelle pour les colonies arabes dans
l’Archipel indien. Le tableau suivant donne, pour ce qui regarde les
des de Java et de 31adoura, le récensemenl spécial et détaillé fait
en 1885, comparé aux chiffres de la statistique officielle des années
1870 et 1859, pour chaque Résidence où l’on trouve des Arabes.
Résidence.
Ville.
Arabes nés en
Arabie.
Arabes nés dans
l’Archipel indien.
Total.
Total en 1885
par Résidence.
Total en 1870
par Résidence.
cri -•
Sft 5
30 s
- r2
o 55
E- ~
Hommes.
Entants.
Hommes.
Femmes.
Entants.
Bantam
Serang
8
—
5
1
8
22
22
24
? n
Batavia
457
19
198
224
550
1448
Mr.-Cornelis
19
14
5
48
86
Balavia
1662
952
312
Buitenzorg
31
—
12
15
39
97
Tangerang
1
—
4
5
21
31
A
transporter
516
19
233
250
666
1684
1684
976
312
(-) V. Chapitre VII g I.
(2) En 1859 encore, la statistique officielle donnait pour Bantam les Arabes combinés
avec tous les autres étrangers mahométans.
Arabes nés en
Arabes nés
dans
30 £
O -J 1
et ,■
oc £
1
Arabie.
l’Archipel indien.
Z
Jj
Résidence.
\ ille.
Total.
1
1
.
- *CÎ
cj ■£,
w .Jjl
Sommes.
Enfants.
lormnes. !
Femmes.
Enfants.
Ct mm
“ T. '
*3 1
£ a |
£ £ 1
o -L
p-
Par transport
516
19
233
250
666
1684
1684
976
312
1
Poerwakarta
12
5
8
27
52
56
« 1
? (*)
Krawang. . . j
1
1
2
?
Pamanoukan
—
—
4
Bandong
10
1
5
5
20
41
Tjandjour
2
2
7
11
Préanger . . .
Soukaboumi
5
2
—
3
10
97
8
o
Garout
6
—
2
3
13
24
Manondjaya
—
—
2
1
8
11
I
Chéribon
131
—
163
157
383
834
|
Chéribon ...
Indramayou
63
—
69
46
196
374
1210
816
533
1
Djaliwangi
—
—
2
—
—
2
Tegal
Tegal
154
—
28
38
132
352
352
204
67
Pekalongan . .
Pekalongan
123
10
160
290
174
757
757
608
411
Sainarang
30
—
164
130
276
600
Sa ma rang
Salatiga
—
—
5
1
12
18
673
358
540
Antbarawa
—
—
17
12
25
54
Pourwadadi
—
—
1
—
—
1
Pati
6
—
1
7
17
31
Japara
Japara
Koudous
—
—
11
2
4
2
10
8
25
12
77
77
89
Djouana
—
—
2
1
6
9
Rembang
1
—
3
2
11
17
Rembang. . .
Touban
64
—
44
56
143
307
332
205
74
1
Bodjonegoro
1
—
2
2
3
8
Sourabava
218
10
220
236
461
1145
Grissée
50
15
248
411
143
867
Sourabaya . .
Modjokerto
4
—
1
—
6
11
2056
1626
1279
Sidoardjo
3
—
6
2
16
27
Sidayou
—
—
3
1
2
6
Pamakassan
30
3
22
40
111
206
Bangkallan
12
—
28
12
46
98
Madoura
Soumenep
Iles de Kangéan et
57
183
336
461
1037
1388
979
961
de Sapoudi
7
11
1
28
47
À transporter
1506
60
1645
2055
| 3416
8682
8682
| 5857
4268
(’) Encore en 1859 et en 1870, la statistique officielle donnait pour Krawang les Arabes combinés avec tous
les autres étrangers mahométans.
107
Résidence. Ville.
Par transport..
I Pasourouan.
Pasourouan . .Malan tr ....
I Bangil
Probolinggo.
Besouki
Banyoumas .
Redon
Djokyakarta. .
Sourakarta. . .
Madioun
Probolinggo .
Loumadjang.
Kraksaân . . .
Besouki
Panaroukan .
Bondowoso. .
Banjouwangi.
Tjilatjap
Pourwokerto
Probolinggo .
Magelang. . . .
Djokyakarta .
Sourakarta . .
Madioun
Total
Arabes nés en
! Arabie.
Arabes nés dans
l’Archipel indien.
Total.
30 ®
> _
2 c
-
O oj
r-
x -
! I
T3
Hommes.
Enfants.
Hommes.
Femmes.
Entants.
v -2
_ «
I 3-
«
2 u
© S.
« .q;
_ ce
1 a-
1506
60
1645
2055
3416
8682
8682
5857
4268
19
—
36
17
8
80
51
—
21
33
90
195
672
546
299
36
3
65
61
232
397
65
—
47
42
123
277
6
—
5
2
19
32
354
231
114
13
1
8
4
19
45
25
1
47
55
125
253
44
66
1
46
17
29
26
58
54
177
164
950
685
256
15
—
69
25
247
356
—
—
2
—
5
7
—
—
1
—
2
3
14
—
-n
—
—
1
—
3
4
1
—
24
16
52
93
93
47
38
2
—
29
9
12
52
52
77
12
3
—
29
10
29
71
71
-0
42
10
? 0
5
18520
66
2092
2384
4494
10888
10888
7495
4992
Quant aux possessions hollandaises dans les autres parties de
l’Archipel indien, la comparaison du nombre actuel des Arabes avec
les statistiques publiées dans les années précédentes offre encore
beaucoup plus de difficultés. Dans quelques-unes de ces possessions,
on combinait, encore très-récemment, les Arabes avec les autres
étrangers mahométans; ailleurs la situation politique, en 1870,
n’admettait pas encore de faire un récensement méritant quelque (*)
(*) Selon la statistique officielle, il n’y avait pas encore d’Arabes en Banyoumas, ni en
1859, ni en 1870.
O En 1859 encore, la statistique officielle donnait pour Sourakarta les Arabes combinés
avec tous les autres étrangers mahométans.
(3) Actuellement il n’y a plus d'Arabes qui aient élu domicile dans cette Résidence.
(‘) De ce nombre tout au plus 15 ne sont pas nés en Hadhramout.
confiance; depuis cette époque on a, en outre, modifié notablement
la division territoriale, et enfin toute la partie septentrionale de File
de Sumatra était alors encore indépendante.
Gouvernement
ou Résidence.
Arabes nés en 1
Arabie.
Arabes nés dans
l’Archipel indien.
Total.
C î
c = -S
5 5 c .
O °
= . c -
5 U-§
pii
OC = -£ |
" Z
“ o S ..
3 5
c-
X ©
£ ||
_ > —
5 £
■5T ç :
-Z.
V illc.
Hommes. Enfants.
loni mes.
femmes.
Entants.
Padang 16 —
23
8
78
125
Côte occiden-
Forteresse van der
taie de Su-
Capelle 2 —
2
1
4
9
191
76
26
matra
Pavakombo 2 —
3
2
9
16
ile de Nias 1 —
13
9
18
41
Benkoelen . . .
lvroé — —
7
5
4
16
16
6
28
Lampong. . . .
Telok Belong 2 —
6
1
3
12
12
29
1
I
Palembang Cl ■ —
429
653
951
2094
1 nE
2125
2043
1764
Palembang.. j
Djambi —
8
12
11
31 H
1
|
Siak 20 1
61
69
77
228
«
(bile orientale
Asahan — —
15
7
17
39
294
y
de Sumatra.
Deli 8 —
7
5
8
28
1
|
Kola Radja 12 —
27
24
17
80
1
Aljeh
! Dépendances
2746
•)
?
’
1
d’Atjeb 36 —
649
865
1218
2768
1
Banka
Muntok 10 —
44
44
Cl
159
159
487lI)
54
Biliton
Tandjong Pandan.. — —
2
1
—
3
3
?
y
Pontianak 32 —
506
487
536
1561
Koubou —
68
37
45
150
Utile occiden-
laie de Bor-
Sintang 6 1
29
24
36
96
1913
1222(a)
800(3
Sambas 1 —
15
20
51
87
néo
Autres parties de la
Résidence 2 —
8
1
8
19
Utile méridio- 1
Bandjermassin .... 100 8
95
104
375
682
I
mile et orien-
Côte méridionale . . —
15
7
19
41
827
542
?
taledeBornéol
Cèle orientale .... 5 —
45
18
36
104 0
A
transporter 316 10
2077
2404
3582
8389
8389
4405
2673
(*) En outre, on évalue à 60 âmes le nombre des Arabes dans l’intérieur de Djambi.
(2) Ce nombre doit être un malentendu.
(3) Les chiffres de 1870 et de 1859 méritent très-peu de confiance.
(“) La colonie arabe à Bouloungan n’entre pas dans ce chiffre. Je n'en ai pas reçu de
statistique, mais probalemenl elle ne compte pas plus de 150 âmes.
109
(iouvernenienl
en Résidence.
Ville.
Arabes nés en
Arabie.
Arabes nés dans
l’ Archipel indien.
Total.
Total en 1885
par Gouverne-
ment ou Rési-
dence.
Total eu 1870
par Gouverne-
ment ou Rési-
dence.
Total en 1 859 |
par Gouverne- i
ment ou Rési-
dence.
Hommes.
Enfants.
Hommes. Femmes.
Enfants.
Par transport
31G
10
2077 2404
3582
8389
8389
4405
2673
Menado
38
_
9 6
61
114
Mcnado
147
17
11
Gorontalo
18
1
14
33
Makassar
16
46 24
32
118
Celebes ....
Ile de Soumbawa.
36
—
34 —
28
98
260
87
14
Tontoli
1
11 15
17
44
Amboina
25
3
26 33
105
192
Saparoua
5
—
4 10
19
38
Amlioina . . .
Banda
63
1
26 19
95
204
444
170
53
Autres parties de la
Résidence . .
1
—
1 2
6
10
Ternate
12
_
22 18
56
108
n,
lernate ....
111
66
23
Batjan
—
—
1
2
3
Koupang
7
—
3 2
18
30
Timor
Rôti
2
2
1 —
—
5
93
-n
2C)
Soumba
—
—
17 5
36
58
-
Boulélcng
30
1
20 11
45
107
Bail
169(2)
172
?
Djembrana
3
—
14 16
29
62
Total
573 n
17
2311 2567
4145
9613
9613
4917
2776
Dans les possessions anglaises île la presqu’île de Malacca, le premier
récensement des Arabes est celui de 1874. Le dernier que le
Gouvernement colonial a publié est de 1884.
1894.
Province.
Hommes.
Femmes.
Enfants.
Total.
Singapour
189
111
165
465
Malacca
81
87
135
303
Pinang
106
106
110
322
Wellesley
11
8
13
32
Total
387
312
423
1122
(') Les c 1 1 i lires de 1870 en 1859 sont manifestement fautifs.
(2) En outre, le nombre total des Arabes dans l’ile de Lombok est évalué à une centaine,
et celui des Arabes dans les états indigènes de l'île de Bali à 12.
(3) De ce nombre tout au plus 10 ne sont pas nés en Hadhramout.
110
1884.
Province.
Hommes.
Femmes.
Enfants.
Total.
Singapour
445 (*)
166
225
836
Malacca
70
71
86
227
Pinang
163
158
200
521
Wellesley
21
14
18
53
Total
699
409
529
1637
La statistique anglaise ne fait pas de distinction entre les Arabes
nés en Arabie et ceux nés dans l’Archipel indien. Il s’ensuit que la
comparaison de cette statistique avec la statistique hollandaise de 1883
n’est pas possible sous tous les rapports. Eu outre, trois observations
générales sont nécessaires sur tous les chiffres que je viens de donner:
1°. que la population arabe des villes nommées comprend aussi les
Arabes établis dans les environs;
2n. que les femmes indigènes mariées «à des Arabes n’y sont point comprises;
3°. que les métis arabes n’y entrent qu’en tant qu’ils n’ont pas encore
entièrement perdu leur caractère national.
Pour ce qui regarde cette dernière observation, nous verrons dans
un chapitre suivant (2) que les descendants des Arabes dans l’Archipel
indien ont une tendance marquée à retomber dans la société indigène;
après quelques générations, il devient même souvent impossible de
retracer leur origine, à moins qu’ils n’appartiennent à des familles
distinguées. Puis, il résulte des tableaux statistiques précédents que
les colonies arabes dans l’Archipel indien n’ont cessé d’accroître
y depuis 1839. Il n’y a que quelques localités où la population arabe
(*) D'après des informations prises par moi en personne, ce chiffre est beaucoup trop
élevé. Il y a, tout au plus, 200 Arabes adultes établis actuellement à Singapour. Je crois
pouvoir expliquer le chiffre de la statistique officielle: on aura inscrit dans les registres les
personnes passant par Singapour pour se rendre dans les possessions hollandaises.
(’) V. Chapitre VIII.
111
est restée stationnaire, et deux colonies seulement, celle de Pekalongan
et de Padang, où, dans les trois dernières années, elle semble
diminuer un peu.
Quant à l’immigration arabe avant la publication des statistiques
officielles, il n’y a que des renseignements peu précis, provenant de
vieillard et de la tradition locale. Le résultat de mes recherches, à
cet égard, c’est que les Arabes du Hadhramout ont commencé à se
rendre en masse dans l’Archipel indien dans les dernières années
du 18ième siècle (*), tandis que leur émigration vers la côte du
Malabar date déjà de beaucoup plus tôt. Leur première étape, c’était
Atjeh, d’où ils se rendaient, de préférence, à Palembang et à
Pontianak. L’établissement des Arabes dans les îles de Java et de
Madoura n’a pas pris son essort général avant 1820. et leurs colonies
dans la partie orientale de l’Archipel indien ne datent à vrai dire
que de 1870. L’occupation de Singapour par les Anglais, en 1819, et
l’élan prodigieux qu’y a pris le commerce ont eu pour conséquence
que cette ville remplaça peu à peu Atjeh comme première étape et
point central de l’immigration arabe. Depuis le développement de la /
navigation à vapeur entre Singapour et l’Arabie, dans les 15 dernières
années, Atjeh a même perdu toute importance à cet égard.
Suivant le tableau statistique on trouve actuellement, dans l’île de
Java, six grandes colonies arabes, c’est-à-dire à Batavia, à Chéribon,
à Tegal, à Pekalongan, à Samarang et à Sourabaya, et une seule
dans l’île de Madoura, celle de Soumenep. Les autres colonies arabes,
en tant qu’elles ont déjà acquis quelque stabilité, doivent être
considérées comme se rattachant aux sept autres. Sur chacune de
celles-ci je vais donner quelques particularités.
La colonie de Batavia, quoique ne datant que d’un demi-siècle, est
(') Beaucoup plus tôt déjà , des individus isolés sont venus chercher fortune dans
l’extrême Orient.
112
devenue, de nos jours, une des plus grandes de loul l’Archipel indien,
et même la première, quand on prend eu considération le nombre des
s
Arabes nés en Arabie. Ce n’étail pas avant 1844 qu’elle était suffisamment
importante, pour que le Gouvernement hollandais la plaçât sous un
chef. Avant cette époque, les Arabes, en petit nombre, y demeuraient
dans les quartiers indigènes, de préférence dans celui des Bengalais,
appelé en malais Pakhodjan, c’est-à-dire „endroit des khodjah" (’).
Peu à peu les Bengalais ont été remplacés dans ce quartier par les
Arabes. Aujourd’hui, les premiers en ont entièrement disparu, et, hors
les Arabes, le Pakhodjan ne compte plus que quelques habitants
Chinois et, comme tous les quartiers Arabes, un grand nombre
d’indigènes. Les maisons, toutes en briques, sont du même style que
celles des quartiers européens de l’ancienne ville de Batavia. Un rare
balcon fermé trahit la nationalité des habitants. Comme toute la ville
proprement dite, le Pakhodjan est très-malsain; mais il ne paraît pas
que les Arabes en souffrent beaucoup. On y trouve une mosquée
arabe assez vaste avec un ecclésiastique de leur nation, lequel est,
en même temps, maître d’école. Une des chambres du rez-de-chaussée
est réservée à ce but. L’édifice porte le nom malais de Langgar et
constitue une fondation (t vaqf) assez bien dotée. Cependant, la prière
publique du vendredi ne s’y fait pas; les Arabes se rendent, à cet
effet, dans la grande mosquée indigène, située dans leur quartier.
Outre le Langgar, le Pakhodjan compte encore une autre mosquée
arabe, mais de plus petite dimension: elle a le nom de Zâwiah.
Une partie des Arabes demeure dans les faubourgs Krokot et
Tanah Abang, où, cependant, ils n’ont pas encore la prépondérance.
Quelques-uns demeurent dans d’autres quartiers, au milieu des Indigènes.
Dans tous ces quartiers, ils ont des maisons pareilles à celles des
(') En malais, khodjah , du persan khawâdjah, a la signification spéciale de ..Bengalais",
ou plutôt de ..natif du llindoslâu".
115
Indigènes, on, s’ils sont dans l’aisance, comme celles des Européens
dans les faubourgs, c’est-à-dire des villas ou chalets plus ou moins
grands et plus ou moins bien entretenus. On trouve, à Batavia, des
Arabes d’à peu près toutes les parties du Hadhramout et de toutes
les couches sociales; seulement les Sayyid y sont fortement en minorité.
La plupart des Arabes qui de Singapour viennent dans l’ile de Java,
descendent d’abord à Batavia, pour se répandre plus tard dans les
autres colonies. Dans les huit dernières années, le nombre des nouvelles
admissions accordées par les autorités à Batavia surpassait annuellement,
en moyenne, la centaine, et la majorité de ces individus s’y établit. La
colonie arabe à Batavia est donc dans un état d’accroissement, et elle
aura bientôt surpassé, quant au nombre des habitants, toutes les autres.
Comme conséquence de ce qui précède, on ne trouve à Batavia que
très-peu de familles établies dans l’Archipel indien depuis plusieurs
générations, et la grande majorité des Arabes y est mariée à des
femmes indigènes. La vie intellectuelle n’en est pas moins à un
assez haut niveau. L’élément arabe y prédomine tellement sur les
métis que ceux-ci sont forcés d’apprendre au moins un peu l’arabe
pour se faire comprendre. Comme particularité des quartiers arabes
à Batavia je cite enfin qu’il y a relativement peu de boutiques pour
vendre aux passants. Il n’y a que le Pakhodjan ou l’on en voit une
trentaine. Presque tout le commerce arabe s’y fait dans l’intérieur
des maisons et au moyen de colporteurs.
La colonie arabe à Cbéribon est également de date relativement
récente. En 1845, elle était devenue assez importante pour être
placée sous un chef, qui devint, en même temps, chef de ses
compatriotes dans toute la Bésidence. Ce n’est qu’en 1872 que la
colonie arabe d’Indramayou fut soustraite à l’autorité du chef des
Arabes à Chéribon et obtint un chef distinct. Comme à Batavia,
le quartier occupé par les Arabes, à Cbéribon, était d’abord celui
s
«
114
des Bengalais, cl ce sont ceux-ci qui ont bâti la mosquée connue
actuellement sous le nom île „Mosquée des Arabes”. C’est un édifice
assez spacieux, dont l’entretien laisse à désirer; mais. ceci est le cas
du quartier arabe en son entier. Rarement on y voit une maison de
quelque apparence. Aussi la colonie arabe de Chéribon n’est pas
florissante; le seul Arabe qui fit des affaires en gros a fait faillite,
il y a quelques années. On ne voit, le long des rues, qu’une série
de petites boutiques sales et mal pourvues, mais aucun magasin
dénotant la prospérité de son propriétaire, comme on en voit tant
dans le quartier chinois. Le commerce avec Palembang y est assez
vif, et quelques membres des familles arabes établies dans cette
dernière ville, y sont à peu près les seuls individus civilisés. La
plupart des Arabes à Chéribon vivent du commerce avec les Indigènes
dans la Résidence du même nom et dans la partie orientale de la
Résidence du Préanger. On s’étonne comment ils trouvent de quoi
vivre. Des Saxjyid, il n’y en a que très-peu. La colonie arabe
d’Indramayou a le même caractère que celle de Chéribon, dont elle
n’est qu’une branche. Seulement elle est encore plus jeune et, de
nos jours, notablement plus llorissante.
De toutes les grandes colonies arabes dans l’Archipel indien celle
de Tegal est la plus récente; elle 11e date que d’il y a 20 ans.
Avant cette époque, il n’y avait que quelques rares familles arabes et,
de temps en temps, quelques-uns qui y faisaient un séjour passager.
Le premier chef de la colonie fut nommé en 1885. Depuis cette
époque, le nombre des Arabes, principalement des membres des tribus
des Nahd, de Kathîr et de Yàfi’, n’a fait qu’accroître, et, par suite de
cette immigration, le quartier arabe y est réellement une fourmilière.
Plusieurs maisons sont habitées par deux ou trois familles. Des
boutiques, il 11’y en a que très-peu; la plupart des Arabes demeurent
dans des maisons de bambou, entourées d’un petit potager et presque
toutes d’un aspect sale et pauvre. La colonie arabe de Tegal m’a
paru sensiblement moins rigoureuse dans l’observance des devoirs
de la religion que les autres colonies que j’ai visitées, chose peu
étonnante, quand on prend en considération l’origine des habitants.
Très-peu d’Arabes assistent dans la mosquée indigène à la prière
publique du vendredi. Des sciences, personne ne s’en occupe.
La colonie de Pekalongan offre un tout autre aspect. Les premiers
Arabes s’y établirent dans le commencement du siècle actuel. C’étaient
pour la plupart des Sayyid, qui y épousèrent des filles de chefs
indigènes et formèrent le noyau d’une colonie florissante (1). Ce sont
les descendants de ces Sayyid et les membres de leur famille, arrivés
successivement du Hadhramout, qui constituent la majorité des habitants
arabes de Pekalongan. Des membres de tribu, on n’y en trouve presque
point, et il paraît qu’en général, dans le dernier temps, très-peu
d’immigrants du Hadhramout s’y sont établis. Quoique, dans leur
quartier, plusieurs maisons soient inhabitées, la plupart des Arabes
y jouissent évidemment d’une certaine prospérité. Il n’en est pas
de même des métis demeurant, hors du quartier arabe proprement
dit, dans les faubourgs Ledok, Mipilan, Kaouman et Krapyak.
Ceux-ci se tiennent le plus possible écartés des Arabes venus du
Hadhramout et des métis qui ont conservé leur caractère national.
Des métis dans les faubourgs nommés, nul ne parle plus l’arabe;
ils vivent, depuis des générations, dans des maisons de bois ou de
bambou, au milieu des Indigènes et ont adopté les mêmes moyens
de subsistance, le même habit et les mêmes usages que ceux-ci.
Aucun d’entre eux ne s’occupe plus du commerce. Dans le quartier
arabe, on trouve une . petite mosquée pour les prières journalières.
Enfin, quoiqu’il n’y ait pas des savants de profession parmi les Arabes (*)
(*) Nous allons parler plus amplement Je quelques-uns parmi eux dans le Chapitre VIII.
116
à Pekalongan, presque Ions ceux qui y jouissent d’une certaine aisance,
s’occupent plus ou moins de la culture de l’esprit. Dans plusieurs
maisons j’ai vu des manuscrits et des livres, imprimés non-seulement
dans le Levant, mais encore en Europe, p. e. l’édition des Maqâmât
d’al-Harîri de S. de Sacy. Depuis 1858, la colonie de Pekalongan a
un chef, nommé par le Gouvernement.
La colonie arabe de Samarang date de la même époque que celle
de Pekalongan, mais en 1819 elle était déjà assez importante pour
être placée sous un chef. C’est surtout dans la période entre 1840
et 1855 que quelques Arabes y ont amassé de grands capitaux, et
l’aisance dont jouissent encore plusieurs de leurs descendants est le
reste de ces fortunes. Beaucoup de leurs descendants toutefois sont
déjà retombés dans l’indigence; quelques-uns se sont relevés par des
mariages avec des fdles d’indigènes riches. Depuis 1860 jusqu’en 1870,
la colonie était sensiblement en décadence; mais dans les 15 dernières
années, les immigrants du Hadhramout se sont dirigés, de nouveau, de
ce côté, et plusieurs de ces nouveaux venus ont fait de bonnes affaires
dans le commerce (*). Quant aux descendants des riches négociants
d’autrefois, ils se bornent à être bailleurs de fonds. Plusieurs d’entre eux
ont fixé leur domicile à Pekalongan. A Samarang, les Arabes n’ont
pas de quartier séparé; ils demeurent dans le quartier des Malais, où
cependant se trouvent aussi beaucoup de Chinois. Il y a dans ce quartier
une mosquée pour les prières journalières, fondée par des Arabes.
La partie de Java où les Arabes fondèrent leurs premières colonies,
c’était l’entrée du détroit de Madoura. Pour ne pas parler de ceux
qui, dans le quinzième siècle, s’établirent à Grissée et à Sourabaya (2),
mais ne peuvent être considérés comme fondateurs de colonies proprement
(*) Comme à Batavia, le commerce arabe à Samarang se fait presque entièrement dans
les maisons et par des colporteurs. Il n’y a que de rares boutiques tenues par des Arabes.
(2) V. W. P. Groeneveldl: Notes on the Malay Archipellago and Malacca compiled from
ebinese sources, p. 49.
117
dites, il est certain qu’il y avait déjà, dans le commencement du siècle
actuel, plusieurs familles arabes dans ces deux villes. La colonie
de Grissée semble avoir atteint son apogée, il y a 40 ans; depuis
lors elle n’a fait que déchoir, surtout par suite de la décadence de
la navigation qui y était le principal moyen de subsistance (*).
Des grandes fortunes amassées alors, il n’est resté plus rien. Les
immigrants du Hadhramout ne s’y établissent plus que par grande
exception; les métis y mènent une pauvre existence, et ceux qui
avaient encore quelque énergie ont quitté la ville pour s’établir à
Sourabaya. À Grissée, il y a un chef des Arabes depuis 1852.
La colonie de Sourabaya est actuellement très-florissante. Dans les
15 dernières années la population en est doublée. On y trouve des
Arabes d’à peu près toutes les familles et de toutes les parties du
Hadhramout. Parmi eux, il y a beaucoup de Sayyid. La colonie peut
être considérée comme le centre de toutes les autres dans la partie
orientale de l’ile de Java. De ces dernières, les seules qui aient quelque
importance sont Pasourouan, Bangil, Probolinggo, Loumadjang, Besouki
et Banyouwangi. La dernière est la plus ancienne; cependant elle n’a
été placée sous un chef qu’en 1856. Le premier chef à Pasourouan
fut nommé en 1860 (2), à Besouki en 1869, à Bangil en 1873, à
Probolinggo et à Loumadjang en 1881. La colonie de Besouki, sous
laquelle il faut comprendre aussi les Arabes établis dans les villes
de Panaroukan et de Bondowoso, est actuellement la plus florissante.
Le quartier Arabe, à Sourabaya, est situé dans la partie nord-est
de la ville. Les rues en sont, pour la plupart, sales, étroites et
anfractueuses. On y voit beaucoup de boutiques et plusieurs maisons
bien bâties et bien entretenues. Il y a sept mosquées pour les prières
(') V. plus bas Chapitre III.
(2) Depuis 1847, les Arabes et les Bengalais étaient réunis à Pasourouan sous un seul
chef, choisi cependant parmi la première nationalité. Depuis 1873, il en est de même
à Malang,
118
journalières et, en outre, la grande mosquée d’Ampel pour la prière
publique du vendredi. Cette dernière est une des plus spacieuses et
certainement la plus belle de tout l’Archipel indien. Quoiqu’elle soit
sous l’administration du clergé indigène, la plupart des personnes
qui la fréquentent, sont des Arabes. Dans le quartier arabe, on
trouve, encore de nos jours, quelques Chinois et un grand nombre
d'indigènes et d’autres étrangers mahométans. Parmi ceux-ci, les
Bengalais sont les plus nombreux (*). En 1852, les Arabes à
Sourabaya ont obtenu un chef de leur propre nationalité. Quant aux
métis, Sourabaya est un des lieux où ils conservent le plus longtemps
leur caractère national. La plupart de ceux qui jouissent d’une
certaine aisance, non-seulement parlent encore l’arabe, mais mettent
même une sorte de point d’honneur à montrer qu’ils ne sont pas
devenus Indigènes.
L’origine de la colonie arabe de Soumenep sera racontée dans un
chapitre suivant (2). On verra alors que l’aflluence des Arabes dans
cette ville a été causée par l’engouement qu’avait pour eux le prince
indigène qui y régnait de 1812 à 1854. Depuis la mort de celui-ci,
la colonie n’a fait que déchoir, non pas quant an nombre des habitants,
mais au point de vue de la prospérité. A Soumenep, il y a encore
quelques capitalistes arabes; mais, prise en son entier, la colonie est en
décadence. En 1883, les Arabes y ont vu tarir une source importante
de leur fortune, c’est-à-dire le fermage des impôts levés par le prince
indigène (3). Depuis 1852, ils sont placés sous un chef.
Quant aux deux autres colonies dans l’ile de Madoura, celles de
(’) Ccst à tort qu'on lit dans quelques ouvrages d'ethnologie que les Arabes à
Sourabaya sont des sectateurs du rite d’Abou Hanifah (V. p. e. P. J. Veth : Java,
Geograpbisch , Elhnologisch , llistonsch, (L'ile de Java au point de vue géographique,
ethnologique et historique, Tome 111, p. 863). Ceci est le cas des Bengalais, et non des
Arabes: comme partout ailleurs, ces derniers sont du rite de Chàfi'i.
(3) Chapitre IV.
(s) V. plus bas Chapitre III.
119
Bangkallan el de Pamakassan, la première forme, pour ainsi dire, une
dépendance de Sourabaya et la seconde, de Soumenep. Cependant l’une
et l’autre ont un chef depuis 1859.
Dans l’ile de Sumatra, il n’y a que deux colonies arabes importantes:
celles d’Atjeb el de Palembang. La dernière, la plus intéressante, tant
au point de vue social qu’au point de vue commercial, date des dernières
années du siècle précédent. Dans le commencement du siècle actuel,
ce fut surtout le Sultan Mahmoud Badr ad-dîn qui favorisa l’établissement
des Arabes dans sa capitale, et lorsqu’en 1821, ce Sultan fut détrôné
par le Gouvernement hollandais, qui prit Palembang sous son
administration directe, le nombre des Arabes et de leurs descendants
montait déjà à environ 500 (1). Depuis cette époque, leur nombre
n’a fait qu’augmenter jusqu’à il y a environ 25 ans. Depuis lors,
il est resté stationnaire, et à l’heure qu’il est, on ne voit que
très-peu d’Arabes du Hadhramout choisir Palembang comme leur
terrain d’exploitation. Le développement de la colonie arabe de
Palembang allait de pair avec celui de la navigation, et depuis la
décadence de cette branche d’industrie, son essor se trouve brisé (2).
Cependant les capitaux amassés autrefois y sont encore. Nulle part,
on ne trouve un si grand nombre de capitalistes arabes. On ne voit
à Palembang ni boutiques, ni colporteurs arabes, ces branches du
commerce y étant entièrement dans les mains des Chinois, des
Bengalais ou des Indigènes ; les Arabes n’y font que le commerce en
gros, ou bien, s’ils n’ont pas de fortune, ils sont au service de leurs
compatriotes riches. Les maisons des Arabes aisés ont, à Palembang,
un aspect agréable et surtout plus propre que partout ailleurs, à en
juger sur l’impression générale. Ce sont, pour la plupart, des maisons
(* *) Selon de Sturler: Het gebied van Palembang (Le pays de Palembang) p. 195.
(*) Nous reviendrons sur ce sujet dans le Chapitre 111. De même nous parlerons des
relations entre les métis el les nouveaux venus dans cette ville au Chapitre VIII.
120
de bois, bàlies sur pilotis, mais plus grandes et mieux meublées (pie
ne le sont celles des Indigènes. Dans plusieurs maisons d’Arabes
notables, j’ai vu des manuscrits et des livres, dans d’autres des
armes précieuses, etc., c’est-à-dire des indices d’un certain état de
prospérité. Les maisons des Arabes notables sont toutes situées le
long du fleuve Mousi. Un quartier arabe n’existe pas; c’est autour
de la maison d’un père de famille que se groupent ordinairement
celles de ses fils ou de ses gendres, au cas que ceux-ci n’aient pas
de maison à eux. Devant les maisons, sur un pilotis plus avancé
dans la fleuve, on voit ordinairement un édifice de peu de dimension,
portant le nom malais de langgar (*) et servant de chapelle domestique.
Aussitôt que Palembang a été placé sous l’administration directe du
Gouvernement hollandais, les Arabes y ont obtenu un chef.
Dans l’ancien Sultanat d’Atjeh, les Arabes, quoique peut-être plus
nombreux que nulle part ailleurs, n’ont jamais formé une colonie
séparée. Aussi ne les y trouve-t-on pas réunis dans certaines localités,
mais demeurent-ils dispersés dans toutes les parties du pays. Ce sont
presque tous des métis qui ne se distinguent plus en rien de la
population indigène, si ce n’est par l’habit dans les occasions solennelles.
En outre, ils ont conservé leurs noms de famille. Depuis l’occupation
d’Atjeh par les Hollandais et les troubles qui en ont résulté, ils ont
quitté Kola Radja et les environs, c’est-à-dire le principal terrain des
hostilités, pour s’établir dans les dépendances d’Atjeh, surtout dans
les ports de la côte septentrionale.
La fondation de la colonie de Ponlianak sera exposée plus loin (2). Il
suffit de mentionner ici qu’elle date également de la fin du siècle précédent.
Le premier Sultan arabe de la ville encourageait fortement l’établissement
de ses compatriotes, leur accordait plusieurs privilèges commerciaux,
\
(’) Le mot arabe moçallâ n’est pas en usage à Palembang.
(’) Chapitre VII § 1.
tandis que les autres marchands étrangers étaient entravés dans leurs
opérations, surtout avec l’intérieur, par des vexations incessantes.
Les Arabes y amassaient donc de grandes fortunes et accaparaient
spécialement tout le commerce avec l’intérieur du pays, jusqu’à ce
que, sous l’influence du Gouvernement hollandais, les privilèges et
les vexations furent abolis graduellement. A mesure que la situation
s’améliorait, les marchands non-arabes gagnaient du terrain et, de
nos jours, le commerce en gros y a passé entièrement dans les mains
des Chinois et des Bengalais. Il n’y a que quelques Arabes nés eu
Hadhramout, qui font un commerce de détail insignifiant. Dans un
autre chapitre (*), je parlerai des moyens de subsistance des descendants
des riches marchands arabes d’autrefois et de leurs sentiments envers
les Arabes immigrés. Je me bornerai ici à constater que leurs maisons,
bâties dans le genre de celles de Palembang, mais beaucoup plus
petites, portent, à peu près toutes, des indices d’une décadence
irréparable. En 1884, le gouvernement hollandais à nommé un chel
des Arabes venus d’autre part; quant aux Arabes nés à Pontianak,
ils sont sujets du Sultan. Il n’y a pas de quartier arabe; c’est une
institution propre aux villes sous l’administration directe des autorités
hollandaises, qui réunissent les différentes nationalités étrangères dans
des quartiers séparés.
Les autres colonies arabes dans les possessions hollandaises ne
méritent pas de mention spéciale. Elles sont, toutes, ou de date
récente, ou bien elles se composent de descendants d’Arabes entièrement
mêlés aux Indigènes. Ceci est par exemple le cas à Djambi etàSiak.
A Padang, le chef des étrangers mahométans est choisi, depuis 1878,
parmi les Arabes. A Bandjermassin, le premier chef fut nommé en 187a (2),
(*) Chapitre VIII.
(') Le nombre des Arabes dans cette ville a plus que doublé dans les 15 dernières
années.
122
à Araboina et à Banda, en 1878, et à Makassar, en 1881. À Ternate,
la colonie arabe est encore une avec celle de tous les étrangers
mahométans, sous un seul chef, qui depuis 1881 est Arabe.
Quant aux colonies arabes dans les possessions anglaises, la plus
ancienne est celle de Malacca ; mais elle est en décadence, comme
cette ville même, depuis la fondation de Singapour en 1819. Elle
se compose, à l’heure qu’il est, presque entièrement de métis dont
la plupart sont pauvres. Ceux qui en avaient les moyens et l’énergie,
ont quitté la ville pour s’établir à Singapour. C’est là qu’on trouve
à présent la colonie arabe la plus florissante, quoique non la plus
grande de tout l’Archipel indien. C’est le point par où passent tous
les Arabes venant chercher leur fortune dans l’extrême Orient. Aussi
le nombre des nouveaux venus y augmente chaque année. Il en est
de même dans la colonie arabe de Poulou Pinang, quoique de beaucoup
inférieure à la précédente. Dans les possessions anglaises, les Arabes
n’ont point de chefs de leur propre nationalité; ils sont placés sous
les ordres directs des autorités européennes.
Quant à la partie de l’Archipel indien à l’est d’Amboina et de
Banda, les Arabes n’y ont pas encore fondé de colonie, quoique leurs
vaisseaux poussent jusqu’à la Nouvelle Guinée et visitent l’Archipel
de Soulou et les îles Philippines.
CHAPITRE IL
CARACTÈRE DES IMMIGRANTS ARABES.
Les Arabes qui prennent la résolution d’émigrer ne sont pas les
plus riches de la population du Hadhramout. Il en est d’eux comme
de nous autres Européens: celui qui jouit d’une certaine aisance, ne
va pas à l’étranger chercher sa fortune, ou pour se servir de
l’expression arabe, „la bague du prophète Salomon”.
On s’imagine généralement que, depuis des siècles, les Arabes
se sont rendus dans l’Archipel indien autant comme missionnaires
que pour faire le commerce. Quel fût leur motif d’immigrer dans
les siècles passés, impossible de le dire avec quelque certitude; mais
je puis affirmer que, depuis les 15 dernières années, il n’en est pas
arrivé, à Batavia, un seul qui n’ait eu des aspirations exclusivement
pécuniaires. Les quelques Arabes qui, dans l’Archipel indien, s’occupent
des sciences ou exercent des fonctions ecclésiastiques, ne font pas
exception à cette règle. Venus dans un autre but, ils se sont voués,
plus tard, par le concours des circonstances, aux intérêts spirituels de
leurs coreligionnaires. Les rares ecclésiastiques appelés du Hadhramout
pour devenir, dans l’Archipel indien, prédicateur ou gardien d’une
des petites mosquées dans les quartiers arabes, ont accepté cette
offre en vue des émoluments, et non pas par la vocation de
devenir missionnaires. Quant aux Arabes venus d’autres pays que
le Hadhramout, leur immigration a un caractère analogue. Même
ceux qui n’ont point l’intention de fixer leur domicile dans l’Archipel
indien, n’en viennent pas moins pour remplir leurs poches. S’ils
tâchent d’atteindre ce but d’une autre façon que les Arabes du
Hadhramout, c’est-à-dire en spéculant sur la crédulité des Indigènes,
il n’en est pas moins vrai que jamais on n’a vu un d’eux
aller prêcher le Coran aux nombreux payens qui habitent encore
l’Extrême Orient.
Lorsqu’un Arabe établi dans l’ Archipel indien voit qu’il ne suffît
plus, à lui seul, à son commerce, il engage de préférence un jeune
homme de sa famille ou de sa tribu. Voilà pourquoi, dans toutes
les colonies arabes, la majorité des immigrants est de la même partie
du Hadhramout. Ainsi, la plupart des Arabes dans l’Archipel indien
sont originaires de la grande vallée entre Cbibâm et Terim. Les
habitants de la vallée de Dou’an (*) aiment mieux se rendre dans
les colonies de ’Aden, de Djuddah, de Souâkim ou du Caire (2). Les
habitants du littoral préfèrent l’Inde anglaise, surtout la côte de
Malabar et le Haiderabàd; les Bédouins quittent rarement leur pays.
L’Arabe nouvellement arrivé devient l’hôte de celui qui l’a fait venir.
S’il n’a pas été appelé, il demande l’hospitalité à un membre de sa
famille ou de sa tribu. Il est rare qu’un Arabe arrive dans l’Archipel
indien, sans y connaître personne dont il puisse espérer un bon
accueil; plus rare encore qu’un Sayyid le fasse. A Singapour, où
presque tous les immigrants du Hadhramout doivent passer, deux
Arabes se sont fait métier et marchandise de donner l’hospitalité
au nouveaux venus et de leur procurer, en cas de besoin, les
moyens de continuer le voyage, sous condition que les frais du
logement et les sommes avancées soient restituées, plus tard, avec
l’intérêt.
L’arrivée d’un Arabe du Hadhramout est ordinairement quelque
chose de très-important dans une colonie; chacun veut lui parler et
lui demander des nouvelles de sa famille, de sa tribu ou de sou
village. Presque toujours, il apporte un paquet de lettres des parents
dans la patrie. Si le destinataire ne se trouve pas sur le lieu, ou
(*) Dou'ani plur. Dawâ'in.
(s) V. de Mallzan op. cil. p. 20' et i8.
12»
qu’il soit déjà parti vers une autre colonie, la lettre est expédiée
scrupuleusement par une main amie.
Le voyage du Hadhramout à l’Archipel indien durait autrefois
plusieurs mois. Il fallait se rendre d’al-Mokallâ ou d’ach-Chihr à
Bombay; de là dans l’ile de Ceylan et enfin à Atjeh ou à Singapour,
le tout par des navires à voiles. Ce voyage, on le fait encore quelquefois
aujourd’hui, mais ceux qui en ont les moyens aiment mieux s’embarquer
à ’Aden, directement pour Singapour, sur les paquebots européens.
J’ai toujours entendu les Arabes parler, avec prédilection, des paquebots
de la compagnie française des Messageries Maritimes; est-ce parce qu’ils
trouvent ordinairement, parmi les officiers et l’équipage, des personnes
parlant leur langue? On sait que rarement un Arabe voyage dans la
première, ni même dans la seconde classe.
Les jeunes Arabes qui ne trouvent pas de pied-à-terre chez quelque
compatriote, et qui ne gagnent pas encore assez pour avoir une maison
à eux, en prennent quelquefois une ensemble. Chacun est son propre
cuisinier; mais les frais d’un concierge, de l’eau et du feu sont
supportés en commun.
Un Arabe venu du Hadhramout peut, sans avoir dans l’Archipel
indien des protections puissantes, acquérir assez vile quelque aisance,
comparaison faite des sommes minimes dont il a vécu dans sa patrie,
ou de ce que gagnent les Indigènes, dont il adopte entièrement la
manière de vivre. Or, une somme absolument insuffisante pour les
Européens, avec leurs besoins excessifs sous les tropiques, constitue
pour un Arabe non-seulement assez pour vivre, mais lui permet même
de faire de petites économies. A Batavia, par exemple, il y a peu
d’Arabes qui n’aient de 50 à 40 fl. par mois ; si ce chiffre paraît un
peu élevé, comme minimum pour quelques autres colonies, on ne
doit pas perdre de vue qu’on peut y vivre ordinairement à meilleur
marché que dans la capitale des possessions hollandaises. En tout
126
cas, je ne crois pas qu’il y ait dans l’Archipel indien un seul Arabe
du Hadhramout, à moins qu’il ne soit paresseux, qui gagne moins de
20 fl. par mois, c’est-à-dire plus que le double de ce qu’il lui faut
pour vivre en Hadhramout d’une manière convenable (*).
Rarement on rencontre un Arabe, qu’il soit riche ou pauvre, qui
dépense tout son revenu. L’épargne est quelque chose qui tient de
leur nature et fait qu’ils jouissent, à peu près tous, d’une certaine
prospérité; il faut dire à leur honneur que, arrivés à l’aisance dans
l’Archipel indien, ils n’oublient, presque jamais, les membres de leur
famille restés dans la patrie. Au cas que ceux-ci n’aient pas besoin
de secours, on donne de son superflu aux mosquées, aux écoles ou à
d’autres fondations pieuses; il y en a même qui envoient annuellement
de l’argent à quelque savant vénéré ou à quelque ami âgé. Jamais
Arabe n’imitera les nouveaux riches en Europe, rougissant de leurs
parents pauvres et tâchant de s’en déharasser au plus vite. Au
contraire, c’est une idée innée chez eux, que la fortune de quelqu’un
doit profiter à toute sa famille (2). Un Arabe qui s’aviserait de se
soustraire à cette obligation morale, s’attirerait le mépris de tous ses
compatriotes. A plus forte raison il en est ainsi, quand il s’agit de
ses ascendants. Le respect des Arabes pour les auteurs de leur vie,
remarqué déjà par plusieurs voyageurs, m’a frappé fortement dans
l’Archipel indien, même chez des métis.
Il est impossible de savoir le montant exact de ces remises annuelles
au Hadhramout. Toutefois, je crois pouvoir les évaluer à environ
150000 fl. La plupart ne sont pas faites par l’intermédiaire des
maisons de commerce, ni des banques européennes; et encore celles qui
y passent ne sont pas envoyées directement, mais par l’intermédiaire
(*) Parmi les métis il y en a beaucoup qui ne peuvent atteindre cette somme. Je
parlerai de leur condition économique plus amplement dans le Chapitre VIII.
(’) Il y aurait, en Hadhramout, des personnes assez exigeantes à cet égard. Leurs
demandes de secours prennent quelquefois le caractère d'une véritable exploitation.
(le Singapour, de Bombay ou de ’Aden. En général, elles sont faites en
numéraire, qu’on confie à quelque ami ou à quelque membre de sa
famille ou de sa tribu, qui va repatrier. Je n’ai jamais entendu
d’abus de confiance. Il y a, à Batavia, un Arabe, qui vend des traites
sur Saioun, où il a déposé entre les mains de son fondé de pouvoir
une somme de, je crois, 50000 fl., laquelle est complétée au moyen
de traites sur ’Aden, aussitôt qu’elle menace d’être épuisée. De là,
ou expédie le montant, en numéraire, à sa destination.
La manière scrupuleuse dont les Arabes, dans l’Archipel indien,
observent les préceptes de la loi musulmane relatifs aux prélèvements
(zakâh) est une nouvelle preuve que l’esprit de bienfaisance a pris,
chez eux, de profondes racines. Leur sobriété égale leur bienfaisance.
On ne trouve pas d’Arabe du Hadhramout adonné aux boissons
alcooliques (*) ou à l’opium; même parmi les métis, ces vices ne
se rencontrent que rarement. Puis les Arabes, quelque pauvres
qu’ils soient, savent préserver leurs filles de la prostitution, chose
d’autant plus méritoire que les Indigènes de bas étage sont très-faciles
à cet égard, et que les filles des Arabes appartiennent, quant au caractère,
réellement à cette dernière nationalité (2). A Bangkallan seul, on m’a
cité un exemple d’une métisse arabe qui avait tourné mal.
Un dernier trait louable dans le caractère des Arabes du Hadhramout,
c’est leur respect pour la culture de l’esprit, en général, et pour celle
de leurs sciences favorites, la théologie, la jurisprudence et la grammaire,
en particulier. Même les membres de tribu, d’ailleurs peu civilisés,
ne peuvent se soustraire à l’influence de l’opinion publique à cet
égard. Une des choses qu’ils louent le plus dans les gouvernements
européens, c’est la libéralité avec laquelle ils subventionnent les
explorations scientifiques. Les savants arabes, en petit nombre dans
(') ,,Ivre” s’appelle dans le dialecte du Hadhramout dlkhân ou dûïkh ; ..ivresse” dawkhah.
(2) V. plus bas Chapitre VI.
128
l’Archipel indien il est vrai, jouissent auprès de leurs compatriotes
d’une considération à laquelle on ne s’attendrait pas, quand on se
rappelle que peut-être le tiers de ceux-ci n’ont été, dans leur patrie,
guère plus que des brigands. J’ai assisté «à des réunions d’Arabes
où les plus riches marchands et les chefs nommés par le Gouvernement
hollandais traitaient un savant relativement pauvre et obscur d’une
manière prouvant qu’ils le considéraient comme leur supérieur. Et
ce respect ne reste pas borné à de vaines marques de politesse. Un
riche Arabe de mes connaissances, étant à ’Aden et le hasard lui
ayant appris qu’un savant, parmi ses compatriotes, avait des démêlés
avec le clergé indigène de sa ville, mit immédiatement, par télégramme,
à la disposition du savant la somme de 2500 fl., afin que celui-ci
pût se faire défendre, en cas de. besoin, par un des principaux avocats.
Heureusement, l’affaire n’allait pas si loin; mais cette marque de
respect désintéressé envers quelqu’un qui n’était pas de sa famille,
ni même du nombre «le ses amis intimes, mérite l’appréciation de
tout homme de bien.
La richesse à elle seule ne donne aucun prestige dans les colonies
arabes, pas plus qu’une nomination comme chef de la colonie par le
Gouvernement hollandais (‘), lors même que ce serait avec un des
rangs honorifiques de lieutenant, de capitaine ou 'de major. Certes,
on obéira au chef d’une colonie, lorsque la loi l’exige, sachant qu’un
refus d’obéissance sera puni comme rébellion. Mais il ne faut pas que
les autorités locales se fassent illusion sur l’influence d’un chef sur
ses compatriotes, si celui-ci n’en avait pas avant sa nomination, ou
qu’il n’ait pas de position indépendante. Dans ce dernier cas, le chef
n’osera que rarement user de sou autorité, même légale, envers ceux
qui sont ses supérieurs en fortune ou en origine. Je pourrais citer, (*)
(*) En arabe le chef d'une colonie s’appelle Abou.
129
à cet égard, des exemples frappants, surtout relatifs à la répartition
des impôts. En outre, un chef n’appartenant point aux notables de
la colonie serait sur d’avoir de la part de ses compatriotes une vie
de chien. Un Sayyid n’aime pas à être sous les ordres d’un Bédouin
presque illettré; un parent, même éloigné, d’un chef de tribu ou un
membre d’une famille respectable n’obéissent qu’à leur corps défendant
à un individu qui, en Hadhramout, serait artisan ou domestique.
Plusieurs fois les autorités locales ont consulté, en cas de vacance,
la colonie arabe elle-même sur le choix de son chef, et ce procédé a
eu les meilleurs résultats.
Un personnage influent ou populaire étant nommé chef d’une colonie,
cette distinction le relève encore; mais on cherchera en vain parmi
les Arabes la manie des titres honorifiques officiels, laquelle on remarque
chez les Chinois riches, surtout dans l’île de Java. Je sais même des
cas où, dans une grande colonie, on ne pouvait trouver quelqu’un
apte et enclin à se charger des fonctions de chef. Les avantages
minimes, tant au point de vue matériel qu’au point de vue moral,
qu’on pouvait espérer d’une nomination, ne balançaient, dans l’idée
des Arabes notables, aucunement le souci et la peine qu’on s’attirerait
en l’acceptant. On ne trouvait rien d’engageant à courir, tous les
jours, le risque d’être placé entre les autorités hollandaises et ses
compatriotes, avec la probabilité de s’attirer l’inimitié des deux partis.
La présence de plusieurs compétiteurs aux fonctions de chef d’une
colonie est toujours un signe de discorde, lors même que celle-ci ne
se serait pas encore manifestée par des faits. Parmi les causes de
discorde, les plus ordinaires sont l’antipathie des Arabes nés en
Hadhramout contre les métis, ou bien celle des Sayyid pauvres
contre les riches marchands de basse extraction. Il est rare que des
complications politiques en Hadhramout entraînent des discordes
importantes dans l’Archipel indien.
9
130
La statistique criminelle est singulièrement favorable pour les Arabes.
Un magistrat hollandais me disait que, dans une période de 12 ans,
il n’avait eu à condamner qu’un seul Arabe. D’après une notice que
m’a fournie M. l’Inspecteur des prisons, on n’a prononcé, dans les
possessions hollandaises, pendant les années 1885, 1884 et 1883,
contre des Arabes, que 8 condamnations à un emprisonnement de
plus d’un an, et encore de ces 8 condamnations, 7 regardaient des
métis. Le seul Arabe né en Hadliramout, qui fût condamné, avait
commis un attentat aux moeurs; les 7 métis étaient tous coupables
de vols qualifiés. Quant aux condamnations à des peines plus légères,
la statistique officielle mentionne les Arabes, les Chinois, les Bengalais
et les autres étrangers non-chrétiens sous une même rubrique.
Nonobstant toutes les bonnes qualités dont le caractère arabe fait
preuve, il n’y a pas de gens dans l’Archipel indien, qui, surtout
dans les grands centres de population, soient si mal vus, ni qui se
retirent davantage des Européens. Tandis que les Chinois riches
cherchent, en général, la société des Européens et donnent à leurs
enfants une éducation européenne, rien de pareil ne se voit chez
les Arabes ('). Ils n’envoient point leurs enfants aux écoles du
Gouvernement ou des missionnaires: à Soumenep seul j’ai vu l’enfant
d’un Arabe parmi les élèves de l’école primaire indigène. A Singapour,
il paraît que les avantages d’une éducation européenne sont plus
appréciés par les Arabes. Au moins, y a-t-il plusieurs élèves arabes
dans les écoles de cette ville. Aussi un Arabe y est membre du
conseil communal , et ils y ont un cercle spécial comptant une
trentaine de membres; les individus les plus considérés seuls y sont
admis. C’est en même temps une espèce de Debating Society, genre
d’amusement, comme on sait, très en vogue partout où il y a des (*)
(*) Il n'y a que Palembang et Pontianak où j’ai trouvé quelques Arabes, tous métis,
qui fréquentaient la colonie européenne.
131
Anglais. A défaut de débats réguliers, on passe le temps à causer,
et à jouer au billard, aux échecs' ou aux dames. On n’y joue jamais
d’argent; par conséquent, le jeu de cartes et les autres jeux de
hasard y sont défendus. Les Arabes à Singapour n’en sont pas moins
exclus de la société des Européens , comme dans les possessions
hollandaises; je crois même que leur réputation, surtout leur réputation
commerciale, y est pire encore qu’à Batavia.
Les quartiers arabes, à peu d’exceptions près, sont sales et n’ont
rien d’engageant pour les visiteurs européens; de même l’intérieur
des maisons manque tout ce que ceux-ci apprécient. Contraire aux
Chinois, qui aiment à montrer leur prospérité par la splendeur
de leurs maisons et de leurs équipages, les Arabes ne font aucun
cas de luxe, ni dans leur intérieur, ni au dehors. La plupart même
tâchent de passer pour plus pauvres qu’ils ne sont. Leurs femmes,
ni leurs filles ne sont jamais visibles, du moins dans les maisons bien
tenues. Puis ils ont apporté du désert une espèce de franc-parler, pour
ne pas dire insolence, qui déplaît à tout le monde, et qui, joint à
un manque de respect incorrigible envers les autorités, n’est pas
précisément le moyen de leur attirer les bonnes grâces du Gouvernement.
Ce trait de caractère se montre surtout chez les membres de tribu;
chose qui n’a rien d’étonnant, quand on connaît le genre de vie que
ces individus ont mené avant d’arriver aux Indes.
Quoique les Sayyid et les bourgeois soient, en général, plus
présentables, vu aussi leur plus haut degré de civilisation, il s’en
faut beaucoup qu’ils aient tous adopté les formes de politesse, de
convenance dans la société européenne.
Citons encore comme traits qui ne sont pas à l’avantage des Arabes,
leur caractère vindicatif, leur goût des procès et leurs incessants
démêlés avec le clergé indigène sur le culte mahométan. Ces démêlés
déplaisent surtout aux autorités hollandaises, celles-ci devant s’abstenir,
132
d’après la charte coloniale, autant que possible, de toute immixtion
dans les affaires de religion, et parce que, du reste, elles n’ont pas
les connaissances spéciales pour trancher des questions de cette nature.
Enfin, les Arabes n’ont guère de scrupules, s’il s’agit de gagner de
l’argent. Ils ne sont pas coulants dans les affaires, et plusieurs
d’entre eux sont d’une parcimonie qui leur joue souvent de mauvais
partis. Cherchant toujours et en premier lieu le bon marché, même
dans le choix d’un avocat, d’un notaire ou d’un médecin, ils sont
souvent dupes de leur prétendue finesse.
Il n’y a, de nos jours, que très-peu d’Arabes qui, après avoir
habité l’Archipel indien et fortune faite, se retirent en Hadhramout (‘).
Plusieurs, il est vrai, s’y rendent pour quelque temps, afin de revoir
leur famille ou pour y conduire leurs enfants. Quelques-uns y ont
une maison et des plantations de dattiers, voire même une femme.
Contraires aux Hollandais, ils ne transportent pas dans leur patrie
la fortune acquise dans l’Archipel indien. La principale cause en
est, d’abord, le peu de sécurité du pays et, en second lieu, la
circonstance que leurs femmes, toutes nées aux Indes, sont, en
général, peu disposées à vivre dans un pays dont elles ne parlent
pas la langue.
Outre ces causes générales, il y en a d’autres de nature secondaire.
La plupart des Arabes, et parmi eux en premier lieu ceux qui ont
ramassé dans l’Archipel indien une fortune de quelque importance,
n’aiment plus leur patrie, après avoir fait un long séjour à l’étranger.
Ils l’ont quittée, souvent, jeunes et pauvres; devenus riches, ils s’v
trouvent placés dans une fausse position. Les Arabes qui ont fait un
long séjour à l’étranger et y ont joui de quelque aisance, ont, en
outre, contracté par là des habitudes contraires au goût de leurs (*)
(*) V. de Maltzan op. cit. p. 49.
155
compatriotes en Hadhramout, et ils ont appris à se créer des besoins
auxquels ils 11e peuvent satisfaire dans leur patrie. Ceci regarde
spécialement les membres de tribu, lesquels, pour rester auprès de
leur famille, doivent faire abandon du peu de luxe même auquel ils
se sont habitués.
En dernier lieu, il y a, dans l’Archipel indien, des Arabes, même
notables, qui, en Hadhramout, ont eu certaines affaires qui leur
empêchent de jamais y remettre le pied. Cependant il faut l’avouer,
ceux-ci ne sont pas en grand nombre. A les écouter, 011 dirait qu’il
11’y a rien de bon dans leur patrie. J’en connais un qui va très-loin
dans ses invectives. Je n’ai pas réussi à apprendre en détail ce qu’il
a fait; mais il n’en est pas moins certain qu’à peu près toutes
les tribus du Hadhramout l’ont proscrit nonobstant sa qualité de
Sayyid.
CHAPITRE III.
MOYENS DE SUBSISTANCE.
Il est rare de rencontrer, dans l’Archipel indien, des Arabes qui
ne soient pas pins ou moins intéressés dans le commerce. Ils forment,
avec les Chinois, ce qu’on appelle en langue commerciale „la seconde
main”, c’est-à-dire qu’ils achètent en gros chez les grandes maisons
européennes pour détailler les marchandises, soit immédiatement, soit
par l’intermédiaire d’autrui. Toutefois, pris en son ensemble, le
commerce des Chinois est beaucoup plus important que celui des
Arabes, et il paraît même que ceux-là leur sont supérieurs en esprit
commercial. Ce qui est certain, c’est que, dans les localités où les deux
nations se font concurrence, le quartier des Chinois a généralement
un aspect de prospérité que l’on cherche en vain dans celui des Arabes.
Aussi prétend-on que les maisons européennes aiment ordinairement
mieux entrer en relations commerciales avec les Chinois qu’avec eux.
Cependant à cette règle, il y a des exceptions. A Palembang et à
Pekalongan les Arabes dominent tellement par leurs capitaux, que
presque tout le quartier Chinois est, plus ou moins, dans leur
dépendance. Ils y fournissent à la majorité des Chinois, soit les
fonds nécessaires pour leurs affaires, soit les marchandises mêmes
que ceux-ci vendent en détail. Aussi la prospérité évidente du quartier
arabe dans les deux villes surpasse beaucoup celle du quartier chinois.
Enfin, on me rapporte de Sourabaya et de Padang que les Arabes,
même ceux qui ue sont pas riches, jouissent de plus de confiance
auprès du commerce européen que les Chinois.
On s’attendrait à ce que les Arabes dans l’Archipel indien trafiqueraient,
en premier lieu, avec leur patrie, la Mer rouge et le Golfe persique.
Cependant, leur commerce avec tous ces pays est minime. Au
135
commencement du siècle actuel, le commerce arabe avec Mascate et
Mokhâ était encore important (*); mais quoi qu’il en soit, a l’heure
qu’il est, les affaires que font les Arabes sont limitées, à peu
d’exceptions près, à l’Archipel indien et à la presqu’île de Malacca.
Même les îles Philippines semblent rester à peu près hors de leur
terrain d’exploitation.
En général, le commerce arabe se fait avec trop peu de capital.
Un Arabe, après avoir fait fortune, continuera rarement ses affaires
commerciales avec tout son avoir (2). II . ne se fait pas un point
d’honneur, comme les Européens, de fonder une maison qui reste
jouir d’une bonne renommée, même après que les participants
primitifs se seront depuis longtemps retirés. Aussi le droit musulman,
bien que reconnaissant plusieurs espèces d’associations commerciales,
garde le silence sur les sociétés en nom collectif et sur la raison
sociale des maisons de commerce en général. Chaque marchand fait
ses affaires et signe de son propre nom, et, en cas d’association, au
nom de ses associés (3). Ce caractère personnel des affaires s’oppose
à la création d’un établissement commercial ayant une existence
légale en dehors de celle de ses participants, première condition
pour qu’une maison perpétue le nom du fondateur.
Pour les capitaux retirés du commerce proprement dit, les Arabes
cherchent, de préférence, des placements sur des immeubles, ou ils
en achètent pour les donner à bail. Dans les parties de l’Archipel
indien placées sous l’administration directe des autorités hollandaises,
(‘) Voyez entre autres P. J. Yeth: Borneo's Westerafdeeling (La côte occidentale de
Bornéo). Tome 1, p. 371.
(2) Eu égard à la vie peu coûteuse des Arabes, une somme relativement minime
constitue déjà, pour eux, une fortune suffisante.
(3) Dans les dernières années, deux ou trois Ibis un notaire, à Batavia, a persuadé à
ses clients arabes venus pour faire dresser un contrat de société, d'adopter une raison
sociale. On a adopté alors un nom indiquant les associés pris ensemble, p. e. ,,les quatre
al-Habchi”, „la famille (àl) d’al-Baghdàdi”, etc. Il s’entend que la nature de l'association
ne changeait pas par là.
136
les Indigènes n’ont ordinairement que la possession héréditaire de
leurs champs, lesquels ne sauraient être vendus qu’à des personnes
de la même nationalité. Il s’ensuit que les placements sur des
fonds ruraux sont, de fait, presque partout interdits aux Arabes
dans ces parties de l’Archipel indien. La valeur totale des immeubles
des Arabes, dans les possessions hollandaises, est évaluée à près de
11 millions de florins, dont Batavia vient en ligne de compte pour à
peu près 2 1j2 millions, Samarang pour environ 1, Sourabaya pour
environ 3, Palembang pour environ 1/2 et Pontianak pour près de
2 millions. Dans les possessions anglaises, on évalue les immeubles
des Arabes à o millions, dont 4, au moins, appartiennent à des
Arabes établis à Singapour.
Toutefois, la plupart des Arabes possédant des immeubles restent
intéressés dans le commerce avec une partie de leur capital, comme
bailleurs de fonds de leurs compatriotes, de Chinois ou d’indigènes.
Je ne connais pas d’exemple qu’un Arabe ait placé sa fortune
en valeurs de bourse. Anciennement ils aimaient aussi à acheter des
vaisseaux, placement qui est devenu toutefois, de nos jours, peu
profitable. Ceux qui sont encore armateurs seraient bien aises de
pouvoir se dessaisir de leurs vaisseaux sans trop de perte.
L’usure, quoique rangée par la loi musulmane parmi les péchés
capitaux, n’en est pas moins très en vogue parmi les Arabes dans
l’Archipel indien. Je crois qu’il n’v a guère de capitalistes arabes
qui, de temps à autre, ne prêtent à usure, lors même que ce né
serait que comme industrie accessoire. Le nombre de ceux qui en
font leur profession unique et reconnue, est restreint, la plupart
tâchant de sauver, du moins, les apparences, en masquant leur
transactions. Il est impossible de résumer toutes les nuances de
transactions auxquelles ils ont recours à cet effet; l'achat avec le
droit de rachat accordé au vendeur et la vente à crédit à un prix
137
exorbitant, payable en ternies, sont le plus en usage. Toutes ces
transactions sont corroborées par des stipulations accessoires, comme
le nantissement, la caution, la clause commissoire ou la solidarité de
la part des débiteurs. Ordinairement les conditions sont telles (pie le
débiteur indigène ne peut presque plus sortir des mains de son
créancier, vue l’insouciance proverbiale de la race malaie, en matière
de finances. Toute concession de la part du créancier se paye, non
immédiatement et en numéraire, mais par une agravation des conditions
déjà si onéreuses. A ceci il faut ajouter que les Arabes, en opposition
avec les préceptes formels du Coran, sont des créanciers impitoyables
et qu’ils savent exploiter à merveille les côtés faibles du caractère
de l'Indigène. Quant aux Européens et aux Chinois, souvent ils savent
se dégager, encore qu’il soit avec une perte énorme.
Parmi les Indigènes ce sont surtout ceux qui jouissent d’une certaine
aisance, les chefs et les marchands, que les usuriers arabes choisissent,
comme leurs victimes. Cependant ils ne dédaignent pas non plus les
Indigènes pauvres, qui payent, en travail, peut-être plus encore que
les autres ne font en numéraire. Un riche métis arabe, à Singapour,
a mis en pratique entre autres le procédé suivant, vraiment remarquable.
Il fait avancer, par ses agents à la Mecque, aux pèlerins javanais et
malais dénués de ressources, l’argent nécessaire pour retourner chez
eux, à raison d’un intérêt de 60% par an. Les débiteurs, divisés en
troupes de 10 à 13 personnes, se déclarent solidairement responsables
du montant touché par la troupe entière, après quoi il fait embarquer
les pèlerins sur ses propres bateaux à vapeur, et les retient en masse,
comme si c’étaient ses esclaves, soit à Singapour, soit dans la petite
île de Koukob, à la barbe des autorités anglaises, sous prétexte de
les faire travailler pour les dettes contractées envers lui. A le
croire, ces dettes accroîtraient chaque année, au lieu de diminuer en
proportion du travail accompli.
138
Je n’ai pas besoin d’ajouter tjue, quelquefois aussi, les usuriers
arabes essuient des pertes par la mort ou l’insolvabilité complète de
leurs débiteurs. On me rapporte même que, dans une Résidence de
Java, tous les Arabes, au nombre de 10 environ, possédant encore,
il y a quelques années, une petite fortune, avaient été ruinés pai-
sible de leurs transactions pécuniaires avec les Indigènes. Ceci
cependant reste exception. On peut dire que la plupart des petites
propriétés urbaines, actuellement dans des mains arabes, y sont venues
par des clauses commissoires, soit dans le nantissement, soit dans la
vente avec la faculté de rachat.
Ce que veut dire l’usure des Arabes devient évident par ce fait
que les placements un peu solides, dans l’île de Java, pour les
Européens, s’élèvent rarement au-dessus du taux de 6% à 7% (*),
tandis qu’un Arabe fait, sans le moindre danger, en prêtant à la
petite semaine, 23% à 30%. La cause de ce phénomène presque
incroyable, c’est qu’aucun Européen qui se respecte, ne veut faire
valoir ces capitaux de la même manière, d’autant moins que les
moyens du Code de Procédure font, en général, défaut contre des
débiteurs qui, pour la majeure partie, sont ou insolvables ou en
prennent l’apparence. Un Arabe, au contraire, a rarement recours à
l’expropriation forcée ou à la saisie-arrêt. Il obsède son débiteur de
ses visites pour lui extorquer des payements minimes; il se contente,
en guise de payement, de quelque objet précieux, ayant peut-être
plus de deux fois la valeur de la dette, voire même de quelques
pièces de vêtement qu’il fait vendre par un fripier de ses amis. Au
besoin, il se contente de la fille du débiteur, si elle est avenante. Il
guette les sorties du débiteur, l’accompagne lorsque celui-ci va toucher
(*) Il s'entend que je n'ai ici en vue que les placements proprement dits, c'est-à-dire
es hypothèques, les immeubles et les valeurs de bourse, mais non, les entreprises
commerciales, industrielles ou agricoles.
159
quelque somme d’argent et sait toujours où le rencontrer. Par
conséquent, le débiteur voulant détourner ses biens au préjudice du
créancier, celui-ci pourrait toujours l’en empêcher ou, en tout cas, il
saurait où aller les chercher. Il s’entend que des affaires de cette
nature sont seulement possibles, s’il s’agit de sommes relativement
petites (*) et pour des créanciers connaissant à fond la société
indigène ou, pour parler plus exactement, incorporés dans celle-ci.
Les conditions stipulées par les Arabes, bailleurs de fonds dans une
société en commandite, ne sont ordinairement pas exorbitantes, au
cas que l’associé gérant soit un de leurs compatriotes. Lorsqu’au
contraire celui-ci est Chinois ou Indigène, les conditions sont presque
aussi onéreuses que celles du prêt d’argent. Disons que beaucoup
d’Arabes n’aiment pas à prendre pour associés gérants des personnes
d’une autre nationalité.
Les contracts de société en commandite entre Arabes ne se font,
le plus souvent, que verbalement, le capital engagé dans chaque
société de cette nature étant souvent minime. Tel Arabe partage
un capital de 100000 fl. entre 20 ou 50 sociétés en commandite.
Ses associés gérants ne sont alors que des colporteurs, ou, tout
au plus, de petits boutiquiers. Dans aucun cas, un Arabe ne risquera
une partie considérable de sa fortune dans une seule société en
commandite.
J’ai dit plus haut que le manque de fonds est le principal défaut
du commerce arabe. Ce défaut s’agrave par la facilité avec laquelle
les maisons de commerce européennes donnent crédit à tout individu
(*) Quant aux grands capitalistes arabes, ils ont recours à l’intermédiaire de leurs
compatriotes moins favorisés par la fortune pour faire de pareils placements. Ce ne sont
que les placements importants qu'ils dirigent en personne. C'est la règle; mais il y a des
exceptions. A Palemliang, par exemple, un riche Arabe mourut, il y a quelques années, et,
en procédant à la liquidation de sa succession, on trouva un montant de plus de 200000 11.,
en obligations, résultant de prêts d’argent comme nous avons en vue.
140
portant le turban. Je connais tles Arabes qui, réellement sans rien
posséder, achètent, chaque mois, pour plus de 20000 fl. de marchandises
à crédit. Si le commerce prospère, ils peuvent honorer leur signature.
S’ils n’ont pu vendre les marchandises qu’avec perte, ils ont recours
à un ou deux atermoiements de leurs billets, dans l’espoir (pie les
prix se relèveront bientôt. Si cet espoir est déchu, ils tâchent de
prolonger leur agonie, en payant les créanciers les plus pressants
avec le provenu des marchandises achetées, à crédit, ailleurs. Ce
n’est que faire un trou pour en boucher un autre, et la fin est
la faillite.
La faillite des Arabes offre quelques traits particuliers. "Nous avons
vu qu’en Hadhramout on n’a pas des livres de commerce réguliers,
et il s’entend que l’on y ignore tout à fait la tenue des livres
en parties doubles, en usage chez le commerce européen. Ajoutez
que les marchands jouissant, en Hadhramout, d’une certaine aisance,
émigrent rarement, que la plupart des Arabes dans l’Archipel indien
sont des membres de tribu, de petits bourgeois ou des Sayyid,
c’est-à-dire des individus absolument étrangers aux affaires, et l’on
pourra s’expliquer pourquoi le commerce arabe se caractérise par une
remarquable inobservance des articles du Code de Commerce relatifs
aux livres. A Batavia, je ne crois pas qu’il y ait plus de cinq ou
six Arabes dont les livres de commerce répondraient à un examen
un peu rigoureux. Sachant que, en cas de faillite, ils doivent produire
des livres de commerce, ils en fabriquent, tant bien que mal, à l’aide
de leurs annotations, aussitôt qu’ils voient leur chute inévitable, ou
bien ils produisent seulement les dites annotations, à l’aide desquelles
personne ne peut dresser un bilan si ce n’est le failli lui-même. Le
failli étant, dans neuf cas sur dix, incapable de tenir des livres de
commerce à l’Européenne, il est très-difficile pour les tribunaux de
décider, s’il y a fraude ou non, et les peines portées, dans le Code
141
Pénal, contre la banqueroute restent, par conséquent, le plus souvent,
sans effet.
Les faillites arabes finissent ordinairement par un concordat. La
nature des créances formant l’actif de la masse s’oppose à une
liquidation, pour ainsi dire officielle, par les Chambres des Tutelles
et des Successions, chargées, dans les possessions hollandaises, de
plein droit, du syndicat. C’est pourquoi les créanciers acceptent
facilement un concordai sous la garantie d’un ou de deux des
compatriotes du failli. Ces derniers ne lui rendent ce service qu’à
la condition de leur céder toutes ses créances. Le concordat homologué,
et le montant convenu payé, les garants emploient le failli à recouvrer
les créances sur ses débiteurs indigènes, et souvent il en recouvre
plus que le montant promis dans le concordat. Les garants, ayant
fait de cette façon une bonne affaire, aident le failli à recommencer
le commerce. Quelquefois même on n’a pas recours à une garantie ;
mais un ami du failli offre aux créanciers européens tant pour cent,
sous condition de lui céder leurs créances. Devenu alors le seul
créancier, il fait avec le failli un concordat, après quoi il lui fait
V,
recouvrer les créances pour son compte, moyennant un salaire fixé
d’avance. Je connais à Batavia un riche Arabe, devant sa fortune, en
grande partie, à des transactions de cette nature.
C’est une grave erreur du commerce européen de supposer que
les faillis arabes aient l’habitude de transporter une partie de leurs
biens en Hadhramout pour les soustraire à leurs créanciers légitimes.
11 est vrai que la plupart des Arabes aisés envoient des secours en
argent à leur famille et aux pieuses fondations dans la patrie (’);
vrai encore que ces remises prises ensemble font des sommes
considérables; mais elles n’équivalent pas, de loin même, les capitaux (*)
(*) V. p. 120.
142
que le commerce européen met à la disposition du commerce arabe.
Les Arabes connaissent assez leur pays pour ne pas y aller mettre
leur argent en sûreté. Quelque Sayyid riche ou le parent d’un chef
de tribu peut hasarder d’acheter, en Hadhramout, une ou deux maisons
ou des plantations de dattiers ; mais ces achats, aux prix minimes en
Hadhramout, n’épuiseront pas une fortune. Je ne connais qu’un seul
cas de failli arabe possédant, en Hadhramout, des immeubles d’une
valeur quelque peu considérable, en proportion de ses affaires dans
l’Archipel indien, et encore les avait-il achetés à une époque où sa
fortune lui permettait largement de faire une telle dépense. Ainsi il
n’était pas question de deniers détournés; en outre, la valeur de
ces immeubles a été rapportée dans la masse, sur la demande d’un
de ses compatriotes, qui obtint du Qâdhi de Saioun un arrêt de
séquestration. Le Qâdhi, se fondant sur la règle de droit locus régit
actwn, avait reconnu la validité de la faillite prononcée par le tribunal
de première instance de Batavia, c’est-à-dire par un juge non-musulman.
Les grands centres du commerce des Arabes, daus l’Archipel indien,
sont: Batavia, Samarang, Sourabaya et Singapour. C’est dans ces
quatre localités qu’ils achètent, en gros et à crédit, les articles
d’importation, qu’ils vendent, soit en détail dans leur boutiques, soit
à des marchands arabes, chinois ou indigènes n’ayant pas de crédit
chez les maisons européennes.
Les Arabes qui font le commerce un peu en gros, n’ont en
général pas de boutiques pour vendre en détail aux passants, au
moins n’en ont-ils pas chez eux. Ceux qu’on voit assis, fumant leur
pipe, sur la porte ou dans la fenêtre de leur maison pour vendre
de cette manière, ne sont pas des personnes d’importance. Les Arabes
riches ayant une boutique pour vendre en détail l’ont ordinairement
dans une autre ville, et la gestion en est confiée à un fondé de
pouvoir ( wakil ). La plupart d’entre eux cependant aiment mieux
143
revendre à des marchands sans crédit près des importateurs européens,
à moins qu’ils ne fassent détailler les marchandises par des colporteurs.
Ceci explique un phénomène dont on s’est étonné plusieurs fois,
c’est qu’on peut entrer dans la maison ou le magasin d’un Arahe
faisant d’importantes affaires sans y voir de marchandises. Ce qu’il
achète à Batavia, se vend, dans ses boutiques pour le commerce de
détail, à Palembang ou à Chéribon; ou bien il l’envoie à ses associés
autre part. Dans sa maison, il n’a que son comptoir, et dans son
magasin, que les marchandises qu’il n’a pu écouler tout de suite.
Le colportage des Arabes mérite d’être considéré de plus près. Le
marchand arabe fait colporter ses marchandises, soit pour son propre
compte, soit aux risques et périls du colporteur. Dans le premier
cas, le colporteur reçoit une rémunération de 272 à 5% du profit
réalisé par lui; dans le dernier cas, il reçoit les marchandises à
condition de les rapporter ou de remettre au propriétaire un prix
convenu. Ce qu’il vend au-dessus de ce prix fait son profit; en un
mot, c’est le contractus aestimatorius du droit romain. Quelquefois il
existe aussi une véritable société en commandite entre le marchand
en gros et le colporteur.
Celui-ci vend de préférence aux Indigènes des basses classes, à un
prix exorbitant, payable en termes. Si son débiteur reste en vie et
solvable, le profit est énorme; dans le cas contraire, ce qui arrive le
plus souvent, ce qu’il y a de meilleur, c’est d’oublier sa créance, les
payements reçus couvrant ordinairement la valeur réelle de l’objet vendu.
On ne comprend pas, comment les colporteurs peuvent se rappeler
toutes leurs dettes actives, pour la plupart minimes, mais, prises
ensemble, quelquefois assez considérables. Ce qui agrâve la difficulté,
c’est que les Indigènes n’ont pas de noms de famille, et que plusieurs
n’ont même pas de demeures fixes. Et pourtant, les colporteurs se
trompent rarement, à moins que ce ne soit à leur avantage. Pour
bien apprécier leur aptitude naturelle pour le commerce, ajoutez
qu’ils n’ont d’autres annotations qu’un petit carnet, et que la plupart
n’avaient jamais songé au commerce avant de quitter le Hadhramout.
I
Cette observation regarde surtout les membres de tribu, dont plusieurs
n’ont fait, dans leur patrie, autre chose que fumer leur pipe et tirer leur
fusil. On peut les voir cà Batavia, le matin, un paquet sur le dos et un
bâton a la main, quitter leur quartier pour parcourir la ville et la banlieue
à grands pas, comme, il n’y a pas longtemps, ils parcouraient encore
le désert. On les appelle en arabe âbâ l-banâkis, c’est-à-dire „pères des
paquets”, du malais bounkous „paquel”, dont on a fait un pluriel arabe.
Le principal article du commerce arabe, ce sont les cotonnades
(bazz) et les indiennes ( qomâch ), d’importation européenne. Ce commerce
seul excède en importance tout le commerce arabe dans les autres
branches. Il est répandu partout, tandis que les autres branches
ne sont représentées que dans quelques localités.
L’article qui vient en second lieu, ce sont les diamants et autres
pierres précieuses. A Batavia, pas moins de sept Arabes s’occupent
de cette branche. Ils n’ont pas de boutiques comme les bijoutiers
Européens; aussi ne vendent-ils pas de parures, etc., rien que les
pierres. Ces objets de valeur ne sont pas colportés par le premier
venu, comme les colonnades ou les indiennes, et la clientèle est plus
respectable, sinon plus solide.
En troisième lieu viennent une loule d’articles d’importation
européenne: objets d’or ou d’argent, montres, conserves alimentaires,
quincaillerie, armes, soierie, poterie, serrures et autres instruments
et objets d’acier, de fer ou de cuivre, épiceries, cigares, pétrole, etc.,
etc. Il n’y a que le commerce de vins et de spiritueux qui paraît
absolument étranger aux Arabes.
Le commerce arabe des articles mentionnés en troisième lieu se
fait spécialement hors des grandes villes. Du moins, ni à Batavia, ni
148
à Samarang, ni à Sourabaya, ni à Singapour on ne trouve, que
je sache, une boutique arabe d’articles de cette nature. Un fait
caractéristique, en outre, c’est que presque nulle part les Arabes
n’ont, pour leur commerce en détail, une clientèle européenne. Seul
leur commerce de diamants fait exception à cette règle.
L’importation en gros de produits du Levant et du Golfe persique
se fait principalement par des Arméniens ou des Bengalais, et surtout
à Singapour. Les Arabes leur achètent des dattes, du beurre préparé
(samin) et une foule d’articles de petit volume, comme de l’essence
de roses, des coraux rouges, des chapelets, des fez, des médicaments,
des livres imprimés dans le Levant ou à Bombay, etc. S’il y a des
Arabes qui apportent dans leur bagage de petites quantités de ces
derniers articles pour les vendre en détail dans l’Archipel indien,
l’importation en gros ne se fait jamais par eux. Nous avons déjà vu
dans l’introduction que ceci regarde en premier lieu les Arabes venus
de la Mecque.
Les Arabes font encore un commerce très-important dans tous les
articles de l’industrie ou de l’agriculture indigènes, y compris les
produits naturels des forêts et autres terrains incultes (*). Ces
derniers articles, ils les obtiennent des peuplades encore barbares par
échange contre des articles d’Europe. Avec une intrépidité étonnante,
ils se hasardent dans des contrées où ils ne peuvent s’attendre
à aucune protection des autorités européennes et finissent toujours
par se tirer d’affaire avec quelque profit. Même ils ne craignent pas
de faire à des sauvages des avances considérables pour s’assurer leur
clientèle. Ils transportent les produits obtenus de la sorte dans les
grands centres de commerce, où ils les vendent aux maisons d’exportation,
ou bien ils les destinent à la consommation dans d’autres localités de
(') Par exemple du rotang, de la gutta-percha, de la gomme, de la cire, etc.
10
146
l’Archipel indien. Ainsi, chaque année, pendant la mousson de l’est,
ils apportent dans les ports de l’ile de Java et à Singapour grand
nombre de chevaux de Macassar et des petites îles de la Sonde,
lesquels se vendent à l’enchère, aussitôt arrivés. Cette branche
importante du commerce est même entièrement dans leurs mains.
Et puis ils font le commerce de bestiaux, de peaux de boeuf, de
ballik (*), de riz, de poivre, de tabac, de miel, de uoix et d’huile de
coco, de sagou, de cacao, de caoutchouc, d’écaille, de sucre indigène,
de café, de bétel, de meubles et de voitures indigènes, etc., etc.
Le commerce de ces articles n’est pas universellement répandu dans
l’Archipel indien; il diffère d’après les localités. Ainsi, il y a des
endroits où le commerce de riz est très-important, et d’autres où il
n’existe pas; ‘ici, la vente en détail, dans les boutiques, domine;
là, on achète pour vendre ailleurs.
J’ai dit plus haut que les principaux centres du commerce
arabe dans l’Archipel indien sont Batavia, Samarang, Sourabaya et
Singapour. Pour donner une idée plus précise du commerce dans
ces villes, il me suffira de mentionner que, d’après une évaluation
sérieuse, il y a à Batavia 22, à Samarang 14 et à Sourabaya 43
Arabes ayant un capital de 10000 11. ou plus engagé dans le
commerce. A Singapour, on évalue le nombre des Arabes de cette
catégorie à 80, dont la plupart toutefois font leurs affaires avec de
l’argent emprunté. H paraît que, dans cette ville, les Bengalais surtout
fournissent aux Arabes les fonds nécessaires. A Palembang, le nombre
des Arabes faisant le commerce avec un capital de 10000 11. ou
plus, est évalué à 57, à Pekalongan à 18 et à Soumenep à 12;
mais attendu que, dans ces localités, il n’y a pas de maisons de
commerce européennes, et que les principaux articles du commerce
(') Espèce d’indiennes indigènes, teintes à la main.
147
arabe sont précisément ceux d’Europe, ils font provision de marchandises
dans les quatre grandes villes déjà nommées." Quant aux autres
parties de l’Archipel indien, le nombre des Arabes de cette catégorie
n’excède certainement pas 50, dont beaucoup travaillent encore avec
un capital emprunté.
Après le commerce, la navigation mérite mention comme moyen
de subsistance des Arabes. Très-peu parmi eux se font matelots. Le
capitaine (nawkhadsâ), le second ( mo’illim ) et l’administrateur ( krânî )
des vaisseaux sont des Arabes; le reste de l’équipage sè compose de
marins indigènes. Rarement un capitaine arabe commande un vaisseau
n’appartenant point à un de ses compatriotes; de même il est rare
qu’un vaisseau arabe soit commandé par un capitaine d’une autre
nationalité (*). Sur plusieurs vaisseaux arabes il y a un second
européen, possédant un diplôme officiel, pour satisfaire aux conditions
posées par des affréteurs européens en vue des polices d’assurance.
Les marins arabes ne se soumettent jamais aux examens pour obtenir
un diplôme de navigation, et ils ne font pas non plus assurer leurs
vaisseaux à moins que l’affréteur (2) ne l’exige. La navigation a été
depuis longtemps le métier de prédilection des Arabes dans l’Archipel
indien. On ne s’v attendrait pas, la plupart d’entre eux n’ayant pas
vu la mer avant de quitter leur patrie. Dans le commencement de
ce siècle, lorsque l’émigration vers l’Archipel indien prit son essor,
la navigation était même la source principale du développement des
colonies arabes, surtout de celles de Palembang, de Pontianak et de
Grissée. Plus tard celles de Sourabaya et de Singapour entrèrent dans
(*) En 1885, il n'y avait qu’un seul vaisseau appartenant à un Européen, un seul
appartenant à un Chinois et deux appartenant à des Indigènes, commandés par des
capitaines arabes. Dans la même année, il y avait six capitaines indigènes et un seul
capitaine chinois commandant des vaisseaux arabes.
(a) On sait que le contrat d'assurance est considéré par les musulmans comme un
manque de confiance envers Dieu, cl que leur loi ne le reconnaît point.
148
la même voie. Dans le premier quart du siècle, les armateurs arabes
étaient, en même temps, si non pirates en personne, du moins les
fauteurs de la piraterie et les recéleurs des prises. J’ai eu sous les
yeux des rapports officiels de ce temps, dans lesquels on prétendait
qu’il y avait peu d’armateurs ou de marins arabes dont la conscience
fût parfaitement pure de piraterie. A mesure que le métier de
pirate devenait plus dangereux et moins lucratif, à cause des mesures
énergiques des Gouvernements hollandais et anglais, la navigation
arabe prit un caractère exclusivement commercial. Elle ne cessa de
devenir plus •profitable, par suite du développement du commerce et
de la prospérité parmi les Indigènes, dus à la consolidation de la
domination européenne. La navigation arabe atteignit son apogée
entre les années 1845 — 1855. C’est dans cette période que presque
tous les armateurs réalisèrent des profits énormes; mais depuis lors,
le déclin commença, à cause du développement, dans l’Archipel indien,
de la navigation à vapeur, qui faisait aux navires à voiles une
concurrence funeste. Cette navigation était exclusivement dans les
mains de compagnies européennes; dans les dernières années seules
des Arabes et des Chinois ont commencé à y prendre part, mais
encore sur une échelle très-restreinte.
En 1885, il y avait sous pavillon hollandais 75 navires, à gréement
européen (*), appartenant à des Arabes et jaugeant ensemble environ
16000 tonnes; de plus, ils possédaient une centaine de navires
indigènes. La valeur totale de leurs navires à voiles sous pavillon
hollandais est évaluée à 600000 fl. A Ponlianak et à Grissée on ne
trouve presque plus d’armateurs arabes; par contre, à Palembang
il y en a encore 20 et à Sourabaya 9. Ce sont actuellement les deux
principaux centres de la navigation arabe. Il y a quelques années,
(J) Dont 38 à trois et 37 à 2 mâts.
149
une compagnie arabe a tâché de prendre part à la navigation à
vapeur entre Batavia et Sourabaya ; mais cet effort n’a pas été
couronné de succès, et la compagnie a bientôt fait faillite. Depuis
lors, on ne trouve, dans les possessions hollandaises, qu’un Arabe, à
Palembang, et un autre à Amboina, possédant chacun un bateau à
vapeur ( bâbour ou markab ad-dokhân), au lieu qu’à Singapour il y
a encore quatre bateaux à vapeur en possession de deux Arabes.
Toutefois l’un de ces deux derniers armateurs n’est que le chef
d’une association dans laquelle sont intéressés aussi des Arabes de
Sourabaya, voire même des Chinois. Les quatres bateaux à vapeur
mentionnés trafiquent sous pavillon anglais et ont tous des capitaines
et des mécaniciens européens. Il n’y aurait plus, à ce qu’on dit, de
navires à voiles appartenant à des Arabes, dans les colonies anglaises
de la presqu’île de Malacca.
La navigation arabe est aujourd’hui presque exclusivement du
cabotage. 11 n’y a que les bateaux à vapeur arabes de Singapour
qui sortent de l’ Archipel indien pour visiter la Chine d’un côté et
Djuddah de l’autre. A ce qu’on dit il y avait, dans la première moitié
du siècle, quelques navires arabes visitant la Mer rouge et le Golfe
persique, mais, de nos jours, cette navigation, de même que le
commerce arabe entre l’Archipel indien et ces parages, a cessé
d’exister.
Les bateaux à vapeur arabes entre Singapour et Djuddah sont
principalement destinés au transport de pèlerins. Les armateurs de
ces bateaux à vapeur ont, dans quelques autres ports de l’Archipel
indien, leurs agents attitrés parmi les marchands arabes. Ces agents
toutefois ne doivent pas être confondus avec les agents de pèlerins
de la Mecque, dont j’ai parlé dans l’introduction. Ils ne font que
-délivrer des billets de passage, rien de plus. Dans les dernières
années cependant, les paquebots hollandais, de Batavia à Djuddah,
150
leur font une grande concurrence, du moins pour ce qui concerne
les pèlerins de l’ile de Java et de la côte occidentale de l’ile de
Sumatra.
Quant aux navires à voiles des Arabes, vu l’extension incessante de
la navigation à vapeur, leur terrain d’exploitation se rétrécit chaque
année. Ils desservent les ports non-compris dans les lignes régulières
des bateaux à vapeur, et transportent les cargaisons dont la nature
ou le peu de valeur n’admet pas de les expédier autrement. Ainsi,
ce sont des navires à voiles auqitels on donne encore la préférence
pour le transport de chevaux et de bestiaux et pour le commerce
sur plusieurs ports éloignés dans les îles Moluques, les petites îles
de la Sonde, l’île de Celebes et l’ile de Bornéo. Ils restent quelquefois
plusieurs semaines dans ces ports et, pendant cet intervalle, le
capitaine achète, par petites quantités, les produits de l’agriculture
ou de l’industrie indigènes. Dans ce temps et à mesure qu’il se fait
une nouvelle cargaison, il vend aux Indigènes ses articles d’importation
européenne. Un bateau à vapeur, qui ne peut s’arrêter que quelques
heures dans ces localités, n’y trouverait pas de cargaison suffisante.
Toutefois, il va sans dire que, sur les trajets et pour les cargaisons
les plus profitables, les navires à voiles des Arabes sont forcément
supplantés par la vapeur. C’est surtout à Palembang qu’on se ressent
de cette concurrence. Il y trente-cinq ans, les Arabes y avaient plus
de 60 grands navires à voiles à gréement européen et, à l’heure
qu’il est, ils n’en possèdent que 22.
L’agriculture arabe est à peu près limitée aux colonies de
Batavia, de Pontianak et de Singapour. A moins d’avoir affaire à
des métis pauvres, on voit rarement un Arabe mettre la main à la
charrue. Comme l’aristocratie indigène, les Arabes dans l’Archipel
indien semblent considérer le travail des champs comme incompatible
avec leur dignité. Dans la Résidence de Batavia, plusieurs Arabes
131
possèdent de vastes domaines, — de véritables latifundia , — qui ont
été aliénés par le Gouvernement, surtout dans le commencement de
ce siècle, à condition que le propriétaire garantirait aux Indigènes
la possession héréditaire de leurs champs, de leurs jardins et de
leurs habitations. La possession héréditaire cependant est grevée
au profit du propriétaire, d’une redevance qui constitue son principal
revenu. Le propriétaire arabe ne s’occupe presque pas de l’agriculture
pour son compte personnel. Je n’en connais que deux ou trois
s’occupant sérieusement de l’élevage de bestiaux sur leurs terres.
Outre ces grands propriétaires, il y a encore quelques Arabes à
Batavia possédant des lopins de teri’e, qu’ils font cultiver pas des
colons partiaires. En général, dans l’administration et la culture
de leurs terres connue dans le commerce, la parcimonie des Arabes
leur fait beaucoup de mal. Ils tâchent, presque tous, de tirer de
leur propriété autant de profil que possible, sans penser à l’améliorer
par des procédés scientifiques. La crainte des dépenses immédiates
leur fait perdre de vue que la terre rend avec usure ce qu’on
lui prête. Aussi leurs propriétés ont, en général, un aspect peu
florissant.
Dans les environs de Pontianak, presque la moitié du sol cultivé
est dans des mains arabes. Ceux qui jouissent d’une certaine aisance,
possèdent des plantations de noix de coco, situées sur les rives
du fleuve Kapouas et sur le littoral. Autrefois l’huile de coco était
préparée à Pontianak; aujourd’hui les noix secs se vendent à
Singapour. Les plantations, quelquefois d’une étendue considérable,,
sont cultivées par des travailleurs indigènes. Les Arabes pauvres,
sur la côte occidentale de Bornéo, ont souvent de petits champs
de riz qu’ils cultivent pour la plupart en personne; ce genre
d’agriculture est même le principal moyen de subsistance de la
colonie de Koubou. L’agriculture arabe, sur toute la côte occidentale
152
de Bornéo, est du reste presque entièrement dans les mains de
métis. Ce n’est qu’à Pontianak que quelques morceaux de terrain
appartiennent à des Arabes nés en Hadhramout. A Singapour, plusieurs •
Arabes ont aussi de vastes plantations de noix de coco, et deux autres,
des plantations de canne à sucre, avec des usines toutefois très en
arrière quant aux machines.
Des autres contrées où il existe quelque agriculture arabe, on me
«
rapporte les faits suivants. A Pekalongan un Arabe a pris en bail,
des Indigènes, environ 50 hectares de champs de riz, qu’il fait cultiver
par des colons partiaires. Dans la même ville beaucoup de métis
pauvres cultivent leurs petits jardins et s’appliquent spécialement à
la culture d’arbres fruitiers. L’agriculture personnelle est encore un
moyen général de subsistance dans les petites colonies de métis à
Mouara Telang et à Karang Anjar, près de Palembang (*). Puis, en
Siak, un métis possède une plantation de tapioca; en Assahan et en
Atjeh, plusieurs métis cultivent, en personne, leurs champs de petites
dimensions. Dans l’ile de Soumbawa, on trouve 15 et à Tontoli, dans
l’ile de Celebes, 11 Arabes cultivant, en personne, leurs champs de
riz, comme s’ils étaient Indigènes. Partout ailleurs, on ne trouve que
des exemples isolés d’Arabes, même métis, vivant de l’agriculture sous
»
quelque forme que ce soit.
Parmi les Arabes pauvres, surtout parmi les métis, il y en a
beaucoup faisant le métier de pêcheur. Dans Pile de Nias, c’est même
le métier de 10 des 14 Arabes qui y sont domiciliés. La pêche est
aussi une occupation fort recherchée des métis à Pekalongan et en
Atjeh. Par contre, à Koubou il n’y a aucun métis qui prenne part à
l’industrie importante de la pêche, ni à la salaison de poisson. Autre
part, l’élevage du bétail est un gagne-pain souvent assez lucratif, et
(*) Voyez plus bas Chapitre VIII,
153
enfin, on trouve, surtout dans l’ile de Java, plusieurs Arabes qui
louent des chevaux et des voitures.
Les professions manuelles proprement dites ne viennent presque
pas en ligne de compte. Elles sont exercées à peu près exclusivement
par des métis. Dans les environs de Batavia, il existe un établissement
lithographique, appartenant à Al. le Sayyid ’Uthmân bin ’Abd Allah
bin Yahyâ; à Palembang, un autre Sayyid a une petite imprimerie.
Puis il y a, dans l’Archipel indien, 5 horlogers, 3 orfèvres, 4 menuisiers,
1 tailleur, 1 fabricant de limonade et 1 mécanicien sur un bateau
à vapeur du Gouvernement. Dans la principauté de Landak (côte
occidentale de Bornéo) quelques métis s’occupent à chercher des
diamants. De Pasourouan, de Bangil, de Bouléleng (île de Bali)
et d’Atjeh on me rapporte que quelques métis sont même devenus
portefaix. Près de Batavia, un Arabe né en Hadhramout possède une
briqueterie ( mîfâ ) assez grande, et 2 ou 3 métis y ont des établissements
où se fabriquent des batlik (*). Enfin, à Bangil un métis exerce
le métier de masseur. Pour contribuer aux frais du ménage, les
femmes des Arabes pauvres exercent, presque partout, de petites
industries, parmi lesquelles la fabrication de batlik est une des plus
répandues. On m’a même cité des exemples d’Arabes vivant, de la
sorte, du travail de leurs quatre femmes.
Pour les professions libérales, comptons d’abord les hommes d’affaires :
20 à Palembang, 4 à Pontianak, 1 à Chéribon, 1 à Bandong et 1 à
Balangnipa (île de Celebes). Ces individus sont un véritable fléau pour
leur clientèle, exclusivement indigène. Ils se chargent de soutenir
devant les tribunaux les causes les plus désespérées. A Palembang et
à Pontianak, où ils sont les plus nombreux, ils forment une espèce
de barreau, peu respectable, il est vrai, et très-mal vu des magistrats
(') V. plus haul p. 146.
154
hollandais. A Besouki, il y a un Arabe de Tunis qui s’y est établi
comme médecin, et à Panaroukan, dans la même Résidence, un Arabe
de la Mecque est apothicaire.
Les emplois publics constituent une carrière que les Arabes
choisissent très-rarement. Les métis seuls le font, mais aiment
encore mieux entrer au service d’un prince indigène, vassal des
Gouvernements hollandais ou anglais, que de devenir fonctionnaire
immédiat de l’un ou de l’autre. Ceci a seulement trait au service
proprement dit et non aux fonctions non salariées de chef d’une
colonie, fonctions remplies par beaucoup d’Arabes nés en Hadhramout.
Dans l’île de Java, je ne connais que deux fonctionnaires d’origine
arabe, actuellement au service direct du Gouvernement hollandais:
le Régent de Magelang et le Palih ou Sous-Régent de Brebes; la
famille du Régent de Tjandjour, quoique aussi d’origine arabe, est
devenue javanaise, au point d’en avoir perdu toute conscience (*).
A Pontianak seul, le service du Gouvernement hollandais paraît
assez en vogue parmi les métis. Un d’entre eux est même Djaksa
ou procureur du roi près du tribunal indigène et un autre, son
substitut.
Dans le chapitre suivant, je vais parler des Arabes exerçant des
fonctions ecclésiastiques ou se vouant à l’instruction. Le fermage des
impôts, si recherché des Chinois opulents, est une occupation «à
peu près complètement négligée par les Arabes établis dans les
possessions hollandaises. A Singapour seul deux Arabes, l’un et
l’autre Sayyid, ont participé, l’année dernière, à une société pour
l’exploitation de la ferme du débit d’opium. Quant aux autres
participants, ce sont tous des Chinois. Autrefois, les Arabes étaient
les principaux fermiers des impôts levés par le Sultan de Soumenep,
(*) Je reviendrai sur ce sujet dans le Chapitre VIII.
155
mais ce pays ayant été placé en 1885 sous l’administration
directe des autorités hollandaises, les impôts en question ont été
abolis.
Le nombre des Arabes établis dans l’Archipel indien, vivant de la
charité ou de professions non avouables, est minime. A Sourabaya,
trois métis vivent de la charité de leurs compatriotes; à Soumenep,
un métis est entretenu par la famille du Régent, et un autre,
par ses amis indigènes. A Siak, trois métis n’ont pas de profession
reconnue; il paraît que le Sultan et son fils leur donnent de temps
en temps quelques secours. Ce qui est certain, c’est qu’ils sont
pauvres. Dans l’ile de Banka, deux métis exploitent la superstition
des Indigènes. Dans Pile de Soumbawa, un Arabe né en Hadhramout
fait de même. Le dernier a la réputation d’être doué de lumières
et de forces surnaturelles et vit largement des cadeaux que les
Indigènes lui apportent, en échange de sa bénédiction. Enfin à
Bangil, plusieurs Arabes m’ont été signalés par la police comme
soupçonnés de vivre, en grande partie, de la contrebande de café
et d’opium. Ceci est toutefois un fait unique: dans les autres
colonies, les Arabes soupçonnés de contrebande sont extrêmement
rares.
y
Quant aux Arabes qui ne s’établissent pas dans l’Archipel indien,
nous avons vu dans l’introduction qu’ils y viennent, en grande partie,
pour demander la charité, et pour une autre partie afin d’exercer
des professions ne valant guère mieux. On trouve parmi eux des
conducteurs de bêtes féroces, des musiciens ambulants, des marchands
forains, des charlatans, des jongleurs, enfin des représentants de
toutes les professions de bohème.
Le tableau suivant donne la statistique détaillée du nombre des
Arabes aisés, et de leur revenu approximatif:
186
iLES DE JAVA ET DE MADOURA.
Résidence.
Arabes ayant un revenu annuel de
600 fl. à 3600 fl.
3600 fl. à 12000 fl.
plus de 12000 fl.
Bantam
1
—
—
Batavia
60
6
4
Préanger
5
—
—
Krawang
2
—
—
Chéribon
64
4
—
Tegal
8-
2
1
Pekalongan
18
2
2
Samarang
11 '
7
—
Japara
2
—
—
Rembang
6
-
—
Sourabaya
79
6
5
Madoura
25
7
1
Pasourouan
24
—
—
Probol inggo
11
1
-
Besouki
24
2
—
Kedou
1
—
Total
341
37
13
AUTRES POSSESSIONS HOLLANDAISES.
Gouvernement ou
Arabes ayant un revenu annuel de
Résidence.
600 il. à 3600 11.
3600 11. à 12000 fl.
plus de-12000 fl.
Côte occidentale de Su-
matra
10
1
Bengkoulen
1
—
—
Lampong
1
—
—
Palembang
19
30
8
Côte orientale de Sumatra.
65
1
—
Aljeh (*)
2
3
—
A transporter ....
98
35
8
(■) Ce n'est que de la colonie de Kola Radja et les environs qu'on a pu me fournir
nue statistique des revenus.
Gouvernement ou
Arabes ayant un revenu annuel de
Résidence.
600 fl. à 3600 fl.
3600 fl. à 12000 fl.
plus de 12000 fl..
Par transport
98
35
8
Banka
2
—
—
Côte occidentale de Bornéo
160
1
1
Côte méridionale et orien-
tale de Bornéo
13
1
Celebes
210
—
—
Menado
22
—
—
Amboina
6
—
—
Temate
10
—
—
Timor
4
—
—
Bali
9
4
—
Total
345
41
9
•
POSSESSIONS ANGLAISES.
Arabes ayant un revenu annuel de
600 fl. à 3600 fl.
3600 fl. à 12000 fl.
plus de 12000 fl.
Singapour
90
50
15
De Poulou Pinang, ni de Malacca, je n’ai reçu de statistique concernant
le revenu. Seulement, quant à Malacca, on m’assure qu’à l’exception
de 3 ou 4 tous les Arabes y ont moins de 600 fl. de revenu annuel,
et quant à Poulou Pinang, que le nombre de ceux qui ont davantage,
n’excède pas une vingtaine. Il est très-difficile de taxer le capital
des Arabes qui font le commerce, plusieurs d’entre eux faisant des
affaires beaucoup au-dessus de leurs forces. La seule chose qu’on
puisse savoir avec assez de certitude, c’est que les Arabes vraiment
riches sont assez clair-semés. Une enquête a prouvé que le nombre (*)
(*) Dont 10 dans l'ile de Sownbawa,
158
de ceux qui possèdent un capital réel de 300000 fl. ou plus, ne
dépasse pas 21, dont 4 à Batavia, 2 à Pekalongan, 2 à Sourabava,
2 à Palembang, 1 à Pontiauak (*) et 10 à Singapour.
Pour terminer, je tiens à constater qu’il m’a été impossible de
trouver des données statistiques du passé, assez positives, pour décider,
si la position économique des Arabes était autrefois supérieure à celle
qu’ils occupent actuellement. Toutefois, d’après quelques indices, j’ose
affirmer que, dans la première moitié de notre siècle, ils s’enricbissaient
beaucoup plus facilement qu’aujourd’hui, leur nombre étant encore
sensiblement plus petit, et, en second lieu, la concurrence des Européens
et des Chinois n’étant pas encore si forte.
(') Le Sultan.
CHAPITRE IV.
CULTE ET INSTRUCTION.
J’ai exposé plus haut (J) que, de nos jours, il n’y a pas d’Arabe
qui immigre dans l’Archipel indien avec le but d’édifier les fidèles
par ses lumières ou de prêcher le Coran aux payens. C’est pourquoi
je n’ai jamais compris d’où est venue l’idée, généralement répandue
parmi les Européens, que tout Arabe est une espèce de théologien,
sinon un ministre du culte musulman, et que le clergé mahométan
indigène se recrute principalement parmi eux. Souvent j’ai entendu
désigner du nom de „prêtre” un Arabe qui, en réalité, n’avait pas
même de Coran (2). Il est vrai que quelques Arabes, une fois établis
dans l’Archipel indien, sans quitter leurs affaires et à défaut de
personnes plus compétentes, se font un honneur de diriger la prière
dans les réunions de leurs compatriotes. Il y en a même, à qui leurs
compatriotes donnent, par cotisation, un petit appointement, afin qu’ils
puissent se vouer entièrement à cette besogne et donner de l’instruction
primaire aux enfants dans la colonie. On trouve même de temps en
temps, dans l’Archipel indien, un Arabe savant qui, après avoir fait sa
fortune ou, du moins, s’être assuré une modeste aisance, reprend ses
études favorites et 'ouvre un cours public. Cependant cela n’empêche
(* *) V. p. 123.
(*) Un exemple très-frappant de l'erreur que je viens de signaler, c’est qu’un métis
arabe demanda, il y a quelques années, de devenir premier ecclésiastique d'une grande
mosquée indigène. On ignorait que l'individu en question avait été matelot sur des vaisseaux
anglais. Dans ses voyages en Europe et en Chine, il avait appris à boire son petit verre et
à manger du porc. Le Gouvernement hollandais le nomma en effet, et crut même avoir
fait un choix des plus heureux. On espérait, en outre, que sa nomination aurait une
très-bonne influence sur ses paroissiens placés depuis peu sous l’administration directe de
nos autorités, et qui étaient encore assez turbulents. On ne tarda pas à s'apercevoir qu'il
ne faisait que les scandaliser par son ignorance et ses moeurs, peu en harmonie avec les
prescriptions de l'Islamisme.
160
pas que la grande majorité, ou pour mieux dire presque tous, restent
exclusivement occupés de leurs intérêts matériels.
A l’appui de ce qui précède je puis alléguer que, d’après une
enquête officielle, il n’y a, dans tout l’Archipel indien, qu’une
cinquantaine d’Arabes qui donnent de l’instruction, pour la plupart
métis. Le nombre de leurs élèves ne dépasse pas 1000. Ceux qui
s’occupent de l’instruction ont ordinairement aussi des fonctions
ecclésiastiques. Il n’y a que 16 Arabes enseignant la théologie, la
jurisprudence ou la grammaire à des adultes. L’instruction donnée
par des Arabes a le plus d’importance à Soumenep, ou l’on trouve
8 maîtres d’école, dont six métis, avec environ 540 élèves. Le
nombre de ceux-ci est d’environ 180 à Pontianak, d’environ 100 à
Sourabaya, d’environ 50 à Samarang et d’environ 40 à Batavia. A
Soumenep, Pontianak, Sourabaya et Samarang, à peu près la moitié
des élèves sont des adultes; à Batavia les 3/4 sont des enfants (* *).
Les enfants qui suivent l’instruction sont tous de nationalité arabe;
les élèves adultes sont presque tous des indigènes, excepté ceux de
Pontianak, pour la majeure partie des métis arabes. A Garout une
femme d’origine arabe donne de l’instruction primaire à quelques
filles indigènes.
La majorité des Arabes qui se vouent à l’instruction, la considèrent
comme une occupation secondaire. Ils ont, en outre, un gagne-pain.
Il en est de même des ecclésiastiques auprès des petites mosquées
dans la plupart des colonies arabes de quelque importance. Ces mosquées
ne sont en général destinées qu’aux prières journalières et à celles
des deux fêtes annuelles, etc. Elle servent encore d’écoles et de maisons
où les pauvres et les voyageurs trouvent toujours un gîte (2). Beaucoup
(') Il s'entend que ces chiffres sont très-variables. Tout dépend de la réputation du
professeur.
(*) Dans les colonies populeuses, les Arabes ont des cimetières à eux. Autre part ils
sont ensevelis dans les cimetières des Indigènes.
161
n’ont pas d’ecclésiastique attitré; mais, l’heure de la prière sonnée,
un des fidèles se charge de diriger la cérémonie. La prière publique
du vendredi ne se fait, que je sache, que dans deux mosquées arabes,
c’est-à-dire dans celle de Kali Anget, près de Soumenep, et dans celle
de Palembang. Dans l’île de Java je ne connais pas un seul Arabe
qui soit Imam ou premier ecclésiastique dans une mosquée indigène
destinée à la prière publique du vendredi. Par contre, à Jebous (île de
Banka), à Pontianak, à Kola Baron (Tanah Laout) et à Ternate les
Imam des grandes mosquées indigènes sont des métis arabes; à Siak
Ylmdm de la grande mosquée est un Arabe du Hadhramout. En
Atjeh on trouve plusieurs mosquées ayant des Imam arabes, dont
quelques-uns sont des métis, et les autres nés en Hadhramout. A
Singapour enfin, deux des grandes mosquées ont des Imam arabes
nés en Hadhramout; tandis que, dans la principauté de Djohor, un
Arabe né en Hadhramout est Muflî ou chef du clergé. Les princes
arabes de Siak, de Pontianak et de Ivoubou se considèrent comme
chefs du Mahométisme dans leur pays. Leur nom est inséré dans la
prière publique du vendredi ; en ceci ils ne font que suivre l’exemple
des autres princes indigènes.
Quant aux fonctions ecclésiastiques subalternes, on ne trouve dans
Pile de Java que deux Arabes faisant partie du clergé indigène;
dans l’île de Banka il y en a un, à Siak deux, dans l’île de Celebes
un et dans l’île de Bali deux. En outre, il y a à Batavia et à Grissée
quelques Arabes attachés comme gardiens aux tombeaux sacrés. Il y
a encore un tombeau sacré à Kota Radja (Atjeh), où une branche de
la famille de Bâfadhl occupe depuis quatre générations les fonctions
de gardien.
On voit que l’idée de regarder le clergé indigène comme à moitié
arabe disparaît entièrement devant la statistique.
Je puis aller plus loin et constater que, surtout dans l’île de
il
\
162
Java, c’est précisément le clergé indigène qui montre une antipathie
prononcée contre les Arabes; elle n’aime pas à voir un Arabe, même
métis, admis dans ses rangs. Il en est de même des précepteurs de
religion indigènes. Plus ils sont à la hauteur de la théologie et de la
jurisprudence musulmanes, et plus ils sont versés dans la langue
arabe, moins ils recherchent ordinairement l’intimité des Arabes
du Hadhramout, qui, du reste, les payent en même monnaie. La
tendance mystique du Mahométisme dans l’Archipel indien est des
plus antipathiques à ceux-ci. Rarement un Arabe parlera avec respect
d’un ecclésiastique ou d’un précepteur de religion indigènes, qui, de
leur côté, ne manquent pas de montrer avec empressement quelque
membre peu civilisé d’une tribu, parlant l’arabe il est vrai, parce
que c’est sa langue maternelle, mais n’entendant rien à la culture
des sciences. Inutile d’ajouter que ces opinions sont, de part et
d’autre, erronées. Ce ne sont pas les savants de Saioun qui forment
un objet de vénération pour les Indigènes, mais ceux de la Mectfue,
surtout quand ils 11e sont pas d’origine arabe.
Les parties de l’Archipel indien où les sciences musulmanes et la
littérature arabe ont été, depuis longtemps, le plus cultivées, sont
Bantam, Palembang et Atjeli. Cette culture, cependant, paraît être
restée exclusivement indigène: je 11e connais aucun savant arabe
ayant vécu dans ces contrées. Par contre, à Batavia, il y a eu îles
Arabes savants depuis la fin du siècle précédent, et à Soumenep,
depuis le commencement de ce siècle.
Pour commencer par Batavia, le premier de ces savants était le
Sayyid Hosain hin Alton Bakr al-’Aidrous, qui mourut en 1798,
après avoir enseigné depuis de longues années. Il obtint, bientôt
après sa mort, une grande renommée de sainteté. Sur son tombeau à
Louar Batang, près de l’embouchure de la rivière de Batavia, on
a érigé une grande mosquée, qui est, de nos jours, un des principaux
lieux de pèlerinage dans l’Archipel indien. Non-seulement les Indigènes,
mais encore des métis chinois et européens y viennent faire des
voeux pour réussir dans leurs entreprises, pour avoir des enfants, etc.
La valeur des ex-voto s’y élève à plus de 8000 fl. par an. Parmi
les Indigènes, le petit cimetière,, à côté de la mosquée, est fort
recherché; par conséquent, les redevances dues pour les tombeaux
constituent encore une source de revenu très-appréciable.
Le second savant arabe de grande renommée était ’Abd ar-Rahmàn
bin Ahmad al-Miçrî (*). Comme son nom l’indique, il n’était pas du
Hadhramout, mais de l’Egypte. Après avoir fait le commerce à Palembang
et à Padang, il s’établit dans les environs de Batavia, dans le village
de Patambouran. Il y acheta une grande propriété, y fonda une
mosquée et se retira entièrement des affaires pour se vouer à la
science. On dit qu’il excellait surtout dans l’astronomie et l’astrologie.
Il était très-bien vu des autorités hollandaises, et spécialement du
Gouverneur-Général Merkus. Il mourut en 1847 et fut enterré près
«
de la mosquée fondée par lui. Sans avoir rien écrit, il avait de
nombreux disciples. Son nom est encore fort connu à Batavia. Il en
est de même du Sayyid ’Abd ar-Rahmàn bin Abou Bakr al-Habchî,
qui vint du Hadhramout à Batavia en 1828 et repatria en 1853.
En 1844, un métis arabe du Soudan, appelé Mohammad Djabartî,
s’établit à Batavia comme précepteur de religion. 11 y mourut en 1855
et fut enterré dans le village de Tambora. En 1851, un autre savant
arabe du Hadhramout, Sàlim bin ’Abd Allah bin Somair, arriva dans
l’Archipel indien. Comme tous les Arabes, il avait quitté sa patrie
(') Son cousin 'Abd Altàh bin Mohammad al-Miçrî, né à Palembang, élait de 1820
à 1827 secrétaire du Sayyid Hasan bin 'Omar al-Habchî, dont nous allons parler dans le
chapitre suivant. 'Abd Allah est l'auteur de deux écrits malais, intitulés: Hikàjat tànah
Bali (Description de l’ile de Bali) et Tjeriterà pada râdja râdja di negri Siam (Histoire des
rois de Siam). V. Handleiding bij de beoefening der Maleiscbe taal- en letterkunde (Manuel
de la langue et de la littérature malaies) par M. de Hollander, p. 360 et 361 de la
5ième édition.
164
pour chercher fortune. Après un séjour de plusieurs années à Singapour,
il s’établit à Batavia comme précepteur, sans cependant abandonner
entièrement le commerce. Il mourut en 1854 et fut enterré dans le
cimetière arabe à Tanah Abang, situé à quelques kilomètres de la
ville. Il est l’auteur du livre Safinat an-Nadjâh, cité plus haut (’). Ce
livre est encore actuellement en usage, non-seulement en Hadhramout,
mais encore dans tout l’Archipel indien. Sâlim bin ’Abd Allah bin
Somair était un zélé antagoniste du mysticisme mahométan, surtout
de ses manifestations bruyantes, connues sous le nom de larîqah.
Plusieurs fois, il a eu maille .à partir avec les prédicateurs indigènes
de ces excentricités religieuses.
Après lui, le Sayyid Chaikh bin Ahmad Bàfaqîh s’établit à Batavia
et y séjourna durant quelques années; je parlerai de cet intéressant
personnage tout à l’heure, le principal terrain de son activité ayant
été à Soumenep. Depuis une quinzaine d’années, c’est M. le Sayyid
’Uthmân bin ’Abd Allah bin Yahyâ qui jouit de la plus grande
autorité en matière de théologie et de droit, non-seulement parmi ses
compatriotes à Batavia, mais encore parmi les musulmans de tout
l’Archipel indien. 11 est né à Batavia: sa mère était la fille de ’Abd
ar-Rabmàn bin Ahmad al-Miçrî, nommé plus haut. Il a fait ses études
principalement à la Mecque et a visité le Hadhramout, l’Egypte, la
Tunisie, Jérusalem et Constantinople. Dans les dernières années, il a
cessé de donner des cours publics pour se vouer, plus .à son aise, à
ses travaux littéraires. Le nombre de ses écrits s’élève actuellement
déjà à trente-huit, partie en arabe, partie en malais. Plusieurs ont été
spécialement approuvés par le chef du rite de Châfi’î à la Mecque. Son
instruction a une tendance éthique; il ne cesse de démontrer qu’on
peut rester sujet loyal d’un gouvernement européen dans l’Archipel (*)
(*) Y. p. 87.
165
indien, tout en étant scrupuleux dans l’observance de ses devoirs
religieux. Les agitations du Pan-Islamisme, dans les dernières années,
trouvent en lui un antagoniste déclaré; de même il fait tout ce qu’il
peut pour arrêter les progrès du mysticisme mahométan. En cela, il
est un disciple fidèle de Sàlim bin ’Abd Allah bin Somair, mentionné
plus haut. Son opposition au mysticisme lui a également valu l’inimitié
du clergé indigène. Il demeure dans le village de Patambouran, près
de Batavia, où il possède une petite propriété, à quelque distance
de la mosquée fondée par son aïeul, ’Abd ar-Ralnnân bin Alimad
al-Miçri.
Je crois qu’il est assez intéressant de donner la liste des écrits
du Sayyid.
1°. Çifat doua poulouh, traité des principaux épithètes d’Allàh.
2°. Zabr al-Bàsim, traité de la nativité du Prophète.
3°. al-Qawânîn ach-Char’iah, traité des bases du droit mahométan ( oçoul
al-fiqh), des autorités en matière de droit et de l’administration
de la justice.
4°. Içlâl.i al-Hâl, traité démontrant que l’aversion des classes
supérieures, parmi les Indigènes, pour le travail manuel, n’est
pas conforme aux prescriptions de l’Islamisme.
5°. at-Tuffâhah al-Wardiah, traité des choses et des actes illicites.
6°. Manâsik al-Hadjdj, traité du pèlerinage et des conditions requises
pour l’accomplir légalement. Ce traité a spécialement pour but
de combattre l’opinion générale des Indigènes que le pèlerinage
est méritoire, lors même qu’on devrait prélever les frais sur
l’argent nécessaire à l’entretien de sa famille, à payer ses
dettes, etc.
7°. Généalogie des Sayyid du Hadhramout.
8°. at-Tarîq ad-Sahilah, traité de l’art de réciter le Coran et les
prières.
166
9°. Tawdliil.i al-Adillah. traité de la preuve légale requise pour
constater l’apparition de la nouvelle lune du mois de Ramadhàn.
10°. Ircliàd al-Anâm, traité des prescriptions légales relatives à la
prière, au jeûne et aux prélèvements.
1 1°. Maslak al-Akhyâr, prières arabes avec l’explication en malais.
12°. Nafàïs an-Nihlah, traité de la direction à prendre dans la prière.
15°. as-Silsilat an-Nabavviab, liste des principaux théologiens et juristes
musulmans.
14°. Kitâb al-Faràïdh, traité du partage des successions.
15°. Sagouna Sakâya, traité du partage de la communauté entre
époux.
16°. Mothallajthah, traité des mots arabes ayant plusieurs significations.
17°. Soal Djawâb, traité de la preuve par écrit.
18°. Toudjouh Fâïdah, traité de la prière en assemblée.
19°. an-Naçîbat al-Aniqah, écrit polémique contre la dévotion mystique
appelée an-Naqchibendiah.
20°. Sermon sur le don nuptial.
21°. Le XVIII Chapitre du Coran et la prière pour le Prophète
expliqués.
22°. Abrégé de la science des traditions.
25°. » de l’art de lire le Coran.
24°. Traité des fautes commises dans la lecture du Coran pendant
la prière.
25°. Abrégé des éléments constitutifs de la prière.
26°. » de la grammaire arabe.
27°. Atlas ’Arabi, quatre cartes géographiques.
28°. Dessin de la Mecque et de Médine.
29°. Abrégé de l’art de constater les heures légales pour la prière.
» # la théologie musulmane.
» » » loi sur les mariages.
50°.
31°.
167
52°. Abrégé de la loi sur la retraite légale des femmes.
53°. » » » » » » parenté de lait.
54°. Traité des poids et des mesures.
55°. Adâb al-Iusân, traité de la morale.
56°. Qâmous Kctjil, liste de mots arabes avec la signification en
malais.
37°. Réfutation d’une décision du tribunal ecclésiastique de Batavia,
relative au partage des revenus du tombeau du saint al-’Aidrous (1).
58°. Tjampâka Moulîa, traité de l’amélioration morale de soi-même.
De ces 58 écrits, les Nos. 5, 7, 8, 12, 15, 16, 20, 21, 22, 26 et 27
sont en arabe; les autres en malais. La plupart ne sont que d’une
vingtaine de pages, au plus.
A Soumenep, les savants arabes ont été attirés par le Sultan
Bakou Nata Ningrat, qui régna de 1812 à 1834 et était un grand
amateur des lettres javanaises et arabes. Dans sa jeunesse, il avait
appris l’arabe et les sciences musulmanes d’un certain Sayyid
’Ahd ar-Rahmàn al-Baitî, qui, quoique appartenant aux Sayyid du
Hadhramout, avait fait ses études entièrement à la Mecque. Il
paraît que cet homme a exercé une grande influence sur l’esprit du
prince et lui a inspiré un vif intérêt dans la civilisation arabe et
dans ses compatriotes en général. Du moins, depuis son avènement,
le Sultan a fait tout ce qu’il a pu pour favoriser l’établissement des
Arabes dans son pays. Ceux qui appartenaient à la classe savante
furent dotés richement; les autres faisaient de bonnes affaires à
Soumenep, leur commerce ne cessant d’être favorisé par lui. Il choisissait
parmi eux, de préférence, les fermiers des impôts. Le Sultan parlait
l’arabe, possédait une grande bibliothèque de manuscrits dans cette
langue et correspondait, entre autres, avec ’Abd ar-Ralunân bin (*)
(*) V. plus haut p. 162.
168
Ah ni ad al-Miçri et avec Sàlini bin ’Abd Allah bin Sornair à Batavia.
11 n’était pas moins grand amateur de l’astrologie et avait même
un astrologue arabe, le Sayyid ’Omar Bâharoun, à son service
particulier. Le Sayyid Chaikh bin Ahmad Bâfaqîh était gouverneur
de ses fils.
Il est intéressant de dire quelques mots sur la vie de ce dernier,
qui avait la réputation d’appartenir aux illuminés (ahl al-kèchf) (*) et
qui, pendant sa vie même, jouissait d’une vénération extraordinaire.
Né à ach-Chihr, il s’établit d’abord à Sourabaya et puis à Amboina
comme simple marchand. Soit qu’il s’occupât plus des lettres que de
ses affaires, soit manque d’aptitude, son commerce ne prospéra point.
Par une bonne fortune pour lui, le Sultan de Soumenep lui confia
l’éducation de ses fils et lui céda, comme rémunération, les revenus
de quelques villages. 11 resta, près de 25 années, auprès du Sultan,
mais, après la mort de celui-ci, il perdit sa position. Habitué à faire
la charité sur une large échelle et à faire, en même temps, bonne
chère, la pension que lui avait accordée le fils aîné et successeur du
Sultan, ne suffisait pas à ses besoins. 11 commença alors à signer
des billets afin de se procurer de l’argent chez les Chinois et les
Européens, dans l’espoir que, soit le ciel, soit ses amis les paveraient
à l’échéance. Cet espoir fut cependant déçu, et ses créanciers finirent
par avoir recours à la contrainte par corps. Il est vrai qu’un des
fils du Sultan, par respect pour son ancien gouverneur, paya ses
dettes, après quoi le Sayyid illuminé fut mis en liberté; mais
comprenant que Soumenep n’était plus pour lui le terrain favorable,
il s’établit à Batavia, où il resta à peu près dix ans, donnant des
cours publics et vivant des dons que lui apportaient ses amis, ou des
billets qu’il savait placer, même chez les grandes maisons de commerce
(’) V. plus haut p. 94.
169
européennes, sous prétexte d’être marchand. La fin en fut, comme
à Soumenep, la contrainte par corps. Après avoir été libéré une
seconde fois par ses amis, il quitta Batavia pour recommencer le
même genre de vie à Samarang. Je l’ai connu dans cette dernière
ville, en 1870 et 1871, et j’y ai assisté à son troisième débâcle. Il
était intéressant de comparer alors l’opinion de ses créanciers avec celle
de ses compatriotes et de ses disciples. Les premiers le proclamaient
un fripon, sinon un escroc, et -ne comprenaient pas que je permettais
à un tel individu de venir me voir de temps en temps; les autres
le vénéraient comme un saint. Il se plaisait à jouer ce dernier rôle, ne
parlait que par sentences et avait tout l’air d’un vieillard respectable.
Le contact avec les Européens, le traitant d’homme ordinaire, froissait
manifestement son amour-propre. Après être sorti de la prison à
Samarang, il s’établit à Sourabaya, où il mourut quelques années
plus tard. Dans le cimetière de Batou Poutih, réservé à la famille du
Régent, on lui a érigé un mausolée de marbre, qui est devenu un
objet de vénération pour les Indigènes. Chaque jeudi soir, on voit
environ 200 fidèles y faire des voeux et implorer l’intercession du
saint homme auprès d’ Allah et du Prophète. A un kilomètre de
distance au plus se trouve le quartier européen, éclairé au gaz, offrant
un contraste frappant avec le spectacle essentiellement oriental de
cette foule, accroupie dans une demi-obscurité tant au point de vue
physique qu’au point de vue intellectuel. Je crois que les petits-fils
du Sayyid vivent entièrement des ex-voto apportés au tombeau. C’est
pourquoi ils ont soin de propager la renommée de ses miracles.
Son frère, personnage obscur, est enterré à côté de lui. Les disciples
du Sayyid sont très-nombreux parmi les Indigènes; il y en a
plusieurs occupant actuellement une haute position ecclésiastique.
A Samarang, de 100 à 150 auditeurs suivaient le cours qu’il
donnait, la prière de l’après-midi terminée. Le seul ouvrage de sa
170
main est mie collection de sermons ( khulbah ) pour l’année entière,
collection, entre autres, encore en usage dans les mosquées de Batavia.
Après la mort du Sultan Pakou Nata Ningrat, la culture des
sciences n’a fait que diminuer à Soumenep. Un seul savant y est
encore aujourd’hui: Khâlid bin ’Abd Allah al-Qanâ’i, originaire du
village de ’Oloub, près de Bassora. Venu à Soumenep deux ou trois
années avant la mort du Sultan, il est actuellement très-âgé. 11 a
écrit un livre, intitulé Tuhfat al-Ikhwân, contenant un abrégé de la
théologie, de la morale et des prescriptions relatives au culte (’ibâdah).
Le livre a été composé en 1866; mais, excepté à Soumenep, je n’en
ai pas vu d’exemplaire (*). Outre ce savant, Soumenep compte
actuellement encore un homme lettré; c’est le fds d’un esclave
émancipé du Hadhrainout. Quoiqu’il ait une certaine réputation,
même hors de l’ile de Madoura, ses conférences toutefois ne dépassent
guère la Safînat an-Nadjàh. Quant aux six métis arabes qui, à
Soumenep, se vouent à l’instruction, ils m’ont fait l’effet de personnes
assez bornées.
Le degré de civilisation dans les autres colonies arabes dépend
/
principalement de l’origine des individus qui y ont la majorité. Les
colonies où les Sayyid ont la prépondérance, comme à Palembang et
à Pekalongan, sont ordinairement plus civilisées que celles où la
majorité se compose de membres de tribu, comme «à Tegal, ou de
personnes appartenant aux basses classes bourgeoises, comme à
Pasourouan. Dans les maisons des Sayyid riches et de la haute
bourgeoisie on voit ordinairement une petite bibliothèque de manuscrits
et de livres imprimés en Egypte, à Constantinople ou en Syrie. A
Batavia et à Singapour, la plupart des Sayyid et des bourgeois aisés
se sont abonnés à quelque journal arabe (2) ou du moins lisent-ils
(‘J Apres le Bisniillàli les premiers mots du livre sont : J*ytw«A >A.=Ay-l
(J) Je parlerai des journaux arabes dans le chapitre suivant,
171
un des nombreux petits journaux malais paraissant dans l’Archipel
indien. Dans d’autres colonies, la lecture de journaux n’est pas encore
d’usage général. Quoi qu’il en soit, il n’y a presque pas de colonie
arabe où l’on ne trouve quelqu’un s’occupant, en amateur, de la
théologie ou du droit, et qui ne jouit pas, à cet égard, d’un certain
prestige parmi ses compatriotes. En cas d’incertitude, on s’en remet
à sa décision. Par-ci, par-là on rencontre encore, dans l’Archipel
indien, un Arabe amateur des belles-lettres. A Sourabaya, par exemple,
j’ai rencontré un poète qui me persécuta de ses vers. Ce n’étaient
pas les vives improvisations des Bédouins, mais des poèmes de
circonstance, factices et pédantesques.
Il est très-rare de rencontrer dans l’Archipel indien un Arabe,
même un métis, complètement illettré. Tous, à peu près, savent lire
et écrire, et assez de l’arithmétique pour les besoins de leurs affaires.
La grande majorité des enfants des Arabes cependant n’ont d’autre
instruction que celle qu’ils reçoivent dahs leur famille, le nombre des
maîtres d’école arabes étant très-insuffisant (*).
L’instruction arabe , qu’elle soit primaire ou supérieure , est
essentiellement gratuite. S’il s’agit d’une école, c’est la communauté
qui paye le maître; tandis que ceux qui font des conférences,
ont ordinairement d’autres moyens de subsistance. Quand on leur
apporte des cadeaux, c’est toujours à titre d’hommage et jamais comme
rémunération. Exclure un enfant d’une école ou un étudiant d’une
conférence, pour le seul motif qu’il ne peut payer, c’est quelque chose
d’incompatible avec les moeurs arabes, tant dans l’Archipel indien
qu’en Hadhramout.
L’instruction primaire donnée aux enfants des Arabes et les cours
(’) Nous avons déjà vu (p. 150) que les écoles primaires du Gouvernement et des
missionnaires ne sont pas fréquentées par les enfants des Arabes dans les possessions
hollandaises.
172
de leurs savants ont dans l’Archipel indien le même caractère qu’en
Hadliramout. Les livres que ces savants expliquent sont, en outre,
les mêmes que ceux expliqués par les savants indigènes, à deux
exceptions près: tandis qu’un Arabe n’expliquera que par grande
exception, soit un livre sur les dévotions mystiques, dont j’ai déjà
parlé plusieurs fois, soit le livre d’as-Sinousî, intitulé Umm al-Barâhîn,
avec ses commentaires, ces mêmes livres jouissent, parmi les savants
indigènes, d’une grande popularité.
CHAPITRE V.
OPINIONS ET ASPIRATIONS POLITIQUES.
Une opinion généralement répandue parmi les Européens dans
l’Archipel indien, c’est que les colonies arabes contiennent un élément
des plus hostiles à leur domination. Cette opinion toutefois n’en est
pas moins parfaitement erronée, du moins pour ce qui regarde les
Arabes du Hadhramout. Même il est étonnant que cette idée ait pu
s’enraciner si fortement, tout le monde pouvant s’assurer de ses
propres yeux que les intérêts matériels des Arabes du Hadhramout
exigent avant tout le maintien de l’ordre public.
Nous avons vu que toute leur fortune est placée dans le commerce,
ou en immeubles, ou en vaisseaux, c’est-à-dire d’une façon n’admettant
point de la porter en lieu sur en cas de troubles. Nous avons vu en
outre que presque aucun d’entre eux ne retourne en Hadhramout
après avoir fait quelque fortune, et que jamais ils ne l’y transportent.
En tout cas leurs enfants nés dans l’Archipel indien y restent à
peu d’exceptions près, et sont en général bientôt dégagés des liens
avec le Hadhramout. Comment peut-on supposer maintenant que
ces mêmes individus soient les fauteurs des rébellions qui éclatent
de temps en temps parmi les Indigènes, rébellions qui peuvent
causer quelque embarras aux gouvernements européens, mais qui
ne sont jamais de nature à aboutir à la formation d’un état
musulman assez puissant pour se maintenir? Tout homme sensé
comprend qu’elles ne peuvent avoir pour résultat que la mort
de quelques malheureux et le ravage des propriétés; mais l’idéal
de la loi musulmane, c’est-à-dire un souverain, dominant, si non
le monde, au moins tous les fidèles, restera bien toujours une
utopie.
En outre, les journaux arabes lus dans l’Archipel indien (‘), sans
être à la hauteur de la journalistique européenne, suffisent pour
apprendre à leurs lecteurs que le centre de gravité des intérêts de
l’Islamisme n’est pas situé dans l’Extrême Orient. Il est du reste assez
clair que, de nos jours, aucun des princes musulmans n’est assez
puissant pour chasser les Européens de cette partie éloignée du monde.
On m’objectera peut-être qu’il y a dans l’Archipel indien un grand
nombre d’Arabes qui, ayant quitté leur désert depuis peu et ne lisant
point de journaux, n’auront pas des notions politiques assez justes
pour faire ce raisonnement. On alléguera en outre que précisément
ces individus sans fortune, ni famille dans l’Archipel indien, n’ont
aucun intérêt au maintien de l’ordre. A ces objections je réponds
que les Arabes pauvres ou nouvellement arrivés sont presque toujours,
sinon au service, du moins dans la dépendance pécuniaire ou sociale
de leurs compatriotes plus favorisés par la fortune, et que ceux-ci
seraient les premiers à s’opposer à des coups de tête dont les
conséquences désastreuses rejailliraient sur eux. (*)
(*) De ces journaux, le mieux rédigé était certainement al-Djawàïb, paraissant à
Constantinople, mais suspendu, il y a quelques années, par la Sublime Porte. Ce journal avait
une tendance très-prononcée en faveur du Pan-Islamisme. Il comptait beaucoup d'abonnés
dans l'Archipel indien. Il a reparu, eu novembre 1885, au Caire sous le nom d'al-Qâhirali
Les autres journaux arabes actuellement répandus dans l'Archipel indien lui sont très-inférieurs.
J’en cite les principaux :
al-I'tidâl
al-Insân
al-Djannah
Thamarât al-Fonoun
Lisàu al-Hàl
al-\Vatn
al-Ahràm
Kawdhat al-Iskandariah
al-Trwat al-YVutbqâ
paraissant à Constantinople.
• • Bairout (Syrie).
au Caire,
à Alexandrie.
Paris.
Le dernier est un journal hebdomadaire, dans lequel on fait une propagande véhémente
pour le rétablissement de l’ancien Khédive d'Egypte, Isma’il-Pàchâ. F.n outre, le journal
ne cesse de persuader tous les musulmans placés sous la domination des puissances européennes,
et spécialement sous celle de l'Angleterre, à secouer le joug des infidèles. Je n'ai jamais
rencontré d'Arabe lisant des journaux européens.
Et puis il ne faut pas oublier que les liens de famille sont beaucoup
plus prononcés parmi les Arabes que parmi nous. Si, par exemple,
un al-Habchî a de l’intérêt au maintien de l’ordre public, un autre
al-Habchî n’ira pas le troubler, lors même que ce dernier n’aurait rien
à perdre. Au reste les Sayyid et les bourgeois sont, en Hadhramout,
pour la plupart des gens paisibles. Quant aux membres des tribus,
il est vrai qu’ils sont d’une nature assez turbulente, mais il leur
manque absolument l’enthousiasme religieux nécessaire pour prêcher
le renversement du pouvoir européen. Certes les Arabes établis dans
l’Archipel indien se distinguent de la population indigène mahométane
par l’observance rigoureuse des devoirs de la religion; mais quant
aux prescriptions de leur loi relatives à la guerre contre les infidèles,
je ne crois pas qu’un seul d’entre eux s’en occupe sérieusement.
Aussi dans mes rapports fréquents avec les Arabes, surtout dans les
dernières années, je les ai trouvés religieux, mais non fanatiques (*),
et je ne me suis jamais apçrçu d’un sentiment hostile à la domination
européenne, fondé sur la différence de religion. Au contraire, plusieurs
d’entre eux m’ont déclaré ouvertement qu’ils ne seraient pas fâchés,
que quelque puissance étrangère occupât le Hadhramout et y fît
régner la sécurité et la prospérité comme dans l’île de Java. Ils
apprécient beaucoup que, surtout dans les possessions hollandaises,
les institutions de la loi musulmane sont maintenues autant que
possible, et que les musulmans y sont placés sous le régime direct
de chefs de leur propre religion. Il va sans dire que les Arabes
dans l’Archipel indien ont quelquefois des démêlés avec les autorités
locales, voire même avec le Gouvernement. Ils sont très-réfractaires,
s’il s’agit de payer des impôts, spécialement des impôts personnels,
(') J’en ai eu plus d'une fois la preuve dans la manière dont ou s’informait des préceptes
de l'Evangile. Surtout parmi les Sayyid il y en a beaucoup qui aiment à parler théologie
comparée, tout en posant comme un fait indiscutable que le Christianisme, pris dans son
entier, est une erreur.
176
et ils ne se soumettent qu’à leur corps défendant à la juridiction
exercée par le clergé maliomélan indigène par rapport aux droits de
famille et aux successions. Ceci toutefois est une opposition d’une
toute autre nature que celle qui renfermerait le germe d’une rébellion
politique et religieuse. Les Arabes éclairés savent parfaitement que
les Européens leur sont supérieurs sur le terrain de l’industrie, du
commerce et des sciences. C’est seulement dans le domaine de la
religion qu’ils nous regardent avec pitié (*).
Pour dissiper entièrement la défiance contre les Arabes du Hadhramout,
je tiens à constater que la Mecque, quoique certainement une ville
sainte, ne représente nullement pour eux la capitale intellectuelle et
spirituelle de l’Islamisme. Tout eu respectant les familles aristocratiques,
les érudits et le liant clergé de la Mecque, ils n’ignorent pas que la
grande majorité des habitants n’y a d’autre sentiment religieux que
de tirer le plus de profit possible des dévots qui y affluent encore
chaque année. Aussi le nombre des Arabes établis dans l’Archipel
indien, qui ont accompli le pèlerinage, est relativement restreint, et
leurs femmes, ni leurs filles ne l’accomplissent jamais. Ce qu’on prêche
à la Mecque constitue peut-être une espèce de mot d’ordre pour les
pèlerins javanais et malais, mais certainement point pour ceux du
Hadhramout. Pour ceux-ci, la Mecque est une ville trop peu arabe, et
le Pan-Islamisme, dont quelques individus dans celte ville tâchent
d’endoctriner les pèlerins étrangers, n’a aucun effet sur eux. De même
ils ont parlé des progrès du Malidî dans le Soudan, comme d’une
affaire qui ne les regarde pas.
Nous avons vu que les chefs en Hadhramout professent d’être sous
la protection de la Sublime Porte, mais que cette puissance n’y
exerce, en effet, aucune autorité. En tout cas, aucun Arabe domicilié
(*) On cherche en vain dans l’Archipel indien un exemple de la conversion d'un Arabe
au Chrislianisme.
177
dans l’Archipel indien ne se croirait obligé à obéir aux ordres émanés
de Constantinople. Supposé que la Sublime Porte fît un appel aux
tribus du Hadhramout, je crois bien que quelques-unes prendraient
les armes, non par sentiment religieux, mais dans l’espoir de faire
un butin magnifique. Bientôt cependant la Sublime Porte en aurait
assez de ces auxiliaires indisciplinés, qui ne se soucient guère de sa
dignité de Calife ou successeur du Prophète (* *) et qui probablement
ne feraient pas beaucoup de distinction entre des chrétiens et des
officiers ou des fonctionnaires turcs élevés à Paris ou à Londres et
imbus des idées modernes. L’hommage qu’on rend en Hadhramout à
la Sublime Porte, en insérant le nom du Sultan dans la prière
publique, n’a d’autre portée que de reconnaître qu'elle est actuellement
la plus grande puissance musulmane, et la seule dont la voix soit
écoutée par la diplomatie européenne (2).
Quant aux idées politiques des Arabes du Hadhramout sur les
puissances européennes, constatons en premier lieu le fait que la
Russie semble exercer une certaine fascination sur les esprits, même
dans leur pays, où nul Russe n’a encore mis le pied. Il paraît que
la Russie, rien que par son étendue, a une attraction irrésistible sur
les peuples de l’Asie et qu’elle est considérée en Hadhramout comme
un état à demi asiatique et musulman. On l’appelle „la grande
Constantinople'’, en opposition à „la petite Constantinople”, c’est-à-dire
la Turquie.
(*) M. N. B. E. Baillie, dans sa brochure: „Is lhe Sultan of lhe Turks the Calipli of
the Musulmans", a déjà démontré que le califat de la Sublime Porte est très-contestable
au point de vue du droit musulman.
(*) 11 y a environ 8 ans, un chef du Yémen, dont le pays avait été conquis et annexé
par la Sublime Porte, arriva à Batavia pour demander aux Arabes des secours en argent
et autres, afin de pouvoir continuer la guerre pour son indépendance. Il n’avait aucun succès ;
mais, si en Hadhramout la Sublime Porte avait été populaire ou respectée seulement, il
s’entend qu’il ne serait pas venu demander de l’assistance dans une partie du monde, où il
savait que les capitalistes arabes sont, à une ou deux exceptions près, tous originaires du
Hadhramout.
•/
12
178
La nation qui représente pour les Arabes du Hadhramout le
Christianisme et la civilisation occidentale, c’est la France. Le nom
de „Francs” (. Ifrèndjî plur. Ifrèndj ) désigne encore de nos jours en
Hadhramout tous les Européens, les Hollandais et les Anglais compris.
Du reste il est étrange, quelle popularité a même parmi les Bédouins
la légende napoléonienne. Le nom du grand empereur et celui de la
France sont unis pour eux d’un lien indissoluble.
L’Angleterre a en Hadhramout beaucoup moins de prestige. On
sait que c’est une nation puissante et surtout riche; mais ce qui
fait sur l’esprit des Arabes une impression très-fâcheuse, c’est qu’il
règne en Angleterre une reine et non un roi. On croit généralement
que la constitution y exige un gouvernement féminin, sinon que les
rôles des deux sexes y sont intervertis et que les femmes y sont
les chefs des familles. Ce dernier sujet semble préoccuper fortement
les esprits en Hadhramout. Les Arabes nouvellement arrivés de
ce pays, avec lesquels j’ai causé politique, m’ont presque toujours
abordé avec des questions relatives à l’autorité maritale et au degré
d’émancipation des femmes dans les états de sa Majesté Britannique.
Inutile d’ajouter que l’on s’étonnait encore davantage, quand je
leur assurais qu’une souveraine aussi puissante n’a eu qu’un seul
époux.
La Hollande n’est connue en Hadhramout que comme la puissance
dominatrice dans l’Archipel indien, c’est-à-dire dans la contrée où un
grand nombre d’Arabes vont faire leur fortune. Des autres puissances
européennes, on n’en a pas d’idée du tout. L’Allemagne, c’est pour
les habitants du Hadhramout la contrée où l’on fabrique les étoffes
à bon marché qui inondent le pays, et contre lesquelles l’industrie
nationale est impuissante à lutter. v
Il s’entend que les Arabes qui ont beaucoup voyagé ou fait un
long séjour dans l’Archipel indien ont des idées plus justes et plus
179
précises sur l’état actuel de la politique. Ils ont appris l’existence
de journaux et ont eu l’occasion de rencontrer des Européens de
différentes nationalités. Ils savent parfaitement que les ménages anglais
sont à peu près conduits comme ceux des autres Européens. J’ai cru
cependant de quelque intérêt de faire ressortir les idées politiques de
gens ayant quitté le désert depuis quelques semaines seulement.
Les questions politiques dans l’Archipel indien sont regardés par
les Arabes du Hadhramout avec une suprême indifférence, tant que
leurs intérêts matériels ou spirituels ne sont pas en cause. Ils
obéissent de bon gré aux lois et usages dans leur nouvelle patrie.
Ainsi, dans les possessions hollandaises, la vaccination qui, sans être
obligatoire, y est cependant pratiquée d’une manière persuasive assez
bien accentuée, ne soulève aucune opposition de leur part. Même
des évènements comme la conquête d’Atjeh, qui a été le sujet de
conversation de tous les Européens dans l’Archipel indien, n’ont eu
aucun retentissement dans les colonies arabes.
Je n’ai jamais rencontré un Arabe avec des notions précises sur
la forme de notre Gouvernement colonial. Ils savent qu’à Buitenzorg
il existe un Gouverneur-Général, appelé ordinairement par eux du
titre malais de Touan besâr „Grand Seigneur” ; il savent encore qu’il
y a, dans les principales villes, des Gouverneurs ou des Résidents
hollandais. Mais ils ignorent l’existence d’une Charte coloniale et, surtout,
ne comprennent rien au pouvoir des Etats-Généraux, relativement aux
colonies. Si leurs intérêts matériels sont en cause, comme par exemple
dans les dernières années, par suite de la révision des impôts, ils
sont assez récalcitrants; mais même alors, leur antipathie dépasse
rarement les autorités locales, chargées de la répartition, comme si
c’étaient celles-ci et non la loi qui leur causait ce désagrément. En
tout cas ils pouvaient se. dire qu’en Hadhramout, c’était beaucoup
pire encore, au moins pour les bourgeois.
180
Dans les démêlés dn Gouvernement hollandais avec les princes
indigènes, les Arabes du Hadhramout sont presque toujours du côté
des Européens, à moins qu’ils ne restent neutres. Dans la guerre
d’Atjeh seule, il y a eu un Arabe du Hadhramout, qui a été
longtemps le principal auteur des hostilités contre le Gouvernement
hollandais , et encore celui-ci a fini par déserter la cause de
l’insurrection (Q. Par contre, un autre Arabe a rendu dans cette
guerre de grands services politiques au Gouvernement. C’était le
Sayyid Mohammad hin Abou Bakr ’Aidîd , actuellement décédé ,
mais, pendant sa vie, chef de la colonie arabe de Batavia. En
reconnaissance des services rendus par lui, le Gouvernement lui a
accordé en 1877 le titre honorifique de Major, et deux années plus
tard, celui de Pangéran, c’est-à-dire le plus haut titre de noblesse
indigène.
L’exemple du Sayyid ’Aidîd n’est pas le seul qu’on puisse citer.
Plusieurs autres Arabes distingués ont fait preuve de loyauté envers
le Gouvernement hollandais. Les princes arabes de Siak, de Palalawan,
v
de Ponlianak et de Koubou sont restés les vassaux fidèles du
Gouvernement hollandais, depuis le moment qu’ils l’ont reconnu pour
leur suzerain (2). Le Sayyid ’Ahd ar-Rahmân hin Abou Bakr al-Qadrî,
dans l’île de Soumha, a été, depuis plus de 50 ans, le trait d’union
entre les autorités hollandaises et les chefs de cette île. Il a en outre
rendu des services importants à tous ceux qui venaient y faire le
commerce (3). Un autre membre de la même famille, le Sayyid ’Ahd
ar-Rahmân hin Hâmid al-Qadrî, reçut en 1862 du Gouvernement le
titre de Pangéran à cause des services rendus par lui dans les troubles
de Bandjarmasin. La même faveur fut accordée en 1879 au Sayyid ’Ahd
(') V. plus bas Chapitre Vil §1 1.
(J) V. Ibid.
(’) Y. Ibid.
181
Allah bin Mançour al-’Aidrous à Batavia, qui, sous le titre de maître
des cérémonies indigène, est chargé de recevoir et de conduire les
princes et chefs indigènes d’autre part. Les fonctions de chef de
la colonie arabe de Palembang sont, depuis plus d’un demi-siècle,
dans la famille du Chai/ch Abou Bakr. Deux membres de celte
famille ont été gratifiés par le Gouvernement hollandais du titre
de Pangéran et de la grande médaille d’or de mérite civique,
pour preuves de fidélité et services rendus dans les agitations
politiques dont Palembang a été plusieurs fois le théâtre (1).
Enfin, de 1820 à 1827, le Sayyid Hasan bin ’Omar al-Habchî, de
Sourabaya, a été chargé par le Gouvernement hollandais de missions
importantes auprès du roi de Siam, du Sultan de Brounai (2) et
des princes de l’île de Bali (3) et de Sourakarta. Il employait toute
l’influence dont il jouissait dans ces contrées, pour faire réussir
les projets du Gouvernement; en outre il a adressé, en 1850,
au Gouverneur-Général un rapport des plus intéressants sur la
piraterie existant alors dans l’Archipel indien et sur les moyens de
combattre ce fléau. En signe de reconnaissance, on lui avait déjà
accordé en 1822 le titre de Pangéran, avec une pension annuelle de
4800 florins.
Avant de terminer, je veux dire encore un mot sur la cause de
la mauvaise renommée politique des Arabes chez la plupart des
Européens dans l’Archipel indien. Cette cause n’est autre que l’ignorance.
Nous avons vu dans un chapitre précédent (* *) que les Arabes sont,
dans l’Archipel indien, la nation qui se tient le plus à l’écart de la
(*) Il n'y a qu'un seul Arabe qui a joué un rôle dans les dernières agitations politiques
soulevées par les descendants des anciens Sultans de Palembang. C’était un métis entièrement
assimilé aux Indigènes, et qui appartenait, par sa mère et sa grand'mère, à la famille des
dits Sultans.
(*) V. P. J. Yeth: Borneo’s Westerafdeeling (La côte occidentale de Bornéo) II, p. 186.
(3) Ibid. p. 197 et s.
(*) V. p. 130 et s,
182
société européenne. Il en résulte qu’on ne les connaît pas. Puis, tout
le monde sait que l’Islamisme proclame la conversion des infidèles
par le fer et que les Arabes sont très-attachés à leur religion;
on en conclut que ces personnes peu sympathiques ne demandent
pas mieux que de couper le cou aux Européens à la première
occasion.
On commet une seconde erreur, en comprenant sous le terme général
d’Arabes les habitants du Hadhramout, du Yémen, de la Mecque, de
l’Egypte et des bords du Golfe persique, voire même tout individu
qui porte le turban et se revêt de la djubbah. On ne pense pas que
plusieurs Turcs, Persans, etc., quoique parlant l’arabe et s’habillant
commes les vrais Arabes, n’ont pas plus de sang sémitique dans
leurs veines que les Hollandais ou les Anglais. On oublie encore
que la plupart des gens venus de la Mecque dans l’Archipel indien
n’appartiennent pas à la race arabe; ce sont des étrangers arabisés, qui
ne sont point admis dans les quartiers arabes à titre de compatriotes,
ni même de personnes respectables. Ces individus forment, en outre,
dans l’Archipel indien une si insignifiante minorité, que leurs opinions,
si tant est qu’ils en professent, non-seulement ne sauraient être
considérées comme celles des Arabes en général, mais peuvent être
régardées comme non-avenues, quand on parle des opinions ayant
cours dans les quartiers arabes. S’il y a eu quelques-uns dont le
petit commerce ne légitime point leur long voyage, et dont on peut
soupçonner par conséquent qu’ils ont un but non avouable, ce soupçon
n’a aucun trait aux Arabes proprement difs. Je ne crois pas à
propos d’entrer dans de plus amples détails sur les aspirations des
individus que j’ai ici en vue, et dont plusieurs ont été signalés à
la police, par nos agents consulaires, comme des sujets dangereux.
Toutefois, je puis assurer le lecteur que, même les individus en
question ne sont pas tous ennemis des Européens. La bohème se
183
préoccupe eu général très-peu île la politique, dans l’Extrême Orient
comme en Europe.
Pour éviter tout malentendu, j’ajoute que mon assertion que les
colonies arabes ne sont point hostiles à la domination européenne,
n’exclut point la présence de quelque panier-percé ayant d’autres
sentiments que la majorité de ses compatriotes; mais on peut être
sur que ceux-ci seront les premiers à le renier et à le dénoncer, s’il
devient dangereux.
CHAPITRE VI.
DIFFÉRENCE ENTRE LES ARABES DANS L’ARCHIPEL
INDIEN ET CEUX EN HADHRAMOUT.
Le point capital dans lequel les Arabes dans l’Archipel indien
diffèrent de leurs compatriotes restés en Hadhramout, c’est la
circonstance, déjà relevée (*), que non-seulement il n’y a pas ici des
femmes nées en Arabie, mais même pas des femmes arabes de sang
mêlé, qui ont eu leur éducation eu Hadhramout. Les seules exceptions
que j’ai pu constater à cette règle, sont les suivantes: à Chéribon
se trouve actuellement une femme née dans l’Archipel indien, il est
vrai, mais qui a passé sa jeunesse en Hadhramout; à Samarang ou m’a
raconté que, il y a une vingtaine d’années, un Arabe de cette ville avait
amené du Hadhramout une jeune esclave; à Deli cinq femmes esclaves
ont été amenés successivement de la Mecque; de même le Sultan de
Pontianak, étant en pèlerinage dans la ville sainte, y a acheté une
esclave circassienne et, de retour chez lui, en a fait son épouse.
L’esclavage étant aboli dans les possessions hollandaises, ces femmes
devenaient libres par le fait d’y avoir mis le pied.
Quant aux rares Arabes établis dans l’Archipel indien, qui ne sont
pas du Hadhramout, je n’en connais pas un seul dont les filles, une
fois de retour dans la patrie de leur père, soient revenues dans cette
partie du monde.
Les Arabes dans l’Archipel indien sont mariés, soit à des femmes
indigènes, soit à des filles de leurs compatriotes, lesquelles n’ont
jamais quitté le pays et sont, par ce fait, entièrement semblables
aux femmes indigènes, sous le rapport de la langue, de la civilisation
H V. P. 97.
185
et des moeurs. Dans quelques lieux, surtout, à ce qu’il paraît, dans
les îles de Bali et de Ternate, il y a des Arabes qui ont épousé des
filles de Chinois, ce qui est, par rapport au sujet qui nous occupe,
exactement la même chose.
Une première conséquence de ce qui précède, c’est que la langue
parlée dans les maisons des Arabes n’est pas l’arabe mais le malais,
le javanais, la langue de leur femme enfin. C’est aussi la langue qu’ils
parlent à leurs enfants. Les garçons, devenus adultes, apprennent un
peu d’arabe; les filles n’apprennent que quelques formules du Coran
et de la prière. Aussi les Arabes, pour peu qu’ils aient fait un séjour
de quelque durée dans l’Archipel indien, parlent et lisent le malais
comme une autre langue maternelle. Seulement leur prononciation
garde toujours quelque chose de particulier. Quant aux autres langues
indigènes, ils les parlent en général moins bien, quoique toujours
beaucoup mieux que ne le font la plupart des Européens. Ils ont une
grande aptitude à apprendre ces langues, bien que celles-ci diffèrent
essentiellement de l’arabe. Quant au malais, ils le parlent tous, même
si leurs femmes et leurs enfants ne comprennent, par exemple, que
le javanais. Il paraît qu’à Singapour, les Arabes de distinction tiennent
à ce que leurs filles nées de femmes indigènes apprennent l’arabe;
par conséquent cette langue se parle dans leurs maisons. De même,
le Sultan de Pontianak a de son épouse circassienne une fille, qui a
appris un peu d’arabe de sa mère; mais ce sont tous des cas
exceptionnels.
Une autre conséquence, c’est que la polygamie et la dissolution
facile du mariage, permises par la loi, mais condamnées par les moeurs
du Hadhramout, fleurissent parmi les Arabes dans l’Archipel indien
peut-être encore plus que parmi les Indigènes. Quelques Arabes m’ont
même avoué que cette facilité constitue pour plusieurs de leurs
>
compatriotes un attrait spécial vers ces contrées. Il est vrai que les
186
prescriptions de la loi, relatives à l’entretien dû aux épouses, forment
contre la polygamie un frein puissant, qui est cause qu’on ne trouve
que relativement peu d’Arabes pauvres ayant plus d’une femme
à la fois; mais ceux-ci ont, dans la dissolution unilatérale du mariage,
un moyen qui leur permet d’avoir successivement autant de femmes
qu’ils en désirent. On comprend quelle en est l’influence sur la
vie domestique et sur l’éducation des enfants. Avant de quitter ce
sujet, ajoutons que les Arabes qui possèdent plus d’une femme à
la fois, les ont rarement dans la même maison. Ceux qui ont
des affaires dans plusieurs villes ont, dans chacune, une maison
avec une femme, de sorte qu’ils sont partout chez eux. Il s’entend
toutefois que ces pied-à-terre ne peuvent excéder le nombre de
quatre.
Une dernière conséquence de l’absence de femmes arabes dans
l’Archipel indien, c’est que le ménage d’un Arabe est à peu près
semblable à celui d’un Indigène. C’est le même genre de vie peu
coûteux, les mêmes logis, les mêmes plaisirs, la même nourriture,
pour ne pas oublier le même mauvais goût, chez les notables, de
meubler la maison quasi à l’européenne. Les seuls traits caractéristiques
d’un ménage arabe, ce sont l’observance plus rigoureuse des préceptes
de la religion d’un côté, l’abstinence des jeux de hasard (!) et de
l’opium de l’autre, ces deux plaies de la société indigène. En outre,
on voit dans presque chaque maison arabe des pipes, des dattes, du
beurre préparé, de l’essence de roses et de la viande de chèvre, au
lieu qu’on ne les rencontre que par exception dans les maisons
indigènes. Enfin, les Arabes aiment beaucoup les maisons à étage et
n’ayant pas des fenêtres donnant sur la rue. (*)
(*) Sans parler des jeux en usage en Hadhrainout (V. p. 93), il y a dans l'Archipel
indien des Arabes qui jouent très-bien aux échecs, et le jeu de billard est un amusement
qui commence à être assez en vogue parmi les classes supérieures, surtout parmi les
jeunes métis. •
187
Les femmes et les filles des Arabes sont habillées comme celles
des Indigènes de la même position sociale; il n’y a que l’usage du
voile, qui les distingue. Même les hommes, surtout ceux des classes
pauvres, adoptent souvent, du moins chez eux, le costume des
Indigènes. Seulement, un Arabe qui tient encore quelque peu à son
origine ne porte jamais le mouchoir de tête remplaçant le turban
dans l’Archipel indien.
Un autre point de différence entre les Arabes en Hadhramout et
ceux dans l’Archipel indien, c’est qu’aucun Arabe ne répugne ici à
gagner sa vie par le commerce ou l’industrie, pourvu que cette
dernière ne soit pas un -travail manuel proprement dit. Aussi les
rares Arabes qui exercent une profession de cette nature, sont presque
tous des métis. Excepté ceci, tous les gagne-pain leur conviennent:
les Sayyid et les membres de tribu n’ont aucun scrupule à faire le
commerce de détail, ni même à colporter. De retour en Hadhramout,
le Sayyid reprend ses livres, le membre de tribu ses armes, comme
si de rien n’était. Quelques Sayyid, aimant mieux être ici dans le
mouvement des affaires, que de jouer le santon dans leur patrie,
restent à cause de cela dans l’Archipel indien. Il n’en est pas de
même des membres de tribu: pour la plupart, ils m’ont parlé
encore avec enthousiasme de leur vie de brigand en Hadhramout,
tout en appréciant la prospérité matérielle dont ils jouissent à l’étranger.
J’en ai connu qui ne venaient aux Indes que pour ramasser vite quelque
argent, après quoi ils retournèrent immédiatement en Hadhramout;
ils recommençaient le même procédé aussitôt que l’argent gagné était
épuisé. Au reste, il est remarquable que les habitants des montagnes
du Hadhramout et même les Sayyid deviennent, dans l’Archipel indien,
de si intrépides marins. Cela prouve une disposition innée pour la
navigation, car, pour la plupart, ce ne sont pas les Arabes d’al-Mokallâ
ou d’ach-Chihr, c’est-à-dire des bords de la mer, qu’on voit conduire
188
des navires dans l’Archipel indien, mais au contraire, des personnes
qui, avant d’émigrer, loin d’avoir gouverné un bateau, n’en avaient
jamais vu même. En outre le goût des voyages devient un Irait
caractéristique de beaucoup d’Arabes du Hadhramout, dès qu’ils ont
quitté leur pays natal.
Une troisième différence, c’est le costume. Plusieurs Arabes notables
s’avisent de porter, au lieu de la foutah, un pantalon à l’européenne,
avec des bas et des souliers; dans les derniers temps, j’ai remarqué
même que quelques-uns d’entre eux, à Batavia, ont adopté le costume
des Turcs modernes, c’est-à-dire le bonnet rouge avec la redingote et
le pantalon noirs. Ceci toutefois reste exception; mais il y a d’autres
déviations plus générales et partant plus importantes. La différence
dans le costume des Sayyid et des bourgeois, d’un côté, et des membres
de tribu, de l’autre, disparait entièrement dans l’Archipel indien. La
plupart de ces derniers changent leur habillement, soit avant de quitter
leur patrie, soit à Singapour. A Batavia, aucun d’eux ne pourrait se
montrer dans son costume national, sans être importuné dans la
rue par les enfants, tellement il est hors d’usage. Le costume des
Sayyid et des bourgeois a encore subi quelques modifications: ils
portent ordinairement, sous la djubbah, une chemise blanche (qamiç),
descendant jusqu’aux chevilles des pieds; sous celte chemise, plusieurs
remplacent la foutah par un sirwâl ou caleçon. La djubbah n’est
point boutonnée; souvent, surtout dans les grandes occasions, on
porte encore sous la djubbah un badan ou gilet. La djubbah, aussi
bien que la çodairiah, se porte, dans l’Archipel indien, indistinctement
par tout le monde; seulement la première passe pour plus babillé
et plus convenable aux personnes avancées en âge. Quelques-uns
remplacent même la çodairiah par le badan, chose qui cependant
n’est pas convenable. La mafrîah est entièrement hors d’usage, du
moins lorsqu’on se montre en public. On ne voit non plus porter le
189
râdî, à moins qu’on ne veuille appeler tel le mouchoir (româl), que
quelques-uns portent sur l’épaule, et auquel ils attachent leurs clefs.
Enfin, tous les Arabes portent dans l’Archipel indien le turban, et
en négligé la koufiah. La tête est toujours rasée. Quand un membre
de tribu a l’intention de se repatrier, alors seulement il laisse pousser
ses cheveux.
Un quatrième point de différence c’est que, par la force des choses,
il existe dans l’Archipel indien de toutes autres relations entre les
di lier eu tes parties de la société arabe qu’en Hadhramout. Les membres
de tribu y deviennent en général moins rudes et plus religieux, au
lieu que le prestige des Sayyid y diminue notablement. Il s’entend
que la qualité de Sayyid ajoute toujours à la considération d’un
individu, s’il est reconnu homme de bien, savant, ou riche; mais si
quelqu’un n’a pas d’autre titre à la considération de ses compatriotes
que le fait d’être Sayyid, il n’en tirera pas grand avantage. On lui
X
traitera avec les égards auxquels il a droit, par exemple on lui baisera
la main; dès qu’il entre dans une réunion, on se lèvera et on lui
offrira la place d’honneur. Aucun Arabe n’étant pas Sayyid, n’osera
prétendre à la main de sa fille; mais personne ne s’imposera un sacrifice
quelque peu considérable pour le descendant de la fille du Prophète,
et jamais je n’ai remarqué que les Sayyid dominaient l’opinion publique
dans les colonies. Aussi plusieurs d’eux se sont plaints auprès de
moi que les Arabes de basse extraction oublient ce qui est dù aux
personnes de qualité. Pour bien juger de cette situation, n’oublions
pas qu’en général les Sayyid dans l’Archipel indien n’ont pas la retenue
de leurs confrères en Hadhramout. Ils font le commerce, se livrent à
l’usure et souvent s’oublient jusqu’à prendre part à la danse comme
un homme ordinaire. Dans le chapitre suivant, nous allons parler de
Sayyid allant à la guerre et même se livrant à la piraterie. Notons
encore en passant que dans l’Archipel indien* exception faite d’Atjeh,
190
le titre (le Habib est très-peu usité; on se sert de préférence du
mot Sayyid. A Pekalongan, à Samarang, à Pontiauak, à Koubou, à
Siak et quelquefois aussi autre part, les Sayyid nés dans l’Archipel
indien, surtout s’ils ont perdu leur caractère arabe, changent leur
titre contre celui de Charîf (*), comme s’ils étaient descendants
d’al-Hasan (2).
Quant aux bourgeois, ils deviennent dans l’Archipel indien beaucoup
plus indépendants que dans leur patrie, où ils vivent, non-seulement
dans le respect superstitieux des Sayyid, mais encore dans la crainte
très-positive des tribus. Tel individu de basse extraction devient même
chef d’une colonie. Du reste, tous les Arabes qui ne sont pas Sayyid
se font appeler, dans l’Archipel indien, Chaikh , titre qui, nous l’avons
vu, n’appartient qu'aux savants et à quelques familles ou tribus (3).
Les inimitiés entre les tribus du Hadhramout n’ont guère d’influence
sur les relations entre les membres de ces tribus dans l’Archipel
indien. L’année dernière, entre autres, deux Arabes à Batavia se sont
associés, malgré les hostilités qui avaient éclaté entre leurs tribus
respectives. En pareil cas, ou se dira peut-être quelques injures, on
se taquinera, on fera une épigramme; mais rarement on ira plus
loin. Par contre, les inimitiés entre les Arabes dans l’Archipel indien
ont souvent leur contre-coup en Hadhramout. Un homicide commis à
Batavia sur un membre d’une tribu entraînerait, en Hadhramout, la
mort d’un membre de la tribu ou de la famille du coupable. Je sais
même qu’un membre d’une tribu a tiré, d’une embuscade, un coup
de fusil mortel sur un bourgeois, parce (pie le frère de celui-ci avait
fait exécuter une prise de corps contre un autre membre de la même
tribu. Si le créancier avait lui-même appartenu à une tribu puissante,
(‘) Prononcé par eux à la façon de? Javanais et des Malais: Sarijt.
(’) V. plus haut p. 32.
(3) Y. plus haut p. 40 et 4t.
191
i ,
l’assassinat n’aurait probablement pas eu lieu, par la crainte d’exciter
une longue vendetta, et parce qu’en définitive, il n’y avait pas eu de
sang versé par le créancier. Dans le cas toutefois, il ne s’agissait
que d’une famille bourgeoise, hors d’état de venger l’assassinat. Celte
histoire peut servir de commentaire à ce que j’ai dit plus haut (*),
relativement à la position des bourgeois vis-à-vis des tribus en
Hadhramout.
(M V. p. 34 et 40.
CHAPITRE VII.
INFLUENCE SUR LA POPULATION INDIGÈNE.
§ 1.
INFLUENCE POLITIQUE.
J’ai démontré plus haut (x) que c’est une erreur d’attribuer aux
Arabes eu général des dispositions hostiles à la domination des Européens;
mais ils n’en ont pas moins eu, dans l’Archipel indien, une grande
influence sur les destinées de la population indigène. L’histoire
de Java nous apprend que, dans le 15ièm' siècle de notre ère, des
Arabes ou des descendants d’Arabes fondèrent plusieurs petites
principautés, le long de la côte septentrionale de cette île, et
finirent par faire écrouler le puissant empire hindou de Modjopahit.
L’histoire de la chute de cet empire nous offre le spectacle étrange,
que les Arabes n’avaient qu’à se présenter au milieu d’un peuple
payen pour devenir gouverneurs de province et pour épouser les
filles des rois ou de la haute aristocratie (2). On a prétendu
souvent que l’influence des Arabes sur les princes indigènes dans
l’Archipel indien est due à leur qualité de compatriotes, sinon de
descendants du fondateur de l’Islamisme. Je crois que cette
explication n’est pas soutenable devant les faits. Supposé qu’on
put expliquer de cette façon leur influence actuelle , comment
attribuer à la même cause leurs succès dans un empire payen,
basé même sur la distinction des castes, comme l’était celui de
Modjopahit (3). (*)
(*) v. P. 175.
(’) V. Veth: Java II, p. 187 et s.
(3) Dans le Livre des Merveilles de l'Inde, cité plus haut p. 104 noie 1, on rencontre
aux pages 154 et 155 un récit, qui prouve encore que les princes payens de Java avaient
une espèce de déférence pour les musulmans et pour les Arabes en particulier.
1Ô3
Si l’on n’a pas assez de confiance dans cette partie de l’histoire
javanaise, comme reposant uniquement sur des chroniques indigènes,
je renvoie le lecteur à des phénomènes analogues qui ont eu lieu
dans notre époque. J’ai parlé (x) des ambassades du Sayyid Hasan
bin ’Omar al-Habchî, dans les années 1820 — 1827, et j’ai mentionné
que le Gouvernement hollandais a tiré beaucoup de profit de l’influence
de cet Arabe sur les princes indigènes. Eli bien! les commissions les
plus importantes dont il a été chargé, étaient précisément auprès des
princes payens de l’île de Bali et du roi de Siam. Un exemple non moins
frappant, c’est la carrière d’un métis arabe de Sourabaya, ’Abd Allah
bin ’Abd ar-Rahim al-Kâdirî (2), qui s’établit, il y a environ 20 ans,
à Ampanan dans l’ile de Lombok, dans un but purement commercial. Il
/
avait déjà beaucoup voyagé et avait, entre autres, séjourné quelque temps
à la Mecque. Le prince de Lombok, professant encore, comme les princes
de l’île de Bali, la religion hindoue, se servit de lui d’abord comme
secrétaire, pour sa correspondance en malais ; mais bientôt, s’insinuant
dans la faveur de ce vassàl du Gouvernement hollandais, le secrétaire
devint son vizir et l’homme le plus influent de l’île. Même les membres
de la famille du prince redoutent actuellement sa puissance. Il obtint,
entre autres, le droit de passer devant les temples payens sans
descendre de cheval, privilège exorbitant dans ce pays-là. A l’heure
qu’il est, le prince ne prend aucune mesure de quelque importance
sans le consulter, et ce sont spécialement les rapports avec les
autorités hollandaises qu’il dirige. Il n’a cessé d’entretenir des relations
assez intimes avec la Mecque. Les étrangers venant de cette ville
trouvent toujours un bon accueil chez lui ; mais il s’efforce de
contrarier de toutes façons les Arabes du Hadhramout. Ceux-ci * (*)
U) V. p. 181.
(*) Ne pas confondre ce nom avec celui de la famille d’al-Qadri du Hadhramout. Le
père de ’Abd Allah était natif de Mossoul. C’est pourquoi on lui donne aussi le nom de
famille d’al-Mouçalî.
13
194
le lui rendent en cherchant à débiter sur son compte des récits
malveillants.
En troisième lieu citons, en exemple de ce qu’un Arabe peut faire
auprès d’indigènes payens, l’établissement du Sayyid ’Abd ar-Rahmân
bin Abou Bakr al-Qadrî dans l’île de Soumba. Le dit Sayyid, appartenant
à la famille des Sultans de Pontianak, fut banni de cette principauté
en 1829, à cause d’un homicide commis par lui. Le Gouvernement
hollandais le relégua à Batavia. En 1856, il entra au service des
douanes hollandaises et fut placé à Koupang, dans l’île de Timor.
Trois années plus tard, il accompagna le Résident de Timor dans un
voyage dans l’ile de Flores. Il paraît que cette île lui avait plu; du
moins l’année suivante il donna sa démission, s’établit comme marchand
à Endeh, un des ports de l’île, et y épousa la fille d’un des chefs.
En 1845, il s’établit avec sa famille dans la haie de Nangamessi,
dans l’île de Soumba. Il y fonda un village, dont il devint naturellement
le chef. Dans peu de temps il jouit d’une inllnence énorme auprès
de tous les chefs de l’île. Ceux-ci le prirent plusieurs fois pour
arbitre dans leur différents, et, durant de longues années, il fut le
trait d’union entre eux et les autorités hollandaises. En 1877, ayant
eu quelques désagréments, il demanda lui-même de quitter Soumba
et de retourner tà Pontianak; mais il mourut à Koupang, avant d’avoir
pu partir pour sa ville natale. A son départ de l’île de Soumba,
presque tous les autres chefs l’escortèrent jusqu’au lieu d’embarquement
avec des signes du plus profond respect.
Quand on voit de tels succès politiques s’accomplir de nos jours, le
rôle que les Arabes ont joué, au dire des chroniques javanaises,
auprès des princes hindous n’a plus rien d’incroyable. En tout cas,
on doit en conclure que l’influence politique des Arabes ne saurait
être exclusivement attribuée à des causes ayant rapport à la religion.
Pour ma part, je crois plutôt devoir l’attribuer à leur finesse, à leur
195
habileté à exploiter les côtés faibles du caractère indigène et à
leur flux de bouche, pour ne pas dire à leurs fanfaronnades. Je me
tromperais fort sur le caractère des princes indigènes, ou ce sont là
les véritables éléments du succès des Arabes auprès d’eux, dans le
passé comme aujourd’hui (*).
Les chroniques javanaises nous ont conservé les noms et les
généalogies des Arabes qui, au lbième siècle, ont le plus contribué à
la chute de la puissance des Hindous. Ces généalogies, quoique en
partie légendaires, font ressortir cependant que les Arabes en question
prétendaient être des Sayyid, mais d’une autre lignée que ceux du
Hadhramout (2), ou qu’ils furent du moins crus tels par les Javanais. Un
seul d’entre eux a dù appartenir à la famille des ’Abbâsides. Pour
peu qu’on puisse se fier aux noms des localités d’où tous ces Arabes
tiraient leur origine, selon les chroniques javanaises, il en résulte
encore qu’ils venaient des bords de la Mer rouge et du Golfe persique,
mais non du Hadhramout.
Je vais donner à la fin de mon ouvrage l’arbre généalogique des
principaux personnages d’origine arabe qui ont joué un rôle dans la
chute de la puissance des Hindous. Ils portent chez les Javanais
modernes les litres de Wnlî, Mawlânâ, Kiahi Ageng ou Sousouhounan.
J’ai puisé cet arbre généalogique dans un manuscrit inédit, appartenant
à la Société des Arts et des Sciences de Batavia, manuscrit qui contient
les généalogies des princes et chefs javanais actuels. L’auteur en est
un savant javanais, Raclen Ngabehi Ronggo Warsito. Il a composé
les généalogies d’après les anciennes chroniques javanaises, sous le
(*) Comme un signe Je l’influence arabe dans l'Archipel indien, même sur les esprits
des infidèles, on peut encore citer le fait que les tombeaux de leurs saints y sont vénérés
presque autant par les payens, p. e. par les Chinois, que par les musulmans. Même on
trouve des métis européens qui sont enclins à subir l'influence de la réputation de ces
lieux sacrés.
O V. p. 5t.
196
contrôle et d’après les instructions de feu Cohen Stuart , érudit
très-versé dans l’ancienne littérature javanaise. Par conséquent, ces
généalogies offrent toutes les garanties d’être composées avec la
précision que la nature du travail admettait.
Ce que sont devenus les descendants des anciens princes et chefs
arabes de Java, nous allons le voir dans le chapitre suivant. Il suffit
de relever ici qu’aucun d’eux n’a fondé une dynastie qui ait conservé
le caractère de leur nationalité. La plupart de leurs petites principautés
furent absorbées par l’empire de Mataram, fondé, dans la seconde
moitié du I6ième siècle, dans l’intérieur de Java. Les principautés de
Chéribon et de Bantam seules sont restées indépendantes de cet
empire et ont pu continuer leur existence jusqu’à leur annexation
au territoire hollandais; mais dès la première génération, les
descendants des Arabes qui avaient fondé ces deux principautés, ne
ne se distinguaient déjà plus des autres princes indigènes. L’histoire
de toutes ces principautés n’appartient donc pas au sujet qui nous
occupe.
Depuis le loième siècle, les Arabes n’ont pliis exercé sur les destinées
des Javanais une influence politique comparable au grand bouleversement
occasionné par la chute de l’empire de Modjopahit. Cela n’a pas empêché
les princes de Bantam d’entretenir toujours des rapports avec la Mecque.
C’est de cette ville qu’en 1638 le titre de sultan leur fut conféré, de
même qu’aux princes de Mataram en 1632 (*). Quant aux Arabes du
Hadhramout, ils n’ont jamais réussi à prendre pied, ni auprès des
Sultans de Bantam, ni auprès ceux de Mataram. Ils se sont établis de
préférence dans les parties de l’île de Java soumises d’abord à la
Compagnie des Indes, plus tard au Gouvernement hollandais. Actuellement,
il y a à Djokyakarta une famille originaire du Hadhramout, occupant
(*) V. Velh: Java 11, p. 330, 33-1.
197
une haute position auprès du Sultan ; mais celte famille a perdu
entièrement son caractère national pour devenir javanaise (1).
Dans les états malais, à l’exception d’Atjeh, l’influence politique des
Arabes ne date que du siècle précédent. Elle diffère essentiellement
de l’influence arabe dans l’île de Java au lS'ème siècle, en ceci qu’elle
n’avait pas pour objet la chute de principautés payennes, qu’elle
était exercée en premier lieu par des Arabes du Hadhramout et
qu’elle a continué jusqu’à nos jours.
• Nous commencerons par l’île de Sumatra. Un membre de la famille
d’as-Saqqàf s’établit à Siak, vers le milieu du siècle précédent (2),
épousa la soeur consanguine du Sultan et, en 1782, fut chargé par
celui-ci d’un ambassade auprès des autorités hollandaises à Malacca.
De même, un membre de la famille de bin Cbihâb (3), ’Uthmân, avait *
épousé la fille d’un Sultan précédent de Siak, et son fils Sayyid ’Alî
bin ’Uthmân bin Chihâb finit par détrôner la dynastie régnante et se
faire Sultan de Siak, dans les dernières années du dix-huitième siècle.
Ses descendants y régnent encore sous la suzeraineté du Gouvernement
hollandais (4). Un frère du Sayyid ’Alî, le Sayyid ’Abd ar-Rahmân
bin ’Uthmân bin Cbihâb devint chef de Palalawan ou Kampar. C’était
(*) V. le chapitre suivant.
(2) V. E. Netscher: De Nederlanders in Djohor en Siak (Les Hollandais au Djohor et dans
le pays de Siak) Tome XXXV (1870) des Publications de la Société des Arts et des
Sciences de Batavia p. 137 et s. et la monographie de M. H. A. Hymans d’Anrooy dans le
Tome XXX (1885) de la Revue de Philologie et d’Ethnologie, publiée par la même Société.
(3) Ibid.
(4) Les Sultans Arabes de Siak sont-.
’Ali bin ’Uthmân bin Chibâb, surnommé ’Abd al-Djalil Saif ad-din, 1791 — 1811. En 1811
il abdiqua, mais il mourut 10 ans plus tard.
Ibrahim bin ’Alî bin Cbihâb, surnommé ’Abd al-Djalil Khalil ad-din, 1811 — 1827, destitué
à cause de faiblesse d'esprit.
Isma’il bin Mohammad bin Chihâb, surnommé ’Abd al-Djalil Saif al-’Alam, 1827 — 1864.
Son père Mohammad était cousin germain du précédent. Il fut également destitué à cause de
faiblesse d'esprit.
Qàsim bin Mohammad bin Cbihâb, surnommé ’Abd al-Djalil Saif ad-din, frère du précédent,
le Sultan actuel.
198
d’abord une dépendance des Sultans de Siak; mais en 1811, le pays
fut cédé à ’Abd ar-Rahmân, comme une principauté héréditaire n’ayant
avec le Siak que des rapports d’amitié. Les princes de Palalawan
portent le titre malais de Tongkou Besâr, c’est-à-dire ,. Grand Seigneur”,
et reconnaissent la suzeraineté du Gouvernement hollandais (*). Il y
a dans le pays de Siak, outre les chefs appartenant à la famille du
Sultan, encore un autre chef arabe. C’est le Bandahara de Palapahan,
Sayyid Mohammad bin ’Alouî al-Djufrî. Son père était un Arabe
né en Hadhramout, mais lui-même est métis. Depuis longtemps les
Sultans de Djarnbi sont liés par des mariages réciproques à des
métis arabes, qui ont, par là même, exercé une grande influence
sur les destinées du pays. Actuellement encore un des principaux
chefs de Djarnbi, c’est le Pangèran Wira Kousouma, issu de la famille
d’al-Djufrî et gendre du Sultan précédent.
Dans l’ancienne principauté d’Atjeh, l’influence arabe sur la politique
a été très-grande depuis des siècles; mais si peu que nous puissions
retracer l’histoire intérieure du pays (2), il est évident que l’influence
venait plutôt de la Mecque que du Hadhramout. S’il est vrai qu’il y
ait en Atjeh plusieurs descendants d’Arahes du Hadhramout , et
qu’actuellement quelques-uns d’entre eux y soient devenus de petits
chefs, il est remarquable qu’on ne rencontre dans l’histoire du pays
aucun personnage important dont le nom dénote une origine de cette
partie de l’Arabie, avant l’apparition du Sayyid ’Abd ar-Rahmân bin
(*) Les Seigneurs arabes de Palalawan sont:
'Abd ar-Rahmân bin 'Uthmân bin Chihib 1811 — 1821.
Hàchim bin 'Abd ar-Rahmân bin Chihâb 1821 — 1828.
Isma'il bin 'Abd ar-Rahmân bin Cbihâb 1828 — 1844, frère du précédent.
Hàmid bin 'Abd ar-Rahmân bin Chihâb 1844 — 1866, frère du précédent.
Dja’far bin ‘Abd ar-Rahmân bin Chihâb 1866 — 1873, frère du précédent.
Abon Bakr bin ’Abd ar-Rahmân bin Chihâb, frère du précédent et prince actuel. U est
le dernier survivant des fils du fondateur de la principauté.
(*) V. Veth: Atchin en zijne betrekkingen lot Nedcrland (Atjeh et scs rapports avec
les Pays-Bas) passim.
190
Mohammad as-Zâhir, c’est-à-dire avant les évènements qui ont amené
la conquête d’Atjeh par les Hollandais (* *). Je veux citer quelques
traits de la vie de cet aventurier, pour faire ressortir à quoi un
Arabe sans argent et sans connaissances spéciales peut parvenir chez
les habitants de l’Archipel indien. Né en Hadhramout, en 1852,
son père l’emmena dans sa première enfance au Malabar. Il étudia
à Calicout (2) et visita, en 1848 et les années suivantes, l’ile de
Ceylan, Mokhâ et la Mecque. De retour au Malabar, il réussit à
s’insinuer dans les bonnes grâces du prince de Haiderabâd (3), qui
lui conféra, à son dire, le grade de Djama’dâr ou colonel. Malgré cet
avancement rapide, il quitta bientôt le service militaire et s’établit à
Calcutta, où il se fit orfèvre (4). Plus tard, s’étant mis à voyager, il
parcourut l’Italie, l’Allemagne et la France, visita Constantinople,
revint dans l’Inde anglaise et finit par entrer au service du Maharadja
de Djohor dans la presqu’île de Malacca (s). Après deux ou trois ans
de séjour auprès du Maharadja, il le quitta en 1864, pour se rendre
en Atjeh, muni de ses lettres de recommandation; mais il n’en avait
pas besoin. Car, après deux ou trois entrevues avec les savants indigènes
dans la grande mosquée de la capitale, il étonna ceux-ci tellement
par son érudition en matière de droit et de théologie, qu’ils le
reconnurent pour leur supérieur et obéirent aveuglément à ses
ordres. Dans quelques mois, il était devenu l’homme le plus influent
du pays. Il fut nommé grand juge et finit par s’imposer au Sultan
comme vizir. Cependant, soit, comme il le raconte, qu’il fût las des
(*) Une biographie du Sayyid, écrite d’après ses propres renseignements, a paru dans
la revue intitulée „De Indische Gids” 2ième année (1880), Tome II, page 1008 et s.
(*) Suivant la biographie citée dans la note précédente, il prétend avoir étudié aussi en
Egypte, depuis 1837 jusqu'en 1842; mais, eu égard à son âge, ceci est manifestement
un mal-entendu de la part de son interlocuteur.
(з) V. plus haut p. 36.
(и) Il prétend avoir gagné dans ce métier des sommes incroyables.
(5) Il parait que ce prince indigène est très-accessible aux Arabes, même de bas
étage.
200
I roubles intérieurs en Atjeh, soit qu’il cherchât à renouer les liens
qui avaient existé, depuis des siècles, entre ce pays et l’empire
ottoman, il quitta Atjeh en 1870, se rendit à Constantinople et de
là à la Mecque. Dans cette première ville, on lui accorda la croix
de l’ordre appelé al-’Uthmâniah. Pendant son séjour à la Mecque
en 1875, la guerre fut déclarée au Sultan et aux autres chefs d’Àtjeh
par le Gouvernement hollandais, ce qui devint un motif pour les
Atjinois de faire un nouvel appel aux services de notre héros. Ils le
choisirent pour leur ambassadeur auprès de la Sublime Porte et
de la République française, dans l’espoir d’obtenir une intervention
diplomatique, sinon armée, en faveur de l’indépendance de leur* pays.
II s’entend que cet espoir fut bien vite déçu. Deux années plus tard,
’Abd ar-Rahmân était de nouveau à Poulou Pinang, y déjoua la
vigilance des autorités anglaises et s’embarqua pour Atjeh, où il prit
le commandement des bandes qui, après l’établissement du pouvoir
hollandais, continuaient une guerre de guérilla. Enfin en 1878, voyant
la cause de l’indépendance d’Atjeh sans avenir, il offrit aux autorités
hollandaises de la déserter moyennant une pension viagère de 50000 fl,
Cette offre fut acceptée et depuis lors il demeure à la Mecque. D’après
la plupart de ceux qui le connaissent, il fait l’effet d’un énorme
fanfaron ; mais ceci a été précisément la cause de ses succès auprès des
Indigènes. Il a cependant un telle idée de son importance, qu’il nourrit
toujours l’espoir que le Gouvernement hollandais le rappellera, d’un
moment à l’autre, à Batavia pour lui confier des charges importantes.
Même il s’est avisé d’offrir au Gouvernement hollandais de l’assister,
dans les affaires d’Atjeh, de ses lumières et de ses bons conseils.
Dans le pays d’Edi, formant autrefois une dépendance d’Atjcb, mais
dont le prince est actuellement vassal direct du Gouvernement hollandais,
il y a quatre Arabes nés en Hadhramoul, tous Sayyid, qui sont
devenus chefs indigènes. Je ne sais, s’ils occupent leurs fonctions
201
depuis longtemps, ni comment ils y sont parvenus; mais en tout cas,
ce ne sont pas des affiliés du Sayyid ’Abd ar-Rahmân.
Dans Tile de Bornéo, le Gouvernement, hollandais a encore, de nos
jours, deux vassaux arabes: le Sultan de Pontianak et le Seigneur
de Koubou. En 1735, le Sayyid Hosain bin Ahmad al-Qadrî arriva
du Hadhramout à Matan, où non-seulement on ne tarda pas à le
considérer comme autorité suprême en matière de théologie et de
droit, mais où il devint encore le favori du Sultan. Las de vivre à
Matan, il s’établit plus tard à Mampawa, pour y jouer le même
rôle avec un succès encore plus éclatant, le prince de Mampawa
lui confiant bientôt l’administration de son pays. Le Sayyid ’Abd
ar-Rahmân, fils du Sayyid Hosain et d’une esclave appartenant à la
population payenne de Bornéo, choisit pour sa carrière la piraterie,
ce qui ne l’empêcha pas d’obtenir la main de la soeur du Sultan de
Bandjermassin, dès qu’il s’était montré dans ce dernier pays. Après
beaucoup d’aventures, dont la plupart n’étaient guère à son honneur,
il s’établit en 1771, avec une foule de gens de mauvais aloi, dans
l’endroit où la rivière de Landak se jette dans le Kapouas et y
fonda la ville de Pontianak. Par la protection accordée au commerce,
cette ville devint en peu d’années le port le plus important de la
côte (1). Ses descendants y régnent encore et ont toujours fait preuve
de loyauté (2). En 1787, le Sayyid Qâsim, fils du Sayyid ’Abd
ar-Rahmân , lut même placé par les Hollandais sur le trône de
Mampawa, devenu vacant par la défection du prince malais; mais
lorsque, en 1808, le Sayyid Qâsim succéda à son père comme Sultan * (*)
(“) Quoique le Sayyid 'Abd ar-Rahmân biu Hosain al-Qadrî, fût un personnage peu
édifiant, son tombeau, situé à Batou Layang près de Pontianak, n'en est pas moins
un objet de pèlerinage fréquent de la part de toute la population , y compris les
Chinois et les Dayak payens. Il en est de même du tombeau de son père près de
Mampawa.
(*) V. Vcth: Borneo's Westerafdceling (La partie occidentale de Bornéo) I, p. 249 et s.
202
de Pontianak, l’ancienne dynastie de Mampawa fut rétablie dans ses
droits (1).
Quelques années avant la fondation de Pontianak, un autre Arabe,
le Saijyid ’Aidrous biu ’Abd ar-Rahmàn al-’Aidrous, avait réuni autour
de lui un grand nombre d’aventuriers. Après s’être établi avec eux
sur les rives de la Terentang (2), il y fonda la ville de Koubou.
Il avait pour épouse la soeur du fondateur de Pontianak. Dans le
commencement, la ville de Koubou fut très-florissante, mais peu à
peu elle est descendue au rang d’un pauvre village; tandis que
Pontianak a vu le nombre de ses habitants s’augmenter sans cesse.
Les princes de Koubou, portant le titre malais de Touan, c’est-à-dire
„Seigneur” (3), se sont avoués, en 1825, vassaux directs du Gouvernement
hollandais. Celui-ci n’a jamais eu à se plaindre de leur conduite, ce
qui mérite d’être relevé, eu égard à la circonstance qu’avant 1823
Koubou était un véritable nid de pirates (4).
Dans plusieurs états indigènes de la côte méridionale et orientale de
Pile de Bornéo, des Arabes, métis il est vrai, occupent des fonctions
importantes et sont liés par des liens de famille avec les princes.
A Tidore, dans les Moluques, un membre de la famille d’as-Saqqâf
(') Ibid. I, p. 277 et 375. Je donne ici les noms des Sultans arabes de Pontianak :
'Abd ar-Rahmàn biu Hosain al-Qadri 1771 — 1808.
Qâsim bin ’Abd ar-Rahmàn al-Qadri 1808 — 1819.
’Uthmân bin 'Abd ar-Rahmàn al-Qadri, frère du précédent, 1819 — 1855. 11 abdiqua
en 1855 et mourut en 1860.
Hàmid bin 'Uthmàn al-Qadri 1855 — 1872.
Iousuf bin Hàmid al-Qâdri, le Sultan actuel.
(J) Une branche du fleuve Kapouas.
(3) V. Veth: Op. cit. II, p. 163.
(‘J Ibid II, pag. 212. Les noms des Seigneurs arabes de Koubou sont:
'Aidrous bin 'Abd ar-Rahmàn al-'Aidrous, mort en 1795.
Mohammad bin ’Aidrous al-'Aidrous 1795 — 1829.
’Abd ar-Rahmàn bin Mohammad al-’Aidrous 1829 — 1841.
Isma'il bin 'Abd ar-Rahmàn al-’Aidrous 1841 — 1863.
Hasan bin 'Abd ar-Rahmàn al-’Aidrous, le Seigneur actuel. Il succéda à son frère, parce que
le fils de celui-ci était allé chercher sa fortune à Serawak, où il mourut, en 1866, avant
d’avoir pu retourner à Koubou pour prendre possession de son pays.
205
a organisé, il y a un demi-siècle, la petite année du Sultan. Les
ordres se donnent, encore de nos jours, dans cette armée en arabe.
Dans le Chapitre V ('), j’ai déjà parlé de l’influence politique exercée
par des Arabes comme agents du Gouvernement hollandais, et dans
ce chapitre même, du rôle qu’ils ont joué dans les îles de Lombok
et de Soumba.
Je me suis borné dans ce qui précède à relever le rôle politique
des Arabes dans l’Archipel indien, en tant qu’il s’est manifesté par
des faits historiques. Quant à l’influence politique exercée par eux
en secret, au moyen de conseils aux princes indigènes et de discours
privés, je crois pouvoir renvoyer le lecteur au Chapitre V, où j’ai
exposé les sentiments des Arabes envers les gouvernements européens.
Il n’y a aucune raison de supposer que les Arabes du Hadhramout
tâchent de propager parmi les Indigènes des idées contraires à ces
sentiments et, qui est plus, à leurs intérêts matériels. Quant aux
Arabes non-originaires du Hadhramout, dans les rares cas qu’ils
s’établissent dans l’Archipel indien, ils s’absorbent bientôt dans la
masse de ceux du Hadhramout et subissent l’influence des opinions
de ces derniers. Leurs intérêts étant devenus les mêmes, il n’y
a plus lieu de voir en eux un ferment hostile. Les Arabes qui
ne s’établissent point dans l’Archipel indien n’ont aucun intérêt au
maintien de l’ordre, mais, comme j’ai déjà relevé plus haut (2), en
tant qu’ils appartiennent à la bohème, on n’a pas besoin de se
préoccuper de leur influence politique, attendu qu’ils n’ont pas de si
hautes aspirations. Il n’y a que les Arabes de la Mecque qu’il est
bon de surveiller. Il résulte de plusieurs rapports, laits au Gouvernement
hollandais par les autorités locales, que ce sont ces individus mêmes
qui colportent toutes sortes de fausses nouvelles et dénigrent les (*)
(*) V. p. 180 et s.
j1) V. p. 182 et s.
204
puissances chrétiennes. Par contre, ils donnent, par leurs discours,
une idée tout à fait exagérée de la force et de la richesse de la
Porte ottomane, des victoires du Mahdî, etc. Sous prétexte de faire
de la propagande pour le Pan-Islamisme, ils parviennent à escamoter
de l’argent aux Indigènes, qui, croyant servir une bonne cause,
deviennent dupes de leur crédulité et de leur ignorance de l’état
politique du monde. Malheureusement, il paraît que plusieurs princes
et chefs indigènes croient être bien renseignés de la sorte; c’est
pourquoi ils donnent volontiers l’hospitalité à ces étrangers et font
tout leur possible pour cacher, devant les autorités hollandaises, le
but de leur arrivée. Si ceux-ci se font passer pour des personnages
d’importance à la Mecque, leur prestige en croît d’autant. J’en ai
connu un, ayant exercé dans cette ville l’humble métier de porteur
d’eau, mais se faisant passer dans l’Archipel indien pour Charif et
savant, en conséquence de quoi on le traitait avec les plus grands
égards. Il va sans dire qu’il évitait les colonies arabes.
Les renseignements fournis par les Arabes de la Mecque, s’ils
n’excitent pas directement à la rébellion, n’en sont pas moins peu
recommandables. De retour à leur ville, plusieurs de ces Arabes restent
les correspondants de princes où de chefs indigènes et continuent, de
cette façon, à fournir des renseignements politiques à ceux-ci.
§ 2.
INFLUENCE ÉCONOMIQUE, SOCIALE ET RELIGIEUSE.
Il n’y a pas de sujet sur lequel les opinions des autorités locales
sont tant partagées que sur l’influence économique des Arabes sur la
population indigène. Quant à leur influence économique sur les
Européens et les Chinois, tous sont d’accord qu’elle est si minime
qu’on ne peut la qualifier de bonne, ni de mauvaise. Le nombre
relativement petit des Arabes et leurs capitaux restreints les tiennent
iO&
presque partout dans une infériorité marquée envers ces deux
nationalités. Quant à leur influence économique sur les Indigènes,
la divergence des opinions s’explique par la nature des moyens de
subsistance (1). Certes, l’usure des Arabes est un élément pernicieux
dans les localités où les Indigènes pourraient emprunter à meilleur
marché et ailleurs que chez les Arabes, mais où ceux-ci attirent la
clientèle par des facilités apparentes. Par contre, dans les localités
où l’Indigène ne peut trouver de crédit, si ce n’est chez eux, leurs
conditions, quelque onéreuses qu’elles soient, constituent encore un
bienfait réel. Enfin, dans les localités où les autres usuriers sont de
la même espèce que les usuriers arabes, l’influence pernicieuse de
ceux-ci, tout en existant, ne saute pas aux yeux comme un trait
spécial de leur nationalité. Il me reste à ajouter que les localités de
la dernière categorie sont les plus nombreuses et celles de la première
excessivement rares. J’ai décrit plus haut l’usure arabe (2), et je
crois qu’il suffit de savoir ce qu’elle est pour la condamner. Ceci
toutefois n’empêche pas que, dans des cas exceptionnels, les usuriers
arabes ne puissent faire du bien. Je connais des gens qui, ne trouvant
plus de crédit que chez quelque Arabe, ont été sauvés de la faillite,
par un secours temporaire, malgré la dureté des conditions. D’autres
n’auraient jamais pu commencer leurs affaires sans un usurier arabe
qui leur lit crédit. Cependant, prise en son entier, je considère
l’usure arabe comme un fléau, surtout pour un peuple insouciant et
toujours prêt à escompter l’avenir, comme le sont les Indigènes dans
l’Archipel indien. La seule circonstance atténuante que je puisse
alléguer en faveur des Arabes, c’est que les usuriers chinois sont,
à leur manière, tout aussi fins dans leurs tentatives d’exploiter la
faiblesse du caractère indigène et qu’ils font encore beaucoup plus (*)
(*) V. p. 134 et s.
O V. p. 136 et s.
206
de victimes, par leur plus grand nombre et leurs plus grands
capitaux. Seulement, la vente en détail à crédit constitue une façon
de dépouiller les Indigènes propre aux Arabes. Les Chinois ne vendent,
pour la plupart, aux Indigènes qu’au comptant, ou, du moins, à courte
échéance. Dans les villes enfin où l’on trouve des hommes d’affaires
arabes, ceux-ci excercent également une influence des plus pernicieuses
sur le bien-être de leur clientèle indigène. Heureusement, comme
nous venons de le voir (*), il n’y a encore que peu de localités où
les Arabes exercent cette profession.
Dans le commerce proprement dit, l’influence des Arabes est, sous
plusieurs rapports, profitable aux Indigènes. Ils sont comme les
avant-coureurs des Européens et même des Chinois auprès des peuplades
demi, sinon entièrement sauvages. En outre, ils forment un débouché
important pour les produits agricoles et industriels des Indigènes
plus civilisés.
L’influence sociale des Arabes sur la masse des Indigènes musulmans,
quoiqu’elle ne soit plus si exorbitante qu’elle le fut auparavant, est,
en général, encore très-grande. L’Indigène sans titre considère tout
Arabe comme un homme de naissance et, par conséquent, comme
son supérieur au point de vue social. Il croit généralement que le
titre de Chaikh, porté, dans l’Archipel indien (2), par tous les Arabes
qui ne sont pas Sayyid ou Charîf, quoique inférieur à ces derniers
titres, constitue encore un signe de noblesse. Comme aux Européens,
il donne à tout Arabe le titre de Touan, c’est-à-dire „Seigneur”; dans
quelques localités on dit même de tous les Arabes indistinctement
Touan Sayyid, sans se préoccuper de la signification de ce dernier
mot. En rencontrant un Arabe, l’Indigène musulman le salue d’une
manière respectueuse et lui baise la main. Dans plusieurs villes.
(') V. p. 153.
(’) V. p. 190.
207
comme à Palembang et à Banyouwangi, les Arabes ont même exercé
une certaine influence sur les habitudes de la population.
Dans les grandes villes de Java ce sont surtout les Indigènes ayant
fait fortune par le commerce ou par l’industrie et n’appartenant pas
à des familles aristocratiques, qui recherchent la société des Arabes.
Lorsqu’un tel individu donne un festin, l’Arabe est toujours le
bien-venu à sa table, et son amour-propre est très-flatté, s’il peut
obtenir un Arabe pour gendre ou pour beau-frère (* *). C’est un
prestige de la même nature dont la noblesse en Europe jouit, encore
de nos jours, auprès de la bourgeoisie parvenue. Tel nouveau riche,
qui ne cesse de se proclamer démocrate à outrance et de fulminer
contre les prétendus préjugés de l'aristocratie, serait au fond de son
coeur au comble de la joie, si un gentilhomme obéré lui demandait
la main de sa fille. C’est un phénomène de tous les temps et de
tous les pays. Quant à l’aristocratie indigène, qu’elle soit portée
pour ou contre les Arabes, elle reconnaît en tout cas les Sayyid et
les Ghanf comme des gens de race noble.
Il s’entend que cette espèce de prestige fournit aux Arabes un
vaste champ d’exploitation. Le Chinois qui veut épouser une femme
indigène ne la trouve que dans les classes inférieures. L’Européen,
qui n’accorde que très-rarement à la femme indigène le titre d’épouse
légitime (2), doit ordinairement chercher sa concubine dans les derniers
rangs même de la société javanaise ou malaie. Par contre, l’Arabe
peut conclure des alliances avantageuses et, s’il est Sayyid ou Charif,
prétendre, du moins dans les pays malais, à la main d’une princesse
même. Nous avons déjà cité dans le paragraphe précédent plusieurs
exemples de mariages de cette nature. Seulement j’ai remarqué que
(*) Dans quelques localités, il en est de même des métis chinois.
(*) Si les Européens se mêlaient à la population indigène, comme le font les Arabes,
je crois qu’ils pourraient avoir encore plus de succès, à cet égard, que ceux-ci, malgré
la différence de religion.
208
la plupart des princes malais préfèrent un Sayyid métis à un Sayyid
nouvellement arrivé du Hadhramout, qui ne connaît pas encore les
usages des cours indigènes. Toutefois, il y a plusieurs exemples de
Sayyid de la dernière catégorie qui ont épousé des princesses malaies.
Les descendants des anciens Sultans de Palembang donnent volontiers
leurs fdles, comme deuxième ou troisième femme, à un Sayyid de
bas étage.
Dans l’île de Java, il en était de même jusque dans le commencement
de ce siècle, à la seule exception des maisons princières de Sourakarta
et de Djokyakarta, qui n’ont accepté les alliances arabes que par
grande exception. Par contre, dans les familles des Régents, dans les
parties de Java soumises directement à l’administration hollandaise,
de telles alliances étaient très-fréquentes. Dans les familles des Régents
de Wiradesa (Résidence de Pekalongan) et de Lassem (Résidence de
Rembang), il paraît même que, dans la première moitié de ce siècle,
on se fit un point d’honneur de s’allier à des Sayyid.
Actuellement toutefois, la situation a changé. Soit que les Régents
comprennent que le Gouvernement hollandais ne voit pas d’un
hon oeil l’introduction d’Arabes dans les grandes familles indigènes,
soit qu’ils commencent à mieux pénétrer qu’après tout, les Arabes
qui cherchent des alliances avec leur famille, le font dans un hut
pécuniaire, il est devenu un fait exceptionnel qu’un Arabe, qu’il soit
Sayyid ou Charîf, obtienne la main d’une femme appartenant à
l’aristocratie javanaise. Même à Soumenep, où la famille du Régenta
beaucoup d’attaches sociales avec les Arabes (*), aucun d’entre eux
n’a encore épousé une femme appartenant à cette famille. Qui plus
est, à Soumenep on regarde comme une mésalliance que deux femmes
de la famille des Régents voisins de Pamakassan ont conclu un
(*) V. p. 167 et s.
209
mariage de cette nature. C’est pourquoi l’une des deux femmes,
jeune encore et veuve depuis quelques années, n’a plus trouvé un
second mari parmi les membres de l’aristocratie de l’ile de Madoura.
Outre les deux mariages cités, il n’existe, à l’heure qu’il est, que
six femmes de l’aristocratie javanaise qui ont épousé des Arabes.
C’est-à-dire, à Sourabaya, une arrière-nièce du Régent de cette ville,
à Kraksaàn, la fdle du Régent précédent de Probolinggo, à Tjilatjap,
la fdle du Régent précédent de Tjiamis et, à Samarang, trois filles
d’un ancien Régent de Lassem. Même les descendants d’Arabes, après
s’être assimilés aux Javanais et étant parvenus à de hautes fonctions
au service du Gouvernement, comme les Régents de Magelang et de
Tjandjour et le Sous-Régent de Rrebes, préfèrent pour leurs filles
une alliance avec l’aristocratie javanaise à celle avec un Arabe. Il en
est de même des Sultans médiatisés de Chéribon. Par contre, les
descendants d’Arabes régnant à Siak, à Palalawan, à Ponlianak et à
Koubou, qualifient de mésalliance le mariage d’une de leur filles avec
un Indigène, lors même qu’il serait prince ou chef puissant. On
donnerait la préférence au plus pauvre des Sayyid.
11 en est des autres rapports sociaux entre les Arabes et les membres
de l’aristocratie javanaise comme des alliances de famille: ils ont
une tendance marquée à diminuer. Il est vrai que ces rapports sont
encore beaucoup plus intimes que ceux entre les Arabes et les
Européens ou les Chinois, conséquence naturelle de la communauté
de religion, de langue et de moeurs. La circonstance que plusieurs
membres de l’aristocratie javanaise dépendent d’usuriers arabes, explique
encore beaucoup de concessions sociales faites à ceux-ci. Mais ce
qui est certain, c’est que le temps est passé où les Arabes avaient,
comme de plein droit, leurs grandes et leurs petites entrées dans les
maisons des Régents, et qu’ils pouvaient, à défaut de gagne-pain, y
jouer le rôle de pique-assiette. Je crois qu’il faut attribuer ce changement
14
210
d’abord à l’augmentation du nombre des Arabes dans l’ile de Java,
et, en second lieu, «à ce que l’immigration du Hadhramout était autrefois
presque exclusivement bornée «à des Sayyid, au lieu qu’on voit, de
nos jours, affluer de plus en plus des Arabes de bas étage, sinon
des Bédouins. Les manières peu polies et le caractère brusque de
ceux-ci sont très-antipathiques à un Javanais de bonne naissance. C’est
chez les membres de la famille du Régent du Soumenep que l’on
voit encore le plus grand nombre d’Arabes. Un des Pangëran, l’unique
survivant des fds du Sultan Pakou Nata Ningrat (*), parle encore
l’arabe assez correctement, mais les beaux jours du règne du dit
Sultan sont passés pour eux. Déjà le fils aîné, qui lui succéda sous
le titre de Paiiembcihaii, faisait très-peu de cas de parler arabe, et
c’est sa faute que la bibliothèque de son père (2) a été presque
entièrement dispersée. Les rapports sociaux du Régent actuel, fils du
Panembahan, avec les Arabes me semblent être plutôt une affaire
de tradition que d’enthousiasme. Ailleurs dans l’ile de Java, les
Arabes actuellement encore admis dans l’intimité des princes ou des
Régents sont, pour la plupart, des métis et des individus de la
Mecque.
Il résulte de ce qui précède que, dans les des de Java et de
Madoura, les Arabes doivent se replier de plus en plus sur les
Indigènes appartenant aux classes bourgeoises, tant pour ce qui
regarde leurs relations sociales que pour leurs mariages. Ce sont les
marchands et les industriels indigènes dans les grands centres de
population, qui subissent actuellement le plus leur influence sociale;
après ceux-ci viennent les chefs de village et les employés subalternes
du Gouvernement. Cependant les Sayyid tâchent encore de fréquenter
l’aristocratie. Dans les parties de l’Archipel indien qui ne sont ni
(') V. p. 1G7 et s.
(*j Ibid.
211
malaies ni javanaises, la civilisation est encore si peu développée
qu’on ne peut y parler de couches sociales, et qu’on ne fait aucune
différence entre un Arabe qui est Sayyid et un autre qui ne l’est pas.
Pour terminer ce paragraphe, je vais ajouter encore quelques mots
sur l’influence religieuse exercée par les Arabes dans l’Archipel indien.
Il s’ensuit de ce qui précède sur le caractère de l’immigration arabe (*)
que leur propagande religieuse actuelle est de peu de conséquence.
Il est vrai que les Arabes donnent en général l’exemple d’une
observance scrupuleuse des devoirs de la religion, qu’ils contribuent
volontiers «à la fondation ou à la réparation de mosquées, qu’ils font
tout leur possible pour que leurs femmes indigènes observent au
moins les prescriptions de la loi relatives à la prière et au jeûne, qu’ils
n’épousent pas de femme payenne, à moins qu’elle n’embrasse leur
foi, que les rares savants arabes ont quelquefois beaucoup d’influence
sur les Indigènes qui suivent leurs cours, et que, lorsque, par
exception, un métis chinois ou européen manifeste son intention de
se convertir à l’Islamisme, il trouve ordinairement quelque riche
Arabe prêt à le secourir; mais ces faits qui indiquent que les Arabes
ne manquent pas de favoriser la cause de leur religion, si l’occasion
se présente, sont loin d’être des manifestations d’un prosélytisme
militant. Il est surtout à remarquer que les Arabes, établis dans un
but commercial parmi les Indigènes payens, s’abstiennent presque
entièrement de faire de la propagande hors de leur famille ou de
leur' entourage immédiat.
Le prestige spirituel des Arabes, comme compatriotes du Prophète,
si minime qu’il soit dans l’Archipel indien, n’en reste pas moins une
idée fixe de beaucoup d’Européens, laquelle je tiens à dissiper. Il
se peut qu’un prestige de cette nature ait existé autrefois; mais, de
(‘) Y. p. 123.
212
nos jours, le nombre (les Arabes est devenu trop grand et l’on trouve
parmi eux trop de personnes peu onctueuses, pour que l’Indigène
puisse avoir pour eux quelque vénération. L’Indigène craint leur
finesse ou, si l’on veut, leur astuce; il subit leur ascendant social;
il croira peut-être que parmi eux il y a plusieurs qui sont un
peu sorcier: c’est tout. Les rares Arabes qui, à l’heure qu’il est,
jouissent réellement d’un prestige spirituel, l’ont acquis par leurs qualités
personnelles et non par le seul fait d’appartenir à la race au
milieu de laquelle est né l’Islamisme. J’ai déjà mentionné en quoi
consiste le prestige que les Arabes ont encore, et quelles sont les
véritables causes de leur succès politiques et sociaux auprès des
Indigènes. Quant au succès des agents de la Mecque, par rapport au
pèlerinage et aux quêtes, il est dû exclusivement à ce qu’ils servent
une cause qui, sans eux, serait très-populaire dans l’Archipel indien.
Du reste, vu le caractère de l’Islamisme en Hadhramoul (’), il serait
à désirer que les colonies arabes eussent pins d’influence religieuse
sur les Indigènes. La popularité toujours croissante du mysticisme
mahométan dans l’Archipel indien montre assez que celte influence
est très-restreinte.
(‘) V. p. 85.
CHAPITRE VIII.
MÉTIS AKABES (1).
Une conséquence nécessaire de l’absence de femmes du Hadhramout,
c’est que tous les Arabes nés dans l’Archipel indien sont, plus ou
moins, de sang mêlé. Nous avons vu que les Arabes établis dans
l’Archipel indien, quoique parlant entre eux leur langue maternelle,
se servent en famille exclusivement du malais ou d’une autre langue
indigène et que ces langues sont aussi celles de leurs enfants (2).
Dans les grandes colonies toutefois, les garçons, devenus adultes,
apprennent toujours un peu l’arabe, ne fùt-ce que par la conversation
journalière avec les compatriotes de leurs pères. Quant aux fdles,
leur unique conversation est avec des femmes ne parlant pas l’arabe.
Comme, au reste, la conversation avec tout homme qui n’est pas
leur mari ou leur proche parent, leur est interdite, et que ceux-ci
parlent avec elles, dès l’enfance, le malais, le javanais, etc., il s’entend
qu’elles n’apprennent de l’arabe jamais autre chose que quelques
mots. Sauf les exceptions mentionnées dans un chapitre antérieur,
aucune d’elles ne peut soutenir en arabe une conversation, même de
la plus simple nature (3).
Pour quiconque n’a parlé, durant son enfance, que les langues
de l’Archipel indien, il est très-difficile d’apprendre à bien parler une
langue aryenne ou sémitique. Même chez les enfants des Européens,
une instruction soignée ne suffit pas toujours pour réparer ce qui
(J) Un métis s'appelle en arabe mowallad, plur. mowâlidah. et un Arabe de l'Arabie
wolaiti, plur. wolaitiah. Les mêmes mots s’emploient, quand on parle d'Européens ou de
Chinois et, en général, de tous les peuples étrangers qui ont fondé des colonies dans
l’Archipel indien. Le mot mowallad signifie en outre simplement „celui qui est né dans une
localité", mais alors il a le pluriel mowalladin.
(2) V. p. 185.
(3) Ibid.
214
a été gâté, à cet égard, dans les premières années. On comprendra
donc aisément que l’arabe, tel que le parlent les métis, est en général
très-incorrect. Cela est si vrai que les métis, qui parlent cette langue
avec facilité, restent toujours reconnaissables pour un vrai Arabe,
circonstance qui est d’autant plus saillante, s’ils n’ont jamais quitté
le milieu où ils vivent et où le malais est la langue prédominante.
Les Arabes qui désirent donner à leurs enfants une éducation un
peu soignée les envoient ou les ramènent en Hadhramout auprès de
leur famille. Les enfants, y étant dans un milieu arabe, doivent apprendre
à parler la langue de leurs pères et ils y sont, du moins pour
quelques années, hors de l’entourage énervant des Javanais ou des
Malais. D'ailleurs le Hadhramout parait être un pays spécialement
propre à l’éducation de la jeunesse. Tous les enfants des classes
aisées, du moins dans les villes, y vont à l’école et, sortis de là, n’ont
d’autre distraction que l’étude et les pratiques de la religion. Les
amusements ordinaires des villes européennes et même des grandes villes
de l’Archipel indien, tels que théâtres, cafés et leurs accessoires, sont
absolument inconnus en Hadhramout; ainsi on y est forcé à mener
une vie austère et rangée. Qui plus est, je connais des Arabes qui
ont envoyé leurs fils en Hadhramout à cause de tendances à devenir
mauvais sujets, tout comme en Europe on met des individus de ce
caractère en pension à la campagne. Ils y coûtent peu et n’ont pas
l’occasion de se livrer à la débauche.
Cependant, un séjour de quelques années en Hadhramout ne suffit
guère pour transformer des métis en vrais Arabes. A peine de retour
dans l’Archipel indien, plusieurs d’entre eux recommencent à se servir
du malais comme langue habituelle ('). Ils cherchent la société de (*)
(*) Souvent, i|uand je 111c suis trouvé parmi des métis qui parlaient assez bien l'arabe,
j'ai remarqué que, tout en se servant de cette langue avec moi, ils se servaient du malais
dés qu'ils adressaient la parole à un des leurs.
leur camarades d’enlance et fuient celle des Arabes nés en Hadhramout.
Quelques-uns se livrent au jeu ou à d’autres plaisirs défendus, voire
quelquefois à l’abus d’opium ou de boissons alcooliques (*). Ces
tendances sont encore plus fortement prononcées, si le père lui-même
est métis et que l’individu en question n’ait jamais été en Arabie.
Il résulte de tout ce qui précède que les familles arabes ont une
tendance inévitable «à déchoir et à s’assimiler, dans quelques générations,
à la population indigène. Ce qui disparaît le premier, c’est la langue
arabe, puis l'habillement et enfin le nom de famille (2). Quoique la
loi musulmane qualifie de mésalliance le mariage d’une fille d’Arabe
avec un individu de toute autre nation, beaucoup, parmi les métis,
n’ont plus de scrupules à ce sujet et donnent leurs filles, de bon coeur,
à des indigènes ayant une position sociale quelque peu présentable.
Le caractère des métis s’assimile encore plus vite au caractère
indigène que l’extérieur. Quoi que l’on puisse dire des Arabes du
Hadhramout, il faut avouer qu’ils ont beaucoup de traits louables, et
il faut surtout admirer leur énergie. Ces traits disparaissent toutefois
bien vite chez leurs descendants, qui, après avoir perdu ou dissipé
l’héritage de leurs pères, vivent, en général, dans un état nécessiteux,
sans énergie ou capacité pour se relever.
D’un autre côte, leur assimilation aux Indigènes va rarement jusqu’à
devenir laboureurs; je ne connais pas d’exemple qu’ils aient été admis
comme tels dans les communautés agraires des villages, dans l’intérieur
de Java. Il parait que l’obligation de participer aux corvées, inséparable
d’une admission dans ces communautés, est une des causes qui leur
inspirent une aversion contre cette manière de gagner leur pain.
Quoi qu’il en soit, les métis arabes, devenus Indigènes, restent pour
(’) Toutefois ce n'est qu’à Grissée, à Sourabaya et à Singapour qu’on m’a cité plusieurs
exemples d’ivrognerie parmi les métis. Partout ailleurs, ces exemples sont rares. Pour
la plupart, les métis adonnés aux boissons alcooliques sont, ou ont été marins,
(2) On sait que les Indigènes n'ont pas des noms de famille.
216
la plupart dans les grands centres de population et appartiennent à la
classe des petits industriels ou des marchands. Il est incompréhensible,
comment quelques-uns d’entre eux pourvoient à leur subsistance.
Dans les dernières années, plusieurs d’eux, dans l’île de Java, ont
demandé aux autorités locales à être reconnus officiellement comme
Indigènes. Ces demandes ont été rejetées; mais la position sociale
de ces gens n’en est pas moins restée la même, c’est-à-dire qu’ils
sont déjà entrés de fait dans la nationalité dont on leur a refusé
l’accès légal.
Ce qui précède n’a rapport qu’aux métis en général et ne regarde
nullement les individus. Ainsi, comme nous venons de le voir (*), il
y a à Singapour des Arabes de distinction, qui tiennent à ce que
même leurs filles parlent l’arabe. En outre, quelques métis restent
longtemps en Hadhramout, y épousent des femmes arabes et redeviennent
à peu près Arabes comme leur entourage. Il y en a même parmi
les métis qui, sans avoir jamais quitté l’Archipel indien, se sont
développés par l’étude et par la conversation avec des Arabes du
Hadhramout (2), au point de leur ressembler. Cependant, toutes ces
exceptions ne font que confirmer la règle que les métis en général
penchent du côté de leurs mères, c’est-à-dire vers les Indigènes. Ils
sont plus polis, plus souples que les Arabes nés en Hadhramout, et
ils acceptent des gagne-pain que leurs pères auraient refusés, comme
au-dessous de leur dignité. Ce qui est surtout remarquable, c’est que
le prestige intellectuel et spirituel dont la Mecque jouit chez les
Indigènes, semble se développer également chez les métis à mesure
que la distance sociale et intellectuelle entre eux et les Arabes du
Hadhramout devient plus grande. J’en connais plusieurs qui ont
(■) V. p. 185.
(J) J’ai remarque même celte tendance à apprendre l'arabe chez deux ou trois métis de
plusieurs générations, qui m’ont assuré que leurs pères avaient déjà entièrement oublié l’arabe
217
visité cette ville sainte, mais non le Hadhramout. Par contre, nous
avons vu que les Arabes du Hadhramout eux-mêmes considèrent le
pèlerinage précisément comme un devoir religieux dont ils n’ont pas
trop à se préoccuper, et en tout cas, ils n’ont pour la Mecque
aucunement le respect superstitieux des Indigènes (’).
L’assimilation des métis arabes aux Indigènes va plus lentement
dans les grandes colonies que dans les endroits où il n’y a que peu
de familles arabes, et où, par conséquent, tout l’entourage est indigène.
Il s’entend en outre qu’un Arabe, ayant appartenu en Hadhramout
aux classes supérieures, tient à ce que son enfant, né dans l’Archipel
indien, reste Arabe. De même un Sayyid ou, en général, un Arabe
lettré donnera une meilleure éducation à ses enfants et tiendra plus
à ce que son fils épouse une fille d’Arabe au lieu d’une Indigène (2),
que ne le fera un individu qui ne s’était occupé en Hadhramout
que de ses armes et de sa pipe. Ce sont là, tous, des éléments qui
ralentissent l’assimilation des métis aux Indigènes, sans cependant
être jamais assez forts pour l’arrêter entièrement.
Dans tout ceci, on trouve l’explication du phénomène ethnologique,
qui m’a frappé fortement, c’est-à-dire qu’il y a dans l’Archipel indien
si peu de métis de plusieurs générations. J1 est vrai qu’avant le
dix-neuvième siècle le nombre des Arabes dans l’Archipel indien ne
peut avoir été que relativement restreint (3) ; mais il n’en est pas
moins avéré qu’il y a eu, dans ces régions, des Arabes établis depuis
des siècles. Les métis arabes dont les familles sont le plus longtemps
établies dans l’Archipel indien, se rencontrent à Pontianak, à Koubou,
à Siak et à Palembang, colonies qui ne datent que d’à peine cent
ans. Exception faite de celles-ci, on ne trouve que quelques petites
n V. p. 84 et 176.
(’) Les mariages entre métis arabes restent très-souvent stériles, mais non les mariages
entre métis arabes et femmes indigènes.
(3) V. p. 104 et s.
218
colonies de métis de plusieurs générations, vivant séparés des autres
Arabes de leur voisinage; mais partout ailleurs, les métis arabes,
même de trois générations, sont extrêmement rares, et ils ne vont
jamais au-delà de la quatrième. Il est évident que les faits exceptionnels
que je viens de citer, n’expliquent nullement où sont restés les
descendants des Arabes qu’on a vus arriver dans toutes les parties de
l’Archipel indien, dans le cours des siècles, d’autant moins que la race
arabe est très-prolifique (1). Cette explication, je le répète, on ne
peut la trouver que dans la rapide assimilation à la population indigène,
plus rapide encore autrefois, à cause de l’infériorité numérique des
colonies.
A l’appui de ce qui précède, je vais citer quelques exemples
d’assimilation de familles arabes aux Indigènes, exemples assez
frappants, parce qu’ils ont rapport à des familles aristocratiques.
En premier lieu, il est intéressant, à cet égard, de voir ce que
sont devenus les descendants des Arabes qui ont fondé des principautés
musulmanes dans l’île de Java (2). En tant qu’ils ont continué jusqu’à
nos jours à résider dans les domaines de leurs aïeux, et qu’ils forment
encore des familles séparées des Javanais, je les ai visités tous. La plus
importante de ces familles c’est bien celle des Sultans médiatisés de
Chéribon, descendants directs du Sousouliounan Gounoung Djati (3).
La langue arabe leur est devenue complètement étrangère; depuis
des générations, ils s’habillent à la javanaise et portent des noms et
des titres javanais; la seule chose ([ni rappelle encore leur origine,
(*) Le fondateur île Pontianak, 'Abd ar-Rahmàn hin Hosain al-Qadri, avait 06 enfants;
actuellement le nombre de ses descendants, à Pontianak seul, est de 768. Le nombre des
descendants de son beau-frère, ’Aidrous bin 'Abd ar-Rahmàn al-’Aidrous, le fondateur de
Koubou, est actuellement, à Koubou seul, 142. En outre, on trouve nn assez grand
nombre de descendants de ces deux personnes établis autre part. Le Seigneur de
Palalawan Hàmid bin 'Abd ar-Rahmàn bin Cbihàh a laissé 52 enfants.
(*) V. p. 195 et s.
(3) V. l'arbre généalogique à la (in de cet ouvrage.
219
c’est qu’ils accordent aux Sayyid le droit de visiter le tombeau sacré
de leur souche, situé sur la colline de Djati. Exception faite des
ecclésiastiques chargés de l’entretien, et des membres de la famille
des Sultans, nul Javanais ni Arabe, et à plus forte raison nul Européen
ni Chinois, ne peuvent visiter ce tombeau, mais doivent s’arrêter à
la troisième terrasse de la colline. Au reste, il n’y a plus aucun
rapport entre les Sultans et les Arabes domiciliés à Chéribon,
qui, de leur côté, prennent même envers eux une altitude assez
malveillante, pour ne pas dire hostile. Ils refusent constamment de
les reconnaître comme descendants d’al-Hosain et, par conséquent,
comme Sayyid. Il y a une vingtaine d’années le nom des Sultans a
été retranché de la prière publique du vendredi, sur une plainte
portée par des Arabes devant les autorités hollandaises. Ils prétendirent
que la loi musulmane défend de nommer dans la prière publique un
sultan qui n’excerçait plus aucune autorité. Il n’est plus question,
du moins de nos jours (*), de mariages entre membres de la famille
des Sultans et Sayyid. Les uns et les autres considèrent un pareil mariage
comme une mésalliance: les Sayyid, parce qu’ils ne reconnaissent pas
l’arbre généalogique des Sultans, les Sultans, parce qu’ils considèrent le
titre de Sayyid comme inférieur aux hauts titres javanais (2). Il est
impossible de constater, si ces rapports peu amicals datent déjà de
longtemps. Ce qui est certain, c’est que l’arbre généalogique des
Sultans démontre que les fils du Sousouhounan Gounoung Djati,
c’est-à-dire la première génération, portaient déjà des noms et des titres
javanais, au lieu de noms et de titres arabes. Cette circonstance, confirmée
par les inscriptions sur les tombeaux de la colline de Djati, prouve,
à mon avis, que ces fils étaient déjà devenus Javanais. Du reste, la
(*) Nous allons voir tout à l’heure qu’il n’en était pas Je même dans le commencement
du dix-huitième siècle.
(2) V. p. 207. Ils considèrent le titre de Sayyid comme équivalant tout au plus à celui
de Iiaden parmi les Javanais.
220
colonie arabe de Chéribon est relativement jeune ; sous le règne des
Sultans il n’y avait presque pas d’Arabes. L’architecture des Kraton
ou palais et des autres édifices érigés anciennement par les Sultans,
démontre en outre que, si les Arabes ont exercé sur eux quelque
influence dans le passé, cette influence était beaucoup surpassée par
celle des Chinois.
La famille des Sultans médiatisés de Bautain, descendants directs
d’un des fils du Sousouhounan Gounoung Djati, est devenue également
entièrement javanaise. Elle est actuellement reléguée à Sourabaya, où
les rapports entre elle et les métis arabes sont toutefois plus amicals
qu’à Chéribon. Une branche de la famille des anciens Sultans de
Bantam c’est celle des Régents actuels de Tjandjour. Elle fut investie
de cette dignité en 1815 et a perdu même le souvenir de son
origine. Le Régent actuel n’ignore pas qu’il est un descendant des
Sultans de Bantam ; mais il ne sait pas, si ces derniers étaient
d’origine arabe ou non. Les descendants du Sousouhounan Kalidjogo(')
sont, de nos jours, les Seigneurs médiatisés de Kadilangou, près de
Demak; tandis que ceux du Sousouhounan Dradjat habitent la petite
propriété de ce nom située près de Sidayou (2). Cette propriété
d’environ 9 hectares et dont la valeur n’excède pas 4000 fl., est
tout ce qui reste de la principauté de Dradjat. Les métis arabes de
Kadilangou et de Dradjat sont devenus encore plus javanais que les
familles des Sultans de Bantam et de Chéribon. De mémoire d’homme,
ils n’ont plus été en contact avec les colonies arabes dans le voisinage
de leur terre, et il a fallu une enquête formelle pour découvrir leur
origine.
Pour passer à des exemples plus récents, je vais citer l'histoire de
la famille de Bàch-Chaibân. Sayyid ’Abd ar-Rabmân bin Mohammad (*)
(*) V. l’arbre généalogique à la fin de cet ouvrage.
(’) Ibid.
221
Bâch-Chaibân vint, dans le commencement du 18ième siècle, du Hadhramout
à Chéribon, où il épousa la fille d’un des Sultans. Ses deux fds, Solaimân
et ’Abd ar-Rahîm, adoptèrent déjà le titre javanais de Kiahi Mas.
D’après une tradition conservée dans la famille, ils prirent ce titre
sur l’ordre de leur père, qui comprenait que, si ses fils voulaient
faire une belle carrière dans le pays, ils ne pouvaient mieux faire
que de s’assimiler aux Javanais. Ils s’établirent d’abord à Sourabaya,
plus tard à Pekalcngan, où leurs descendants vivent, dans le faubourg
Krapyak, entièrement comme les Javanais. Il paraît cependant qu’une
brancbe de la famille est restée à Sourabaya; du moins il y a eu,
dans cette ville, deux ou trois membres du clergé indigène portant ce
nom. Un des fils de ’Abd ar-Rahîm, Sa’îd, épousa, au commencement
de ce siècle, la fille du Raden Adipati Danou Redjo, administrateur
de la principauté de Djokyakarta (* *); mais dans sa vieillesse, il se retira
à Krapyak, où l’on voit encore son tombeau. De ses trois fils, l’aîné,
Hâchim, prit le nom et le titre de Raden Wongso Redjo, le second,
’Abd Allah, ajouta à son nom seulement le titre de Raden (2), tandis
que le troisième, ’Alouî, entra au service du Gouvernement anglais (3)
et devint, en 1813, Régent de Magelang sous le nom et titre de
Raden Toumenggoung Danou Ningrat I (4). En 1826, son fils Hamdânî
lui succéda sous le nom et titre de Raden Toumenggoung Ario Danou
Ningrat II (5). Celui-ci donna sa démission en 1862 et fut remplacé
par son fils Sa’id sous le nom et titre de Raden Toumenggoung Danou
Ningrat III (6). Danou Ningrat III quitta ses fonctions en 1878;
(*) V. Vetb : Java, Tome II. p. 561, 563, 582.
(2) Les descendants de Hâchim et de ’Abd Allah vivent encore à Djokyakarta, et il y en
a qui occupent des fonctions importantes auprès du Sultan de ce pays. L'un d’entre eux
p. e. est le Wadono Djakso ou chef du ministère public.
(*) On sait que l'ile de Java était, de 1811 à 1816, une possession anglaise.
(4) En 1820, il obtint du Gouvernement hollandais le titre de Raden Adipati.
(5) Idem en 1830. —
(6) Jusqu’à la mort de son père en 1867, il s’appelait Raden Toumenggoung Danou Kousoumo,
222
l’année suivante, le Gouvernement lui donna pour successeur son fils,
le Régent actuel, Sayyid Ahmad bin Sa’id Bàch-Chaibân, sous le nom
et titre de Raden Toumenggoung Danou Kousoumo. En février 1881,
j’ai rencontré le Sayyid Sa’id, qui retournait de la Mecque, sur le
bâteau à vapeur à Singapour, et je n’avais alors aucune idée que
j’avais devant moi un métis arabe au lieu d’un descendant des anciens
princes de Java.
Une assimilation encore plus rapide a eu lieu dans la famille de
bin Yahyâ. Le peintre Raden Saleb, connu même en Europe, s’appelait
réellement Sayyid Çâlih bin Hosain bin Yahyâ. Son grand-père
’Awadh était un Arabe du Hadbramout, qui vint à Java dans le
commencement de ce siècle et épousa la fille d’un Régent de Lassem ('),
Kialii Bostam. Son fils, Hosain, s’établit à Pekalongan, où il épousa
la fille du Régent de Wiradesa (2). Il en eut quatre enfants, deux
fils et deux filles. Le fils aîné portait encore le titre arabe de Sayyid,
comme les deux filles celui de Chanfah. Seul le second fils s’arrogea
le titre de Raden et se fit passer pour Javanais, et en Europe pour
un prince javanais même (3). Une de ses soeurs épousa un Arabe,
mais l’autre un Javanais, le Palih ou Sous-Régent de Galoub.
Un autre membre de la famille de bin Yahyâ, Tâhir, arriva â
Poulou Pinang également dans le commencement de ce siècle. 11 y
épousa une femme de la famille d’un Sultan de Djokyakarta qui avait
été relégué dans cette île par le Gouverneur-Général anglais Radies (4).
Il vint â Java à la suite du dit Sultan et s’établit à Samarang. Deux
de ses fils sont restés Arabes; mais le troisième, Ahmad, se fit passer
(’) V. p. 208.
(s) Ibid.
(3) Lors de son dcrniev voyage en Europe, quelque temps avant sa mort, on a pu lire,
entre autres dans quelques journaux de Paris, force récits fantastiques sur sa dignité
de prince.
(4) Le séjour du Sultan à Poulou Pinang dura de 1812 â 1816. V. Veth: Java, II,
p. 586 et 648, cl n. 3 de la page précédente.
223
pour Javanais et prit service, comme volontaire, dans la cavalerie
hollandaise, sous le nom et titre de Raden Soumo Dirdjo. Il prit part
à la guerre de Java et, après le rétablissement de la paix en 1830,
il quitta le service militaire comme maréchal de logis. Alors il reprit
le vêtement arabe, s’établit à Pekalongan, où il épousa la fille d’un
Arabe, de la famille de Bâ’aboud. Son fils Çâlil.i se fit passer de
nouveau pour Javanais et entra au service civil du Gouvernement
hollandais, sous le nom et titre de Raden Soumo di Poutro. Il devint
Djaksa ou procureur indigène du roi à Tjilatjap, et ensuite Kliwon
ou chef de la police à Pekalongan. Dans cette dernière qualité, il
quitta le service, après quoi il reprit son vrai nom Çâlil.i et ses
habits arabes; sa fille unique est actuellement la fiancée d’un Arabe
du Hadhramout.
La famille de Bâ’aboud, que je viens de nommer, présente encore
des exemples d’une assimilation rapide. Le Sayyid Ahmad bin Muhsin
Bâ’aboud arriva du Hadhramout à Pekalongan dans le commencement
du siècle actuel et y épousa une fille du Régent de Wiradesa. Il
eut d’elle deux fils, qui, l’un et l’autre, épousèrent des filles d’Arabes.
Les enfants du fils aîné restèrent Arabes; mais il n’en fut pas de
même de ceux du second fils, appelé Hosain. L’un Muhsin, après
avoir été dans sa jeunesse colporteur de cotonnades , s’avisa de
devenir Javanais, adopta le nom et titre de Raden Souro Atmodjo,
entra au service civil du Gouvernement hollandais et y fit une
rapide carrière. Actuellement il est P ali h (Sous-Régent) de Brebes II
a répudié sa femme, fille d’un Arabe, laquelle il avait épousée avant
de devenir Javanais, et il tâche, autant que possible, de faire oublier
à ses enfants leur origine étrangère. Son frère Ahmad a suivi son
exemple: il s’appelle maintenant Raden Soura di Poutro et a trouvé
un emploi dans une sucrerie. Par contre, ses deux autres frères, ’Alî
et Zain, sont restés Arabes; je les ai rencontrés à Wiradesa; ils
224
n’avaient pas encore entièrement oublié la langue de leurs aïeux.
En parlant de leurs frères, ils ne les appelaient que de leurs noms
adoptés.
Dans les pays malais, il en est de cette faculté d’assimilation comme
dans l’ile de Java. A Priaman (Cote occidentale de Sumatra), il existe
une branche de la famille de Djamal al-Lail, reconnaissable seulement
comme d’origine arabe, à ce que les Indigènes donnent encore aux
membres de cette famille le titre de Sîdî. Près de Palembang, à l’une
des embouchures du fleuve Mousi, on trouve, dans les villages de
Mouara Telang et de Karang Anyar, une cinquantaine d’individus
appartenant à la famille de Bâfadhl. La colonie arabe de Palembang
ne les reconnaît plus pour compatriotes et les appelle motawahhich,
c’est-à-dire „devenus sauvages”. Ils sont soumis aux impôts et aux
corvées des Malais, labourent en personne leurs champs de riz, comme
tout autre Indigène, et n’ont plus aucun scrupule à marier leurs
filles même à des Malais du bas peuple; ils ne portent l’habit arabe
que les jours de fête. Dans la principauté de Djambi, les descendants
d’un membre de la famille de Bâraqbah et d’un membre de la
famille d’al-Djufrî vivent comme les Indigènes et au milieu d’eux,
et portent, pour la plupart, des noms et des titres malais. Il en est
de même, dans le pays d’Atjeh, des descendants de membres des
familles de Bâfadhl et de Djamal al-Lail.
Les colonies les plus nombreuses de métis assimilés sous tous les
rapports aux Indigènes, le nom de famille et le titre exceptés, se
trouvent à Pontianak et à Koubou. Dans la dernière colonie, les
Arabes venus du Hadhramout font même complètement défaut. J’ai
raconté autre part(') l’origine de ces deux colonies. A Pontianak, la grande
majorité des métis appartient à la famille d’al-Qadrî et à Koubou, à
(') V. p. 201 et s.
225
celle d’al-’Aidrous (‘). Outre les al-Qadrî on trouve à Pontianak
des membres des familles d’al-’Aidrous, de Bâ’aboud, de Motahhar,
d’al-Hindouân, d’al-Habehî, d’al-Haddâd, d’as-Saqqâf et de quelques
autres. Toutes ces familles ont conclu avec la famille des Sultans,
les al-Qadrî, des alliances nombreuses. Par contre, la famille de
Bâdjâbir, depuis de longues années également établie à Pontianak, est
restée étrangère à toutes ces familles, comme n’étant pas Sayyid.
Les Arabes du Hadhramout sont très-mal vus à Pontianak, à
moins d’être des Sayyid appartenant aux familles mentionnées. Par
conséquent, leur nombre y est petit. On y aime encore mieux avoir
alfaire aux Arabes des autres parties de la péninsule. Les métis
arabes à Pontianak et à Koubou qui sont Sayyid savent encore par
tradition que le mariage avec des bommes qui ne soient point de la
même origine, est interdit à leurs filles (2). Du reste la plupart des
métis à Pontianak et tous ceux à Koubou portent l’habit malais.
Dans la première ville, il y en a tout au plus une douzaine qui
parlent encore passablement l’arabe, et à Koubou l’arabe n’est plus
compris par personne. Le Sultan de Pontianak et le Seigneur de
Koubou m’avouèrent ne plus savoir la différence légale entre les
titres de Sayyid et de Charîf. Ils croyaient même le second titre
plus élevé que le premier, attendu que c’était celui de la plupart
des gens de qualité à la Mecque (3). A Pontianak et à Koubou, les
Sayyid métis portent le titre spécial de Wan, abréviation du mot
malais Touan (*).
Quant à la famille des Sultans arabes du Siak, la décadence de
(*) V. p. 218 note 1.
(l) On n'a pu me citer, à Pontianak, qu'un seul cas d’une fille de Sayyid ayant épousé
un prince malais, au lieu que trois ou quatre filles d'Arabes qui n’étaient pas Sayyid,
avaient contracté des mariages avec des Indigènes.
(s) V. p. 32 et 95.
O On joint souvent le titre de Wan à celui de Charîf ou de Ckarîfah. On dit alors
en malais Wan Sarip et Wan Nipa.
15
226
leur famille se manifeste surtout par des cas fréquents d’aliénation
mentale (*). Du reste, cette famille s’est peut-être encore plus
assimilée aux Indigènes que celle des Sultans de Pontianak; il en
est de même des Seigneurs de Palalawan. La seule colonie où les
métis aient généralement gardé leur caractère arabe, nonobstant
les cinq ou six générations que beaucoup de familles comptent déjà
dans l’Archipel indien, c’est celle de Palembang. Dans les classes
élevées du moins, il est rare de rencontrer un homme adulte qui ne
parle pas l’arabe, chose d’autant plus étonnante, que ces familles
n’envoient pas leurs fils en Hadhramout pour leur éducation (2).
Tandis qu’à Pontianak les métis sont, pour la plupart, indigents,
s’abstiennent presque entièrement du commerce et ue vivent que des
produits de leurs terres ou des subventions que leur accorde le
Sultan, pour peu qu’ils appartiennent à la famille d’al-Qadrî, ceux
de Palembang sont encore, pour la plupart, dans l’aisance et
plusieurs peuvent même passer pour riches. Les principales familles
établies à Palembang sont celle du Chaikli Abou Bakr, d’al-Habchî,
de bin Chihâb, d’as-Saqqâf, de Bâraqbali et d’al-Kâf. La dernière est
la plus nombreuse, mais sa fortune est inférieure à celle des autres.
Les familles d’al-Monawwar et d’al-Djufrî, qui n’y sont établies que
depuis une ou deux générations, comptent certainement parmi les
plus riches. Toutes ces familles peuvent être considérées comme les
patriciens de Palembang, et se marient de préférence entre elles. En
général un membre de ces familles ne prend la fille d’un Arabe qui
n’est pas Sayyid ou d’un descendant des anciens Sultans que comme
seconde femme. Une femme indigène du peuple n’est admise qu’en
troisième ou en quatrième lieu. Ces familles ont, en outre, des liens
de parenté avec les familles arabes de distinction établies à Singapour.
(*) V. p. 197 note 4.
O V. p. 214.
227
Nous avons déjà vu qu’à Palembang les Arabes dominent parleurs
capitaux, lesquels appartiennent, pour les cinq sixièmes, à des métis.
Quant aux Arabes nés en Hadhramout, leurs rapports avec les métis
sont comme à Pontianak: la seule différence c’est qu’à Palembang
les métis ont réellement la supériorité sociale et intellectuelle, au
lieu qu’à Pontianak ils voient dans tout nouveau-venu du Hadhramout
un concurrent, qui ne pourra que hâter leur décadence. Par contre,
les Arabes de la Mecque sont bien reçus à Pontianak par le Sultan
et les autres métis de distinction ; à Palembang, on aime ces intrus
encore moins que ceux du Hadhramout.
Si j’ai parlé si amplement de Palembang et de Pontianak, c’est
que la première colonie a, par rapport aux métis, un caractère tout
à fait exceptionnel et que, dans la dernière, la décadence de la race
arabe dans l’Archipel indien est la plus sensible; nulle part on ne
trouve un si grand nombre de familles de métis où le sang arabe
n’a pas été renouvelé depuis des générations.
Presque tous les exemples que je viens de donner pour faire
ressortir la décadence des métis arabes et leur assimilation aux
Indigènes, ne regardent que des Sayyid. Quant aux Arabes qui
ont peu de culture d’esprit ou qui n’ont pas de nom à soutenir, il
est facile de comprendre que la condition de leurs descendants est
pire encore. De ces Arabes de bas étage, j’en connais même qui,
quoique nés en Hadhramout, tiennent si peu à leur nationalité qu’ils
se sont fait passer pour Indigènes, nonobstant le scandale qu’un
tel procédé devait causer parmi leurs compatriotes. Ainsi, à Kroé
(Rés. de Benkoulen), il demeurait, il y a quelques années, un Arabe
du Hadhramout qui ne se distinguait plus en rien de son entourage
indigène que par ses traits. Il avait une femme indigène et ses enfants
qui, à l’heure qu’il est, viennent quelquefois à Batavia, passent pour
Malais. Un autre Arabe est actuellement, sous un nom indigène, valet
228
d’écurie chez une famille européenne dans les environs de Batavia.
Amené du Hadhramout par son frère aîné, à l’âge de huit ans, il
demeurait d’abord avec celui-ci dans le quartier arabe; devenu adulte,
il a tourné mal: il a quitté le quartier arabe pour demeurer parmi
les Indigènes et a fini par présenter ses services pour son emploi
actuel. Le père est encore en Hadhramout, et le fils aîné est resté
entièrement Arabe.
Souvent j’ai rencontré des Javanais ou des Malais aux traits arabes
prononcés. Je suppose que beaucoup d’entre eux sont les enfants de
femmes indigènes dont les maris sont morts ou ont retourné en
Hadhramout. Ces femmes, restées auprès de leur famille, auront
épousé en secondes noces des Indigènes, et les enfants du premier
lit auront été élevés comme tels. On a pu m’en citer un exemple
dans une famille indigène très-distinguée. La fille du Sultan de l’île
de Batjan, mariée à un Sayyid du Hadhramout, eut de celui-ci trois
filles, qui, maintenant que leur père est mort, sont élevées auprès
de leur grand-père comme les autres membres de sa famille. Il
s’entend qu’elles pencheront tout à fait du côté de leur mère, et
qu’elles n’auront, plus tard, aucune conscience de leur origine.
Attendu qu’à Batjan les compatriotes de leur père ne s’établissent
que rarement, elles passeront peut-être leur vie sans jamais voir un
intérieur arabe.
Les Arabes eux-mêmes n’ignorent pas que leurs enfants tiennent*
plus des Indigènes que des Arabes et qu’ils finiront inévitablement
par s’assimiler à leur entourage. Plusieurs d’entre eux m’ont parlé de
ce phénomène comme d’un fait regrettable, contre lequel ils sont
impuissants à lutter. Je crois qu’ils ont raison, eu égard à la
circonstance que même les familles européennes dans l’Archipel indien
ont une tendance prononcée à déchoir et que les Arabes sont dans
une bien plus mauvaise condition encore par la plus grande intimité
229
sociale entre eux et les Indigènes. Cette intimité leur donne d’un
côté, comme nous l’avons vu (*), des avantages réels; mais de l’autre,
elle augmente singulièrement la force absorbante que parait avoir la
race malaie relativement aux colonies étrangères. Malgré la distance
énorme qui sépare la société européenne de celle des Indigènes, les
Européens mêmes perdraient à la longue leur caractère national, au
cas que l'affluence des immigrants vînt à cesser.
Afin de réagir contre cette fatale tendance de leur lignée, les Arabes
marient leurs filles de préférence à des Arabes du Hadhramout,
même pauvres. Ceux-ci ont toujours un certain prestige dans ces
contrées, par le seul fait de leur naissance. On aime à les employer
dans ses affaires, surtout s’il s’agit d’un emploi de confiance. Quant
aux métis, ils ne sont recherchés que pour les emplois inférieurs ou
pour ceux qui exigent une connaissance spéciale de la langue et des
coutumes du pays. Ils sont aussi beaucoup moins exigeants, quant
au salaire, que les Arabes nouvellement arrivés. C’est un phénomène
identique qu’on remarque dans la société européenne de l’Archipel
indien, ou pour parler plus exactement, dans toutes les colonies
de date récente. Tant qu’une colonie n’a pas encore la conscience
qu’elle puisse subsister sans l’immigration de la mère-patrie, les
nouveaux-arrivés sont toujours les bienvenus et regardent, sinon
avec dédain, du moins avec une espèce de pitié, les créoles et les
métis comme des êtres d’une nature inférieure. Cela dure jusqu’à ce
que la colonie ait obtenu une stabilité suffisante, et qu’elle ne sente
plus son infériorité vis-à-vis de la mère-patrie. Alors les rôles sont
changés, et ce sont les colons qui regardent les immigrants comme
intrus, sinon comme aventuriers (2).
/
(*) V. plus haut p. 138, 139 et 207.
(*) V. W, Roscber: Koloniën, Kolonialpolitik und Auswanderung, p. 58 de la seconde
édition.
250
Celle observation se trouve confirmée d’une manière remarquable
dans les colonies arabes de l’Archipel indien. A Palembang seul j’ai
entendu parler, dans quelques familles patriciennes, avec une sorte
de pitié du Hadhramout et de ses habitants. 11 m’a semblé même
que les immigrants, s’ils n’appartenaient pas à ces familles, y sentaient
leur infériorité sociale. Partout ailleurs, l’Arabe né en Hadhramout
a du prestige et est considéré comme un être supérieur, bien que
parfois, comme à Pontianak, on ne l’aime pas, précisément à cause
de cette supériorité.
TROISIÈME PARTIE.
L'ARABE PARLÉ EN HADHRAMOUT ET DANS L’ARCHIPEL INDIEN.
CHAPITRE I.
CARACTÈRE GÉNÉRAL.
L’arabe parlé dans l’Archipel indien est, sauf quelques particularités
de peu d’importance, le même que celui qu’on parle en Hadhramout.
Les rares individus qui parlent un autre dialecte et qui s’établissent
dans cette partie du monde, n’ont aucune influence sur la langue en
usage dans les quartiers arabes.
De tous les dialectes de l’arabe vulgaire il n’y en a peut-être
aucun qui s’écarte si peu de l’arabe littéraire que celui des habitants
du Hadhramout. Ce phénomène, je crois devoir l’attribuer, en premier
lieu, à la circonstance que ce pays n’a eu jusqu’ici que très-peu de
contact avec l’étranger (*), et, en second lieu, au goût pour les études
théologiques, juridiques et grammaticales parmi les classes civilisées.
Les différences sont si peu essentielles que, pour quiconque sait l’arabe
littéraire, c’est une affaire de quelques mois de pouvoir converser
avec des Sayyid et avec la haute bourgeoisie du Hadhramout.
Naturellement on rencontre dans le dialecte du Hadhramout plusieurs
mots qui manquent dans nos dictionnaires de l’arabe littéraire. Ce
sont, pour la majeure partie, des noms de choses et d’institutions
particulières au pays. Par contre, beaucoup de mots de l’arabe
(l) v. P. 48.
232
littéraire ne sont plus en usage, quoiqu’ils soient presque toujours
compris. Ainsi l’on emploie pour „bouche” généralement le mot
cl c
fj'ï ou fj'J, mais tout le monde comprend le mot classique A. II en
y C y Cl
est de même des mots plèvre” et ,,nez”, employés
respectivement au lieu des mots classiques Ai et “A Le lecteur
pourra augmenter les exemples de cette nature, en comparant les
mots donnés dans le cours de cet ouvrage avec ceux des dictionnaires
de l’arabe littéraire. Ce n’est que dans les rares cas qu’un mot a
varié de sens ou que le sens s’en est élargi ou rétréci, en passant de la
langue littéraire à la langue parlée, que l’étranger qui ne connaît
que la première s’exposerait à des quiproquos. Ainsi le mot L
n’a plus, dans le dialecte du Hadhramout, la signification de „voir”
en général, mais seulement celle de „voir” au sens figuré et de
«voir” dans un songe ou dans une vision. Quand on veut dire
„voir” dans le sens naturel, il faut se servir du mot 1 — -‘'A De même
✓ uJ f
le mot pl. ne signifie plus „marchand”, mais „riche”. Pour
«marchand” on dit et au pluriel ^ v J-4'. Pour „dent”
C ) J • ) i
on emploie plur. au lieu que le mot ^ plur. de ^
signifie ,, l’indisposition d’un petit enfant”, par suite de la dentition.
o ^ c
«Visage” n’est plus mais ^ , le premier signifiant «côté” ou
«face” d’une question scientifique, plur. ne signifie pas
«papier”, mais «pétard”; pour «papier” on dit (AA, même s’il
s’agit de papier' colorié ou peint. Tout cela n’empêche pas qu’en
Hadhramout l’idiome parlé ne s’approche de très-près de la langue
classique. Quelquefois, surtout dans le style épistolaire soigné, on va plus
loin encore, et l’on tâche, autant que possible, de s’abstenir des particularités
de la langue parlée, pour se servir entièrement de l’arabe littéraire. Ceci
toutefois reste une exception, ou à vrai dire, une espèce d’affectation.
Quant aux couches sociales inférieures, il est plus difficile de
converser avec eux. D’abord ils se servent, beaucoup plus que les
253
classes lettrées, de proverbes et d’allusions, incompréhensibles à
quiconque n’est pas né et élevé parmi eux. Puis ils parlent, pour
la plupart, très-vite et prononcent les mots de manière à les rendre
inintelligibles à l’oreille peu exercée. Non-seulement les voyelles
brèves sont prononcées par eux d’une façon douteuse — c’est ce que
font tous les Arabes modernes — mais ils omettent quelquefois des
consonnes, chose qui est plus grave. On peut comprendre, par exemple,
} s J C J ^ y f y
ce que veut dire * *3 ou ^ '~e, sans reconnaître ces
'/ '
expressions dans cjutloh ou mânâdârî. En outre on transpose quelquefois
les consonnes d’un mot; j’ai entendu par exemple plusieurs fois dire
° y C y
au lieu de ^>j. Une autre difficulté dans la conversation avec
des personnes appartenant aux classes inférieures du Hadhramout, c’est
O y (.
qu’elles emploient souvent des mots bas, comme (*) pour
mots qu’il est absolument interdit d’employer dans la bonne société.
c ^
Quelquefois les mots populaires sont très-poétiques, par exemple
o ^ ^
pour „pluie”, au lieu du mot ordinaire (2). On dit même
du sol arrosé par la pluie.
En dernier lieu, plusieurs mots, en usage parmi les classes civilisées,
ne sont pas compris par le bas peuple, par la seule raison que celui-ci
ne connaît pas l’objet nommé. Tel Bédouin qui n’a jamais vu la mer,
^ o
ne comprendra pas le mot > — „rame”; mais ce mot n’en
appartient pas moins au dialecte du Hadhramout.
Cependant, on peut remarquer des phénomènes pareils, non-seulement
dans l’arabe, mais dans toute langue vivante. Un Hollandais ayant
appris le français par la lecture des auteurs classiques, aura bien
moins de difficultés dans sa conversation avec les gens du inonde
qu’avec des ouvriers ou des paysans.
ul J x 5
(*) Ne pas confondre ce mot avec £ „boule" et ijî „ globe terrestre".
c ^
(*) I.e mot est employé spécialement , quand on veut parler d'une pluie
bienfaisante.
234
Quant aux éléments étrangers dans le dialecte du Hadhramout,
ils sont relativement rares. Quelques mots hindoustanî, par exemple
«secrétaire”, au lieu du mot classique et, dans les
derniers temps, une demi-douzaine de mots malais sont entrés dans
la langue parlée, surtout dans les villes. Les mots turcs et persans
sont plus rares encore.
Il va sans dire que j’ai nullement la prétention de donner un
exposé complet de l’arabe parlé en Hadhramout, comme en a fait
par exemple Spitta Bey dans sa savante grammaire du dialecte de
l’Egypte (*). Pour un travail aussi profond il faudrait absolument
avoir fait un séjour prolongé dans le pays. En outre il faudrait être
en premier lieu grammairien, tandis que moi je me suis occupé de
la langue arabe dans le but spécial d’étudier le droit mahométan.
Mon intention n’est que de donner une idée générale d’un dialecte
encore inconnu et qui n’en mérite pas moins, sous plusieurs rapports,
l’attention des arabisants.
Ce sont surtout les différences locales que j’ai dû traiter d’une
manière très-superficielle. J’ai remarqué à -cet égard, parmi les Arabes
établis dans l’Archipel indien, un phénomène identique à celui qui
m’a frappé parmi les Hollandais; c’est-à-dire que, dans les colonies
composées d’individus de différentes parties du pays, les particularités
locales de la langue hollandaise tendent à s’effacer. Il est rare qu’à
Batavia on reconnaisse quelqu’un à son idiome pour un habitant
d’Amsterdam ou de la Haye; de même beaucoup de membres des
tribus du Hadhramout perdent les traits distinctifs de leur idiome
local. Quand on est dans une assemblée d’Arabes, soit à Batavia, soit
autre part, on serait au premier abord enclin à croire que la langue
parlée en Hadhramout est partout la même. Ceci n’est vrai, je crois.
(') Citée plus haut p. 49 n. 1.
255
que pour les classes civilisées; mais pour les couches sociales inférieures,
il me semble que, surtout dans la prononciation, il y a des déviations
locales assez sensibles, dont les plus remarquables seront exposées
dans le chapitre suivant.
L’arabe parlé dans l’Archipel indien diffère de celui du Hadhramout
surtout par l’emploi fréquent de mots malais, non-seulement pour désigner
des choses particulières à la vie aux Indes et inconnues en Hadhramout,
comme les noms d’animaux, de plantes, d’institutions, de poids, de mesures,
etc., mais encore pour des choses ayant un nom arabe connu de tout le
monde (1). Ces mots malais subissent ordinairement un léger changement,
le plus souvent à cause de quelques lettres malaies manquant dans
l’alphabet arabe. Ainsi on substitue le ou le 1 — > au 1 — >, le f ou le
d, ou bien la combinaison t>- au £, le au ^ . Quelquefois le
changement subi par les mots malais ne s’explique pas, et enfin
les mots malais se déclinent et se conjuguent comme si c’étaient des
mots arabes.
A l’appui de ce que je viens de dire, je vais citer quelques exemples.
Pour (2) on dit généralement du malais au pluriel
✓ X* J(// >«•'>' O z'
on dit De même on dit j&j plur. ^’'-",dumalais_j^ (3), pour
jî.j'"* pour ^1*^ (4), y y aor. yyu du malais yy, pour
ÿy (5), Pour De ce dernier mot on fait le verbe '-^yw
^ G ^ ^ G J 5 wJ
pour Même j’ai souvent entendu dire (6) pour
Cx-C O) »
' pour etc. Parmi les mots malais qui n’ont pas
d’équivalent précis dans l’arabe du Hadhramout, je cite seulement
(*) Quelquefois même on emploie dans l’arabe de l’Archipel indien des mots hindoustani
ou persans, qui ne sont pas encore entrés dans la langue malaie.
H V. p. 98.
(3) Du hollandais „bank”.
O
(4) Le mot parait être hors d'usage en Hadhramout.
(5) Mot malais emprunté au hollandais „citatie”.
(s) Du hollandais „nummer" numéro.
256
° C >C) (,>01 o * s
prononcé (*), „ carrosse,” prononcé plur. u^^.,
«paquet”, «allant droit au but”, (2) «blanchisseur”, et
c ✓ o x-
^ (3), prononcé f|j, «horloge”.
En second lieu, relevons le fait que, quoique l’écriture dite latine
ne soit connue, dans l’Archipel indien, que de très-peu d’Arabes, et
qu’elle soit absolument inusitée pour leur langue maternelle, il n’en
est pas de même de nos chiffres et de notre calendrier. Parmi les
Arabes faisant des affaires un peu considérables, il y a plusieurs
qui emploient volontiers les chiffres européens; ils se servent
même souvent de notre calendrier. En dernier lieu, il reste à
mentionner, comme différence entre l’arabe parlé en Hadhramout et
celui de l’Archipel indien, que plusieurs mots et expressions se
rattachant à des circonstances locales du premier pays tendent à
o - o ^
disparaître dans le second. Ainsi les mots et pour «sud”
et «nord”, seraient Vides de sens sur la côte septentrionale de Java.
G / C/-
On les remplace à Batavia par et naturellement ces deux
derniers mots n’ont plus la même signification autre part, p. e. à
Singapour ou à Pontianak. De même le mot^ est remplacé, dans
<j' ) )
l’Archipel indien, par le mot plur. lequel, en Hadhramout,
n’est employé que dans des significations spéciales, comme
JUJ! (4), etc. Dans les villes où l’on trouve un
éclairage au gaz, on emploie le mot ÿ (5) pour désigner cette espèce
d’éclairage, au lieu que, pour désigner le pétrole, on se sert, partout
s s o ✓
dans l’Archipel indien, soit de l’expression malaie <xiU soit du mot
hollandais «petroleum”.
Quant aux métis, il en est de leur arabe comme de leur caractère.
J1) Du portugais „caretta”.
(J) Du bindoustanî uS^30-
(3) Mot persan adopté dans la langue malaie.
(“) Four cette dernière expression, v. p. 54.
(‘) V. p. 66.
237
Les mots malais se substituent aux mots arabes, à mesure que
l’individu se rapproche de la population indigène. Quiconque tient
à son origine, tâche de parler comme les Arabes du Hadhramout, à
moins d’avoir fait un 'long séjour à la Mecque; car dans ce cas
l’influence de l’arabe de cette ville se montre souvent d’une manière
sensible. Le premier signe auquel on reconnaît ordinairement un
métis, ce sont les fautes contre la grammaire arabe, essentiellement
différente de la grammaire malaie. Il n’y a presque point de métis
qui observent les règles relatives aux temps, aux nombres, à l’article
et à la concordance. Il paraît que ce sont là des difficultés presque
insurmontables pour quiconque n’a appris, dans son enfance, qu’une
langue indigène. Par contre, le malais des métis se distingue encore
durant plusieurs générations par l’emploi de mots arabes, là même
où le malais a un parfait équivalent. C’est une affectation qui, comme
la coiffure du turban (*), ne cesse que quand le métis a perdu toute
conscience de son origine. Il en est, au reste, de même des mots
hollandais, employés par les métis européens.
O v. p. 187.
CHAPITRE II.
OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET LEXICOLOGIQUES (’).
Eu égard au caractère de l’arabe parlé eu Hadhramout et à
l’impossibilité d’en donner, sans quitter l’Archipel indien, une description
complète, je crois qu’il sera rationnel de me borner, dans le chapitre
qu’on va lire, à des annotations sur la grammaire arabe vulgaire de
Caussin de Perceval (2). Quoi qu’en puisse dire le savant explorateur
du dialecte égyptien (3), il me semble que les traits distinctifs de
l’arabe vulgaire sont exposés, dans le livre de Caussin de Perceval,
d’une manière aussi précise que succincte. Quand il s’agit d’un dialecte
tellement rapproché de la langue littéraire que celui dont nous nous
occupons, la meilleure méthode, suivie par Caussin de Perceval, c’est
de prendre cette dernière langue comme point de départ. En tout
cas, on irait beaucoup trop loin en appliquant au dialecte du Hadhramout
ce que Spitta Bey nous apprend des rapports entre l’arabe littéraire
et le dialecte de l’Egypte, dans les deux dernières pages de sa
préface (4). Je n’en ai pas moins consulté l’ouvrage de Spitta Bey à
plusieurs reprises et j’y ai trouvé sujet à plusieurs observations. J’ai
cru inutile de citer toujours les pages; ceux qui prennent intérêt
à mes modestes efforts pour décrire le dialecte du Hadhramout,
connaissent assurément son livre, produit d’une persévérance et d’une
sagacité au-dessus de toute louange. Je sais assez, par expérience,
combien il est difficile de constater les règles grammaticales d’un
(* *) Dans le cours de mon ouvrage, surtout dans la première partie, j'ai déjà donné un
grand nombre de mots du dialecte du Hadhramout. Je ne les répéterai pas dans le
présent chapitre.
(*) Je citerai les pages et les paragraphes de la 4ièmc édition, Paris 1858.
(3) Spitta Bey op. cit. p. VII.
(“) Ibid. p. XIV et XV.
239
idiome, pour apprécier la valeur du livre, qui, selon un juge compétent,
marque une nouvelle époque dans l’étude des dialectes arabes parlés (‘).
L’arabe du Hadhramout a conservé toutes les 28 consonnes de
l’arabe littéraire. On les appelle vulgairement: Alif, Bê, Té, The,
Djhn, Ilâ, Khâ, Dâl, Dsâl, Râ, Zai, Sîn, Chîn, Cad, Dhâd, Ta, T ha,
9 Ain, Chain, Fà, Qâf, Kâf, Lâm, Mîm, Noua, Il à, Wâw et Yâ.
VAlif est un simple Spirilus Lenis. Comme voyelle longue elle se
prononce toujours comme a dans le mot français „va”. Je n’ai jamais
entendu la prononciation dite Imâlah.
Le Thé est le Ih anglais dans „tbing”. Cette lettre n’est jamais
confondue, ni avec le s, ni avec le l.
Le Dj îm se prononce, à l’est de Cbibâm jusqu’à Târibah, comme
le y français (2), mais, dans la vallée de Kasr, comme le j français.
Partout ailleurs on le prononce dj.
Le Hâ n’est jamais confondu avec le Khâ, ni avec le 9 Ain.
Le Dsâl se prononce à ach-Chihr, à al-Mokallâ et dans les environs
à peu près comme d, partout ailleurs comme ds.
Le Cad est un s fortement articulé, à peu près comme fs. Je crois
qu’il est le plus simple de représenter la lettre par le ç français. 11
^ c ^
se confond quelquefois avec le Sîn. Ainsi les mots (3) et
W O / >
(4) s’écrivent souvent avec un Sîn; mais il va sans dire
que l’emploi du Çâd mérite la préférence, eu égard à la racine
dont l’un et l’autre sont dérivés.
Le Dhâd est un dh ou dl, articulé avec emphase. Le Thâ se
prononce presque comme le Dhâd, et on le confond souvent avec
cette dernière lettre, même dans la langue écrite. Au cas que le (*)
(*) V. Actes du sixième congrès des orientalistes, Première Partie, p. 78.
(J) Dans ce cas le Djim précédé d'une Falhah et marqué d’un Sokoun se prononce à
G ss C / ^
peu près comme ai : c a le son de i j»-.
(3) Ainsi s'appelle toute pièce d’habillement couvrant la partie supérieure du corps.
H V. p. 99.
240
'Ain, à la fin d’une syllabe, soit précédé par toute autre voyelle que
le a, on entend entre celle-là et le 'Ain un a très-léger. C’est le
Patakh Furtivum de l’hébreu. La même observation s’applique au Hâ.
Il est vrai que le Patakh Furtivum est le plus marqué, si la voyelle
i ou u est longue; mais on l’entend encore, quoiqu’à un moindre
c "
degré, si la voyelle est brève, p. e. dans prononcé à peu près
comme râfia\ Si le 'Ain ou le Hâ, à la fin d’un mot, est précédé d’une
autre consonne portant le Sokoun le Patakh Furtivum se fait encore
O X- G ^
remarquer: ainsi se prononce dhaba ’, ^1^ Khala’ Ràcbid(1), etc.
Le Ghain se transcrit le mieux par un gh.
Le Qâf se prononce comme le g français devant un a.
c?
Quant à la diphtongue elle se prononce, soit comme au, soit
comme aw. La première prononciation est la plus commune quand
' est suivi d’une consonne avec Sokoun ; cependant il y a des
exceptions à cette règle.
Le Yâ marqué du Sokoun et précédé d’une Fathah se prononce
non-seulement comme le ai français dans „bain”, mais encore plusieurs
fois comme le ai français dans „j’ai”, c’est-à-dire comme é. Ainsi
G J G ^ G J G x
les noms des villes et se prononcent Séyoun et Séhout. Je
n’ai pu constater une règle à ce sujet. A la fin des mots, le Yâ peut servir
encore à prolonger la Fathah. Ainsi et se prononcent comme
^ et Au § 51, traitant de la terminaison il faut ajouter que le
Hâ se prononce encore comme l, s’il est suivi d’un pronom suffixe. Dans
le cours de mon ouvrage j’ai représenté cette terminaison par ah, afin
de fatiguer le lecteur aussi peu que possible par des irrégularités de
transcription; mais cela n’empêcbe pas que la terminaison ne se prononce
souvent comme éh. Les observations contenues dans le § 32 s’appliquent
aussi, selon mon avis, au dialecte du Hadbramout. Si la terminaison *-
(*) V. p. 28 cl 82.
se prononce comme élt, et que le lia doive se changer en /, à cause (l’un
✓G
pronom suffixe, etc., elle devient il. Ainsi Irilméh „mot”, suivi
d’un pronom suffixe, devient kilmilnâ, kilmilak, etc. Par contre
courait „forme”, „image”, devient çouratnâ, çouratak, etc.
Pour ce qui regarde les voyelles, je n’ai qu’à remarquer que la
Dhammah se prononce o dans une syllabe ouverte, mais dans une
syllabe fermée, u bref, comme dans le mot anglais „but” ('). On dit
^ * u* i~
p. e. qorâ i Sf plur. de „village”, et umm ^ „mère”. Les signes
G ^ ^ G ^
des voyelles se nomment ordinairement plur. de
L’A///' placé devant la première consonne d’un mot, pour en
faciliter l’articulation, est seulement en usage, si le mot commence
/ /Ci c ^ G£
par un Mim. On dit, et on écrit même cl Par contre,
^ C) ^ y
on dit bien distinctement „à bon marché” et „cbef
^ JJ
de tribu”, mais non et comme le prétend Caussin de
^ y
Perceval. Les voyelles finales — > — et — , comme signes des cas
dans l’arabe littéraire, ne se font jamais entendre dans le dialecte
du Hadhramout, lors même que le mot suivant commencerait par
un Waçl. On dit ’Abd Allah, mais non ’Abd Ullâh. Cette dernière
prononciation a été toutefois adoptée par les Javanais et les Malais dans
quelques noms propres et dans quelques expressions arabes qui ont
passé dans leurs langues respectives. Le Tanwîn n’est point en usage, si
*
ce n’est dans quelques adverbes qui se terminent en L et dont nous allons
*
parler plus loin. Les terminaisons et — de l’arabe littéraire, pour
y-, et deviennent dans le dialecte du Hadhramout ^j-el
Voilà les principales remarques faites, lorsque j’ai comparé la
prononciation de l’arabe parlé dans mon entourage avec les règles
données dans les 22 premières pages de la grammaire de Caussin de
(') Il n'y a que très-peu d'exceptions à cette règle. Ainsi, dans le pronom personnel
C y
suffixe <X_, on entend le son o et non celui de u bref; il eu est de même dans le
G y
nom de la ville 1 „al-Ghorfah” .
16
242
Perceval. Je dois faire observer cependant que nulle description ne peut
donner une idée exacte de la prononciation des Arabes. Qu’on invente
un système de transcription aussi savant et aussi compliqué qu’on
voudra, il ne pourra jamais remplacer l’ouïe, et les mérites d’un tel
système ne seront appréciés à leur juste valeur (pie par ceux qui ont
appris à parler l’arabe par la conversation. C'est une observation qui
regarde toute langue vivante et, à plus forte raison, une langue comme
l’arabe, dont la prononciation diffère tellement des langues européennes.
C’est surtout le fait, souvent constaté, que les voyelles brèves n’ont
guère de son pur et distinct, (fui rend impossible de représenter, par
notre alphabet, les mots comme ils se prononcent par les Arabes
eux-mêmes. L’étranger, pour être compris, ne saurait mieux faire que
de s’appliquer, en premier lieu, à bien articuler les consonnes, toujours
en tant que cela est possible pour quiconque n’est pas de la race
sémitique. Chez les Arabes les consonnes forment le corps des mots;
les voyelles et surtout les voyelles brèves n’en sont que l’accessoire.
La conjugaison du verbe diffère sous quelques rapports de celle dans
les autres dialectes de l’arabe vulgaire ; voici le paradigme :
Prétérit. Aoriste.
3 p. m. s. kalab. 3 p. m. s. yaklub.
G ^G ^ G J G
3 p. f. s. katbat. 3 p. f. s. taktub.
G G > Cy
2 p. m. s. katabt. 2 p. m. s. taktub.
s * ^ G J G/- t
2 p. f. s. l_5LJS katabtî. 2 p. f. s. ^jJJo btklobin.
1 p. c. s. katabt. 1 p. c. s. i Jtf'f aktub.
3 p. m. pi. katbaw. 3 p. m. pl. yaktoboun.
3 p. f. jd. ij*jS katabin. 3 p. f. pl. yaktobin.
y G/ y jGx
2 p. m. pl. katablou. 2 p. m. pl. taktoboun.
G G ^ ^ G
2 p. f. pl. JÀüï katabtin. 2 p. f. pl. laktobin.
si* s s ° y*"
1 p. c. pl. Uuüi’ katabnâ. 1 p. c. pl. naktub.
245
Le subjonctif et les formes dites énergiques de l’arabe littéraire
sont tombés en désuétude, mais le jussif a été conservé. Il se distingue
de l’indicatif dans ce que les terminaisons de la 5k'me et de la 2ième
personnes masc. plur. sont ^ au lieu de Ce n’est que dans les
verbes concaves qu’il existe une différence dans toutes les personnes.
La voyelle des préfixes de l’aoriste, je l’ai représentée par une
Falhah, parce que le a en est le son primitif. Cette voyelle toutefois
est prononcée tellement brève et vague, qu’on devrait la rendre par
le e muet français, ou, ce qui vaudrait peut-être mieux encore, la
supprimer entièrement. La même observation s’applique du reste à
la Dhammah de l’aoriste du passif. Les préfixes «— > et devant
l’aoriste, sont entièrement hors d’usage. Il en est de même des préfixes
■ji ^
^ et Quant au mot J^, on s’en sert pour préciser le temps
présent, tant au masculin qu’au féminin, et tant au singulier qu’au pluriel.
Ce mot, toutefois, n’est pas d’un usage très-fréquent, et jamais on ne
l’abrège en Pour exprimer le futur, on se sert du préfixe L,
G^
prononcé à Terîm et dans les environs y>, et dans quelques autres
G s J)
localités ^ . L’emploi du mot pour indiquer le futur simple, et
des mots ou ^ j, pour indiquer une action future très-prochaine,
est inconnu en Hadhramout. L’emploi du prétérit, sans y attacher
l’idée d’une action passée, a lieu non-seulement après les particules
• Gy*
conditionnelles ^ \ et mais encore, quand on veut exprimer
l’optatif. Ce dernier emploi est même assez fréquent.
Le passif n’est pas du tout tombé en désuétude, comme le prétend
Caussin de Perceval pour les autres dialectes de l’arabe vulgaire. Il est
vrai que, dans quelques verbes, on le remplace par une forme dérivée (x);
mais il y a aussi beaucoup de verbes dont le passif s’emploie tant au
prétérit qu’à l’aoriste. L’usage seul peut apprendre, dans quel cas il
(*) Spécialement par les formes VII et VIII.
faut se servir de l’une ou de l’autre manière pour exprimer l’idée
du passif. Seulement j’ai remarqué que le passif est le plus en usage
dans les formes I et II.
Quant aux formes dérivées, relevons en premier lieu que l’observation
sur la voyelle des prélixes, dans l’aoriste de la forme I, s’applique
aussi aux créments des lormes V et VI. Il en est de même
des préfixes dans l’aoriste de toutes les formes, à la seule
G G y
exception de la forme IV, dont l’aoriste actif est et l’aoriste
G /• C ) * *"
passif à prononcer yuklib et yukfab. Quant à la voyelle
des créments des participes, dans les formes dérivées, conformément
à la règle donnée par Caussin de Perceval au § 47 , elle est
supprimée, s’il s’agit d’une syllabe ouverte, mais la Dhammah se
prononce distinctement, s’il s’agit d’une syllabe fermée. Puis l’aoriste
actif de la forme II offre une autre particularité: on ne dit pas
* G jl )
comme dans l’arabe littéraire, mais De même l’impératif
i) G i) y X ^ G,*)*
est t, ^ au lieu de et le participe actif (') au
lieu de - Enfin le dialecte du Hadbramout ne connaît pas
* G G G ^ s s-
le changement de la forme V, en ou en ni
t, s S G^^J G
celui de la forme VI, en ou en ? ni celui
G y y Kj G x /O
de la forme VIII, en ni enfin celui de la forme X,
G /’C^ G G «*J G
i Ajüa» 1 ^ on 1 _
Le paradigme du verbe redoublé, tel qu’il a été donné par Caussin
de Perceval, doit être corrigé d’après ce que je viens de dire sur la
conjugaison des verbes en général (2). La seule irrégularité consiste
G o) s G ji s
dans ce que la 3 p. f. pl. est au lieu de comme on
üJ t
pourrait le supposer d’après l’analogie de la 3 p. m. pl.
G ^ ✓ G ^
Au reste, je n’ai jamais entendu les formes etc. et
(*) Ce mot, comme nous l'avons déjà vu (p. 17), a la signification spéciale de
..messager", , .porteur de lettres".
(*) V. p. 242 et 243.
On dit toujours d-oik* et ^ . Do même la conjugaisou régulière de
l’aoriste des verbes assimilés, ô^y, etc., au lieu de J-*3:»., et celle du
C x ^
prétérit des verbes concaves jy2; etc., au lieu de J^>, ne sont point
en usage. Par contre, quelques verbes concaves, dont la seconde
radicale est un y et dont l’aoriste s’écrit avec a, se conjuguent
0/0/ C -"C x
régulièrement dans l’aoriste. Ainsi l’on dil^y^î „il peut” et
„il flaire” (*), quoique l’aoriste de <— soit <— et non ipu.
L’observation contenue dans le § 127 n’a aucun rapport au dialecte
du Hadhramout où, comme nous l’avons vu, le jussif existe dans
tous les verbes. Enfin la forme IV ne perd jamais au prétérit le
C C ^ c
crément 1. On dit toujours j J J ï.
Les verbes défectueux se conjuguent tous, même dans la forme I,
O ^
comme si la dernière radicale était un Yd: etc. etc.
(//' O//* )Oz ; C/- ""
et au lieu de ^yf-, etc. yf^„, etc. et yf^. Dans l’impératif,
ces verbes rejettent non-seulement leur dernière radicale, mais la
C C CO O /
deuxième prend encore le Sokoim. On dit p. e. u^jï etc.
au lieu de fj\, ), £ J), etc. Quelques-uns de ces verbes rejettent
encore le 1 caractéristique de l’impératif: ainsi l’impératif du verbe
^ est J»-, et celui du verbe Jæ, I33. La voyelle finale reparaît toutefois
o o
au féminin. On dit ^^1, ^^,1, etc. La terminaison irrégulière du
participe passif féminin de la forme II, au lieu de »), n’existe pas.
Les verbes liamzés <^=*1 et se conjuguent, à Terîm et dans
les environs, au prétérit, comme si c’étaient les verbes défectueux
• . C / / C//
et . On y dit et '. A Saioun et dans les
c ^ c^
environs, on rejette au prétérit le », et l’on dit et oif.
Les verbes liamzés dont la troisième radicale est un l, ont toujours
>o
l'aoriste de la forme I avec a. On n’entend jamais jr^>, mais toujours
ou plutôt yy., conformément à la règle, posée par Caussin de
(*) Ne pas confondre cel aoriste avec
Z'S-
,,il va”, de la même racine.
246
Perceval, que les verbes hamzés de cette catégorie se confondent avec
les verbes défectueux. Le verbe quadrilitère a, dans la forme I, l’aoriste
GG 9 OC 009
l’impératif et le participe mais les
préfixes et j» se prononcent encore comme s’ils avaient pour
voyelle un e muet.
O O ✓ O 9 (//
Les infinitifs de la loriue II, du verbe trilitère, sont
^ C/ ✓ * *
et «si&âJ, la Falhah du crément ^ à prononcer aussi comme e muet,
est le plus commun, quoique soit en usage dans quelques
9 0^ 9 G*-
verbes d’un emploi fréquent; on dit p. e. et (*), et
c o O ^
non et L’infinitif Jlaiù, de la forme II, est inusité.
Le diminutif est très-fréquent dans le dialecte du Hadhramout,
là même où la logique semblerait ne pas l’exiger. J’ai souvent entendu
^ Cs 9 9x t*»x9 O
dire p. e. au lieu de „fiancée”, au lieu de
uJ ^ 9
„fille”, au lieu de^à^ „jeune enfant”, etc.
Après avoir remarqué en passant que la terminaison féminine
h\ au lieu de est tout aussi inusitée pour les substantifs que
pour les participes (2), je passe au nombre des noms. Et d’abord
l’usage du duel est à peu près limité aux cas où il s’agit de deux
personnes ou objets formant sous quelque rapport une paire. S’il s’agit
de deux personnes ou objets différents, on se sert du pluriel. Puis
j’ai remarqué qu’un mot au duel ayant un complément quelconque
est remplacé par le pluriel. On dit à prononcer al-îdain „ les
deux mains” (3); mais quand on veut exprimer „vos deux mains”
on dit à prononcer cdâk. Quoique réellement le pluriel sain
soit beaucoup moins usité que le pluriel rompu, c’est aller trop loin
que de prétendre que le pluriel sain est limité aux noms de métier.
(') I* signifie dans le dialecte du Hadhramout , .appeler quelqu'un . 11 se
construit avec de la personne.
(*) V. p. 245.
tj y
(3) Le singulier se prononce id.
247
Une autre particularité du dialecte *du Hadhramout, c’est que,
très-souvent, les mots ne subissent pas de changement pour le
pluriel: ils l’expriment par leur forme primitive, au lieu que le
singulier est exprimé par le nom d’unité. Celte manière d’indiquer
le nombre est eu usage, sans qu’on distingue entre objets naturels,
objets d’industrie ou êtres animés. Ainsi le pluriel de yé „une datte”
L> y ^y Li y G y G ^
est celui de „une planche” celui de yû „une
L/y
vache” etc. Quant au pluriel des adjectifs, remarquons que
le pluriel sain des superlatifs est hors d’usage. Jamais je n’ai
/OC
entendu dire „ils sont les plus excellents”, mais
toujours |*a. En outre, plusieurs adjectifs relatifs dénotant
des nationalités ont des pluriels irréguliers. Ainsi le pluriel de
L» * y y<jyy / ✓ ^
„un Hollandais” est celui de „ un Javanais” '■3.,
y fj y y G /(/// G
celui de „un Français” » celui de „un
G GG C/ G * "
Anglais” celui de „un Européen” (Q, celui de
G 11' y y O y y
„un Bengalais” celui de „un Arabe” <— ,tc, celui
y L, y ' L> y y
de „un Arabe du Hadhramout” etc.
Le substantif étant suivi d’un adjectif, tous les deux prennent
l’article. L’emploi de l’article devant l’adjectif seul serait une faute,
presque impossible à un Arabe né en Hadhramout. Je n’ai jamais
entendu dire S — pour yxûl
Les mots gu*, et 1 _S*J, servant dans d’autres dialectes à
uJ ^
exprimer le génitif, sont inusités. Ils sont remplacés par le mot
qui sert à exprimer non-seulement le Genitivus Possessoris, mais encore
le Genitivus Materiae. On dit indistinctement „la
G ^
maison d’un tel” et „la maison de bois” (2).
Quant au mot on ne l’emploie que dans le sens de appartenant
(*) On dit aussi et
(2) Littéralement „de planches".
248
à”, c’est-à-dire lorsqu’on veut exprimer fortement qu’un objet est à
un tel et non à un autre. Plusieurs fois, j’ai vu, dans un magasin,
des caisses portant l’inscription ^ JU>.
Le vocatif s’exprime par la particule W; dans la conversation,
✓ Si £, ^ S
les particules WJ et WvJ sont inusitées et le nom de la personne ou
de l’objet qu’on appelle n’a jamais l’article.
Les pronoms offrent plusieurs particularités. En premier lieu, le
pronom personnel est souvent employé avant le verbe conjugué,
soit pour faire ressortir le sujet de la phrase, soit connue mot
explétif. De ce dernier fait, on pourrait conclure que les préfixes
et les suffixes, exprimant les personnes dans la conjugaison du
verbe, tendent à perdre leur signification dans la bouche du peuple.
C’est surtout pour distinguer la seconde personne masculin singulier
du prétérit de la première personne singulier de ce même temps
c ^ ✓
qu’on ajoute les pronoms personnels. Or le mot katabt , tout
court, représente aussi bien „vous avez écrit”, que „j’ai écrit”. Le
dialecte du Hadhramout ne connaît pas la forme de convenance ou
de politesse consistant à sc servir de la deuxième personne du
pluriel pour marquer le singulier. On tutoie tout le monde. C’est
seulement, quand on parle ou qu’on écrit à un individu d’une position
sociale très-supérieure , que l’on emploie quelquefois , au lieu de
' G ^ G > G ✓ ^
! ou de CS-, ^ li=». Dans le style épistolaire toutefois, on se sert
de préférence des pronoms de la première et de la seconde personne
du pluriel; mais ceci n’a rien à voir avec l’emploi en français de
„vous” au lieu de „tu”.
La conjugaison du pronom personnel isolé est comme suit:
Singulier. Pluriel.
✓ C ^ G ^
1 p. in. ^ anâ. 1 p. c. nahnn (1).
(’) Dans la vallée de Kasr on dit nehâ,
249
Singulier.
Pluriel.
y ('l
1 p. f. anî.
2 p. c.
lÿjl èntou.
c* t
2 p. m. e^-'l ènt ou
enté. 3 p. m.
hum.
î
2 p. f. èntî.
5 p. f.
O
^ hin.
3 p. m. y* hou.
3 p. f. ^ hi.
c
L’emploi de ^ , dans le
commencement
d’une phrase,
Singulier.
masculin ou le féminin indifféremment, est inconnu.
Les pronoms personnels suffixes dénotant le génitif se conjuguent:
Pluriel.
nâ.
2 p. m. CS- ak ou ^ k. 2 p. m. ^ hum.
c
kih
1 p. c.
1 p. c.
un.
2 p. f. tjL. ich ou O ch. 2 p. f.
° o ;
3 p. m. <x_ oh ou * h. 5 p. m. ^ hum.
✓ C/
5 p. f. la hâ. 5 p. f. hin.
Si le pronom suffixe ^ s’ajoute à un mot terminant par un Sokoun,
on le prononce souvent comme 'A- anâ. On dit et ^Jlc tout
aussi bien que WU*. et 'Aa'x. Puis, après les prépositions ^et^^-
le pronom suffixe de la première personne du singulier n’est pas i :
on l’exprime en donnant au u? final un Sokoun-, „vers moi” et „sur
C ✓ ^
moi” sont respectivement ^ et à prononcer ilaij et ’alay. Après
*
tous les autres mots se terminant par une voyelle le suffixe se
s S ? t s ' ' '
change en ^ p. e. abouï „mon père”, ’açâï „mon
S "
bâton”, qâdhiï „mon juge”, etc. Par contre, si les pronoms
suffixes de la seconde personne, dans les deux genres du singulier, et
de la troisième personne, au masculin du singulier, doivent être placés
après un mot se terminant par une voyelle, ils perdent leurs voyelles
>■* y
caractéristiques — > — * — , et il n’en reste que les consonnes ^ \
250
c fl O fl
(^, * avec le Sokoun. Ainsi l’on dit p. e. abouk ou
o y t
abouch „ votre père”, abouh „son père”. Le y final des prépositions
1 et prend en outre le Sokoun et l’on prononce p. e. ilaik,
ilaich, ilaih, etc.
Les pronoms personnels suffixes dénotant l’accusatif sont les mêmes
que ceux du génitif, à la seule exception des suffixes de la première
personne. Le suffixe du singulier n’est point mais pour le
x ✓ c ^
masculin, et ^ pour le féminin; tandis qu’au pluriel on dit
pour les deux genres. L’emploi de deux pronoms personnels suffixes,
à l’accusatif, après un verbe, est inusité. On donne de préférence
un autre régime au verbe, c’est-à-dire, au lieu de deux accusatifs, un
accusatif et un datif. Il n’y a que quelques verbes très-usités ayant,
dans l’arabe littéraire, deux accusatifs, qui les ont gardés; mais
alors le second accusatif, s’il est un pronom, est exprimé par la
tu o ai ✓ c ç
particule Ll. On dit par exemple * VJ LUacl „il me l’a donné”,
£ I i
au lieu de dans l’arabe littéraire.
L’expression b, dans le sens de „tandis que”, quoique en .
usage, n’admet point qu’on y ajoute des pronoms personnels suffixes.
J J U tout court signifie „tandis qu’il”; dans le cas où l’on voudrait
o »
exprimer p. e. „tandis que vous”, il faudrait dire etc.
La particule )j, dans le sens de „voici” et joint à un pronom
personnel suffixe, sujet de la phrase, est inconnue en Hadhramout.
Nous allons rencontrer cependant cette particule plus loin dans un
autre sens. Enfin, quand on emploie comme sujet d’un verbe deux
* ^ x «J ^
pronoms personnels joints par la conjonction Llj p. e. Ul5 fi
n’est pas permis d’en retrancher le premier et de dire p. e.
o oi C* . • •
„vous et moi, nous irons”, au lieu de U!
ou de o-iïj L) Les mots et J Lo s’emploient avec les pronoms
personnels suffixes, comme avec tout autre mot au génitif. C’est à
l’aide de ces mots qu’on forme aussi les pronoms possessifs „le mien”.
251
etc., quand il n’y a pas de nom d’objet à exprimer. Lorsqu’au
contraire il y a un nom à exprimer, il faut le répéter; on dit p. e.
O s - O jJ
„mon livre et le tien”. offrirait un
contre-sens.
Le pronom réfléchi s’exprime par le mot avec le pronom suffixe
de la personne exigée par la phrase. Jamais on n’ajoute le pronom isolé
au pronom suffixe pour mieux particulariser la signification de ce
't c,
dernier: ut pour „à moi-même”, <ü, pour „à lui-même”, et
lût pour „mon livre à moi”, sont des expressions que l'on
n’entend, dans l’Archipel indien, que de la bouche de métis.
Les pronoms démonstratifs sont ou tla, s J ou ou bien
✓ O /■ ✓C ✓ > /«
et ou pour De la même manière on forme les
O, . O # C O O C S- s'
dérivés ou A et ^ ou CS^, l)W»
et CSjJ ne sont pas en usage, et il en est de même de la lettre *
au lieu de etc. Les pronoms démonstratifs peuvent se placer
tout aussi bien avant qu’après les substantifs auxquels ils ont
rapport. Seulement, en cas que l’on mette le pronom démonstratif
avant le substantif, il doit se confondre, dans la prononciation, avec
C > oî
l’article. Ainsi „cet homme”, se prononce dsâr-radjul. La
répétition du pronom démonstratif après le substantif p. e.
pour donner plus d’énergie à la signification, est encore hors d’usage.
Le pronom relatif est, pour les deux genres et nombres, ou,
dans ses formes abrégées, ou i S*. Jamais cependant, on ne se
sert du pronom démonstratif comme équivalent de la conjonction
L c
„que”. „Celui qui”, „celle qui” se rendent ordinairement par ^
O ✓
au lieu de
° o ^
Les pronoms interrogatifs sont {j<, plus usité que „qui”, pour les
personnes, et ^ „qui” ou „quoi”, pour les animaux, le pronom
t ^
interrogatif U n’étant plus en usage. „Quel” se rend par cf ^ ou
Les pronoms interrogatifs eiy^A y*4’ WA Ul, Ul,
252
^UA ^a>Ul, et donnés par Caussin de Perceval,
n’appartiennent point au dialecte du Hadhramout.
Les noms des nombres de 1 à 10 sont comme ceux donnés par
G x x x x x
Caussin de Perceval, à la seule exception qu’on dit et au
g x x g x £
lieu de ^ 'j et de ; tandis que est employé généralement
^ ^ G x G - G
dans la forme abrégée de Et puis on dit constamment
g x ^
pour le mot n’étant connu comme numératif que dans
le sens de „une paire”.
Les nombres de 11 à 19 sont les mêmes pour les deux genres,
c’est-à-dire:
\^X.WJ ( 1 )
G x x xG
O xx x xG x
y^z. Lu ^
</// XXXX
O x x x C x x
yLc àJ &
üUi' (2)
G x x x/xCÎ
C x x X x O
C X- x- X X G X
jkLkZ
O x G J
Cxx Gx
pluriel de *£^0 est
»G xx
300 est 400
G x
Million” se dit pi* et „cent mille” Ce dernier mot
s’emploie indistinctement comme singulier et connue pluriel.
✓ l
Des numératifs ordinaux, remarquons que pour le féminin de
WJ C ^ oJ ’t & *
JZ n’est pas en usage. On dit et quelquefois Par contre,
yj. t A
on ne dit point 011 Les numératifs ordinaux au-dessous
de 1 1 ne sont jamais remplacés par les numératifs cardinaux, et puis
les signes pour exprimer les fractions, tels que Caussin de Perceval les
donne, sont inusités. On connaît seulement le signe / pour „la moitié”
(u^), < pour „un quart” (gj), £> pour „trois quarts” (çî/ ^
(*) Non: jmS.
(2) Non \ ixi 1*0*
253
cl £ pour „un huitième” (^J. Ceux qui ont été en contact fréquent
avec les Européens, se servent quelquefois de notre système d’écrire
les fractions ordinaires, mais ceux-là ont adopté, en même temps,
les chiffres européens. Aussi expriment-ils les fractions ordinaires
S- ✓ o S- S-
comme nous p. e. £^1 && „trois quarts”, &*ij\ ^quatre
cinquièmes”, etc.
Avant d’entamer les prépositions, adverbes, conjonctions et interjections,
il me reste à faire quelques observations lexicologiques, au sujet des
mots donnés comme exemples dans le cours de la grammaire de Caussin
de Perceval.
g
p. 1. et iyï ne sont point en usage dans la conversation.
£ >*■ — c-
Pour „père”, on dit abou plur. et quelquefois
... c > * f
Au lieu de „aiguille” on se sert du mot )oys^o, ^ „mère” a le
t, 5 f
pluriel au lieu de ^->W.
g /•
,,2. est seulement en usage dans le sens de „ceinture de
femme” ( l).j ^ pl. j V. J est, en Hadhramout, le mot ordinaire pour
„maison”, mais inusité dans l’Archipel indien (2).
p. 4. est seulement connu dans le sens de „tradition
relative au Prophète”.
o ^ ^
p. 5. Le mot lU=- est peu en usage et seulement pour „chameau
de prix”. Au reste, les mots pour les différentes sortes de chameaux
G } G ^ ^
ont été données p. 81. Pour „enroué” ou dit „enrouement”
G ^
est
^ ^ >
p. 6. est inusité; on dit J àj*>.
G >
p. 7. ne signifie pas „maladie” en général, mais une maladie
spéciale de l’estomac, se manifestant par un manque d’appétit et une
exténuation du corps.
(1) V. p. 100.
(2) V. p. 62 et 236.
234
p. 8. se dit d’un sac qui se vide par suite de ce qu’on y a fait un
trou. ou est entièrement inusité,
p. 10. Le verbe est inusité.
p. 11. y J signifie 1°. „service à café”, 2°. ..boussole”. Dans la
signification de „banlieue”, le mot est inconnu. Puis est inusité:
les mots en usage pour ânesse ont été donnés plus haut (‘).
x c ^
p. 12. „Gêne” n’est pas niais une „mouche” s’appelle
^ i ' c
S-i comme nous l’avons vu plus haut (2); un „arbre”,
✓ G £ s s s s > s '
pl. .Isuil (3); signifie ..chagrin”; mais ..soupir” se dit ;
* i ^ t**s
ïf* *- plur. f>- est une ..charge”, ce qu’un homme ou un animal peut
porter à la fois. Le mot en usage pour ..souris” a été donné
c y c >
plus haut (4) et est inconnu.
p. 13. ..servante” est inusité. Il en est de même du masculin
jx». ). Ljj est encore un mot inconnu (5). Attendu qu’il n’y a
Cs
pas de roses en Hadhramout, le vulgaire ne connaît pas le mot
dans cette signification, mais bien dans celle de ..fièvre”. On dit
G 9 s *** >
aussi àjjl* ..celui qui a la fièvre”. Le mot littéraire est cependant
usité aussi, surtout par les classes lettrees.
G ^ »
p. 14. Nous avons déjà parlé de et de (G), est un
mot inusité.
p. 18. Les mots et ont été expliqués plus haut (7).
y c s
Pour ..brodé” on dit
G SS
p. 20. „Fils” est ^ pl. ûïjî. Le mot ^ s’emploie seulement
G y s
dans le style élevé ou officiel, et l’abrégé J>. pl.ÿj dans les généalogies.
C) v. P. 8t.
(*) V. P. 82.
G ^
(s) signifie „herbe".
O V. p. 82.
^ y
»» •
(5) Sur JJ y, voyez p. 65.
(e) V. p. 236 et 246.
(’) V. p. 34 et 65.
255
Le mot ^ est souvent remplacé par 4, surtout dans la vallée de
Dou’an.
O oJ/» o ^
p. 21. „Portefaix” n’est pas d^c, mais JL^, et le pluriel de
O J y x'
„coupe” est non-seulement , mais aussi
p. 29. Au lieu de et de tjLilac, on dit communément ^
et plur. ^ (‘).
p. 34. Les mots et ne sont pas en usage,
p. 41. Le mot n’est pas en usage.
p. 42. X «attendre" 11’est pas en usage. On remplace cette
forme par la forme V.
ui
p. 43. Quoique ^ s’emploie encore dans la grammaire dans
G ^ C £
l’expression d* *^, «sourd” se dit fü-al. De même on dit pour
c ^ c’f
«muet” non comme dans l’arabe littéraire, mais
p. 52. Le mot .Le pour 11e signifie jamais «assourdir";
ui )
ccst seulement la racine de «façonner’’, «peindre", de
C ’jj
,. forme”, «image", et de «peintre”,
p. 53. Le mot est entièrement inconnu,
p. 55. IV n’est pas en usage.
p. 64. L’impératif de 'V est et non Nous avons déjà
parlé de \s\ (2). et sont des formes inconnues: on se
sert seulement de ufjt.
p. 68. V n’est pas en usage.
p. 69. ne signifie point en Hadhramout «laboureur", mais
«vagabond’’. Celui qui cultive son propre champ s’appelle
c ✓
plur. &j*-, et le laboureur à gages
p. 70. «Belle-mère” 11’est pas mais 2 U- et de même «beau-père"
u> ^
est mots qui ont, en outre, leur signification juridique de «tante
maternelle" et de «oncle paternel". est un mot inconnu.
(2) Selon quelques-uns les mots et doivent s’écrire avec un V. p. 239.
(*) V. p. 232.
/
256
ul
j). 72. signifie tout aussi bien „menuisier” que «charpentier’' ;
C 3 ✓ C oJ >
le pluriel île est irrégulier le métier de sellier n’existant
pas en Hadhramout, le mot y est inconnu.
p. 73. Le mot >— * ^ n’est pas en usage. „Pain”, de toute sorte,
O j Ci y y
s’appelle Le pluriel de est jj^.
uJ •
p. 75. Nous avons déjà parlé des mots ^ et (*' (')■ P°ur
) £
^-1 on dit ordinairement le plur. est tandis que le
plur. de oô*' est ^
c y
p. 77. pour „veuf” n’est pas en usage; on dit j IL,
expression qu’on n’emploie pas pour désigner un jeune homme
O ** s Ci i
célibataire. On appelle celui-ci pl. Une jeune fille
C yyi't y Ci C ' t
non mariée s’appelle mais „veuve” est *LciL pl. <J-<M
" m'ct ' ' J
est souvent employé pour 1 „Arménien”.
c y i
p. 81. Le pluriel de JjL: n’est pas niais JLlc, et „fou” se
C i C y C' y' '
dit pl. Le mot signifie „fou furieux”.
p. 85. n’est pas en usage. Un volume d’un ouvrage s’appelle
Ci c
V=>- ou
p. 86. Celui qui monte un animal s’appelle <*-^1 j ; celui qui
C -j) y C y
monte un cheval ^ signifie „celui qui a beaucoup de
perspicacité”.
C y ' C ^
p. 90. „Ici” n’est pas mais Lia. Là-bas est i^-Tlia.
c s i ' "
p. 92. „Moucboir” s’appelle J1'-»;, mot qu’on ne doit pas confondre
C y C s s s C s C * *
avec J Le, plur. de ô~°j „sable”. pl. a ]a signification
de „parente à un des degrés prohibés”.
> C /• G s C 1
p. 96. „Content” n’est pas mais
Maintenant je vais parler des prépositions, etc. El d’abord, j’ai
à faire l’observation que le dialecte du Hadhramout admet aussi
Cy C C y
l’emploi de prépositions doubles: O? et beaucoup d’autres
" ' S.
(*) V. p. 253 el 254.
257
sont d’un usage fréquent. Puis, les prépositions J et suivies
d’un pronom personnel suffixe, sont souvent remplacées par M cité
plus haut (* *): pour CJsXc on peut dire A>b>. Au lieu de
Os Oy t
^—Sjo on entend aussi <— L’emploi de ^y, dans le sens de „il
y a”, est très-fréquent (2), mais on n’y ajoute jamais un on ne
o «• %
dit ni (j A, ni Par contre, le mot ^y s’emploie encore pour
exprimer l’impératif ou plutôt l’optatif: „il faut qu’il y ait”. Le mot
A pour „il y a”, est inconnu, de même que l’emploi de ^y, dans
le sens de „pouvoir”. Pour l’expression „il n’y a pas”, nous en
parlerons en traitant des adverbes négatifs.
CO O y O*
Non-seulement on dit mais encore toutefois ni l’un,
ni l’autre n’est suivi de la conjonction iJ pour exprimer „afin que”.
o c
Quoique l’on se serve de l’expression A ^ 011 ne dit point U-
tout seul, dans le sens de la préposition, française „pour”.
c s ' O y
Au lieu de JA on dit de préférence mais non <_f j . Ce dernier
mot signifie „à la manière de”, mais il n’implique pas l’idée d’égalité,
O C,/ O y
comme c’est le cas de JA 0u 'A’- '—A et JA, sont employés
comme dans l’arabe littéraire.
L’emploi de substantifs et d’adjectifs, comme adverbes est fréquent;
mais, du moins dans la conversation, l’emploi de la terminaison ^ de
* y£ * o'i * O'
l’arabe littéraire, est restreint à quelques mots p. e. Al, Li>l, Lai, etc.
O y
et i — sont inconnus, mais r*A est en usage. Au lieu de
^ } O y ) "
on entend souvent a seulement le sens de „fort”;
C ✓ jî/’O £
„très” se traduit par ^ (3) ou par et
sont inconnus. f A ne s’emploie que comme substantif „fin”.
(*) V. p. 250.
(*) „eau" (C. d. P. p. 119) n’est pas du dialecte du Hadhramout: on dit L«
comme dans l'arabe littéraire. V. p. 68.
O s O s-
(’) On place après l’adjectif qu’il modifie, et puis on dit même
O y C s O s
et
17
258
n’a jamais un pronom suffixe. Il paraît que, dans quelques
Cs' O x G /•/<
localités, on se sert de (j dans le sens de Le mot
est d’un usage fréquent.
a seulement la signification de «besoin”, «nécessité”, comme
dans l’arabe littéraire; n’est pas en usage. Il en est de même de
et de ses dérivés. La traduction de „ici” et de „là-bas” a été
donnée plus haut (* *). Il me reste cependant à ajouter ici que la
ut S
tribu des Homoum emploie encore le mot pour (2).
G ^ G ✓ ' Oui
Au lieu de ^ on dit En outre on a les expressions
G £ G O s '
( j*) et i_s^’ mais, au lieu de la dernière, on dit aussi
0 B G a* s* G
tout court. „Quelque part” s’exprime par u «Dans” est J
et non est inconnu; pour on dit ou bien
oJ
et ne sont pas du dialecte du Hadhramout: l’adverbe
„tard” se traduit par ^ ou Par une expression analogue.
' ^G j C/
«Deinaiu soir” se dit «après-demain” après-demain soir
s S S ' ' lOx (//• ✓G ^
abUll ou simplement après-après-demain Sja>.
et sJo signifient «demain matin”. Pour «hier soir” on dit ' plutôt
,. . . . * ° ‘
que xnais teyw > est inusité. «Hier” est «avant hier”
(j^l Jjl ou ï (u"*} (*V’ '***"» et ^ sont
entièrement hors d’usage.
G x-
a&j signifie «après” et «tout à l’heure”, mais point «encore” ou
G y* X-
«jusqu’à présent”. J 'j pour «encore” est connu; mais on dit de
G ✓
préférence Cet adverbe se construit de préférence avec un pronom
personnel suffixe etc. à\c signifie aussi «plus”, ^ U
ou j le 5! „ne .... plus”. «Pas encore” est ^ et *•
MJ et )ÿ, ne sont pas du dialecte du Hadhramout.
G *— G O
«Maintenant” est ou <*> et ce dernier mot signifie aussi «alors”.
(*) V. p. 256.
G 3 .
(*) Oii ne dit point ctuî.
259
signifie „depuis peu”. j=- et jhl^ sont hors
' ' **J-- O^-uJ
d’usage. V signifie „bien”. „Ensemble” se dit J»- est „deux
ui
fois”, „la seconde fois”, mais à ces exceptions près, le substantif
° J ° *" JJ Oi
„fois” se traduit plutôt par ; lasc* qUe par yc. signifie „au
plus haut degré”, „très”. \ n’est pas en usage comme particule
indiquant l’actualité, mais |;_j est devenu l’adverbe interrogatif. On
pourrait le rendre par „est-ce que”. Cet adverbe admet d’être
i- y y
construit avec des pronoms personnels suffixes, par exemple
ivarâï, „est-ce que je”, warâk, „est-ce que tu”, „est-ce
qu’il”, etc.
i.
Les adverbes interrogatifs de Carabe littéraire ï et Ja, sont tombés
en désuétude dans la conversation. Souvent aussi on indique, par la
simple modulation de la voix, que la phrase est interrogative.
„Ainsi” est et non ou Nous avons déjà parlé de
o ^
(»). Ajoutons ici que l’on ne s’en sert jamais dans le sens de
„comme”, de „de même que”, ou de „lorsque”.
i*J
et sont inconnus. „Combien” est ^ ^>1 ^
1*1 O/-
ou sont hors d’usage. Pour on emploie de préférence
^ j • '-SJ 4> '-SJ U*25 V.» sont encore
inconnus. Pour exprimer „je te prie” ou plutôt „je te supplie”,
o ^ ^
on se sert de CS^Uj. L’expression française „s’il vous plait” se
o tZyy
traduit par J-âsu, quand elle a la signification de „ayez la bonté de”
Z O G oJyy
p. e. „asseyez-vous s’il vous plait” Quand au contraire
G C-j) ✓
elle constitue une manière polie de dire „oui”, on se sert de
Ce dernier mot, prononcé sur un ton interrogatif, se traduit par
J O y Gy G y y
„plait-il”. On rend „merci” par (2) ou par JJ CS)j\js-,
(*) V. p. 257.
> <;' JC-f i i /(, i ,
(*) Abréviation de De même on dit jLaàyl 1 pour h&Js-j 1 L ^
c est une manière polie d'annoncer son intention de partir, quand on rend visite à quelqu'un.
260
d’après ce que le mot merci”' a le sens d’un refus poli ou d’une
expression de reconnaissance. En outre le mot a conservé sa
signification primitive de „je vous présente mes excuses”.
G-'
L’adverbe négatif ^ suivi du jussif est très-peu en usage dans la
conversation. La négation s’exprime ordinairement par '»* ou par
„I1 n’y a pas” se traduit par y* U ou ^ b, d’après ce que la
négation se rapporte à un objet ou à un animal, ou bien à un être humain.
Les mêmes expressions s’emploient pour „aueun” et „nul”. ^ exprime
encore le vétatif (*), et puis on se sert de cet adverbe pour dire „non”,
connue réponse à une question. Dans la dernière acception, c’est
O ^ xO ? x
l’opposé de ou ^ signifie „sans”. Enfin il faut encore noter
(,// x-
l’expression (y- pour „gratis”.
Mes observations sur les conjonctions ne sont qu’en petit nombre.
Dans le dialecte du Hadhramout, la conjonction j ne se prononce
OJ X'
ordinairement pas ou, mais wa, comme on l’écrit. Puis y^»- n’est
x ( C x V
jamais abrégé en ^ , ni ne se remplace par y U y signifie „mais”
et non „donc”. Ce dernier se rend, quoique par exception, par u'A
oJ
au lieu que ^ ^1 n’est point en usage. Toutefois „donc” s’exprime
le plus souvent par la conjonction 1 — ’• y ^ est inconnu, et ^
n’a jamais d’autre signification que celle que nous avons déjà
mentionnée (2). „Lorsque” est ÿ*.
G O
u' et sont tous les deux en usage. Seulement le second
t s
admet une construction avec un pronom suffixe, ce qui n’est point
G >
le cas du premier. On dit p. e. y „s’il”, mais Au reste
C G "f uJ
est souvent employé au lieu de Il eu est de même de u'
S w t s.
au lieu de y surtout par le bas peuple. Quant aux classes lettrées,
O ?
elles observent généralement la différence. Toutefois l’emploi de
(l) Un vétatif plus marqué est celui à l'aide du mot
..prenez garde d'aller”.
(*) V. p. 257.
p. e
'J*? J
A»! 1
261
J
et de est assez restreint. Après le verbe ^ „espérer” et
C Cf
ses dérivés je les ai entendus toujours; après J**- «ü se peut”,
on les emploie ordinairement; mais à ces deux exceptions près, la
proposition incidente se place, surtout dans la conversation, le plus
souvent après la proposition principale, sans l’intermédiaire d’une
if
conjonction. au lieu de ^ est inusité. Aujoutons encore
que la conjonction ^ s’emploie aussi très-souvent là où il faudrait
CS
dire, dans l’arabe littéraire, ^ . Les interjections
et sont inconnus.
Au lieu de V., on dit ordinairement <^, sans y rien ajouter.
Dans le cours de ce qui précède, j’ai déjà inséré quelques observations
relatives à la syntaxe. Je ne crois pas à propos d’entrer dans des
détails ultérieurs à ce sujet. Le dialecte du Hadhramout a, en général,
la même syntaxe que l’arabe littéraire, la seule différence sensible
résultant de la perte des inflexions finales et du fait que quelques
particules sont tombées en désuétude, ou ont été remplacées par
d’autres. Les personnes lettrées observent naturellement mieux les
règles de la syntaxe que les illettrées ; les Arabes nés en Hadhramout,
le font mieux que les métis. Souvent j’ai cru avoir affaire à une
expression qui s’écartât des règles de la syntaxe de l’arabe littéraire.
En rencontrant d’autres Arabes, j’ai fini par constater que j’avais
mal entendu, ou que l’expression constituait une ellipse ou une
anacoluthe. Toutefois, eu égard à l’extrême difficulté d’établir des
règles pour une langue parlée, et vu que je n’ai pas visité le
Hadhramout, il se peut que des recherches ultérieures donnent un
autre résultat. Je ne puis que reproduire l’impression que j’ai reçue
de l’idiome parlé dans l’Archipel indien par des Arabes du Hadhramout.
CHAPITRE III.
LETTRES ÉCRITES PAR DES ARABES DU HADHRAMOUT.
Les lettres qui vont suivre, ont été écrites, à une seule exception
près, sans la moindre idée que le hasard les ferait tomber un jour
entre mes mains , et que j’en ferais usage pour faire connaître
l’idiome du Hadhramout. Ce n’est que celle que je publie en dernier
lieu, qui a été adressée à moi personnellement. Je puis donc
assurer le lecteur que les lettres sont en effet des spécimens de la
correspondance des Arabes entre eux. Il va sans dire que, avant de
les publier, j’ai changé les noms des personnes pour exclure toute
idée d’une indiscrétion. Pour ce qui regarde les notes explicatives, il
me faut encore avertir le lecteur que je me suis borné à expliquer les
mots et les expressions qu’on chercherait en vain dans les dictionnaires
* N
arabes de Freytag et de Kazimirski ou dans le Supplément de Dozy.
Puis, dans le cas où il faudrait expliquer un mot qu’on a déjà rencontré
dans le cours de l’ouvrage, je me suis borné à renvoyer le lecteur à
la page où l’on peut le trouver. Enfin, je n’ai donné les explications
ordinairement qu’une seule fois. Il me semble que cela suffît pour
les arabisants qui prendront quelque intérêt dans ce dernier chapitre.
Les lettres ont été écrites par des personnes appartenant à toutes
les couches sociales. Quelques lettres sont de Sayyid et de bourgeois,
d’autres de membres de tribus, voire de Bédouins. Par conséquent
ce ne sont pas toutes des modèles de style, mais seulement des
échantillons de l’idiome dont on se sert en Hadhramout et dans
l’Archipel indien. Elles servent en même temps sous plusieurs rapports
de pièces justificatives à ce que je viens de dire dans le cours
de mon ouvrage concernant le Hadhramout et ses colonies dans
l’Extrême Orient.
263
m°. t.
* litX-w» t dx <XÜ) t ^ <xli )
icllr ç»oUn ^ ^yd*S) C (J*?^ (Jl>- U! (*) laiiso *1!)
^.CxLc ^ iL**i) •# <^Li) <l^Jl^j ^ , ^u>s\l) tXj t _ç> ) AÜ)
o J j
r^ ^ix (3) A3 ^fti| <^Jü C13jJ^£ *Aili^^ Ail) k*^yj
uJ f f
^..Qas». iù.i Lu ^x^csH i 3^ La*! ), (Jjbil) ^ ( ') j*^Ü 1*m ^ ( ') <ÛjIcj
C 3 s C £ t
^*X L) * Aà$Ix^ 1 Q--^ ' • jX^*’ ' ^3 ^ t^S' Aid
uJ o
1^%JU2:J\ V_»li^ j^a àtf, ^ (j^ ^->t> US t—jlxO) Jj ^ LUrsir
or ..." ' ', "
l^juilsj l)JÔ O^sù) *t-_AK!) Jj ^c C_£jU ( ) SÂa> 5!j SaS^o
_ f
Uj| Ij^cj Ülsl«J) (') ^jdi 1__>U£S^ <uic ei^JS Loj CU-SlsaJ )ji^’\ J
Jô) <xü) (9) lï jL* Lij^ l2^na»j) *cXW jlÿl C) CXsySUU CJU
y (12)jJwûj‘ Le^KjJÏ ^j3> Li^vtS'S) US’iX!)j I — ijo (n) ^&>MJ (10) <USÏ
jjljuj) (li)-(J^;^_J LmXII (13) ^jJ <xl!) JtlSS t 1 Cxs* yj^***^ lii Le * t^*û
(w^axs]) Xc 2s ysS) )jso ^sô LeSj (16) (15) tU/jlc ^ )
- o {
(— 3ji^ ^k> ^^.0 IaA_J ) ^ C/* V
itcUai! ^3 adl) ^iSlj l^J (19) tl/^3 ^Liyt)jJiS>- *(18)
C J
^<c ^j3U ^ybj I^S'aXsc} Le liüb ) 8^1^- ^e
(*) On s’attendrait à un optatif )àsL»-, mais dans la lettre il y a l’aoriste qui, à la
rigueur, peut s'expliquer aussi. (a) P. 32. (J) P. 13. (4) ,,Je n’ai que d'agréables
nouvelles à vous communiquer et on y jouit d’une bonne santé". (5) V. Causs. de Perc.
p. 24 n. 1. (6) I ..s'attendre à’’ III ..attendre". (’) P. 252. (8) P. 232 et 243.
(9) „Le monde entier nous sépare actuellement". (10) P. 261. (“) P. 32. (,2) jS*o
II ..envoyer". (13) ,,I1 faut qu’il y ait". P. 257. (14) Jw jj IV sans y rien ajouter, signifie
,, envoyer" ou , .remettre de l’argent". (15) P. 258. (I6) „Si vous pouvez encore vous en
procurer", c’est-à-dire ,,de l'argent". (”) „Et de la mosquée je retourne chez moi",
c’est-à-dire: „je n'ai d’autre distraction que l'étude et les pratiques de la religion". P. 214.
(ls) Phrase ellyptique: ,,Ne nous oubliez pas, dans quelque partie du monde- vous vous
u>
trouviez". P. 249. (19) t\3 ,,déjà”. (20) „I1 faut que nous recevions quelque soulagement
(c’est-à-dire de l'argent) de file de Java".
264
è uj y ui
1 f* 1 °' 4 lAc ç£m*&} 1 ÇXA.si I t )
mx iju/ jLa Ie (21) ^ ^y^tï
(22) UjJ) i^!ll=
Signature.
03 X
Adresse: u_>U<n ^L*j (2S) ^Aü ^iXb s_jU- ^J)
^ *Ü) juL, JH ^ JH (24) voucftS)
N®. «.
X 5
Cl^ L_^XXsA) (♦y^^ ïUsO *11) £X«) <xil tX^sl)
u)
i Çjlio j Ax) ^x© ( ^ ^ cXo # <xL) i • ^.CaL^ <x^1aw
ç^jb ( ^ ^^iîAxw cXÎ ( / AAjlftJ
U» ^ CioU». (°) jyJ) (4) UU,^o ^U&y) ^
(J^u^>. C_£Â< ^^jAxlUa la»!) )Âi> LL£! UIra- (jï) * CJUu
UJ
USl^- ( ) jïÿÏÏ IaaIawj Li-^As»-) i ç3 ^J»A*s^ 1aLû3
1) a) X ^
^xe I^AaIamj) i_CtXi) j^ù ( ) {^«^Axo ^AaIUs ^Ï)j
(10) * c\^^xo U! dxoy: Ujw^ (°) JT (8) jâ!)
t*J J u) J
*11) U! Ai». (") Ijuubj jii Amie ,j)l <j^$j jS^i)
*11) lime ^g!l l$Luj) ») Axa! t ^*>yÂl) ô^j ) A# J *11)
(**) Pour U'Ull) „mardi”. (”) Cette expression dénote que celai qui signe la lettre
se considère comme inférieur au destinataire surtout par rapport à l'âge. Dans le cas
opposé on se sert de l’expression ^3 ^gci^SI, et dans le cas d'égalité, de l’expression
*ljbj IciXl) L^JUs. (”) Bclâwi ..Batavia”. (“) La construction avec deux accusatifs
de jjuu II dans le sens de „rcmettre" manque dans les dictionnaires. P. 250.
(*) L’emploi de UiyjiX^ sans exprimer le sujet est à la rigueur licite, mais ordinairement
# > C f
on ajoute i_5^>-ïl (*) Il est plus usité de dire u_>lxCi) L-^s-^-o „ce qui me
i>J t*J
force à vous écrire”. (3) Plur. de lai- ..lettre”. Dans le sens de ..ligne”, „raie”, lai-
O > N
a le plur. As liai- A (‘) Du malais ^j*>ÿ ..droit au but", ..directement". (5) Du hollandais
post ..poste”. (s) Prononcez: tolco, mot malais signifiant ..boutique", ..magasin" et même
„comptoir" d’un négociant en gros, yyill Jjbl „lcs maisons de commerce européennes”.
P. 134. (7) P. 259. (8) P. 247. (”) P. 52 et 135. (,0) p. 259. (“) Pour
P. 261.
2«S
* ul ul ui
Le ^ i\s=klï y<icsJ) * *lL« C^Llc i!ly»- «ic^
ot j
( ' j I A V 1 c'cLij ^ jXX^JS^y) y^.w I I y J
u)
• (jjLs^e »
Signature.
Adresse: j*yC*J) u_>Ua» ^Lj (1S) CJ^ yL (14)
*1!) <X^JLu ^yitj ^yilî t-
1°. 3.
^ j»yisA^J! |*y£*]) üLso <kJJJ ^ILe) jdl j**»!)
i Cj> Lj x- æJJ) ^Ldx ^iLwi) x-^yA^o) &1!) ^Cejiuj ^yïts
G ui
LJ^ ^ iLO Ixxic lo^£L>- (JLS'd) L t\3j
1 ^ ^ i. G ^ uJ
^ ( ) lL£-»-<s (^Â!) (J-^yL CJL) cuJxylj ^ (J»xJL CJoj
• ^ « °'*T' " ’ ^
Li»- ^Jx (3) (2) cSs-^ L Juslslïj cjllj c^JUA
üjy^e C-^-Lc LiJI ÏÂa> t^_£i Lia»- jjDlj Lü»J ^x&-Usv «
Ljjy« (J ) j L_L)Àî (.1^! Ai i\«aj («lis! (jL Syy« ,_g^- jy^sd .-^y
(5) ^_jy^L ti/ixc,i 8y*»it *(^) es* ^ynj yj
(J-tflsJ) * LilLo LL/LaLc^ l^jLi (6) LLety CjLi yâll Iwr») ^sô y a^,
* * lilCeJ 1 i — a^ ijo^- —y L«- *_$“ L (_|IsâJ
V , -*0 V # > ^
&Sy SyAisve,!) Aa-[». t 1 Le l ( * C-tyl^a.) t<,
1 . # • uJ tU uJ
LM*?“ C^yU- * S-^5 ^Le £-Ûj luL!) icLeUeJlj LulaU
C^-LÜm») l^p*J (J**>l»i>Lj CLLi i^JÿjL ü_jy«j
(12) Du hollandais Scptember ..septembre”. (,3) p. 236. (lu) Padang, chef-lieu du
Gouvernement de la côte occidentale de Sumatra. (15) Batou Sangka, village situé près
de Padang.
(*) P. 46. (2) ..Voyez comment vous m'avez, etc.”. (3) R. 250. (4) lCi VIII „se
plaindre", signifie ici ..faire un procès à quelqu'un”. (s) ..Bienveillance”. n lM dans
le sens de ..espérer” n'est pas en usage: on dit toujours y*yi t_)^>^ II ..mettre sa
confiance dans quelqu un , se construit avec ,, faire un voeu à” se construit avec ^J.
O >* 0 ^
Le substantif (J^e) signifie ..voeu” et est plus usité dans ce sons que^Âi, le dernier mot,
sans y rien ajouter, étant employé dans la conversation presque exclusivement dans le
sens de ..avertissement”. Il en est de même de verbeyÂi IV ..avertir". V. n. 8 de N°. 13.
266
CSôJM JU-UU JS) (7) % sOJ JJ )i) U, C/&1 Uo
, U> ) iw
|JUm J ^ J)j ^jî ll/sûj Sp-M ^_gi5 Lo*io)
ôsJI lik* c£ Ui&». L) ïp.ÿl c_£juxlk< ^pô*
ilS&àj (9) CL>^ljpü\ CS»jSj ^Ju J. ^pj ^Lj (8) Ci^c ^pjJUs
g^g£ ^ G ^ ^ ^
t ( ç-^Lv&^j I • ( ^ ^àaI ^ , ç ( ) ^mj'*A5Uw) t ^5 L— TiXÂr Lxl ^jJb l^c
G J
l— ^ J^XXXk ‘ ■ ■|Q^J i_C^' &SLeï) **— t ç3 Ijj AT I
> G > -.» G J
jsù _^lsu ^ ^ y>^_. ï.po Üatv ^pûUs jzû ^JuL ksJ)
^ G
(j_^c« ^ i Uu!) (,3) Jj.y^ J^j))
( ) &x) . 1 Cvjw , c^j JvÂji ^siUaîtj d^JtA L^ i <G^
^^gir ^pJ ^Isû CJ-.Lc ^pjJlls (J-clsJ) *<>ddb XI ip ï_j Jp- ♦
✓ ) ^ iü *
u ■■?! x ( iïJz+2*- 1 * ^ ■■✓ i\C t ajus^. t 3 ^Ay Isvj U«
^J-ûflj *£!lsl) (1S) ïÀJb (’') bLS)jj <-rOl£3lj u_>^CU
oJ uJ G
t_l£x< Lâî lü p Lo ^,Jpj UaIt t-pp-j p*«j Jppu vi-
wJ w
u_i2LX! ,pj U ^po ^X C-^! (JusÂjK ^pô _^U>- ^Xl «Ll/liUlc Ss ^
(J ) 1 j 5^ -^-î ^jJ***' CS^
J O) G )
cr* U Ll^-' t Uô\ byCj! US) Ul». Uuj
Jlc 1^ (20) CJ)ÿi cS^S6 ^j< i jpj *cS^+Àj
\ji J ui
i a v a (22) pxijj i»0 ^p*- lai ki‘ tXfij (21)
ui >
Signature.
. (’) , )j II dans le sens de ..chercher" se construit non-seulement avec ^s. (V. Dozy
Supplément) mais encore avec (J. avec et avec l ace. (“) P. 261. (*) Malais^ lip ,, affaire",
..procès", ..désagrément", avec la terminaison du pluriel arabe. (10) Hollandais acceptalie
✓ J
..billet à ordre". (*') Sous-entendu iMj ..florin", mot malais devenu arabe. (”) p. 258.
('*) „Compte courant". (J‘) Pluriel malais de <üb ..Chinois", <ülj «XjU ..les différents Chinois".
(’5) V. n. 11. Pour ce qui regarde la substitution de la lettre <—J à la lettre malaie s_5.
v. p. 235. (’6) P. 81. ..Même le chameau léger lorsqu'il porte le mensonge, devient bientôt
fatigué". (”) P. 259. (,8) Dans le discours écrit on se sert ordinairement de ïtiJîi an lieu de
^■Àï. P. 251. (**) P. 260. (10) ,,Le résultat de ce que vous n'avez aucune conscience de
vos propres fautes, c'est que vous vous verrez un jour bourrelé de remords ". (”) (JsC
Il dans le cens de ,, faire cas de" se construit non-seulement avec J-c mais encore avec U— ’.
(,l) Du hollandais November ,, novembre".
267
N°. 4.
*
*^rV^ <xü) juJLw K^xS) Jw^Ul)
^ jAjij Oi< Xo *15) iï*c^*-j j ^XxLc
-V ^ J ui
Ia5^Cj ^Jm£J^- *0^ ^ L ^ ^.Cj ) ^ b , bw
U» O//
^ijb\ i3 -Cas â*Xi \ j&<k <Xxoj ^m^Ia9j£ ( ' j c ** *> Js à L«
^Wj) tX^ <0 , cXâJ i Ctki ) t^3 <XaLc (^ ^ ^ «XxJ) ^ j ^jX^y Uo ^
ytUà ^Ol<aj ^5*^ ^<xH ^ <*i <JL£x* ^1^3 ^<kS) lL$
(7) Jo*- (6) jCaJj ^*5 lc<xl) ü) <X-viu l*» ^lX-Uw LÜ'^c ^o
1>J^ hm* î? ^ ^ I^J J
<ui iuu^Jlj iJ yjeXu lL/jJ ^Ujl^ ( ) liiJIj il!) /'^'y.î '“*;'x (—Jysj
uJ J O ^
^_^uj il y**Xo il!) <Jd ^0 <xju ïijlf^î <J»o2?ô il ^i’IrJj ^XL asu yi ^.Uu
àsujM Jo^jU cT5'^ il!) <A^tr ^ ^ ^ 5^ &“}1j liLy) lb>Xs»- (9) ^Xl) J^~‘
»J y O /
lÂ>^ ^j-O ^ *X^0 <xî Xîi ( ) ^ 8 tXXC tXî
uJ
b iS-j-s. (Xî *U<XAC <XÜ^- ^S btXX£ y$f^
^.0 ^)X;^ t K jS*a^ ! &>-L>- ( ) ijLa^c l ** — ii- \ ^jl>«w i_CcXXmj
uJ l uJ
■ Q^)-“^ 1 CiXAmJ * ^Jl^U L?y (jlü^C ^^a1L> l^*-
LX ^JükX ^libi. L_^JU»1) (j-« Jll^ï! iili" I bbb j»iLJI
l)^1^ -ci- ^*Xl L_^ÏXj b tX.' b ^ILb) {Jjjs*. i_<Tylx «Xi^U ^X! ^S)
° ^ •
ii'iX)jl (JLwjl ij^o ^^^ilajlj (*J^ ^ OjyCjA»-
, uJ l*>
J^lbic 1 cAXw 'b<iL« J jlL^ !*Ïm*1)* l— Xjlsl>- L ^t\-
(') V. n. 14 de N°. 2. (J) Sous-entendu ^Xjllii. (3) P. 254. (‘J ..mettre”,
,, placer '. (s) V. n. 6 de N°. 3. (6) Pour jlc Hj. P. 258. (7) P. 252. (8) jJü*<
à peu près le même que p^!| ,,etc.". La tradition entière à laquelle l’auteur fait
U) ^
allusion, est: ï j ^ir ts ^{c) IjJU il}) f=~jy (9) En malaisytlX du hollandais
O j > wJ ✓
i«r ..charrette”. On en fait le pluriel arabe^^X. (10) (Jl».^ pl. ^x&Xs-j ..brave",
..homme de coeur". (“) ..Affairé”, Le substantif est ÜZjj. (12) P. 257. (1S) Pour jU U
P. 258.
268
aJjJ) (Jj>) i — ^o |* *Jo4jsS ^ir y
uJ y
iavi üwj (14) yÿU) ,v ^ jj»-
O cjy^n
M° . 5.
| ^ â*x^*z* &i ^ A-<^..v U iXx*j dtlH t > üA^»- • étU A^s^i)
ul
«jcaLu y ^jili fj£d) ^u£l! yjs M c-^sv^!) u^Iâ»!) ^Slc t__>li».
t— îy»-)l) IJDjX'C Axsul) |*3LjJ) S.j^~ *yL«) ^gllG’ <*Ü3
l»wii! ^j^c &»\£j ( ) )*^”' Li-j ly a! f^j*c ^soj ( ) L^jj^aàj
ai â u i 5
xH' jy» l*Xi yit-<. ) UiXJ j ) \ij i- cJ ^ ^ l) ^ ^
O (4) c/^? 1_S^ uT^ /^V5^ S*>j ^ r
^!)_j ÿil (8) lÿjJ« ^.G\ Uiî y (7) UjU>j Âxî\a> (6) yyJI (Jjfc) iîli’j
O/
,r i_s* *(9) c/*|^ u5^ <Jy *-s!j^î t>^' «y
j*e« j».3i yiï (n) jLu y^n ^_, (10) aü Ji
^ ^ ul
lisais i jï) iw!) ^ytayl» ^G) lyjy, yyS’ Jy
ul
_jl yjlÿ (_5^ ^yob *J3ysJ3 US lÿÂxc 3lj yx y
j S&~ ^ ^3 <U lj ^î ) &! W t ^ Si ^ J ^ bj ^ J**4 , ^ ^
ii» <dS) *(n) fïôS ^Ay y,lÿ J) 31 ! %»!1 u, U’ ^ ^U 3! 3b 3
^ si ^s& L0ti>- l)^"
s t i L— t ^ ) ^â>j ^ t ^Jx
( c i\! ^ ^ ) <xj \j jmj t ^ Ij ( ç^j Loa ) i+x) ^ i> j S
u) uJ ^
<0 Lj t j ï c/yj ^
('*) Du hollandais Oklober , .octobre". (ls) V. n. 22 de N°. 1. Ceci est une manière
de terminer la lettre qu’on peut seulement usiter envers quelqu’on dont on est l’inférieur
au plus haut point, tant par rapport à l'âge que par rapport à la position sociale.
(*) Sourabaya. (’) P. 261. (’) Ibid. (*) Bouléleng dans l’ile de Bali. (s) Dans le discours
écrit, GÛ3 est plus usité que )ÿj) (P. 249), mais dans la conversation je ne l'ai jamais
ul
entendu. (6) Du hollandais brik , .brick". (’) P. 257. (8) Awj ..vider un différend à
l’amiable". P. 244. (9) ,,Le' nolis du brick sera par tête et non en bloc". Le bâtiment
était affrété pour le transport de bestiaux. (10) „Qu’il y ait seulement 12 têtes de bétail
ul
à transporter, c'est bien”. (”) (_Jwi aor. i ..aller chercher", ..emmener”. (,l) „Cela suffit".
('*) Du hollandais bank ..banque". (“) P. 261.
269
( 1 G) ^ ^ ' <5 ( ) l/5^ ^ 1J''*0 1 — ^ s
**i y *
(’7) c>V
ïiU».
t il ) J yù ) ) j
^=»- 1 tjc»- S! jàj\ ) <Jjij )
J
t ^3 JJ l^/yj ^Ca^û
d^Us
J^jài ^cj ^1) i_Tj^
J’
t&Y°î
J-cj r ^
rsus
• |»j3 Uo )Âa> ^
>
&■
er°
i -S* '
$*)y* ro ^3
5\1 ) ^ܻ3j ^a! 1 ^ ^-Lsw
kLS\
^*1aa*0 cX3 Al! ) <)Üj ) Jj ^Âi ) t ^3 lsL>- 1 *
c'OO * .
O bUyaij) us â^) ojî ji3 (19)^i ,0 (»*) **« jiu *Ju
•jr
yJ ,
&A^o ^è»LLyj ) ) t\>- f Le jÀ ) t ^3 <Xalioj (- l) <XXe ^ ^
) ààt) *US \up li 0 ) J**0 éXLî^
IV. G.
yJ yJ . G yj
J# ^51 ) Ü*-^ ^ (J ^ (B/* 2^ * <xiS t3s^^S ) * (Ml A^p^vS ) ^ J 0 ^ jjSKsc
*ij^) ^\s£ tâ) &*L* ^Jli ^ (*) ^ï ) y*ty&) yü) fjdd)
^o u 3j^-^ ) l**^ eXo * <x^ aÜ j &aj>-j j tXl ( ^Lc ^ ^Xxix )
U LL^j^pî) CioLtf ^tU^» <— AjW) iükilcj ^Ai- ^lx (J^j ufjLo
düU^Sj <_Q-i ) ^«.r AAvjJS Jou Lej |« y^û liüiXJ^Ltfj ^aasvSJ <ui
<xj L«l£j . Sj i .s -S ! ( ) ^Jo lx«Jw*i » <xx< t 1 £i ù U^JUmj )
U*.. ” J ' lt».4
35 t O )
Uîjls ^S ) [&J iXo ^aï U J U yj ï <k! UUj d^U^c
(15) Du hollandais pas „passe-port”. (16) Grissée. (*7) Du hollandais Java-Bank „La
banque de Java", c’est-à-dire la banque coloniale officielle. (l“) Du javanais tegerang „bois
3) j
de campêche”, en arabe ^S->- (l9) C’est ainsi qu’on écrit ordinairement 63,05 fl. (a“) Du
hollandais limonade.
(') Dans le style épistolaire on emploie le mot ^ I non-seulement pour ,,frère’.’, mais
encore pour désigner un ami qui est à peu près du même âge que celni qui écrit la
lettre. P. 250. (2) Le chef de la maison Burt Myrtle et Cie à Batavia,
270
lisj AÏ ( ) LJ ) ( 3) ) U! (JUj
uJ f,
! aJ L J! LJ jj Ij t ’ Cl <iaL*o U j j*J jui l» ^j^aJ L! )
(7) cT^^*1 .J^ (6) £} i_5^ ^ Lls^ Xcl S,^\x«J)
(9) ty*** ***•« (_5'~ (8) l)'*^ ^y*u ^ (jiï ^jjixo iüji;
c
J^>L <*■>) aJ Uijij ^suL (ûjbL^c aj) Jyb; ax« tA. o (10) U
(n) ^iïjiXUn jj&Lk-O U) <y^&.yc ^gL Jlî )Lib ^gi
( ) Çi ui^" (J ^ ^L~î 4 * * *^=>_ ■ ( l)1^ St\^? jjJjCj (JwOjU
tj*0 ^ (14) ^ cJL* L*1»«->L l)j ' îâilsüj
<Jüü
Igc Ij t_cÂS \ ^ ^ £A*«j £j l*o , tX3 J le Jj |
uJ ) W)/> ^ » o o üw
wJjsJ LULAj US Lf«I«*j»Uj l^WsuLj l^âlâJuj (l5) ,jj' Jyü
uJ OJ >
jJ^j'US) U)j US I — ijC (Jjj-<j J le l^LU ^£0 C^Aàj Jjt U!
gp-* kcUssj ) i_ S.mj ( ) t ^ aLa> tX=>- U ' 10 i3^l) j»SjïS 8(\!b
(in) libyiüsl Le (1!î l$il ojji .A-usll ei>*l». ^jIxa
Ai!) Lw jj ) ( ) S lS jSoj Le ^jsuj ^oL**«J} i^0'
c t c ^ ô>
jlgÜl Jj_jj JLJL CjLeJvSuL ^jSU jj) ^ÔJy, ^Lcl * Lu j-Usu
^5* ^ i'1) tjp0 (21) (-U^V. ^ Lo
(J) Pour |j). (‘‘) ..Lorsque vous aurez vendu les battik, remettez-le (c'est-à-dire l'argent)
&
à Myrtle" (c'est-à-dire à moi). (5) „Et je lui ai répondu". (e) Abréviation de ^ijo.
C x
(7) est le mot hollandais madapolam , .espèce de colonnades”, est le mol
malais > o~- „sceau”. La phrase doit se traduire: „Je lui ai dit que 'Ali m'a assuré de
V
vouloir acheter trois caisses de madapolam ayant sur l'étiquette deux médailles comme
marque de fabrique". (8) P. 258. (9) „11 a raison", ,, c’est vrai". (*°) P. 260. (”) V. n. 3.
(**) „Et maintenant un autre chapitre". (’*) V. n. 6 et4 7. (**) „Prêt”. Traduisez:
✓ > »
..L’argent est prêt". (15 * *) ph i_SjS^ ou pl. ”un Pa(luel de
20 pièces". (1S) ,,Bon marché", „peu demandé". (”) ,, Personne n'en reçoit plus".
C x- > /-C/-
P. 260. (ie) Du malais ,.r°tang”- Le mot arabe est {J^jj »Les caisses sont
restées envèloppées de leur rotang", c'est-à-dire: „I1 ne valait pas la peine de les ouvrir”.
j18) ..Dans le magasiu de”. (“) ..Quant à moi, aussitôt que les prix se relèveront”.
(**) „Et puis". (al) Pour ^Am*!1»-. P. 239.
271
(24) ij^as JJüUH i — ijo i\xka>-t ^.c Uj^) (23) )jÿ\
lai* *- y»U (i7) U— >jsA) ^ (*6) l> lasJ) )ÂÆ> (2S) ^ala ki- dP ^<Xo)
O s ^
tXtr iXij!) ^ iîT® f*^***^ )Â3> ï|^i {jGyz «iJj^
uJ
y' ui y*, ojü ^ ^ y y^oj cA*^
*J uJ >
i ai b lL« CJ'«ki ^*ai~ < — 5^Uk) &s\£ y^cj *Ü) i3o^c ^_jkj ^x^a>-
M°. î.
<XÜ) <C«ku yjltî yj^î ^ j*y"ï I <Xti * ïAs>-j æ11 )
i\aj jAÂj (^T0 1 ClJjiXo *<xjiliyj <ÜJ) iLo^yj ykc j*1LJ)
OJ J xO^ui wJ-^
(’) l*»- ïjôà*, ijj yy y yy ^ b ^y ) y us"
^ 1>J £ _ 1>J X-
U Uuiy yy i yjy yy_j y y y ) ^y y^y yiy iy
uus) yiy!) y l^jUs jT yy iy) j,.^ djkkj
u>
d/y d£.>ï (3) (J^s) (J>*>^ C_£! e7s',) *j^~ f^y°y i_s^c-5
* li ijk: yl (5). i j\z dS\ j}^5 C-ï Ss )Ââ> Ulai- ijy^y (Jk-
y) <xLo!ij ^*yy y (»_«jus <jt v_^sy (j^u
y) ^.Uko jL« *(|J) çjj!) c^yi) (Âï> di-k ^c yij ik-Li
(8) y^1. ï^A«s) j*<^£ (() (jU*-^)
Os uJ
M°. 8.
u) uJ
y I jtjÀsuA) U_>Lk- (^^asû *(*) <xjUî/^c <d5 A/*sJ!
t- ^ fcVO * J «Ü) ^*Xa1x ^*)Lk ) xkwv
(1J) „Je ne demeure que dans un coin de la ville", sous-entendu: ,,et par conséquent
mon magasin n'est pas très-fréquenté”. (“) V. n. 12. (“) „Dans". (26) Pour ls>- ..laquelle
est arrivée”. P. 239. (”) PourC-jy) i^j) .,1e Hadhramout". P. 124 et 125.
(*) P. 254. (2) P. 58. (s) ..Pourvu que”, ,,à la condition que". (*) „Et ce que vous
devez faire”. (5) ,, Passage". (6) En Hadhramout le mot est masculin. (7) ..Bateau
à vapeur”. (e) P. 261.
Cs s S > JÏ s Z 'is
(*) Quelques-uns prononcent (XâLî, ir au lieu de <xit£/ :c.
272
(9) JX»5L cXaj ( j ^blàH
i—i^is ij* LâiÏj JG |*^cj LuJic édi) laJlc) ^UaiïJ iXtc SiXa&^JI
«4
Jlaj cjjÿ Lxj ) ^G" »G» zÿijô*c j*Xi| çS ùÀz i_Ç~Âi)
G t4 J «4 > ui
^Xx^o lxAS^£^ S , i "6yijS^O
G » ^ uJ ^t4 O
UasuJ ^ )ÿj^ to o^ïr0 (iT° O '— •^‘^
s ' Ci 1*J '"
t ^3 <£i tX>- Lo )^-Âl3 L^j3 ^Xa)x ^ ^ li X> L^o 1 JU ^Xx-c
^ # oj i »_
J*>) ï |*Xju 'Lêf liki- i_a£J Le jJU» bbjJecJ (.IGG yjïîj ^blÂJ)
UJ (ji )j jxi£ jÇ+A} )Âà ^J9 L^*jLÔ ^.3 (6) tJyi*- IGlc L^^nX»! |«XjJLC
}aâ * i CfcXXsM SjLmJ 5^Lw^I JLetX>- ^_C l J -G>^£ ^ ^3 jdj) ^L
«4 (4 <4 % «4
lÀ^ l 5 ^U*l ^ ^ ) t ^)»£ Lk. S ^0
^IL» < iÜÏ i_ûib
v4 s4 >4
V_^GG Le LjUmJj jfy+t I I j ^Ste | *3 )a^- ^.Caj ' * l\ÂL' iG.
l*LJ^ sJLj )<i>* LiGi^j ^GH u)-flj Le Lo^i Lis (7) (ûso^L <ulc
(8) JlxaJ) ^G=G kJ*
C°) yuJ) (9) ydy ji u xïU) jUj
M°. ».
* (Xa^cOj Jü 1^ (3*#e*^ce LtXA>*i &11 ) jZ. jdi lN*o^>à ^
(4
^GJlc <uj^» ^jili ^ <— ?lx^- ^S!
XO ^ Xjjàso j&Xï CL^cyo * ^
t4 (4
L L__>UiXn * iuilftj ^Ityi-Ï) LüjJ (i^e lie ^Lm
jtee»- 0 (2) yjLwlCe ^e lai- Ix L |*^cl
(J) V. n. 14 de N°. ‘2. (3) Dans le dialecte du Hadhramout le mot Jjac est masculin
et féminin, quoique le féminin soit plus usité. (') P. 53 et 58. (s) est la
forme III de Ai-I „gronder", ..réprimander”. La construction avec ^ir de la personne
v4 ^ J
manque dans les dictionnaires. (6) J^- pl. jy^>- ..échéance". (’) ,,J’ai oublié d'y
faire mettre une adresse en caractères latins". L'Administration des Postes et des Télégraphes
dans les possessions hollandaises exige de» adresses en caractères latins. (“) Jote ..esclave”,
a le plur. Sxxz, dans le sens de ..serviteur”, le pluriel est jlxc. P. 40. (9) ..Timbre-poste",
du hollandais franko ,, franc de port”. (*“) P. 260.
(*) Madoura, appelé ordinairement Bangkallan, chef-lieu de la partie occidentale de l'ile
de Madoura. (!) Pamakassan.
273
yj # UJ » uJ
Hl»S) ijC) Ho y^JH'L f£>) ( ') ^LJlÜl I — j^L ^
O X O > * * ul 1>J
lyu^xi.^ lyLjj ( ') y^o jLL< lai- ^g)Lj Ll^iJ )jyA*a I^LââJ «Lclj
yj yj U> J £ ^
^Ui^c y/^J {&*> I j^iXojU ^G) ^gic ^a>L) ^Ualac) ^ïl_pJI
^X>- ( ) ^Lii^ tXé^Ho L ^^Z\jc!\ ) i\XC <0 L j*±i .^J)
(/✓ Cs\j) X* ^
nLL J®- (') u^J «jW J ^ h (&•
''yj W # CW,
L . ^-s\^ L y^jSltj jiè-G^L cX° ^*>}1L!) y/£_7^^''0 LL^*M 1^1
Ujub^ jydl 1_jî LjLi- j*G LUo tGj ( ) LaàSI i — &L US y^SH tJwÂa.ji
ul
1 s^L h»S) ^gî ^Ui^c U ^gi ‘—^•=>- (JjS\i (J^j D_J ^CLo y^jlibL)
^ .HUL ^sL (lü) ioUG Dlj ii' lyUil as yjl (9) ^l^oS)
y| UJ
^i’UijC Le L^> ^gia ^OUSS Ai I As ^)j LL
l«L*S^ uH^S! ^g» LS) L^ ^GyL 1 î& *(n)
I®. ÎO.
L Aa*h i ^ir L 1 çLb^ ü <L cXa^S ) * ^x>»y S J* ^ æIS 1 i* "' ^
HL ^gi ^voUSl (JH US ÿjlij ^LJ LS) LH *jU*uj <u^u 9j <xjTj a^.sk^o
rui #^1 JUJ LSI LH ^Ui ^ yjlü cXliyi aS^. L)
! I ^*t-Wjj I ^**ilG« ^ lGj i— d JjAsC *<XiUjJ J LSI &.<ks*-j* A^sXc
^ ui C
(*) ÜUûaSJ ^J*3 1^X5 jjSsisQ Jülj> l^Jkl) Ijki^Oj cX>o
O
Li (J) ^UjLXj m ^0 ii^xc IxL^J^» Le
/ O
Uj^oi^ U *iilxlii ^1) ^xLoîj ( *) ^Sff *j*£ LiLas*.
c > ^
)tk^ Cai^-S ( ) IxÀnW c\! U cXXJ J L/^ ^ f ^3
^X5- Ci^Sj ^iUS) (J&l u- >1^. C-^-Lo ^yo ^ ^
O C ^ O
(3) Du malais „l>onton‘’; le mot arabe est ^*Jj ou yuls pl. ..boutonner"
^ uJ ^
est II. (*) Soumenep. (5) Pour Jlc 'iy P. 258. (8) ^-j a encore ici le sens de
..rester". V. n. 18 de N®. G. (7) Là) III ..attendre". (8) ,, Comme vous avez promis".
(9) P. 235. (10) „Si vous en avez déjà obtenu, c’est bien, sinon, ne vous donnez plus
O x
la peine d'en chercher". (**) Du malais ^ y», le ,, dessin" des hallik. P. 146.
(*) ..Makassar dans le pays des Bouguis”, c’est-à-dire l ile de Celebes. (2) ..Séjour”, du
verbe Ua) „ séjourner”, ,, rester”. (3) Pontianak. (4) Paré-Paré, dans Pile de Celebes.
(5) , .Envoyer".
18
274
) àXz j) l! f S&i d'LA) _<■!&) c_. >[j£ ^jjjj J\j
^ > f O ✓
aSI>- ^jZ US ^.A^O L— f ^év£ 4\!^St ^Li AÜ) AÜ) iàj&s^o ^SU»
L. ( ^ AÜ) W- T»\? lùcj ^
aIS) ^a>- ^ i* *Xz ^ iJU^ÎIl ^L* y^j jJjsvSI a!!) aIS)^.
( i s L^ L)^ cV^^v^c ^*&n U/^o ^iUJL ^U>» ^)l**SL ^^aà^S) t ^5 aIS)
feV*;>-) ^Jl^vSÎ ÀjIj^*; ^j*c U^sUjj ^«wlC< t ^3 ( ^ )^aw
^U>-
N°. 11.
^ j ili L— J ' j Ud ) i\!^S ) ^ ^ ^.C^w ) fcX aS s 4\>- • a1! tVo»s^S ^
^JJO ^0 OJj&sC *AJ>lS^j Ail) <!L<K2>-Jj ^XaLc |*^**Jt * ^^jAoï ^jJUo AÜ)
L^oU^S) ^C» lie ^U J\j SjUS) (2) *j\*m)} àsà)j (*)&*!)
C^aa** <yï* AajUj £A*^\S\ ^ûïj) iil^j j#X>) AasUj ax^sai)
O > > J G >
^oL&!} Uaj. ^*£ac tX&j ^J* ^ aL^^- ^*Cx )
^ *» ■ p?Ia3 ^^A/« ^W'Æ. l/lO iïf*6 ^ L ** S J
«J A
C* ^A'-c t_C*»A/*0 ^â LoiXl) t Jl^N^c (*1^0 U U ^ ^JUj^ )
• • • U> A
U )j)L il) LlS^o h iLSVxuj ^ï) )sn >
a) /- O ^
^A>-^ C^^-AA^J (^.^AJtkij Aa*AO ^.ÂUj ^3 LI^aLcowj (’J Ü^a£
^lü) #^cil) )Â2> C^>i » aA$" lÂj^ J üj C-^üii
wJ y
J ^ AÜ) AÜ) AÜ) L **^\. j#lc ^£ ^j,Ai>- ^j^jUpU
^.^ÂCj'ü jla^o a!5) lXAC L ^nsil \ ^ ^ j U jAS& ( *)
. ( o ^ ✓ y y y ^
^^.A-x) S AX Le ^ ) L*)| ÿ~^ Aj^ lU ^ S^AA^ ^ ^ -^A^
✓ 3)
^iiXlïjH ï) aISI acIL tXü^ Uj lL&a!)j ^iüL ^JU ^aS) ^aS) ^ U
^ ^ O ✓* >>J .( uJ
( ^ lilw^>-) ^ji\S)^!lj^ sUI il) KlXa.>o il) ^ J ^'’ j i * t t joI^aam ^S^üJ
(“) ..Revenu", ..salaire”. (’) Pour slj). U). P. 250 et 25G. (“) ,, Ensemble”.
.t.
(*) P. H. (*) On s’attendrait au pronom féminin, mais le masculin est à la rigueur
licite à cause du mot^iXu. ,,El les prix n’y ont point changé”. (3) „Si tu ne penses
plus à moi, à qui penseras-tu donc". (*) P. 12C. (5) ..Mon âge ne me donne aucune x
espérance”, c’est-à-dire de te revoir. (°) ,.Tu ne l’as pas honoré d’une réponse",
(’) Coran XVII : 24.
275
O x wi ul u>
(8) JJjXe Uj ^jJU ^jÏ
uJ
Lgl^o^ i * * c» l\Î^ ^IL*# i\x>
y #
L< ( J ^«olx>* L ) yÇ t çX»«0 ^** ï Jà û L»o
Ci^U*. C^LôUr*. ^j< |*LJ)j jJj U CS**
<xi!) t\xc i- ^ ijlisJ ) L«)^ ^iLw i\^^- ) <■— (*^\}3 <^!ï tXxr L ^ 1 1 1
clAm)^ CiLbt>) us^v JLJ)j t— >UÜÏ (Ji’ ^o CJ^ Jy^©
(n) *ü) *in *aî) (l0) «yy ^o c-^s
L« (^«^aî 2>yi> Iâa&j ^^C> L*aj) ^ ) t yu)
lLXj <aJ^j
M°. 13.
J) y™ <xSlj Xx^e l)Ja«j ^ir: <)dl) ^Le, *1! J>-«>sJ|
iiSS &«l«j jjSlj ^ jjXj jj^ftSS ^Sl) (J>^-ï) *— >IÀ»-
k» #8^Lwj ^Slc^Sj (| j ^lÂjlXb ^k L. 5^^-M iXJjXæ #^A^«cS
IxiU. iuiUo (J.aM^ |*-L)I j*XjS ‘u^c l^_j ^ V]y« u-AIdl
c. y ' <?
t c cXaa*j i i Ct\! \j> <x.oLft!)â t <xj b LO^o^
>J A
J>.Â^ Xaj , lô jxxkZ l\xo*-^ tXiy) <- . 3jr^~ ( y ) Lkl*#*^ ^lj
t <xa5 i_c«ks) ( ) ^^nax) t ^3 ^^W*" <- y~^s y^#j iy«)^
(J) y*^° lÂia^ t. Le ^Jl^- * )ûA3 (3)
^ ^viL? ( y ^ûa3 fcXiyn ^..✓vÀC^
uJ > _
<i»-^^lS i ® j***z &***as^ S ^/wjiÂ! I jJ^*jj ^ j i^yGj ^âjj lLX*^-<
wJ _ WJ ^ O O ÿ
LiW ^J0^jSaw« ^pîo L-o tJ>Aw« Li.w ( y f " j Ia>IC)\ U&^xi-ïj k^ji\X
(“) P. 77 et 78. (9) „Grand’mère”, c’est encore une signification du mot
à insérer dans les dictionnaires. V. p. 32. (10) „Je prie pour toi dans chacune de mes
cinq prières journalières". (") ..Quitte l’ile de Java et retourne en Hadhramout".
P. 236. (,s) P. 234.
(*) Pekalongan. (5) P. 236. (3) „0ù demeure ’Alî surnommé al-Hârich’’, c’est-à-dire
,,le Serpent”. (‘) ..Aussitôt que”. (5) Le Pakhodjan à Batavia. P. 112. (6) ^ixi est
une abréviation de (Jj-Sj (,/i^ ..quittance”. (’) V. la note précédente. (8) P. 260.
(9) Jü= H ..avoir du penchant pour” se construit avec c>
276
OJ y
U ypj JlsJÏ J^s U< i_pui ^ÂH
UucL C_£o)p- p* *s U>i U lûlioK Jlpilj ^gjuJ) CJliii (10)
<XÜ) tXxc ^ ^UülSlj ^Jil (”) Ul&j S^J'joc
(jl^p ^ ^ W (j^« (l2) t«0^ C/^’’ *>2^'A=W-
(13) L>^h i ^ (*^***3 , c «.Xa^ )*ijb -* i <r^> Uo t
f^lî JjtiH (_5k U! ^ ^ (u)
^ wJ
ru^ p)
ï\°. 13.
ui *■*
<KA^V*0^ <X;b tVo»^v^o l»i lXAs»j ^ <xlj ^ <xJJ cXé»2£vi )
j u <xin jul. uh (J) eiM jjy» ^ ^jn ^ r/*u fp)
( ~J 1 ^ lXÀj ^**»^ cX>o *Jü &U ) ^Cxlx ) *^À^o)
• vJ
■KiLoLsO tXll^) {^J^ 3 ^AC ^A* t*w
O 9 S G O
AÏ* ijkilcj < fiüj ^x>- C-^!lÂJb U^c Joj) (Jj C>!^ ^Aij ï
oJ
l " ^£*j~t.^r L ^ y L *'^y-C>^v-v^ I L _£à1I
Wl £
(°) b ^a*^- L-f^ ^ l)^^ (Jb b«L>-t ijs6
JUi) ^1 ^Ic ^Üoj l*Kj (7) Jibj 5U- (b)
XcJ»Aj^J)a t- -^- ! cS ^jliL< ^y^j~ ^c! li,4X>j ^ j t ^>l>i I ^aaIIj Ia!
vji
^ tiüLoollj U! L^^j t ^1) t ^5 IaS ) * ^AX>L*o üt\>J
*** L ^ 11»
^ C. vî l . >..ix, ^’Jd! 0 jcaLc ^ ^1j ^
(10) ,,Je ne. puis pas continuer de travailler avec le même zèle”. Jb II dans le sens
de , .faire durer” manque dans les dictionnaires. (“) „ Adresse”. Traduisez: ..Vous pouvez
c
m’adresser notre réponse à Pekalongan". (yt) Tegal. (13) Du malais t 1 Ci , litre des
quarleniers indigènes à Batavia. Le mot est emprunté au hollandais wijlc ..quartier".
(“) P. 247.
(*) Quoique le mot C_£JLc ne s’emploie ordinairement que quand on a en vue un
droit réel, on m’assure que, spécialement à ach-Chihr, on l'emploie encore quand on
parle de la puissance paternelle. (J) P. 11. (3) V. n. 2 de !N“. 11. (*) P. 49.
(5) . ^ pl. ..champ". (“) ..Terrain cultivable"; le singulier est P- 246.
(7) ,,Les maisons et autres constructions rurales et urbaines". (“) pp» jSi ..donation
avec rémunération' . étxi signifie en Hadhramout la donation pure cl simple.
277
Ja)
ou.U) ^
Lk2A ! ) cKs^X.<
^ (9;
1
("’) <o<j
)Z
cj ^ y* j
rKJ)
l ÂJ
t 7 CjIz ^
*ü)
J*
^UH)
t] u-
l>!
) a)
J ^ ^
sj“ &
^ lK;
U!)
JÔc
h
J sViU Lü
* t'
i u, cU'iÂjy t
-
j Sz * (**)! ^ S Isü
* •
^ISSÂz ,jl5" )j) 11) l_£A& UsL»- ^ (’2) ^j)jjJ Ul C^uVxî
wJ
‘ cl ^1 )j yj)^2-)l) S ù ) y<> i^jXXscid)j ^X*wL*i^«J)j ^*iLO) £_A«.s- SAC
ÔA~C* sAAAJ ^ gVj v< ) <XAAa! | -■ Lso^ X) l^PA^u a11 ) {Jy>L ^A AJ
^ )yiS ) kj )! ) ( ) (»^_JsXs- ü i_T S*cc <A.w*Aa*i |* )1mJ )^ x JLæ ) )
LÂiUj U!l>- lLAjI^ lL^x< jJI» )âs> b .£■) V. ^£) c^ilj
eJîj (,4) U!)j US! Jàc cl/lijjcj ^U!) tir^) virtiWj
CJ*)jj) i—îÂC) ^ (JjiX-a!) lÂijC JUJj j_fjUx) )j ^S ^J) ^.1 l>
\>J _ -* iaJ ) ✓ /-
^,««>Ax ^ j£. ) L (^ ^ <XXC ^ImO ^^\!) <LLcL^ ^*jLxO ^ ) &&A3»
W üJ ^
^ ï ) • JjSv! tj ^ ) | <*— > I ^-O IàawJj Iaaw.^-
(17) <xi!) ^A»- lis-«j C_£ls»-' ^JsXl) J^_j r* ^ (IG) cAÿ
u. 5
cXxc t LxpJ»^ Le t JT ( ^ aLc. *1!) (
*U1 *11)
^-' <xL ) ^ÜJ ) ^ ^ \jbjX£j ^ ^ {•J*c ^£1SU Le j
üJ
U! L
Le U) J XjUoX (1o) &U!) ^λj3 Ll/Ui^c Le
UJ ItJ ^
^b I , fcii ) ) IaaLê ^m*IÀ!) *ijl^olj JLS)_j <-LLJ «XJ ^ ^AAjLôI) ^ J j^£.
AÂa*i ^ ^ *i si Ss- )• ( j jJ la»y ) ( * ) lÜ-< !-< ^Cî ) <■ )*
(9) ,,I1 veut venir en personne à ach-Chihr pour voir ce qu’il lui faudra faire”. (10) „Quand
il possède quelque peu que ce soit, il commence par payer ses dettes”. (“) P. 241.
(12) P. 78. (”) Coran XXVIII : 35. (li) „Je vous ai relevé dans les yeux des hommes,
tant individuellement que pris en entier". (ls) Proverbe: ,, L'homme libre tient sa parole
O ✓
sans qu'on ait besoin de la lui rappeler", est l'impératif de ^a5j-„ recommander". P. 245.
os --
(le) Pour (iMjl-i. P.. 251. ,,Je vais perdre partience". (17) „Le chagrin que vous m’avez
causé, m'a fait chercher une consolation dans la religion, et maintenant Dieu m'a récompensé".
(**) ,,Tout au plus”; ce mot est employé ici dans le sens inverse, c’est-à-dire pour „au moins".
Cette dernière expression est rendue ordinairement par AaHa]). V. plus bas n. 30. (ls) Proverbe:
„Ce ne sera pas comme si 'Amir était allé au marche". D'après un conte populaire, 'Amir
était un homme qui allait au marché avec beaucoup d'argent, mais qui en revenait sans avoir
t>>
acheté. (20) Pour UU- P. 249. (21) P. 246. (22) P. 252.
rien
278
t ( ) )^Ai- ^aU. aSj Alsace
(21) l^Ulsj *_• j»ç) ï JAïl) '_j ^2>U*^o 'Jl (_/>-LL) Lo
M ui
ijiUJ**^~ ÀUi v_5^°_) y^J-'ï-' AÂ*u (J^) ^ j^SLwj )_} j^jAaLs» t— ^u»U
c^>)^ l_^\.«*5>- *1 (JW^; ^/*»Lil) yÿy-)
(26) a1»»j1!I ^Cj ) *Lxas>- ^li ül Jlj (2j) t. 5 iUy y U ci^oJL j*^_
1*)^ ✓ l>)
L«Jij aL&Jj A.')^i-) îi^soe ( ) | O ,^iio (_S"i) (JjLsJ)j (_jjiü!) ^io)^
Ul ✓✓ uJ uJ UJ
iO^eDj (^.i - l^-^- L t- -^vi3s) "jZ. ♦) - ^ j { ' ^ ' -L s^ao Leii^ aaao
y j i ^wil ) US y) t Sj}j Cio) lLSjI
e^ciij Le ).S) u-^xl) ^âJjL LU e^oAi Le )«i) CiLcio y) ,j^=^j
ul uJ J
^yC ^û t ^ ^ j\A!b\*±k*Cÿ ^è-ÜLw^l ^j^Oj ï
o
i-f^ y. y.j A**d)j (2 ) 15 ]^y ) ^ -<“■=>") y LC. tj-y^ l_^»Lo^
l*J 5 uJ
^o kxîlüj Lv! ^L? ^*XÂc ^/AjUagS )
5 o
^ t L^XC ^lj ) ^JJ A>- i^S»J é (é^~
) CiaJ ^ ^
^ü) (29) jyüin uu ^ jôU) lüLj ^ ju,) y jiî iLj yij
ui
W &A2>^>c I^aIaxw) JU tV-^C
7 O LO IV w
j)j ^j)^w*CÜ) <LeJJ ^XXwjj AjLe )^eU>
uJ Cz»
Le 'Ci U )^jLL leJij Wv.^1 ^ Lô y»' AX>^ (^XiO^I) |*iU
U» >
y Le Ulib ) t j • lUs ( ) <Xj ^jwjJ ) ) ÂJb Ci U i_cùwJ Le l ^ ^Ulac )
Ail) Ail) ^ Ail) Ail) l^LL h\s6 CSiy J> Uj ^L^ï) y) yjU^y)
ul
<Xa3 l ^Ll§ ^.vi ^ibl^o 6^y44j aLc
. u» y 4#
_j-_j cil j u y ^i^l) yz tJisJ) c^" (:îl) aaILü) ^yy âjLousj^)
)j^AsLUo ci ift)_j Ü i);_j CiU _ Jo AaLc Aj ^jd) (</ûo
O ^ UJ
(3*) (J0j\ Al yUjiy Ailb CiAic l X<jc )Àifc yj^jl) ji iCïl)j ciu
^ , ul uJ
% i *• ) j^sa!) )Ài ^j!) CÜ-i; ^y^ji Ci^ >
(”) Pour Ijii»-). P. 2-45. (a‘) , .Emigrer”. (îs) P. 126. (26) ..Virilité”, , .caractère
mâle et généreux". (”) N. 7 de N°. 3. (l8) çjz IV ..inviter”. Toutefois la forme I est
plus en usage dans ce sens. (**) Du chinois lokljoan, nom d'une espèce de ballik.
(30) II ..faire'*. (31) V. n. 18. (3J) Impératif de (e^)- •’■ 2‘45.
270
J x C/x Cf
( I dLrCÿSl} tx>- *Jj) AA£ l*C t ^ <xliu ^*>AaÜ_ > k\>- L*)
^ O
^ lj <0 l,* -£ «^Lk.2 L< )A& -K-^aS^) ^é-KA^ L,/ -£ AiuA- l**— > ^ Lj
• uJ
j^sj'b ^cü) )ÂJt 5!) c^i^z (jlS" |j)j U <L»-lsJ) l< ji ÂxrlJ
uJ
^Jl^))j ^/wLti) a^~ ^ tJ^jjj lj i« ts^l^- . ^ ) “c^^j *) .
^w!) (J^U jU-< j»KÎ) )io (üijc )j) (JU LÜ'J <ûlî> (3j) ytj
^2»; CAxLc *j AÜ) ^ir ^cLi^l. (JLwjil) l^%1a2j Aîj ü)
Üiljj! Ij CA-OlC (_yu- (36) £A*2fv) (J^lisJ)^ ïbl yjSvj CALe. <x!te
^ O
L—T AwjJ J L*-£ JA^J ^ÜJ) t ^>X ^ 1 Çj A) Lie
*»i
i=^!) )ÂJt ^«J) £x«^- <_y CA^xæj jÿdj
jJ t/J
<)CÎ l*ÏLJj iS^Cj Aj Li->>j ^SiîK ^J*Jt)l t ^iL^ilê L * Le ^ AJt Lmj
U> U> X»
<— Jj£j Ax^rs- I £_< ^'Â!) rflai- U_>^a- )Âib (3‘) ^gL
^ <di) *!!)_, i^U* üiü Ux=J ^!) (30) JjAJ) (38) cüü
Cf uJ
il ^ t~ _Caj A il L Le ( C^!L ^Iaa!) b^jL^e ^A^-lj <XA^1 ) $^A/a*])
j«il«j.; )j ) Ait
C^xjJ UjlOj A-tilsj ^.;i
*Iua!)_j ^a!) ^ji Axa^!) il) ,jLwJ ü^ lÜ" Ui J
uJ
üa!)^!) Lc)j c^i’Ur* £ju»i)
le ^Laj ^ j f t ^JIaü] j£3 JlCL^J Le ^A^^» L^» AAwa! )
*» C ^ji y
JliJ) jle ^CLxAej tojAiv CJIa!U^- US^i LJaS)^ jlA£ ü) l^Ur:
h Kjr (i/Sij h U* ^jT J]^ h
i*j
t j*** Le | Uü ^e ^üLwli AijA!) | i ^^lüi) ^AA^lc^ ^*^S\i!
^Aiv!) XJi* ^jlc ^ ^c} ^ îa^i
u) l*J
<^S-ws.) ^iLw.!)^ Iaa * i__}L^j ^<c il) L< «xisj
CTa!)^ i ij \s ^^0. j«iL« i jü) i_i!lj CJ-i*)_j A^>-) 'j* lS^-
(33) ,, Personne n'ira jurer par Dieu et par son Prophète s'il s'agit d'une affaire qui n'a
pas plus de poids auprès de Dieu que l'aile d'un moustique”. Le mot ordinaire pour
o , {
„moustique” est ^*>1*-. P. 82. (34) <Xx»-^ est le plur. de &s-y P- 232. (35) Pour (jj)j.
of ^U)
Traduisez: , .Quelle idée doit il se former de vous”. (36) Pour ad A ..partout”. (37) ..Dans”.
< > C ^
(3“) Du malais ..village”, ,, quartier", ..faubourg". (39) Ampel, nom d’un quartier
de Sourabaya.
280
a! tüijz Le ^s>- ^-=>- (40)
i—Jj!) ,_ç^rj ^L^, i—î^L: t^o)^ (_ S'1"
N°. 14.
lûA^- sr ^Iawj <t a! Tj i\a^v^c l> iXA>^» ^ ^ix &11 ) ^ b <XÜ <Xe^\] )
U* *
<xa1x^ ^x<) i- (JL>- <xlî)
IaI/^j i c»Lô j ^ 4 * ^ <xU) <x^^.,^
i\s<J t ^ilso <xi!) Là» <Xaî Iâj l 5 £o ^ (
(3) d*^ (2) yM 0 L^if *^X'
«tin ^cU ) l_^j) * ùi^sj 1 ç?lwi) t- ' _£ j ) j^- <itL) <k1J) *v— aL*^s\J)
l*iL»S)j (J.SVC ksvllj
11°. 15.
i ji c>^ f i_5'^>« t-rJ'“^*" *AÜ iXa2a!)
# <S6 Jlll) i.A*2*-jy ^.Cji^J j^r'° , gi-C; ^LaLc |*ÜawJ) #^A^o) < çlLo <jdJ) <LeJUw
i . ^^w^a\L j^*~ ^ ^ 1 i 0 ^ dl JjS^c
uJ
^f»Aj) jJ^Ami iXî i ÇiXWt |*Xi j ^"tLc ^--L') Lej ^CjLt». j^.j^ yp"
^ y_ ^^sô eJ^ i_S“^" *Sj\s& ^5la»S) <Ui Uij )Ââ> Joj Aai-
( *) ^Lïil) L_J j£ ^c ^2SU )ji Luj ( ) ^«.&m*AJ (_J^) &‘\Z i j) H/" (2) £x^
wJ
)^lflÜJ *»J J»y_ I6_J Ll> ^ J*_J^)_J Le ^ UL?^
l*J
OL^e ^u)^=sJL (*y. (if0 eX'1’ (5) (J^-(3.J Le
&i /ï ^ |*^ k> *(fl) U^r ^ us® C^ ^yr6^
(-0) „Fâché”.
(*) P. 13. (*1 Du malais , .espèce de cotonnades". (3) Pour IjjLw.»-
(‘) Du hollandais Iloofd-Djalisa ,,l)jaksa en chef", titre du Djaksa ou Procureur du Uoi
indigène à Batavia et dans les autres chefs-lieux des Résidences. L'auteur de la lettre avait
été déclaré failli et avait été emprisonné en vertu de l'article 776 du Code de Commerce
(— art. 455 dit Code de Commerce français). (’) PourlftJ.il) ..mercredi”. V. n.21 de N°. 1.
(’) Du hollandais Weeskamcr „la Chambre des Tutelles et des Successions", chargée de plein droit
du syndicat. P. 141. (“) Plur. île jAài ..livre de commerce". P. 75ell40. (!) ..Ajourd'hui
il y a déjà trois mois et demi qu'ils s’occupent à chercher mes livres. Je n’en comprend
rien’’. P. 140. (6) 3 p. f. pl. du prétérit de ^Lw.
281
uJ y y
) <x1a <xj*^\AAw <xi!l L<^ ( 'l A
_ _ uJ G J
^ (,0) (') ÿji U#2o ^xL <xin C^l^GO
J "’
(n) tjy^-Lv!) 'k&-yc £**»->' J^jiL«wl c— a^a!) (J^^-ï) (mf^Ai.
O ^ ui
)^Lu ^LS" U)J ('■) ^.jlGo ,_5yL£) <L>U Jc*aïv< lej) tXs> yj) c_£!Â^
W (* ) ^ (u) *^*^) (n) ^5 lL^!«îj uS^1^-
y^>-^ <o (17) IjLLâj). (J *aj yv-xh Je*»-) C_£!À£* (Ifi) Ia^ac ^ ü)
• ^ wJ
il) #^^£w*^!) )j L< *o)^«cj) *ii Le ^
Lvsa< Le (2°) yJj (J-ûA.1 jjü) *(l)) t-SjLwJ )j ) J^~ ^ (13) Ü j-<
)±s> *^î l£ )Â.& jjil) *(J^") iL (JL*; il* (21) ijAw^e il* ü ^«L*5
llJ
^iL*J)j (*2) (JLsu u_» jsCü jLs^ (__î^Ia5)j ^Jokw
1°. 16.
aIî) x«Jw*u yiili yjil; ^ü) |»yC«J) j*^il) L-jlla*. J) *sjo-* <d! j.*i»!)
y 1 ^ '■ ‘ — -* ■ *\ *A;IS^* a!]) ,^* ^^e ^*-Ca1a |»L*!) * ^A-< )
t\5 ^5* l\Aam s — **- )* <VAÎ Le* ^La (JS\ ( ) ^ .^îLfl-Ljj j lVA; ^✓e
rüt, ^G!) £~u=»!) üy°j )<*>& uU* ^y&p-T ÀJu»- cJa!)
Ui ?
) ji jSU ^ ^.C LjuLii' ^Aïj ,jLi ^jZ £jl$jj Ajli ^*Ge Uu»Cj LliUj
oi s ^
^.il) 'JG ^J!Lu (ô-îlaj j*»G) Jw*2a!K y*s- ^1^“) (J^i LuJLc
(3) C ~\)zï JjJlS si», d/jljce) ^-ü)* ^LftJ ^«^!) ü^“ (2) CSj^Xk)
(’) , .Pourtant vous n’avez jamais eu d’autres livres que celui des ventes el des achats et celui
des lettres”. Le destinataire avait été l’associé de l’auteur, c’est pourquoi celui-ci lui demande des
informations au sujet des livres. (8) Jeu-de-mots ironique: „Est-ce que par hasard ils auraient
besoin des livres que Dieu a révélés à Scs prophètes’’. (9) i sLi VIII ..paraître". (10) L^JjC
n. a. lùjZ ..frotter", ..gratter”, ici au figuré ..faire des recherches”. (xl) P. 47. (12) Du
hollandais makelaar ..courtier”. (13) ,,Et il n’a pas abandonné la marchandise". (14) Du
O^C
malais j*3, „rusé". ..malin”. (13) P. 245. (16) „Je ne suis pas capable de fabriquer
après coup des livres de commerce, à moins que ce ne soit à l’aide d’annotations ou
d’autres données. P. 140. (”) ^J* VIII ..avoir une entrevue avec", se construit avec U_>.
Ci
(ls) P. 258. (19) Pluriel irrégulier de ,, Excepté une seule fois pendant la nuit, tout
va bien; c’est ici une série de divertissements". Il va sans dire que ceci est de l’ironie-
ç >
(10) Abréviation de (2I) P. 239. (l2) Proverbe -- „A bon entendeur demi mot".
(2) Singapour. (*) P. 241. (3) P. 90.
282
uJ «J Iw
^a!Iau 1 C AAajj <X2£\* *Û.) ^>1^ aO) ffcAjLscJ
7V^ (5) eT° ^ 'j^2^ JSM (4) ^ i—ys!) ^Uà-)
(') ^jIâ* (J^j (') jj) ^CJisjj LkjUj ^ju^! I ^«U! ) jj
uJ o ✓
(8) ***“ &i kJ6 l * ‘ — -^>-> ^-Sw ) L ** _^.^\->
C-W) (n) l— >Ufll <xü) ÿj ^ ^ tjoj jüu^âgil)
( ) S*^\< ^Jlxft3)j t^Jx^ ^CaIc
^CAîLfcJ 2!^^3 IâAaw
1°. lï.
UiXaaw t ^Lc <di) <xli \ <dJ)
^ *C*!l ^ ) t Ci^Am/j, t C iXAa/v IaÎ lr2S.r^ü ^.L) * ^.a«u» <XA^£U£j & ^
*^x«ol <dJÏ ^jili ^
iXv^Lc* ^A>- L<^J S i^*3 1&A>*» ^ cXAJ CL^ c\*2 *<Xjl5^J^ <xli)
^vi*. lL^!^ <xJJ) LkiUj <j«^c jSh ^ 1$a!) [ilycj ô^j
o
L-Sjlyc) Sxz {j^O C^x^i) ^CAîlcj *—
(') j.< is^ï ij^j 'j^A: ^jsôj ^uiltü ybj l. -aks cUls sla-
^!) Æs-ybj ^ol^J) Â~-Jj lij y;J *CA!ü £AX> (Jl>-
l*J
J) >-o|^C ! (Jwj ÿ _j S^yUltM Uo )y^;
^ iaJ
(2) J jAa^c (_Jmû^- ^<_J i_ÇJ^Uu lij J*-Cî^l:
ui uJ
U (i^'' V:\sJjM e_>)jS\!l <dJ) aiitj Ub^JwiS CJ-Sij
^ wM uJ
<dl!j CS-À-Uj 'jULJO ^^.ï jlcj ü_j ^_oU ï) üj
oJ t t ^ .
Iaj tX^w L. 3 JlT jè^-1 ^ (JIa»< t ^3 ^1. >
♦ uJ
lÂ^ y;|^ ^ iXÂr
1*1 *
çSd\j*. ^ )_j (jj )« (4) (jmJ>£j.\ Ss is^jlàÀwj y» A»-'
^ O ^
(*) „0r". (5) l*. 13. (6) 1’. 34. (7) Plur. de <JCsA^ô^o „digue”, „vannc". (8) Dialecte
de Terim pour iX«æ-). (“) „Et mon Dieu"! il n'y a pas encore de lettre de vous".
(10) Pour y/î}£ ^ji- P- 40.
(*) P. 68. (7) ,, Faites-moi savoir le plutôt possible ce que vous voulez et le montant de
la somme que vous avez reçue”. (3) P. ‘256. (') Du hollandais rekcsl ..requête".
%
283
o jj
^jLC^e i c) ^■>_ ^ ^w.l^\.' l-Ü
u )
^o csiyz jjii’ *t_fAA^ Ui ly^c (j*>i^o U)
L_J>^lxcl SXXZj ^!Lw t— iAXC ^jAwa>^ ( ) ^jC^Z Sa^\sq
hXo^>) *. * ^ ^*XaIc ( \z ^lAa^vJ^
ij2a'j l2^asv!) *l^jyLuj' ^ S: ^S Sxz CJlLj.i' ^Â!) ^o I lj»! ) i ijo
-*JU»S) t ijZ ijscj ^0)^5». ^rso ('’) ^US ’i) ^jZ Ài-jib Le
kxs l&j jX^x <dLt£j yt
lit
M°. 18.
IU V UJ >
^x<risv*J) ^x<yC^!) <xl»-JI) i— jUs». ^1) *<xJL£ ^z <xü
Jyu ^aIc^ ^15) <^f. ^ v_s^" ( )
r ^ a' ^ £as\zj jX~>~ <Xj L^jwj < Sxj tiT'0 *" ,S'. z #^^LwJ)
uJ w
| ,Jx U) ^*»Cx<i $li^À2£Oj ^JLw J iXA^lsJ ^Aj)j
^Sij ^XSjb (3) ‘ Â1U- (2) ^jUiÛc ^!) ji
uJ UJ O bfcl
L^s\^ l> CJ-! «X^JUw <xj| (Jybj (°) ^jljuJ) I — î^ls sU^Asùj (4) (J.OL
• *»J
bblxLw^) (_s*Â!) ^ol^su) t J CS J çlX> ^ylc Si A;) jS-jtWj Ss*s>-)
wJ J , ijy
&1S) *11) ^ jI^^c ( ) i ç\ U!^ ^>ûx? t çï
. >» ?
i>i lL^SJ *(J^ t\5)j ^o)^J) ^il;
Ui^L ^tXXwj |ijb *(7) (JvXoi) )&& ^3 &X6JJ )jLhj)
(,0) U°j\ (9) J^iûi: h\ ij» 0J C^.f^ C)
^iL».l)j ^CXîLa^ ^ukIaDj ^AwA> j S3 j&A3
m°. ±9.
uJ
llî ^ ^jic (*!/^^ ^ * iSz^, tti* i3»^.s\!)
^.CxLc ^1L**!I * t ^ ^*-*N aIS) j*Àzÿ s^>^~
(s) V. n. 10 de la lettre précédente. (6) = ^ ^ J'-
(J) T. 40 et s. (“) Ampanan, dans 1 île de Lornbok. (’) Bouléleng, dans l’île de Bali.
'(') Badoung, dans la même île. (5) Du malais èju ,,111”. P. 235. (6) „La Grâce du
Créateur”, nom d’un vaisseau. (’) Du hollandais mail „malle”. (“) P. 258. (3) V. n. 37
et 38 de N°. 13. (10) Quelquefois on dit poui- ^jlsvi). P. 247.
284
o-j*'! ' * ^ j tiT® * — tT"
* <xi IS' ^ aL'I
lU-JU ^0 ^Âfi Uiljj Xjiilsai Uc ^jJL, J)^
^■^~>~ ^Lcj &AJ li-^lkîï) i\A£ (2) 8jOîw!)
ui
t»— — -~2SU Lo | ^Lc sXsO skiO \
C,yy
(_y j'j j^- ^_5^ |ȕ/y\? jm^ ^ '-^>j
U»
Axli: t^2A.^ Uajj v^ouJ) (3) eAkj^
â*\2£\*Gj <fc! 1»cXAaw ^ _^1>£ <XÜ) ^ a sLo! ^ ^)wûj|
1 uJ
( ) (jj ^ ^.< |»^Ji\l ^.Cv*i.' ! ^ Lî^. |*5L*ii!j ^*^L«wl
iio»)j i*s3
i \°. 20.
c- ) # i+ÏhJJ AA' /W « *lT, lS^^>Vc ÜlXAaU t *1!) ^ ^sC . ÎSi\>^* Al! lX,$^>L I
• *’ ) <J*ôlÀJ) jjyG) ^-5^!! ^sSxm e_>U*-
a!:\ ^OXz 1 . p ' tX. — ' » ^A-<) | çjl&O Al!) A^Iau ^)Ü
J^~ (j^J ( ) ^iXÂj ^SMJj~^< vS*
5!)
->j&s£ *tïi\£j}*
> Axilc,
^»VJ | lx« ^CjlÀ^- ^ y ) ^J^Awg iXî i CiX-Vw f ) V__>Liû) Ly^-^1 ^ * <VAJ VCj
«*)
^■C Ir^LvSO ) ^yc Àjl^Jj Ajlc |*..CÀyC Lu^U^j l— J^yA- ^-Ciyo l)^V, |*^_}
U *i— .>110) Ji ^ ^.Gu (3) livixil ijzù J^) £xij ^y^lï
<ol\JlA* ^ ) lajJuwj I^jAAwjJ tij ^X.'l ^ujIaÜIj i ÇiXXtM |i*-GyC )iX3>
Xcl-J ^..GUn ljuij il/^j 0 ^5Ls» (^iXuu (J.aL* lXjIj ^
_^ai) Jlï U
Le )ii>3>
<J*
j[b
U"
uJ f
.01)
tHkj j£. j ^yl
j*Li~>- ^iLuiK ^j^^-j.) Sxz ^-GLc jtXiMJt ^Ca
(’) Chéribon. (2) V. n. 3 de N°. 8. (3) „Puissc-t-il arriver que nous célébrions cetle
fête une autre fois dans la patrie”. (“) ..Félicitation". Celui qui vient féliciter quelqu'un
le jour de la fête, s'appelle iXolc, et la félicitation ordinaire consiste dans les mots
^ ^jsc „Je suis de ceux qui viennent vous féliciter". Souvent on ajoute I.
(*) Soumenep, dans l'ile de Madoura. On peut également dire L . ^ j . vii
et (jujjs^l) L_yGoc^u C) 11 s'entend que Ia.O ) est ici le sujet de
(J) t. s.sJù VIII ..être mécontent". ( 1 ) ..Huilc", mais ici: „ philtre". „Le philtre de
Ponlianak semble devenir un peu plus fort", c'est-à-dire: „il parait que vous commence/,
à aimer un peu plus la femme que vous ave/ à. Ponlianak". P. 186. (5) ,,I1 (c'est-à-dire
le philtre) fait que vous m'oublie/". *
285
N®. SI.
^ tXj ^ liiXV>* *i <XÜ) t <XÜ
^jjJiS) i y) diül <xlâÂ-»- ^ (jïi (') J=»^ »*— >Ua.
il
——^j lVw * <Xj ^ y^xlx ■X'^A^cl O 'O J »
lXî * XX3 L^* jX^>-
JO
C) u^. j
^ (2)
j^)
*4?-
u*
yCuilsj yuüU
ÿ* !Âa Jxï
loi»-
JUilj
)ô L_^jlsac (
^c 1 Xxj^\c i^aib y^AiviU L_>UÜ)
v_5*^5)
t js* y
lX^^V^C
(*)
oyy
r°
CU'Ju
^.Xjb
fm j h
u r '
^ r
Scûc
cJ^
^ J
i a!^
ÏS.2*-)}
J^ y c_iU-_j
u5^ CL^LxaH t ^Lc ( j ( J j^Sl>±kA} làL^l^-ü j
i>j > >
cXx>.^\^c I j^y
Ç- £j S
«J
)^.$Juuw\j <£x>llx!) ^Lc cXx^) t j) ^-j ( )
L>-j <xaam yit-z lü) t çj %j>Ji*q\) ^^*uxxl) æaâjj • ^-c ( ) )
^ y ‘■^'^ ^ ^ S ^2-Xjki^^ J*** ^ j-*C
(12) Sj^sJÎ (U) ^îÿH làcXsyS (10) ^ SjAâ*? c^Âxl)
uJ
jj^ju ^ i^Lij ju j*j ^
o >
Lii^o &cj ùi ^j^c ( ) k^j>* ^Cfc^o <xiï ^yoilc
^AAaaj [ y cX>-}j^ ^XXaw ^^jXJo ^ ) ^J^XC &\
£sç ^^%ÀAjî \uï jS\j*ij Ulibï L-— Î^awJ lj (jyA^C t^gH ^X**olj l&)) IaI Lîj
ul
JaSj LJj Lü)y L^li ^J^ib ^9 C^Âii^ j^JUjjUte 1Ü*Oj=-
i>J lJ
Àijj (J^j ^X*i t ï ^_j ij ^
c>
(*) Pris ici dans le sens de , .jeune ami”. P. 254. (J) Du malais „est”. (3) L'île
de Banda, f4) P. 40. (5) V. n. 3 de N°. 15. (6) Du hollandais voogd',, tuteur". (’) P. 235.
(8) „L’Inde anglaise". La phrase présente une ellipse: „il écrivit à son frère qui se
trouvait dans l'Inde anglaise, de venir". (9) C'est-à-dire l'héritage de leurs femmes, lequel
avait été administré par la Chambre des Tutelles et des Successions pendant la minorité
de celles-ci. (10) , .Réellement". ('*) ..Mariage”. (12) Proverbe: ,,’Alî a roulé la pierre”,
c'est-à-dire: „il a trompé les gens”. (13) Ambon ou Amboine. (14j P. 96.
28G
C^Ju^ (’7) )p Jb) rir\ A), ('“) Jjui (,5) ^Uirt k. ^x*z
'A«lc 5i_j ï. yjtiJU ^S) Ç^j) ^.juuj
U/X^ J) <kâ*mJ) sÂa> ^a ^ l> ^iUw
ji*** ) ^ c3 }!}
|>J 9
iXxc éuaoJ) s Â~j j^z
UUj j*z ij) (*^-_* <*lai ^î ^Uw ^glr ^Jx ^«jwjuJI
G ^ *"
st*ls <d^ liijb. (1!t) ^w-i) £lx*a l_glc la tXirî ^JLu ^ ^L. ÏJV
(J^ d^i Æa!) Û\« étlî l> ^ IjSLoæ»- ^_j 1$a«jJ IjAa*!^. ï lz!L«
S^y^iVéSt sÀ&j jAZ êdlï Sxz ^JUjUiI
^ À5 ijJf. ^ Ig yà \^ld) i+S. J 1*03 ^AC Aa^w^c
. , 2j ^ ex
jy^< _j* Uxlc Js>- ïj Uoi^j
S ^ # # > J
^ÿ'IJ |*X1< ,«J' <dl) ^ liJi^c. CS'''-à> *tesù) L_^Ji" ajIj
JC«iljil) ( y 1 iXXmjJ ! ïOl«j! )ii>ï J ^ j ^
^jlû jSsjz. yt>j XfsJI sÂfc ^Î )Âiî ^gj ^iJuJ)
(J)L*< çL<2jI im^o^c ïjjdis) *("') 'JkSV. ^ ^ .'Jus!)
l^«.lra,**w. tiJj z Saï *£> ï»3) ^sJ! , y? u—
•j)
^ ét ^ S jJ^Z. t J * ^ ^ f ^ ^ i\>- t lj la X^^>-a
(25) aaî JIJmj Üj|^c SybUi jülIa^S^
^jÏaSIj <—* Üvïjj^o Læj)j t c^'
oJ
&zzxzs*c ■Ç-J^. <*Sy^ ïl^ ^ 0^-U (J Jisü. ix> y~l)
» jjï (i^=>-t d^ ("u) ^üs J Ljuji" U
C ^
iî^c ÏJA; Le (2/) il) lijvÀc ^cliil)j ^*JLw.juJ) Jo ï
(15) C'est ainsi que les Arabes appellent ordinairement le premier ecclésiastique indigène
d'une Résidence, à cause de sa juridiction relativement aux mariages et aux successions.
(*•) J>ic IV ..conclure un mariage”, ..marier”, ..faire épouser”. (17) Jü 11 ..faire",
..construire”, ..fonder" ; V ..être fait, construit, fondé”, etc. (,8) ,,El quant à lui”.
C
(l9) Proverbe: ..C'est teindre dans l'obscurité”, pour ..C'est une intrigue". ^y*,J
signifie un ..recoin obscur dans une maison". (lu) Nom de femme. (,l) P. 45. L'auteur
de la lettre se trompe, en croyant que ceci est une prescription de la loi musulmane.
(“) „Une consultation rédigée en forme de demande et réponse". (ï3) P. 32. (’“) P. 164.
(î5) ..Signature". (JG) „Et si vous ajoutez encore une transcription du malais en caractères
latins”. (27j ,, Stupide”, „ ignorant".
287
^ U» )5) 51) (28) ^ ri^J) jhXwU 51^ ÜOi) rU^I ^
oJ Ul X O/ J
<£ü3^* * jüwMjuCki) ^ <XÎLs^O«,) ) tp*û£ J ( ) ^àjSL-c
^ rCil^ jl^ rGy: ^ *M ^ *(30) Jlftïï)
wi
(Wiû! Liâ- <xi L_^iGb lii’j Usu <ÜJ) ^ ,jUj^
U ) Ài> * ^G yj. ÜG^iJ ^U). y/* XsjSt^c <ÛjUj Uulo C^Lfi U
^5LwJ)j ^G AJ &&3j ^ y
N°. 33.
^51* ^ yjili ^.5!) yyX) ^jX^t) i*J'j&) <-_>lx»- #SiX»-j <xl! J^s\i)
^y)y*j j&JJ ^yc ^IL^jS^C #^li!) ^iL*)) ^y<J XkIc. ^jX-c) , <xlj)
1 ^‘i0\ )(\^ . a^n.^I v! \ « iXAjU<j ^Ga! i^j^j ^#G) L^>-y t- ■ ^ j ixLoj lV><j
tfj^».) ^*Ju>* j l_/«^j lasJ) l.iJfc l)^2*" ^»Gl< ^} il!)
liu lydls. (*) ^^aAa!) lili-J ^j) ^-**-) (') ^Ij^iJuJ)
^Jyc» ^cxs )^a15c. ^wlxi) t -J <Cc5Lfti)j lv^l*w t\j IâLî ^l> y**y^
**t f 9
>_f Âl) (5) ^jyyCJy), ( ‘) y<yX\ ( ') çjjlàÂ^Jy) ÜjUS) L_^=»^c ^Ic
)
^g3^o lJ j&z- ^t]cj j>+/ t— b )«\& * Lvxlc t C».s*-
N°. 23.
^ Jjlî jj^ï |*j£*S) 4- ^J) *<)dL£i <XÜ iX^v!)
^ j ) ^ <0 IS^jJ ^ jdi) t <xll) XéJ.A*|
?
^»AAÎ^ jSSà jd) js^tG t_^l^
ÛJ VA>
G b ^Xs IÂj^jIJ ^ÜL«>2; ^yo &s\£ ^Cj lie |*J!l«j ^.Gli». y yZ ^
(îs) ..Jamais il n’auva des notions précises sur le droit’’. (M) ..Explication”, ..interprétation”.
(3U) P. 65. ,,La fiancée est déjà sur la natte”, c’est-à-dire „le mariage sera bientôt célébré’’.
C'est une des cérémonies du mariage en Hadhramout que la fiancée s’assied sur une natte
pour recevoir les félicitations de ses parentes et de ses amies. Le mot (non
est seulement employé pour ..francée”: ..fiancé” est yj5o. P. 246.
O ^
(*) Du malais ^j^lsvi •’ pour ^a-lî ,,1’impôt sur les métiers”. (2) Du
hollandais yus „passe-port". Ordinairement on refuse aux Arabes et aux Chinois un passe-port
à moins qu’ils ne produisent une quittance constatant le payement de l’impôt du par eux.
(3) P. 243. C"). Du hollandais nommer ..numéro”. (3) <^À-k, II ..faire disparaître”, ..décharger”.
288
IM
cW (!) Uli»J <. — ijc ^.1 Ij (J.-ai *JU J'®*
«— >XL ^ ç,y=-j*l\ Î^O* ^L: (2) (Jju^ ^ ^©iwAJ
"* g
<xxo* ^ l ^ ** t ç 1 aIIac ^.j \j^~
^iwAji) I— jJÔ>- CS^c AÏ Jl»D )Âi ^g9 JO ÿj
crf/***** ^ lUasJ (5) ^ ^lê _,) f# ÿLJ (4) r*U J>
C »J w ✓ j C x /*
i_2A5yAJ IaaG>~<j iXXC < ^ I d^.-Cj <i">» | g<) LlSi^c ^Jt^JkiLoU LvA*J«
IxOlc j*jï ^a-^" Cl^o^-ii>- ^jî JIaz C^>a=»1) *(ü)
DJ ^»^£sub ,j\ ^ü«*Ax!t ^Aiso d/ijjj ^!f ^^xâAa!)
**i 7, « > WJ
^jXâ^u) ^y ( ) ^dôsdS {j^.yj J^cXib ï]j
L«^Üq^o LJ^C V»t &\*Oj. ) ^■■✓v^^o
ïjâ iî)yS) lia** ^yiua!) ^Jw-va!)
y** libj I * ^ <amm0^^yK t J^J
G y» -'•G U#
^ ^y tJ y*£ t bÜ ) ày££.*K y t ^jAAÎ Lcj lÂj ijl-ft^C
(10) Jiü ,_y (9) fb!) UUil-J (8) ^ iàjLd) £ï,jSîj sjJlc
ua J G
LijsH C-£! Uuj <id!) ^ ^oa^aa!) l^laâsu
G y G y
i ^ ~V": ^ J L< ( j cj|^ txjj*<)m
^jijS Lm^c c^yvlk»! S^jlx<
i\«. 34.
» >U~^ ^gl) *1877 jX^xLm 5 ij*
)lkî& yjl Ç Uo l_ClUw *^X<) <Xi3 \ X«Jy*l (^J^î
U) ' f 1 / •
I A>& ^ t\^ j C ^ t ^ ) l X< ) fcV^ ^ ( ) ^
C y O ^ ^ c
(JaÜ! )Âï g)^^; yjl (2) ijXs\AJ Uâs- ÜJ^ai '^-^)
(’) Du hollandais prolest „prolêt”. (2) L'Agenl de la Chambre des Tutelles et des
Successions de Samarang à Tegal. (J) P. 214. (*) P. 246. (5) „Ou bien si les enfants
resteront sous la puissance des membres de la Chambre des Tutelles et des Successions".
(6) ..Frais". La Chambre prélève une redevance proportionnelle des capitaux dont elle
a l'administration. (’) Du hollandais generaal ..général" ; ici: le Gouverneur-Général.
C/
(“) P. 251. (9) „II y a une année". (,0) ..Ecrit par”. (") Du malais cÿ ..clair".
..évident", mais employé ici pour ..preuve", ..pièce justificative”.
(*) ..C'est ce que je n'avais pas pensé de vous". (*) „A l'amiable".
289
^ps\j # j\s>- <xül 1-uJsC LlS-f^y^-y l f lXÀc Le (_)wj^>
G ) vJ f
CSïjàj '^SsjZ lÂa c^ô)j C_A=-IjôU i__sLo jlc Uo^J Le
<xü) <xü) tJJiùz U )sa> UJai- ^J.c t_Juu Jl=» oo)_j
LÜ-JU v >' ^=>- liiXoï * (") |*^i«**ï 1b laibl tijfcj k__>y.b^c
s.
L— ï ( ) JCc^Lwj IajJx
L*_£.JL<o ( ) iXj2^*-
N°. *5 (>).
✓ ) ^ c J
j£ J ^e L_^Jki=) ^Lw laÂ! Le i ^ 1 cJ^
y ^
^yO &>£j ïj^[c JükSOj 1 tâj ^yO V_>^
^jli>^) C^A/£> ^yC ; ^\3^à!) ^yc ç£Xz)j «X^cLl^)
l—i ?lAj>- ^ y}jd\ L— ) '$y&2*- ^wIankkÎ) ^y^^J
|t)i3 ^ jXi ^3 ( )
\JÏ ^ s 1 i) J
^CL^*^o ^ Lo) t— l£ ^»-
l»J
.Jk^ai) ^ jJuJ) |»iXcj LL*J 3ÜLs U! <Jmû»- ^.0. ^æsJU
». vÂxw. t y I iXÎ ^e . , o i.*o.
,j! ^Cyâsù i^l^l) ^Lc \^^cjLi Lb^M j f*
^Lc jlr )<ili j*£l»-e ^gl) |*.XLc) 1 j^gSy*!) * bi
^ r; ^ r! ^
X<iLwi) LJ^Ska« ^Uu f j ) ^»J^îlwj i^J ^Xj) iXAa**!)
4 -N-*I ( ^ir. I Q^iL-^\'îU L I Cjt ^lx) Ij! j* ^ (iT^
Lgc ^ 1 1 js>- ^ ) àjb ^ ^ ti/^ ) j
j£sÀz _j! i>b jM ^ U|) ^ioLjcïO LkiU ïj* yS^ÿ (Jj y^c ^ y
0i_p>^,l«*ï y;) i^Xjlls. ^e G_>jik«JU f>J> Uj J y
^ S% *t * £1 A! (^*b^ ^A,'b Ij^sysiJ kJCCÛÏ^ôsil*
(3) P. 246. „Cette lettre n’est pas affranchie”. ("■) „Vous pouvez mettre le port en
ligne de compte”. (s) Variante ironique de l’expression IcjJ) t, ^UU \, n. 22 de N°. 1.
(‘) La lettre qui va suivre m’a été adressée par un Sayyid de Sourabaya. Je ne la donne
point comme un spécimen de l’idiome du Hadhramout, mais pour servir d’illustration à ce
que je viens de dire à la page 232 au sujet du style épistolaire affecté. (2) Du hollandais
m eester ,, maître”, titre qu’on donne en Hollande à ceux qui sont docteurs en droit.
19
290
l * t jJx Aj ^ t cVXwjJ)
Ic/aSÏ ïj*œï jf^, (4) <xil^ej (3) ^ac (JjJj l^jki syuus iuL:
^ y<>^ 0^5 y^&&) ^ lîulc ^} C-£!^ Îji-^ÂS’
& , .mo ü , .^- 1* L? <l< fcX>- • ^ tCs*- l ** * ^ x 0 *L^>~ ^ t ç? L>
i*j
^■2t^ lx< ^.C ^Jb 1 JL*cj£*^) l ** — ^Ju Lce^Xs*» )
y*u **b iXXm>J ) cj ^^wkvl ^
ij* l^n^UûS) ^
<Ü!) <ûc
^s 27 ffl )f~
1885 xi*u
(3) Employé ici, comme dans l'arabe littéraire, dans le sens de .parfum" en général, el
non dans le sens spécial de „essence de roses”. P. 102. (*) Espèce d’encens.
CORRECTIONS.
PaSe >• 5 d’en bas, ajoutez: Par suite de la nature de la lithographie il y a,
dans quelques exemplaires de la carte, des signes
diacritiques qui sont devenus imperceptibles ou
même qui ont été effacés. Le lecteur est donc
averti de s’en tenir pour l’orthographe des noms
géographiques à la manière dont ceux-ci se
trouvent écrits dans le corps de l’ouvrage.
13,
1.
5 et 8
» au
lieu
de: al-Qasm lisez:
Qasrn
24,
1.
10
B
» ajoutez
A demi chemin entre Sidbah et Ghourb
village d’al-Bâtinah
28,
1.
1
»
» au
lieu de: aç-Çowaigharah lisez: aç-Çowaighirah
29,
1.
I
*
> ajoutez :
La vallée entre
Huçn bin Thavvbàn et le
de Huro s’appelle la vallée d'an-Ni’r
31,
1.
6
haut, au
lieu
de: ’Uthmân lisez: ’Uthmàn
33,
1.
7
B
» a
»
» Yahjà
Yahyâ
35,
1.
4
»
a a
a
» de Nahd
des Nahd
37,
1.
4
B
bas, »
a
...
»
41,
1.
7
a
» ’lnat
’lnàt
49,
1.
11
■ ’Uthmân
’Uthmân
52,
1.
13
haut, >
■ Tàhir •
Tàhir ou bin Tàhir
54,
1.
1
■ *
■ de Aswad
d’Aswad
56,
1.
18
B
. ,
ath-'£hobayyi »
ath-Thobayyi
57,
1.
13
»
• ■
B
» d’al-Hazàzah »
de Hazâzah.
65,
1.
1
X
bas, »
» monaitharah »
monaithirah
98,
1.
14
a
haut, •
• qals »
qals ou qils, et ajoutez
dernier est même le plus usité.
Les deux mots sont encore
connus dans le sens de „corde
servant à attacher un animal’’
292
Page 108 Au lieu de Benkoelen, il faut lire Benkoulen, tandis que les chiffres 294 et
2746 donnés pour les totaux de la population arabe de la Côte orientale de
Sumatra et d’Atjeh doivent être changés en 295 et 2848. D'un rapport reçu
après coup il résulte encore que la colonie arabe à Bouloungan (V. n. 4) ne
compte à l’heure qu’il est que 15 âmes.
• 135, 1. 2 d’en bas, au lieu de: al-Habchî lisez: al-Habchi
» 152, 1. 14 » haut, » > » Anjar lisez: Anyar
• 165, 1. 14 • * > * * Zahr » az-Zahr
l>J > O ✓
• 241, 1. 15 • bas, ajoutez: Ce n’est que dans quelques formules comme éd!
etc., qu’on prononce les désinences grammaticales
même dans la conversation.
•AW«/ À! Qu.
KAam/JaA
iftOwaA
Ç, 9tW
al'- tViefiafi
niât AJ AS J ai J
Okefil
HADHRAMOUT
' ftahmnb
MERIOIEN
VUE DANS LA VILLE D ’ A L - GH 0 R F A H (p 6 5 e t 71 )
HADHRAMOUT,(p 62 et s.)
PI IV
RESERVOIR ET MOSQUEE EN HADHRAMOUT (p: 76 et 83 )
\
* \
/
PI V
COSTUMES D’HOMMES EN H A D H R A M O U T . l p 98 et s.)
COSTUMES DE FEMMES EN HADHR'AMOüT (p IOO e t s )
'
AMu-,
I
'A lui Al IA li Azlmr.
Wakhls.
Modnkir.
A lui Ail, Ml.
Khnmns.
Mobirok
’Abil AIIAli.
IJasan oil-iltn.
Djamal.
Ahmad.
‘ I
Abd AllAli.
’AbhAs.
I
Abd AIIAb.
Khonramès.
ni ar-Itahmnii nommé eu javanais Arm Tédjo,
Gouverneur de Toubnn.
Tédjo Lnkou, Gonvomeur de Modjopnhit.
I
l.einbou Souri), Gouvorneur de Sotirabnvn.
I
Ario Netnbé.
Mohammad al-Baqir.
Dja'fnr aç-ÇAdiq.
Hadjr.
MoÙsA.
Mosarrir.
Alioiad.
; i
Mohammad WAbid.
Asllab.
ARBRE GÉNÉALOGIQUE DES ARABES QUI ONT INTRODUIT L’ISLAMISME DANS L’ELE DE JAVA (p. 195) (').
ABD AL-MOTTALIB.
nl-Hosnin.
;i
Ali Znin al-'Abidîn de Médine.
AVâlid Zain al-'Àlim.
Wilid Zain al-'Âlim de la Mecque.
'Omar Zain al-Hosain.
Zaid Zain al-Kabîr de Médine.
Nadjm ad-din al-Kabir.
I
Nadjm ad-din al-KobrA.
I
SaraA'oun.
Hasao.
'Abd AllAh de Baghdâd.
i
'Abd ar-RahmAn.
Ario Tédjo Kousoiimo, Gouverneur de Toubnn. al-GhAibi. Hosain.
Tonnienggoung Wilo Tikln. Gouverneur de Japnra. Le Sousouhounnn de Pnkounn. Le Sousoubounan de Ngoudoung. Le Sousoubounnn deGese
Le Soiisoiibounan de Koudou».
27.
Mohammad al-Kabir.
Mohammad Zain al-Kabir.
Ali Zain al-Kobrâ.
Modakir Znin al-Kobrâ.
WAhid al-KobrA.
’Âbid al-KobrA.
Ahmad PJontnAdA 1-Kobrà.
Makhdoura Djali, prince de BnnUim.
Le Sousoubounan Pakula Nangka de Dantai
Mahmoud al-Kabir.
HamdAn al-KobrA.
I
Djn'far aç-ÇMiq.
Maiik.
IbrAbim surnommé i
Mahmoud al-KobrA.
I
. DjoumàdA 1-Kabir.
Almii Ali Ibrahim Asn
Abou Ahmad IsliAq de Malnccn.
javanais, 'Ali, surnommé en javanais le
usouliounan d'Ampel.
le Sousouhounnn du Pouger.
Rodjo Pendilo de Gris1
Hâdjdji '(JlhniAit.
Lu Sousoubounan de llonang. Le Sousoubounan de Drndjat.
Le Sousoubounnn de Kalinjamal.
Ahmad al-Kobrà de Médine.
I
Nour ad-din Ali. Ya'qoub. nommé en javanais
Soulomo Rodjo.
Chihâb ad-din. Ibrahim , surnomme en javanais le
Sousoubounan de Gounoung Rjnli(').
I
Le Kiahi Agong de l.ouromig Teugab. Basait nil-diu, surnommé en javanais
Pangérnu Sabakinkmg (').
Tonsknra, Imim du Yémeo
Ibrfllum AsfnrAni.
Abou Bakr Asfnrlm.
I
Mohammad AsfhrAni.
Abd nl-Mnlik As fardai.
1 ad-din.
Djomàdé l-Kobrt.
Makbdoum Kobra.
I-
Abou Sallàm DjoumAd. surnommé eu javanais
le Sonsouhounan d'Aias Anein.
Le Sousouhounnn de •
! en javanais le Wali Lnnnng
üalomlinngaii.
iri. Mobammnil Mania nl-IsUm.
Le Sousoubounan de Ttralmjnt.
ié en javanais le
Wall AllAh.
(') Lui noms qui sont mniiifeslomcnl arabes, ont été transcrits selon le système que j'ai adopté dans mon ouvrage. Ceux qui me paraissaient incertains, ont été écrits comme je les ai trouvés dans le manuscrit javanais.
i‘| D'après l'arbre généalogique dans la possession de ses descendants, les Sultans médiatisés de Cliéribon. le Sonsouhounan Gounouug Djali serait le llls du Sultan Hottl, fils du Raton des Bani Israël, fils du Cliaikh DjoumàdA 1-KobrA, fils du Cliaikh Mahmoud
iil-Kaliir. fil» du Cliaikh Zain nl-Kabir, fils de 'AU Znin al-'Âbidiu. Je n'ai pas besoin de démontrer que cette généalogie est historiquement des plus impossibles.
(') Selon le manuscrit il serait le llls du Sotisouliounnn Pakala Nangka de Bnnlnm, mais celte descendance est en contradiction avec la commuais opinio des Javanais, constatée par des Européens depuis plus de Jeux siècles.
>
DS632 .A6B4
Le Hadhramout et les colonies arabes
Princeton Theological Semmary-Speer Library
1 1012 00002 1107